L'homme né de la guerre : $b témoignage d'un converti (Yser-Artois, 1915)
CHAPITRE V
L’ami de mon ami : Lieutenant de vaisseau Dupouey. Une offensive en vue. Les fusiliers-marins sont là. 28 janvier, attaque de la Grande Dune. Dans un grenier-observatoire : le paysage, le concert. Apparition de Dupouey. Son portrait, ses mots. Notre promenade. Ses « Jean le Gouin ». L’assaut.
Mon ami André G… m’avait dit avant mon départ : « Puisque tu vas sur le front de Belgique, tâche donc de trouver Dupouey. Il a quitté Cattaro pour Dixmude. Lis plutôt. » La carte postale, d’un tour héroïque, me parut émouvante, même à voir. A tout hasard, je pris l’adresse : Lieutenant de vaisseau Pierre Dupouey, 1er régiment de marins, 3e bataillon, 12e compagnie[10]. Qui était Dupouey ? Je savais de lui peu de chose. Qu’il avait recherché André après la lecture d’un de ses livres. Qu’ils s’étaient liés d’amitié. Qu’il aimait ce que nous aimions, les pays lointains, le désert, la poésie et l’aventure. Qu’il me plairait. Mais jamais le hasard ne l’avait placé sur ma route ; jamais, même par lettre, nous n’avions échangé un mot. Il avait lu quelques-uns de mes vers, et, ami d’un très cher ami, j’aurais été heureux de le connaître. L’occasion avait tardé dix ans. Avait-il fallu cette guerre pour qu’à la fin elle se présentât ! — Mais non ! les fusiliers-marins ne se trouvaient pas à Nieuport.
[10] Ce récit était achevé quand je pus lire la préface écrite par André G… pour la correspondance de Dupouey ; il y a fait entrer de longs extraits des lettres que je lui adressais du front à la suite de mes rencontres avec son ami. Les mêmes faits y sont narrés, mais tout chauds et d’enthousiasme. Les deux versions, qui concordent, ne feront cependant pas double emploi.
Vers la mi-janvier on commença à parler d’une attaque. En novembre on avait manqué la première, et nos territoriaux, lancés bravement sur Westende, s’étaient fait hacher et noyer, l’ennemi les ayant rejetés jusqu’à l’Yser. En décembre, nos alpins, reprenant l’opération, avec des objectifs moins lointains et moins vastes, nettoyaient proprement la rive droite du canal et enlevaient une partie de la « Grande Dune », position dominante dont les Boches, hélas ! surent conserver les contre-pentes et le sommet. Depuis lors on démolissait à coups de 75 les ouvrages précaires que la patience inlassable de l’ennemi édifiait dans une matière friable. Quand on avait bien travaillé tout le long du jour — je vois dans son grenier le commandant Doigneau, l’œil sans cesse fixé à la lunette de marine — on s’apercevait au matin que les boucliers de métal, les sacs à terre, les créneaux qu’on avait fait danser la veille, se retrouvaient en place, intacts — et, que voulez-vous ? on recommençait. Le général de M… décida d’en finir ; on avalerait le morceau ; s’il n’était pas trop dur, on pousserait plus loin. Qui sait ? On irait peut-être à Ostende. Ostende, port visible de nos espoirs, dont la jetée, la digue et la masse cubique se profilaient sur l’horizon. L’attaque serait menée par le régiment mixte de tirailleurs et de zouaves sur la plage, sur le polder et sur la dune. Dans l’émotion de la nouvelle, j’appris en même temps que nos chers fusiliers-marins devaient exploiter le succès.
Tous ces soirs-là nos plaisirs enfantins[11] autour de la table du mess cédaient le pas à une agitation plus grave. Les « notes » suivaient les « notes ». On mandait les sous-officiers, les téléphonistes, les éclaireurs : on réglait les signaux de convention qui devaient nous relier avec l’infanterie : un feu de paille, à telle heure bien précisée, déclencherait l’assaut et commanderait l’allongement de notre tir ; ah ! parmi nos poilus, c’était à qui « craquerait » l’allumette ! Je songe à la lecture à haute voix du plan d’attaque dans un silence recueilli. Il s’agissait vraiment de vivre un drame, dont on connaissait le scénario, dont on tenait les ficelles entre ses doigts. Cependant dans l’obscurité de la rue, passait un moutonnement de relève… Les fusiliers-marins peut-être, qui devaient prendre les tranchées un ou deux jours avant le choc ? Quand j’allais voir, ils avaient toujours disparu…
[11] Pour vous donner idée de l’ingénuité de nos jeux, sachez que nous nous amusions comme des fous à faire tourner sur la table, avec aiguillages, déraillements, rencontres de trains et ce qui s’ensuit, deux chemins de fer mécaniques.
Le premier que je rencontrai sur la chaussée de pavés et de sable qui conduisait à Oost-Dunkerque, près du camp pittoresque des tirailleurs, ce fut un petit gars breton traînant la jambe. Il était de son régiment, il était de son bataillon. « Est-ce que tu connais le capitaine Dupouey ? — Je crois bien, c’est mon capitaine. » Je fis un bout de chemin avec lui. J’appris que l’ami inconnu était depuis la veille aux tranchées de la plage et qu’il y resterait jusqu’au lendemain soir. « Il va bien ? — Non ! il est beaucoup changé ; je crois qu’il doit être malade. Il ne veut pas le dire, mais nous, ses hommes, nous le voyons. » C’est tout ce que je pus tirer du « camarade ». — Arrêtons-nous. Nous sommes le 25 janvier. Le soleil illumine sans se montrer le plafond transparent des blancs nuages ; tout est doucement gris, l’eau et le sable ; les chevelus d’herbe éparse aigrement verts et la bruyère toute noire. Dupouey n’est pas loin d’ici et je sais déjà que ses hommes ont pour lui de l’affection. Irai-je le surprendre dans son trou de sable ? N’est-ce pas indiscret, la veille d’un assaut ? Non, je fais porter un mot, j’attendrai. A la relève du 26, je le manque encore ; je me morfonds d’impatience, quand sa réponse me parvient.
Coxyde, le 27 janvier 1915.
« Monsieur,
« Si un lieutenant d’artillerie ne m’avait pas juré hier que votre ambulance était à Oost-Dunkerque, je n’aurais certainement pas traversé Nieuport sans venir vous serrer la main et prendre des nouvelles de notre cher G… Je me réjouis vivement d’être à quelques heures de vous connaître. De vous aussi, G… m’a si souvent parlé.
« Pouvez-vous réellement venir jusque Coxyde-Bains où nous sommes cantonnés, villa les Ajoncs ? Sinon, mon bataillon devant retourner dans les dunes demain soir, nous ne nous manquerons pas cette fois-ci. Mais cependant nous causerions bien mieux un peu plus loin de leurs marmites et des nôtres et si vous pouvez venir jusqu’ici — ce sera tout bénéfice puisque j’aurai le plaisir de vous voir un jour plus tôt.
« A bientôt donc et très cordialement à vous.
« Dupouey. »
Il peut sembler que je m’arrête à des détails sans importance, en transcrivant un mot de simple cordialité. La seule lettre, songez-y, que je possède écrite de sa plume : comme j’y tiens ! Et puis, elle précise nos distances, notre quant-à-soi réciproque, le ton de nos rapports qui ne deviendront jamais plus intimes — en ce monde du moins — avant d’entrer dans l’« éternel ». L’imminence d’une grande attaque m’interdisait de voler sur-le-champ à cette invite. J’attendrais une fois de plus le passage du bataillon.
Le 28 janvier[12]. Je suis debout dès avant l’aube. Temps assez clair, mer calme. Sur l’étendue blanchâtre, le feu tournant de la bouée et quelques points de lumière intermittents : la flotte doit donner. Je gagne dans la nuit la prétentieuse villa à quatre étages, saccagée et souillée — mais je n’en ai pas de regret ! — dans le toit de laquelle est installé l’observatoire. C’est le no 2. J’y serai seul ou presque. On le réserve pour le cas où le no 1 serait détruit ou bien deviendrait intenable. Derrière une porte qui fut vitrée, imaginez une mansarde basse et sombre ; dans le toit une tabatière ouvrant sur l’horizon marin ; dans le pignon de briques tourné vers l’ennemi, deux meurtrières taillées en long qui laissent passer le regard ; pour tout mobilier, deux chaises de paille, une table de café, un appareil téléphonique ; enfin une grosse lunette de cuivre sur son trépied ; avec cela la chambre est pleine. Nous tâtonnons.
[12] L’opération devait avoir lieu le 27, mais le 26 au soir, sur le pont Joffre, une passerelle de fortune jetée à l’embouchure du canal, le commandant de tirailleurs M… et deux de ses capitaines furent gravement touchés : ils devaient conduire l’attaque. Tout semblait remis sine die. Le lendemain arrivait l’ordre impératif : on attaquerait malgré tout, le 28, à la première heure.
Trop de silence : il pèse ; depuis cinq heures nos canons font les morts : le « génie » a dû sortir des tranchées et cisailler les fils de fer. L’ennemi ne doit pas avoir éventé nos projets. L’attente est longue.
Quand le rideau de la nuit se soulève, on met l’œil à la meurtrière. Un paysage énorme, à perte de vue et tout proche : nous dominons la scène du combat. De gauche à droite : la mer ; les tranchées de la plage où le flot monte ; le labyrinthe chaotique des boyaux et des trous de la Grande Dune, une gigantesque taupinière sur laquelle les hautes maisons de Westende semblent posées comme des « constructions d’enfants » ; à mi-côte, un cheval de frise bouleversé dessine sur le sable blanc une croix noire ; ces petites taches sombres qui bougent à peine, ce sont des tirailleurs tapis : enfin le bas polder qui descend des lisières de Lombaertzyde jusque sur Nieuport-Ville : masures blanches, haies, saules, coupant le « bled » marécageux. Au delà, l’œil s’égare, trop de choses fourmillent, Middelkerque, Ostende, Slype, etc., et tant d’autres crêtes de sable et tant de pointes de clochers, qui sur le pays plat font signe. Irons-nous ? Que va-t-il sortir de ce silence et de ce paysage ?…
Une heure avant l’assaut, l’artillerie prélude. Tumulte encore incohérent, celui de l’orchestre avant l’ouverture, quand chacun accorde son instrument. Le spectateur piétine, s’enivre de bruit et s’impatiente de ne pas voir le chef d’orchestre taper sur le pupitre et lever le bâton. Mais plus le tumulte s’accroît, plus on dirait qu’il tende à l’harmonie. Les trajectoires rasent le toit qui nous abrite ; la mansarde bourdonne comme l’intérieur d’un violon. Tutti ! A ce moment la porte s’ouvre. Le lieutenant Dr… un de mes récents camarades, m’amène un visiteur : c’est Dupouey[13].
[13] Ce fut ainsi, et je n’arrange pas pour les besoins de ma cause, une sorte d’entrée de grand opéra.
La main tendue, la main serrée. Je ne l’attendais pas ici. Il me fait plaisir et il me dérange ; mais le plaisir est le plus fort. Je suis surpris de sa petite taille, mais instantanément il m’en impose, ce petit homme carré, râblé, emmitouflé dans un suroît, la casquette bien enfoncée, ceinturonné de tout un attirail de guerre, la barbe sombre et l’œil profond ; très loup de mer en somme ; tellement différent de celui que j’imaginais ! Je le voyais long, glabre et mince. Ah ! pardon de toucher à la sainte figure ! Je dis la vérité, c’est ainsi qu’elle m’apparut : et décidée, et décisive, mais dans un sens tout imprévu. On ne s’entendait pas dans cette chambre de bonne : « Descendons, me dit Dupouey. Nous causerons mieux dans la rue. Vous me reconduirez jusqu’à mon bataillon ! » Quitte à manquer le premier acte, je le suivis.
L’escalier fastueux n’en finit pas… Sur tous les paliers bâillent et s’ennuient de grandes pièces vides salies de débris et d’ordures, de plâtras, d’excréments. Je ne vois que l’ironie du sourire, non sa pitié, quand Dupouey me montre, gisant devant le péristyle, naufragées, fracassées, le ventre plein de sable, deux horribles potiches ornées de roses en relief : « Quelle consolation ! Quelle revanche ! » Je suis tellement de son avis ; la guerre a l’air tellement faite pour nous venger de la laideur ! Si du moins elle y regardait à deux fois quand elle rencontre une chose belle. Je me suis demandé depuis, si c’était seulement l’artiste qui parlait et non surtout l’ami des pauvres, écœuré de faux luxe et de vain confort.
Il me dit : « J’ai écrit à G… : Il faut que vous voyiez cela ! Si vous n’avez pas connu la vie de tranchées, vous n’aurez rien connu ; venez ! Ah ! on enfonce dans la boue ! on se vautre ! on vit sur soi-même ! comme c’est bon ! » Il ajoute : « G… me déçoit. Je ne vois pas qu’il avance ? » Je veux protester. « G… a toujours couru après sa propre jeunesse : il ne veut pas y renoncer. »
La voix est brève, nette ; elle formule sans cesse, en quelques mots frappants, une pensée d’arrière-fond qui va plus loin que la parole. Tantôt le ton du dilettante, tantôt celui du dogmatique : et dans ce cas, raccourcis puissants, échappées soudaines, — nul homme ne m’a paru plus assuré de ce qu’il dit.
Nous remontons sous le chant des marmites la grand’rue de Nieuport-Bains, coupée de démolitions, de cabines de bain entassées, de barricades de pavés et de sable. On dirait que je la découvre avec mon nouveau compagnon. Je croise un capitaine de cavalerie, attaché à l’état-major, qui venait quelquefois rendre visite à notre groupe : un joli Gascon de la vieille France, qui n’a pas peur et qui sait plaisanter ; il va aux tranchées de la dune pour surveiller de près l’exécution de notre plan ; il est drapé dans une toile jaune serin, d’une matière glacée toute luisante ; en guise d’épée ou de canne, il tient une de ces petites bêches munies d’une poignée de bois, telle qu’on en voit aux mains des enfants sur les plages ; celle-ci vient sans doute de la boutique de jouets que nous venons de dépasser et qui n’est plus pour les poupées qu’un champ de mort. Il va très posément, très doucement, mais absorbé. En le désignant à Dupouey, je le salue de ma plus envieuse sympathie : mais il ne me remarque pas.
Nous arrivons ainsi à la hauteur de nos canons, de la chapelle en briques rouges et du malheureux petit cimetière. Déjà nous sortons de Nieuport. « Vous m’emmenez bien loin en arrière ? — Excusez-moi, dit-il, mais je dois rejoindre mes « Jean le Gouin » ; ils sont là en réserve, dans un creux, derrière la route de Groëndyke !… » Tant pis : Je veux le voir au milieu d’eux. Là-bas, dans une vaste cuvette de sable vierge, bien défilés aux vues de l’ennemi, ses « Jean le Gouin », comme il dit, vont et viennent, fument, bavardent, se reposent, sous la calotte à pompon rouge et dans la capote du fantassin. Pour les mieux regarder, nous nous asseyons sur la pente, derrière un buisson épineux et noir qui bourgeonne déjà. Des Provençaux, des Bretons, des Parisiens ; le teint et l’accent nous renseignent vite. Tous jeunes et quelques-uns invraisemblablement. Nous ne les gênons pas. Mais que leur jeunesse est troublante dans le moment qu’on la jette au combat ! O moment de repos unique ; douceur du sable qui se modèle au corps. Déjà nous ne songions plus à parler, à peine ayant fait connaissance. « Est-ce beau cette préparation d’artillerie ! » murmure Dupouey. Elle avait atteint à son comble : la flotte au large ; un peu partout les grosses pièces ; devant nous, l’innombrable chant des 75 ; derrière nous, tirant à fleur de dune, le pètement du bonhomme 90, qui achevait de nous casser la tête, pour que l’ivresse y entrât mieux. Le ciel s’était tellement dépouillé, le soleil ruisselait avec une telle magnificence qu’on eût dit que c’était lui-même qui chantât ; ce tonnerre guerrier, c’était le son de sa lumière. En vérité, on n’aurait pas de peine à vaincre. « La grande dune, ils n’ont qu’à y sauter, elle est à eux ! » Le bataillon de marins attendrait ici, pour aller occuper les secondes lignes et si ça marchait, pousser de l’avant. « Nous irons peut-être à Ostende ! » Il ne doute de rien, le capitaine Dupouey ; la mort est là et il caresse la victoire !
Je serais bien resté avec lui, avec eux ; mais le spectacle de l’assaut m’attire. Je les quitte à regret et je regagne mon grenier. De tant d’émotions héroïques et sensuelles, quelle est la principale ? On ne sait plus. On se laisse porter…
Entre la mer des eaux et la mer des sons, comme suspendu, j’ai vu par la petite fente, après deux terribles rafales qui faisaient l’enfer sur la dune — fumées de partout jaillissantes, geysers de sable, projection sauvage de débris — les tirailleurs et les zouaves, baïonnette au canon, bondir et se perdre dans un nuage. J’en ai vu cinq ou six, au moment de passer la crête, conduits par un héros sans armes qui les appelait et qui les pressait… J’ai vu la riposte ennemie qui s’étendait jusqu’au polder, posant partout d’énormes ballons de fumée qui étaient roux, blancs, jaunes, noirs… J’ai vu déboucher pour la contre-attaque la file grisâtre des Boches, balançant le fusil au bout du bras ; avant de se risquer à découvert, ils hésitaient, reculaient, puis sautaient le pas. J’ai vu quelques tranchées se regarnir, des combattants par un couloir de sable refluer au point de départ ; l’un d’eux, blessé, soutenait son bras gauche : il contait son histoire à tout venant. J’ai vu clairement, sans comprendre. Et quand je suis descendu aux nouvelles, que de blessés rentraient par le boyau du pont, portant aussi leur bras, tirant leur jambe ou ramenés sur des brancards ! Mais déjà les fusiliers de Dupouey se dirigeaient vers l’Yser en colonne ; ils vous souriaient au passage. Un obus éclata sur la cour de notre villa, vers midi.
Ne croyez pas que je dévie. Le principal personnage est en scène et rien de ce qui le regarde ne doit passer inaperçu. Sans s’en douter il a charge d’âme : la mienne ; je me peins à côté de lui. Notez qu’il ne devra y avoir entre nous aucun fait décisif, aucune conversation capitale, avant son sacrifice à Dieu. Nous causerons, nous ignorant l’un l’autre, et continuerons de nous ignorer.
L’attaque n’a point réussi, ou bien n’a-t-on pas su exploiter l’avantage ? En tout cas les marins ne sont pas entrés dans l’action. J’ai le dessein d’aller déjeuner avec notre ami dans trois jours, c’est-à-dire le prochain dimanche, à son cantonnement de coxyde.