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Le ménagier de Paris (v. 1 & 2)

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POISSON DE MER RONT.

Poisson de mer ront en yver, et le plat en esté.

Nota que nulle marée n’est bonne quant elle est chassée par temps pluyeulx ou moicte.

Brette[1023] affaitié comme un rouget, cuite comme une raye, et ainsi pelée: mengée aux aulx camelins. Et est la brette aussi comme chien de mer, mais brette est{v. 2, p.195} plus petite et plus doulce et meilleure, et dit-l’en que c’est la femelle du chien: et est brune sur le dos, et le chien est roux.

Chien de mer comme la brette. Et nota que de l’un et de l’autre le foie est bon à mettre en pasté, et de la pouldre fine parmy; et aucuns y mettent du frommage, et est bon.

Mulet est dit migon[1024] en Languedoc, et est eschardé comme une carpe, puis effondré au long du ventre, cuit en l’eaue, et du percil dessus, puis reffroidié en son eaue; et puis mengié à la sausse vert, et meilleur à l’orenge. Item, il est bon en pasté.

Morue n’est point dicte à Tournay s’elle n’est salée, car la fresche est dicte cableaux[1025], et, se mengue et est cuite comme dit sera cy-après de morue.

Item, quant icelle morue est prise ès marches de la mer, et l’en veult icelle garder dix ou douze ans, l’en l’effondre, et luy oste-l’en la teste, et est seichée à l’air et au soleil, et non mie au feu ou à la fumée; et ce fait, elle est nommée stofix[1026]. Et quant l’en l’a tant gardée et l’en la veult mengier, il la convient batre d’un maillet de bois bien une heure, et puis mettre tremper en eaue tiède bien douze heures ou plus, puis cuire et escumer très bien comme beuf; puis mengier à la moustarde ou mengier trempée au beurre. Et se rien en demeure au soir, soit par pièces petites comme charpie frit, et mis pouldre dessus.{v. 2, p.196}

Aussi de morue fresche, s’aucune partie en demeure pour le soir ou pour l’endemain[1027], faictes-en de la charpie et le frisez à pou de beurre, et puis ostez de la paelle, et puis vuidiez tout le beurre que riens n’y demeure, et la refrisiez à sec, et filez pardessus des œufs batus: puis mettez en plateaux ou escuelles et pouldre fine pardessus. Et s’il n’y a œufs, si se fait-il bien[1028].

Morue fresche, appareillée et cuite comme gournaut et du vin blanc au cuire, et mengée à la jance; et la salée, mengée au beurre ou mengée à la moustarde. La salée, pou trempée, sent trop le sel, et la trop trempée n’est pas bonne; et pour ce, qui l’achaitte, doit essaier à la dent et en mengier un petit[1029].

Maquerel frais entre en saison en Juin, jàsoit-ce que l’en en treuve dès le mois de Mars. Affaitiez par l’oreille, puis l’essuiez d’un net torchon, et sans laver aucunement soit mis rostir, puis mengié à la cameline ou à sel menu; et salé, au vin et à l’eschaloigne[1030]. Et si en met-on en pasté, et pouldre dessus[1031].

Ton est un poisson qui est trouvé en la mer ou estans marinaulx des parties de Languedoc, et n’a aucunes arestes fors l’eschine, et a dure pel, et se doit cuire en eaue et se mengue au poivre jaunet[1032].

Langoustes sont grans escrevices, et sont bonnes cuites en l’eaue, et leur convient estouper d’estoupes la queue par où l’en l’a vuidée et aussi la gueule et les piés qui sont rompus, et tous les autres lieux par lesquels aucune liqueur puisse yssir de son corps, et{v. 2, p.197} puis cuire en l’eaue ou en four, et mengié au vinaigre. Toutesvoies, qui la veult rostir au four, il ne la convient jà estouper, mais souffit qu’elle soit mise cuire enverse[1033].

Congre. Eschaudez-le et estauvez comme une anguille, puis mis en la paelle et salé comme le rouget, et le cuisiez longuement comme beuf; et en la parfin mettre boulir avec du percil, puis le laissiez[1034] refaire en son eaue, puis dréciez et mengiez à la sausse vert. Aucuns le mettent roussir sur le gril[1035].

Tumbe[1036], Rouget, Gournaut, Grimondin, soient affaitiés par le ventre et lavés très bien, puis soient mis en la paelle et du sel pardessus, et puis l’eaue froide; (et ainsi est-il du poisson de mer, jàsoit-ce que poisson d’eaue doulce il convient premièrement que l’eaue soit frémiant), puis soient cuis à petit feu, et mis hors de dessus le feu; laissiez reffaire en leur eaue et mengiez à la cameline. Toutesvoies, les grimondins, en esté, fendus sont au long du dos par les espaules, rostis sur le greil[1037] et arrousés de beurre et mengiés au vertjus. Nota que tumbe est le plus grant, et sont prises en la mer d’Angleterre. Gournaut est le plus grant après, et sont toutes ces deux espèces de couleur tannée[1038]. Le rouget est le plus petit et le plus rouge, et le grimondin est le mendre de tous et est tanné, tavellé[1039], et de diverses couleurs; et tous sont comme d’une nature et d’une saveur.{v. 2, p.198}

Item, rougets sont bons au chaudumé de vertjus de pouldre et de saffran.

Saumon frais soit baconné[1040], et gardez l’eschine pour rostir; puis despeciez par dales cuites en eaue, et du vin et du sel au cuire; mengié au poivre jaunet ou à la cameline et en pasté, qui veult, pouldré[1041] d’espices; et se le saumon est salé, soit mengié au vin et à la ciboule par rouelles[1042].

Aigrefin appareillié comme le rouget, et le convient un pou laissier froidir en son eaue, et soit mengié à la jance[1043].

Orfin affaitié par l’oreille, cuit en l’eaue, mengié à la cameline: ou mis par tronçons, et sur les tronçons mettre pouldre fine et huille d’olive[1044].

Porc de mer, Marsouin, Pourpois[1045] est tout un, et le poisson entier doit estre fendu par le ventre comme un pourcel; et du foye et fressure l’en fait brouet et potage comme d’un porc. Item, l’en le despièce et fend comme un porc, par le dos, et aucunes fois est rosti en la broche à toute sa couanne, et puis mengié à la sausse chaude comme brulis[1046] en yver. Autrement, est cuit en eaue et mis du vin avec, puis de la pouldre et du saffran, et mis en un plat dedans son eaue comme venoison; puis broyez gingembre, canelle, giroffle, graine, poivre long et saffran, et deffaites de vostre boullon, et{v. 2, p.199} mettez hors du mortier d’une part; item, broyez pain harlé, deffait de l’eaue de vostre poisson et coulé par l’estamine, et faictes boulir tout ensemble, et soit claret; puis dréciez comme venoison. Ou faites poivre noir, et soit vostre poisson, sans laver, cuit moitié eaue moitié vin, et mis en plas: et gettez vostre sausse dessus comme galentine, et dréciez. Et quant vous en vouldrez mengier, prenez un petit de la sauce qui est froide, et mettez ou eaue de char, ou de celle mesmes, ou vinaigre et similia, et mettez sur le feu en une escuelle chauffer[1047].

Merlus doit estre despecié par morceaux quarrés comme eschiquier, puis tremper une nuit seulement, puis le oster hors de l’eaue, et après mettez séchier sur une touaille; puis mettez vostre huille boulir, puis frisiez à pou d’huille vos pièces de merlus, et mengiez à la moustarde ou à jance d’aulx. Merlus est fait, ce semble, de morue[1048].

Esturgon. Eschaudez, ostez le limon, couppez la teste et la fendez en deux. Et premièrement le fendez au long par le ventre comme l’en fait un pourcel, puis soit vuidié, tronçonné, et mis cuire en vin et en eaue et que le vin passe; et que à la mesure qu’il se esboudra[1049] que l’en y mette tousjours vin. Et congnoist-l’en qu’il est cuit, quant la couanne se liève de légier; et ce que l’en mengue chaut, l’en y met de l’eaue du bouly et espices comme se ce feust venoison: et ce que l’en veult garder doit estre mis refroidier, et mengier au percil et au vinaigre[1050].{v. 2, p.200}

Esturgon contrefait de veel pour six escuelles. Prenez le soir devant, ou le bien matin, six testes de veel sans escorcher, et les plumez en eaue chaude comme un cochon, et les cuisiez en vin, et mettez une chopine de vinaigre et du sel dedans, et faites boulir tant qu’il soit tout pourry de cuire; puis laissiez les testes refroidier et ostez les os. Puis prenez un quartier de bonne grosse toile, et mettez tout dedans, c’est assavoir l’une sur l’autre en la mendre place que vous pourrez, puis cousez de bon fort fil, comme un oreillier quarré, puis le mettez entre deux belles ais et le chargiez très fort, et laissiez la nuit en la cave; et puis le tailliez par lesches, la couenne dehors comme venoison, et mettez du percil et du vinaigre, et ne mettez que deux lesches en chascun plat. Item, qui ne trouveroit assez testes, l’en le peut faire d’un veel entrepelé[1051].

Craspois[1052]. C’est balaine salée, et doit estre par lesches{v. 2, p.201} tout cru, et cuit en eaue comme lart; et servir avec vos pois.

Merlant salé est bon quant sa noe[1053] est entière, et son ventre blanc et entier; et est bon au chaudumé de beurre, de vertjus et de moustarde; et le frais, frit, à la jance.

Vive a trois lieux périlleux à touchier, c’est assavoir les arestes qui sont sur le dos près de la teste, les deux oreilles; et à ce ne convient touchier fors au coustel, et tout ce getter hors, et tirer la brouaille par l’oreille, et puis enciser au travers en pluseurs lieux, la rostir, et mengier au vertjus et beurre, ou vertjus et pouldre.

Aliter, cuisiez-la en l’eaue un petit, puis la frisiez en beurre, puis boulez du vertjus avec le remenant du beurre, et getter sus.

POISSON DE MER PLAT.

Raye affaitié par endroit le nombril, et gardez le foye, et la despeciez par pièces, puis la mettez cuire comme plays, puis la pelez et la mengiez aux aulx camelins.

Raye est bonne en Septembre, et meilleur en Octobre, car lors elle mengue les harens frais. Celle qui n’a que une queue est notrée, et les autres qui ont pluseurs queues, non. Et encores est-il autre poisson pareil à raye qui a nom Tire, mais il n’a nul aguillon sur le dos; et si est plus grant et plus tavellé de noir[1054].{v. 2, p.202}

Galentine pour raie en esté. Broyez amandes et deffaites d’eaue boulie, et coulez par l’estamine; puis broyez gingembre et aulx, et deffaites d’icelluy lait d’amandes et passez par l’estamine, et boulez tout ensemble et mettez sur les pièces de la raye.

Raye qui une fois a esté cuite, s’elle est frite sans farine en huille et mengée chaude à la cameline, elle est bonne et meilleur que en galentine froide.

Raye doit estre lavée en plusieurs eaues, puis cuire en petit boullon et par quartiers, puis peler et laissier refroidier: mais aucuns la pourboulent en eaue sans sel, puis la tirent, la pellent et nettoient très bien, et mettent sur beau feurre; puis mettent en une paelle, sur le feu, de l’eaue et du sel frémier, puis cuire la raye à petit feu. Et qui veult, l’en en frit une partie de celle qui est pourboulye, et ceste raye se garde bien huit jours[1055].

Plays[1056] et quarrelet sont aucques[1057] d’une nature. La plus grant est nommée plays, et la petite quarrelet, et est tavellée de rouge sur le dos; et sont bons du flo[1058] de Mars, et meilleurs du flo d’Avril. Affaitiez par devers le dos audessoubs de l’oreille: bien lavée, et mise en la paelle et du sel dessus, et cuite en l’eaue comme un rouget; et mengiez au vin et au sel.

Item, quarrelets sont bons fris à la fleur[1059] et mengiés à la sausse vert[1060].

Limandes sont tavellées de jaune ou roux par le dos, et ont l’oreille devers le blanc[1061]; soient fris à la fleur et mengiés à la sausse vert, ou fris par moitié et mengiés au civé ou au gravé[1062].{v. 2, p.203}

Poles[1063], SOLES sont d’une nature; et sont les poles tavellées par le dos. Il les convient escharder et affaitier comme la plays, laver et mettre en la paelle, et du sel dessus et de l’eaue, puis faire cuire, et à la parfin mettre du percil avec; puis laissier reffaire en leur eaue, et mengier à la sausse vert ou au beurre avec de leur eaue chaude, ou au chaudumé de vertjus vieil, moustarde et beurre chauffé ensemble.

Item, l’en les rostit sur le greil[1064] et du feurre moullié entre deux; et celles ne doivent point estre eschardées et sont mengées au vertjus d’oseille.

Item, aussi sont eschaudées celles que l’en doit frire, et doivent estre enfleurées, puis frites, mengées à la sausse vert[1065], et mises au civé ou gravé.

Turbot est dit Ront à Bésiers. Soit eschardé, appareillié comme dessus et mengié à la sausse vert, ou mis au soucié[1066]; et vault mieulx froit de deux jours.

Barbue eschardée, appareilliée comme dessus, cuite et mengée, car tout est d’une espèce et d’une saveur, fors tant que la barbue est plus petite[1067], et le turbot greigneur et meilleur.

Bresme, BAITTE[1068] eschardée, cuite en eaue, mengée à la cameline ou mise en pasté à la pouldre[1069].

Tante[1070] cuite en eaue ou rostie, mengée au vertjus.{v. 2, p.204}

Dorée appareilliée par le costé au long, cuite en eaue, ou en rost, mengée au vertjus.

Ales rosties en filopant[1071], mengées à la moustarde; ou pelées, puis cuites en l’eaue un très petit, puis enfarinées, frites à l’uille, et mengées à la jance ou aux aillets.

Flays[1072]. De ce ne convient faire nul compte, car ils ne sont en saison fors quant le quarrel[1073] font soubs le pié. Ce poisson n’est point tavelé de rouge sur le dos comme sont quarrelets, et si ont le dos bien noir.

Hanons[1074]. Nota que les hanons qui sont ensemble amoncelés et se entretiennent à une masse sans esparpillier ou départir, et sont vermeils et de vive couleur, sont frais: et ceulx qui ne s’entretiennent et sont esparpilliés et de fade ou morte couleur, sont de vieille prise. Soient esleus, puis lavez très bien et eschaudez en deux ou trois eaues bien chaudes, et puis refais en eaue froide, puis seicher sur une touaille bien petit au feu, et soient fris en huille avec oignons cuis, et après poudrés d’espices et mengiés aux aillets vers clarets, reverdis de blé ou d’ozeille[1075] ou de feuille de sanemonde ou de barbarin.

Moules[1076] soient cuites en grant feu et hastivement,{v. 2, p.205} en très petit d’eaue et de vin sans sel, mengées au vinaigre. Item, quant elles sont cuites avec vertjus vieil et percil, puis mettez beurre frais, c’est très bon potage.

Moules sont les meilleurs ou commencement du nouvel temps de Mars. Moule de Quayeu[1077] est rousse, ronde au travers et longuette, et la moule de Normandie est noire.

Escrevices. Cuisiez-les en eaue et vin plus que d’eaue, et escumez, puis mettez un petit de sel (jàsoit-ce que aucuns dient que non, pour ce que le sel noircist[1078]).

Escrevices de mer doivent estre cuites en four, et dit-l’en lengoustes, et convient estouper tous les pertuis à la guise du fournier, et mengier trenchiée au vinaigre et à la ciboule.

Seiche conrée[1079] soit pelée, puis despeciée par morceaulx, puis la mettez en une paelle sur le feu et du sel avec, et remuez souvent, et qu’elle soit bien séchée; puis la mettez en une nappe, et l’espraignez bien et seichez çà et là par la nappe; puis l’enfarinez en farine, et frisiez en foison d’uille ou à oignons ou sans oignons,{v. 2, p.206} puis pouldrez d’espices dessus, et mengiez aux aillets reverdis de blé.

Item, aucuns après ce qu’elle est pelée et mise par morceaulx, la tiennent et remuent longuement en la paelle pour getter son humeur et sa liqueur laquelle l’en doit souvent getter et purer. Et quant elle ne gette plus rien, l’en l’essuye comme dessus, et puis la frit-l’en en foison d’uille longuement, tant qu’elle devient grédelié[1080] et recroquillée comme chaons[1081] de lart, et adonc est mise en un plat et de la pouldre fine dessus, et ainsi mengée. Et en la paelle où est demourée l’uille toute chaude sur le feu, laquelle huille a receu la freschumée de la sèche, dont elle vault pis, l’en doit getter du vin froit qui par fumée fait yssir la freschumée; et ainsi l’uille demeure bonne pour potages, et meilleur que autres qui ne sont mie cuites.

Item, qui n’auroit autre viande que sèche, et elle fust frite aux oignons comme dessus, puis mise en deux plats et avoir bonne jance aux aulx boulie et gettée dessus, ce seroit appétit assez passable[1082].

Sèche fresche soit lavée très bien, puis mise en une paelle ou four avec de l’eaue, du vertjus, de l’uille et des ciboules nouvelles, et cuite; mais primo soient ostés l’os et l’amer.

ŒUFS DE DIVERS APPAREILS.

Une arboulastre ou deux d’œufs. Prenez du coq{v. 2, p.207} deux fueilles seulement, et de rue moins la moitié ou néant[1083], car sachez qu’il est fort et amer: de l’ache, ténoisie[1084], mente et sauge, de chascun au regart de quatre fueilles ou moins, car chascun est fort: marjolaine un petit plus, fenoul plus, et percil encores plus; mais de porée, bettes, feuilles de violettes, espinars et laitues, orvale, autant de l’un comme de l’autre, tant que de tout vous aiez deux poignées largement: eslisez et lavez en eaue froide, puis les espraignez et ostez toute l’eaue, et broyez deux cloches de gingembre; puis mettez ou mortier à deux ou à trois fois vos herbes avec le dit gingembre broyé, et broyez l’un avec l’autre. Et puis aiez seize œufs bien batus ensemble, moyeux et aubuns, et broyez et meslez ou mortier avec ce que dit est, puis partez en deux, et faites deux alumelles[1085] espesses qui seront frites par la manière qui s’ensuit: premièrement vous chaufferez très bien vostre paelle à huille, beurre ou autre telle gresse que vous vouldrez, et quant elle sera bien chaude de toutes pars, et par espécial devers la queue, meslez et espandez vos œufs parmy la paelle et tournez à une palette souvent ce dessus dessoubs, puis gettez de bon frommage gratuisé[1086] pardessus; et sachez que ce est ainsi fait pour ce[1087] qui brayeroit[1088] le{v. 2, p.208} frommage avec les herbes et œufs, quant l’en cuideroit frire son alumelle, le frommage qui seroit dessoubs se tendroit à la paelle; et ainsi fait-il d’une allumelle d’œufs, qui mesle les œufs avec le frommage. Et pour ce l’en doit premièrement mettre les œufs en la paelle, et mettre le frommage dessus, et puis couvrir des bors des œufs: et autrement se prendroient à la paelle. Et quant vos herbes seront frites en la paelle, si donnez forme quarrée ou ronde à vostre arboulastre et la mengiez ne trop chaude ne trop froide.

Œufs perdus. Rompez l’escaille et gettez moieulx et aubuns sur charbons ou sur brèse bien chaude, et après les nettoyez et mengiez.

Œufs heaumés. Cassez le bout et vuidiez l’aubun, et le moyeu estant en la coquille, mettez et asséez icelle coquille sur une tuille, le trou de la coquille dessoubs.

Alumelle[1089] frite au sucre.✝ Ostez tous les aubuns et batez les moyeux, puis mettez du sucre en la paelle et il se fondra, et après ce frisiez dedans vos aubuns, puis mettez en un plat, et du sucre dessus.

Œufs perdus. Prenez quatre moyeux d’œufs et les batez, et du sucre en pierre batu et en pouldre, et soit tout batu ensemble très bien, puis coulé en l’estamine, puis frit au fer de la paelle et après trenchié par losenges; puis avecques aultre allumelle d’œufs pochés, soient icelles losenges mises ou plat et fine pouldre par-dessus[1090].

Pour faire belle allumelle d’œufs. Prenez sept œufs et des[1091] deux ostez les aubuns et les mettez en une{v. 2, p.209} escuelle, et tous les autres cassez sur[1092] moyeux, et batez tout ensemble, et frisiez; et ils seront jaunes.

Aliter, prenez dix ou douze œufs et ostez les aubuns et batez les moyeux, puis les frisiez en huille, et soient bien espandus en la paelle et couppés par losenges, et chascune losenge retournée à la palette ce dessoubs dessus, puis mettre en un plat demye allumelle d’œufs fris communément et quatre losenges de ces moyeux, et du succre fris communément.

Arboulastre en tartre faicte en la paelle. Aiez vos œufs et herbes et une cloche de gingembre batues, meslées et broyées comme devant est dit, puis aiez de la paste pestrie ainsi comme pour le fons d’une tartre, et chauffez vostre paelle à huille ou autre gresse: puis mettez vostre paste pestrie dedans le fons de la paelle, puis mettez la farce de vostre tartre avec frommage gratuisié meslé parmi à souffisant planté. Et pour ce que le dessoubs, c’est assavoir la paste qui fait le fons de la tartre, seroit cuit avant que le dessus feust guères eschauffé, il convient avoir une autre paelle dont le fons soit bien eschauffé, torché et nettoyé, et soit icelle paelle plaine de charbon ardant, et la mettez par dedans l’autre paelle, près et joignant de la farce, pour icelle eschauffer et cuire à l’essuyé[1093] et aussi à ouni[1094] comme la paste.

Œufs a la tenoisie[1095]. Broyez un petit de gingembre et de la tenoisie, et allaiez de vinaigre, coulez et mettez en un plat et des œufs durs pelés tous entiers.

Nota DE LA NATURE DES ŒUFS. Mettez-les cuire en eaue boulant et le moyeu ne sera point dur, toutesvoies se{v. 2, p.210} vous ne les avez moulliés en eaue froide premièrement: mais se vous les y avez moulliés et incontinent vous les mettez en potage boullant, ils durciront bien. Item, se vous les mettez en eaue frémiant et les laissiez sur le feu, ils seront tantost durs. Item, soient mols, soient durs[1096], si tost qu’ils sont cuis, vous les mettez en eaue froide, ils seront plus aisiés à peler.

ENTREMÈS, FRITURES ET DORURES.

Froumentée[1097]. Premièrement, vous convient monder vostre froument ainsi comme l’en fait orge mondé, puis sachiez que pour dix escuelles convient une livre de froument mondé, lequel on treuve aucunes fois sur les espiciers tout mondé pour un blanc[1098] la livre. Eslisiez-le et le cuisiez en eaue dès le soir, et le laissiez toute nuit couvert emprès le feu en eaue comme tiède, puis le trayez et eslisez. Puis boulez du lait en une paelle et ne le mouvez point, car il tourneroit: et incontinent, sans attendre, le mettez en un pot qu’il ne sente l’arain; et aussi, quant il est froit, si ostez la cresme de dessus afin que icelle cresme ne face tourner la fourmentée, et de rechief faites boulir le lait et un petit de froument avec, mais qu’il n’y ait guères de froument; puis prenez moyeux d’œufs et les coulez, c’est assavoir pour chascun sextier de lait un cent d’œufs, puis prenez le lait boulant, et batre les œufs avec le lait, puis reculer le pot et getter les œufs, et reculer; et se l’en veoit qu’il se voulsist tourner, mettre le pot en plaine paelle d’eaue. A jour de poisson, l’en prend lait: à jour de char, du boullon de la char; et{v. 2, p.211} convient mettre saffran se les œufs ne jaunissent assez: item, demie cloche de gingembre[1099].

Faulx grenon. Cuisiez en eaue et en vin des foies et des jugiers[1100] de poulaille, ou de char de veel, ou d’une cuisse de porc ou de mouton, puis la hachiez bien menuement et friolez au saing de lart: puis broyez gingembre, canelle, giroffle, graine, vin, vertjus, boullon de beuf ou de celluy mesmes, et des moyeux grant foison, et coulez dessus vostre char, et faites bien boulir ensemble. Aucuns y mettent du saffran, car il doit estre sur jaune couleur, et aucuns y mettent pain harlé, broyé et coulé, car il doit estre liant et d’œufs et de pain, et si doit estre aigre de vertjus. Et au drécier, sur chascune escuelle, pouldrez pouldre de canelle[1101].

Mortereul est fait comme faulx grenon, sauf tant que la char est broyée ou mortier avec espices de canelle: et n’y a point de pain, mais pouldre de canelle pardessus.

Taillis à servir comme en karesme. Prenez fins roisins, lait d’amandes bouli, eschaudés, galettes et croutes de pain blanc et pommes couppées par menus morceaulx quarrés, et faites boulir vostre lait, et saffren{v. 2, p.212} pour lui donner couleur, et du succre, et puis mettez tout ensemble tant qu’il soit bien liant pour tailler[1102]. L’en en sert en karesme en lieu de riz.

Poucins farcis. Il convient souffler un poucin quant il est tout vif, et est soufflé par le col; puis liez le col et laissiez mourir: puis eschaudé, plumé, effondré, reffait et farcy.

Item, autrement, quant il est du tout appareillié pour mettre en broche, par endroit le pertuis là où l’en l’a effondré, l’en luy dessevre[1103] au doit la pel de la char, puis l’en le farcist au bout du doit, et recoust-l’en à sourget[1104], endroit le trou, la pel avec la char, et met-l’en en broche.

Et nota que la farce est faite de percil et un petit de sauge avec œufs durs et beurre, tout hachié ensemble, et mettre parmi pouldre fine avec. A chascun poucin convient trois œufs, blanc et tout.

Pour engresser poucins, mettez-les en orbe[1105] lieu, et leur nettoiez leur auget ou abeuvrouer neuf fois ou dix le jour, et leur donnez à chascune fois nouvelle paisson, et fresche et nouvelle eaue; c’est assavoir pour paisson, avoine batue que l’en doit dire gruyau d’avoine, destrempé en lait ou matons[1106] de lait un petit; et aient le pié sec jusques à neuf jours.

Pour engresser une oé en trois jours, paissez-la de mie de pain chault trempé en matons ou lait maigre[1107].

Pour faire perdriaulx de poucins, il convient avoir petites poulettes, et les tuer un ou deux jours devant,{v. 2, p.213} puis appareillier, et copper les jambes et les cols, oster les charcois[1108] et getter hors, rompre la granche[1109], et pousser les cuisses pour faire la char plus courte, puis boutonner et rostir, et mengier au sel comme perdriaulx.

Poulaille farcée autrement[1110]. Prenez vos poulles et leur couppez le gavion, puis les eschaudez et plumez, et gardez que au plumer la peau ne soit dessirée; puis les reffaites en eaue, puis prenez un tuel et le boutez entre cuir et char, et le[1111] soufflez: puis le[1111] fendez entre deux espaules et n’y faictes pas trop grant trou, et en tirez hors les charcois, et le[1112] laissiez à sa peau les cuisses, les esles, le cul[1113] à tout la teste et piés. Et pour faire la farce, prenez char de mouton, de veel et de porc et du braon[1114] des poulles; hachiez tout ensemble tout cru, puis le broyez en un mortier, et des œufs tous crus avec et de bon fromage de gain[1115] et de bonne pouldre d’espices et bien pou de saffren, et saler à point. Puis emplez vos poulles et ce trou soit recousu[1116], et du remenant de vostre farce faites-en pommes ainsi comme{v. 2, p.214} pasteaulx de guède[1117], et mettez cuire en boullon de beuf ou en belle eaue[1118] boulant, et du saffran grant foison, et qu’il ne boulle pas trop fort qu’ils ne se despiècent; puis les enhastez en une broche bien déliée. Et pour les dorer, prenez grant foison de moieux d’œufs et les batez bien en un pou de saffren broyé avec, et les en dorer; et qui veult dorer vert, si broye la verdure et puis des moyeux d’œufs grant foison bien batus et passés par l’estamine pour la verdure, et en dorer poulaille quant elle sera cuite et vos pommes. Et dréciez vostre broche ou vaissel où vostre doreure sera, et gettez tout au long vostre doreure, et remettez au feu par deux fois ou par trois, afin que vostre doreure se preingne; et gardez que vostre doreure n’ait pas trop grant[1119] feu afin qu’elle ne arde.

Ris engoulé à jour de mengier char. Eslisez-le et le lavez en deux ou en trois paires d’eaues chaudes, et mettez ressuer sur le feu, puis le mettez en lait de vache frémiant, et broyez du saffran pour le jaunir: deffait de vostre lait, et puis mettez dedans du gras du boullon de beuf[1120].

Aliter, RIS. Eslisez-le et le lavez en deux ou trois paires d’eaues chaudes tant que l’eaue reviengne toute clère, puis le faites ainsi comme demy cuire, puis le purez et{v. 2, p.215} mettez sur tranchouers en plas pour esgouter et séchier devant le feu: puis cuisiez bien espois avec l’eaue de la gresse de la char de beuf et avec du saffran, se c’est à jour de char: et se c’est à jour de poisson, n’y mettez pas eaue de char, mais en ce lieu mettez amandes bien forment broyées et sans couler; puis succrer et sans saffren.

Pour faire une froide sauge, prenez vostre poulaille et mettez par quartiers, et la mettez cuire en eaue avec du sel, puis la mettez reffroidier: puis broyez gingembre, fleur de canelle, graine, giroffle, et broyez bien sans couler; puis broyez du pain trempé en l’eaue des poucins, percil le plus, sauge et un pou de saffren en la verdure pour estre vertgay, et les coulez par l’estamine, (et aucuns y coulent[1121] des moyeux d’œufs durs) et deffaites de bon vinaigre: et icelles deffaites, mettez sur vostre poulaille, et avec et pardessus icelle poulaille mettez des œufs durs par quartiers et gettez vostre sausse pardessus tout.

Aliter, prenez le poucin et le plumez, puis le mettez boulir et du sel tant qu’il soit cuit, puis l’ostez et le mettez par quartiers reffroidier: puis mettez cuire des œufs durs en l’eaue, et mettez du pain tremper en vin et vertjus ou vinaigre, et autant de l’un comme de l’autre; puis prenez du percil et de la sauge, puis broyez gingembre, graine, et coulez par l’estamine, et coulez les moyeux d’œufs et mettez des œufs durs par quartiers dessus les poucins, et puis mettez vostre sausse pardessus.

Sous de pourcelet se fait ainsi comme d’une froide sauge, sans y mettre nuls œufs et point de sauge ne de{v. 2, p.216} pain. Il est fait du groing, des oreilles, de la queue, des jarrets cours[1122], et des quatre trotignons[1123] bien cuis et très bien plumés, puis mis en sausse de percil broyé, vinaigre et espices.

Potage parti ou[1124] faulx grenon.✝ Prenez une cuisse de mouton ou foies et jugiers de poulailles, et les mettez cuire très bien en eaue et en vin, et les tranchez comme quarrés: puis broyez gingembre, canelle, giroffle et un pou de saffren et graine de paradis, et deffaites de vin et de vertjus, du bouillon de char, (de celluy mesmes ou de la char à cuire[1125],) et puis ostez du mortier; puis aiez pain hazé[1126] trempé en vin et vertjus, broyez très bien, et après ce le passez par l’estamine, et faictes tout boulir ensemble, puis prenez la char et la frisiez au lart et la gettez dedans, et prenez dedens[1127] moieux d’œufs passés par l’estamine, et gettez dedans pour lier. Et après dréciez par escuelles, et gettez dessus pouldre de canelle et sucre: c’est assavoir gettez sur la moitié de l’escuelle et non sur l’autre; et l’apelle-l’en Potage parti[1128].

Flaons en karesme. Affaitiez et estauvez anguilles: cuisiez-les après en si chaude eaue que vous en puissiez oster la char sans les arestes, et laissiez aussi la teste et la queue, et ne prenez que la char; et broyez{v. 2, p.217} du saffren ou mortier, puis broyez dessus la char de l’anguille, destrempez de vin blanc, et de ce faites vos flaons; et succrez pardessus.

Item, flaons ont saveur de frommage quant l’en les fait de laittences de lus, de carpes, amandes ou amidon broyés, et du saffren destrempé de vin et de sucre foison dessus.

Item, se font de char de tanches, lus, carpes, et amidon, saffran, deffait de vin blanc et succre dessus.

Tarte jacobine. Prenez des anguilles et les eschaudez et tronçonnez par petis tronçons qui n’aient que demy doit d’espois, et prenez de la cloche[1129], du frommage de gain[1130] esmié, et puis cela soit porté au four et que l’en face une tarte, et que l’en pouldre du frommage au fons, et puis que l’en mette l’anguille debout, et puis du frommage un lit, et puis un lit de cols[1131] d’escrevices, et tousjours, tant comme chascun durera, un lit d’un et un lit d’autre. Et puis boulez du lait, et puis boulez[1132] du saffran et du gingembre, graine, giroffle, et puis destrampez du lait, et puis mettez dedans la tartre quant elle aura esté un pou au four, et mettez du sel dedans le lait, et qu’elle ne soit point couverte; et pongnez[1133] les piés des escrevices, et faites un joly couvescle à par soy[1134], pour mettre dessus quant elle sera cuite.

Autre tartre. Nota que de la farcissure d’un cochon peut-l’en faire une tartre couverte, et que la farce soit bien faite.{v. 2, p.218}

Pour faire une tourte, prenez quatre pongnées de bettes, deux poignées de percil, une pongnée de cerfueil, un brain de fanoil et deux pongnées d’espinoches[1135], et les eslisez et lavez en eaue froide, puis hachiez bien menu: puis broyez de deux paires de frommages, c’est assavoir du mol et du moïen, et puis mettez des œufs avec ce, moyeu et aubun, et les broyez parmi le frommage; puis mettez les herbes dedans le mortier et broyez tout ensemble, et aussi mettez-y de la pouldre fine. Ou en lieu de ce aiez premièrement broyé ou mortier deux cloches de gingembre, et sur ce broyez vos frommages, œufs et herbes, et puis gettez du vieil frommage de presse[1136] ou autre gratuisé[1137] dessus celles herbes, et portez au four, et puis faites faire une tartre et la mengez chaude.

Pour faire quatre plats de gelée de char, prenez un cochon et quatre piés de veau et faites plumer deux poucins et deux lappereaulx tous meigres, et fault oster la gresse, et seront fendus tout au long tous crus, excepté le cochon qui est par morceaulx: et puis mettez en une paelle trois quartes de vin blanc ou claret, une pinte de vinaigre, une chopine de vertjus, faictes boulir et escumer fort; puis mettez dedans en un petit drapelet délié le quart d’une once de saffran pour donner couleur ambrine, et faictes boulir char et tout ensemble avec un pou de sel; puis prenez dix ou douze cloches de gingembre blanc[1138] ou cinq ou six cloches de garingal, demie once de graine de paradis, trois ou quatre pièces de folium de macis, pour deux{v. 2, p.219} blans, citoual[1139]: cubebbes[1140], espic[1141] pour trois blans: fueilles de lorier, six nois muguettes; puis les escachiez en un mortier et mettez en un sachet et mettez boulir avec la char tant qu’elle soit cuite, puis la traiez et mettez sécher sur une nappe blanche, puis prenez pour le meilleur plat les piés, le groin et les oreilles: et du remenant aux autres. Puis prenez une belle touaille[1142] sur deux tresteaux, et versez tout vostre chaudeau dedans, excepté les espices que vous osterez, et mettez couler pour potage, et ne la remuez point afin qu’elle reviengne plus clère. Mais s’elle ne couloit bien, si faites feu d’une part et d’autre pour la tenir chaude pour mieulx couler, et la coulez avant deux ou trois fois qu’elle ne soit bien clère[1143], ou parmi une nappe en trois doubles. Puis prenez vos plas et dréciez vostre char dedans, et aiez des escrevices cuites, dont vous mettrez dessus votre char des cuisses et la queue; de vostre gelée, laquelle sera réchauffée, versez tant dessus la char que la char baigne et soit couverte dedans, car il n’y doit avoir que un petit de char, puis mettre une nuit refroidier en la cave, et au matin poigniez dedans clos de giroffle et fueilles de lorier et fleur de canelle, et semez anis vermeil. Nota que pour la faire prendre en deux heures, il convient avoir graine de coings, philicon[1144] et gomme de cerisier, et{v. 2, p.220} tout ce faire conquasser et mettre en un sac de toile boulir avec la char.

Item, à jour de poisson, l’en fait gelée comme dessus, de lus, de tanches, de bresmes, d’anguilles, d’escrevices et de loche. Et quant le poisson est cuit, l’en le met essuier et sécher sur une belle nappe blanche, et le peler et nettoier très bien, et getter les peleures ou bouillon.

Item, POUR FAIRE GELÉE BLEUE, prenez dudit boullon, soit poisson ou char, et mettez en une belle paelle et faites boulir encores sur le feu, et prenez sus un espicier deux onces de tournesot[1145] et le mettez boulir avec tant qu’il ait bonne couleur, puis l’espraingnez et ostez: et puis prenez une pinte de loche[1146] et le cuisiez autre part, et eschaudez la loche en vos plats, et laissiez couler le boullon comme dessus, et laissiez refroidier. Item, de ce mesmes se fait un bleu. Et se vous voulez faire armoirie dessus la gelée, prenez or ou argent, lequel que mieulx vous plaira, et de l’aubun d’un œuf tracez à une plumette, et mettez de l’or dessus à une pincette.

Aliter, POUR VINT PLAS DE GELÉE convient dix lappereaulx meigres, dix poucins meigres, une chopine de loche qui peut valoir trois sols: un cent d’escrevices qui ne soient pas de Marne, six sols: un cochon meigre, trois sols huit deniers; (et combien qu’il soit meigre, encores convient-il oster la gresse d’entre la{v. 2, p.221} couenne et la char, et faire petis morceaulx quarrés,) trois espaules de veau, quatre sols: huit quartes de vin pour cuire le veau tout en vin, deux quartes de vinaigre: demie aulne de toile de lin, deux sols. Item, il convient cuire le veel tout en vin et vinaigre, et escumer et mettre du sel dedans, puis traire[1147], et cuire les lappereaulx et poucins, et escumer, et mettre la moitié du lorier et mettre du saffren en une toile ou sachet pour cuire avec: aussi mettre les espices bien petit moulues ou mortier de pierre; et quant tout est cuit, si le faictes couler parmy l’estamine et toile, et regetter tant qu’il soit bien cler; puis cuisiez la loche d’une part et les escrevisses d’autre, et prenez les queues des escrevisses, et faites vos plats chascun de demy lappereau, demy poucin, six loches et quatre[1148] queues d’escrevices; et les mettez en la cave ou celier, et asséez vos plats bien drois, et gettez vostre gelée dessus et l’emplez bien. Et le lendemain[1149], mettez sur chascun plat violette blanche, grenade et dragée vermeille et quatre fueilles de lorier.

Une andouille d’esté. Prenez une fressure d’aignel ou chevrel et ostez la taye, et le remenant cuisiez en eaue et un petit de sel: et quant elle sera cuite, si la hachez bien menu ou broyez, puis ayez six moyeux d’œufs et pouldre fine, une cuillier d’argent, et hatez tout ensemble en une escuelle; puis mettez et meslez vostre fressure avec vos moyeux d’œufs et pouldre, puis estendez tout sur la coiffe ou taye, et entortilliez en guise d’andouille, puis liez de fil laschement du long, et puis au travers bien dru; et puis rostir sur le{v. 2, p.222} greil, puis ostez le fil et servir. Vel sic: faites-en pommettes, c’est assavoir de la taye mesmes, et icelles pommettes frisiez en sain de porc doulx.

Pommeaulx. Prenez d’un cuissot de mouton le meigre tout cru, et autant de la cuisse de porc meigre: soit tout ensemble hachié bien menu, puis broyez ou mortier gingembre, graine, giroffle, et mettez en pouldre sur vostre char hachée, et puis destrempez d’aubun et non pas du moyeu; puis paumoyez[1150] aux mains les espices et la char toute crue en luy donnant forme de pomme, puis quant la forme est bien faite, l’en les met cuire en l’eaue avec du sel, puis les ostez, et ayez de broches de couldre[1151] et les embrochiez et mettez rostir; et quant ils se roussiront, ayez percil broyé et passé par l’estamine et de la fleur[1152] meslée ensemble, ne trop cler ne trop espois, et ostez vos pommeaulx de dessus le feu et mettez un plat dessoubs, et en tournant la broche sur le plat, oingnez vos pommeaulx, puis mettez au feu tant de fois que les pommeaulx deviennent[1153] bien vers.

Renoulles[1154]. Pour les prendre, aiez une ligne et un ameçon avec esche[1155] de char ou d’un drap vermeil, et icelles renoulles prises, couppez-les à travers parmi le corps emprès les cuisses et vuidiez ce qu’il y sera emprès le cul, et prenez desdictes renoulles les deux cuisses, coupez les piés, et lesdites cuisses pelez toutes crues, puis aiez eaue froide et les lavez; et se les cuisses demeurent une nuit en eaue froide, de tant sont-elles meilleurs et plus tendres. Et ainsi trempées, soient{v. 2, p.223} lavées en eaue tiède, puis mises et essuites en une touaille; lesdictes cuisses, ainsi lavées et essuites, soient en farine touillées, id est enfarinées, et puis frites en huille, sain ou autre liqueur, et soient mises en une escuelle et de la pouldre dessus[1156].

Limassons que l’en dit escargols, convient prendre à matin. Prenez les limassons jeunes, petis, et qui ont coquilles noires, des vignes ou des seurs[1157], puis les lavez en tant d’eaue qu’ils ne gettent plus d’escume: puis les lavez une fois en sel et vinaigre et mettez cuire en eaue. Puis il vous convient traire iceulx limassons de la coquerette au bout d’une espingle ou aguille, et puis leur devez oster leur queue, qui est noire, car c’est leur m..de; et puis laver, mettre cuire et boulir en eaue, et puis les traire et mettre en un plat ou escuelle, à mengier au pain. Et aussi dient aucuns qu’ils sont meilleurs fris en huille et oignon ou autre liqueur après ce qu’ils sont ainsi cuis que dit est dessus, et sont mengiés à la pouldre, et sont pour riches gens[1158].

Pastés norrois sont fais de foie de morue et aucunes fois du poisson hachié avec. Et fault premièrement un petit pourboulir, puis hacher, et mis en petis pastés de trois deniers pièce et de la pouldre fine pardessus. Et quant le pasticier les apporte non cuis ou four, sont fris tous entiers en huille et c’est à jour de poisson; et à jour de char, l’en les fait de mouelle de beuf qui est reffaite, c’est à dire que l’en met icelle{v. 2, p.224} mouelle dedans une cuillier percée, et met-l’en icelle cuillier percée avec la mouelle dedans le bouillon du pot à la char, et l’y laisse-l’en autant comme l’en laisseroit un poucin plumé en l’eaue chaude pour reffaire; et puis la met-l’en en eaue froide, puis couppe-l’en la mouelle et arrondist-l’en comme gros jabets[1159] ou petites boulettes, puis porte-l’en au pasticier qui les met quatre et quatre ou trois en un pasté et de la pouldre fine dessus. Et sans cuire ou four sont cuis en sain.

Et qui en veult faire buignets de mouelle, convient la reffaire en la manière[1160], puis prendre de la fleur et des moyeux d’œufs et faire le[1161] paste, prendre chascun morcel de mouelle et frire au sain. Des buignets quérez le remenant.

AUTRES ENTREMÈS.

Lait lardé. Prenez lait de vache ou de brebis et mettez fremier sur le feu, et gettez des lardons et du saffran: et aiez œufs, scilicet blanc et moyeux, bien batus, et gettez à ung coup, sans mouvoir, et faites boulir tout ensemble, et après l’ostez hors du feu et laissiez tourner; ou, sans œufs, le fait-l’en tourner de vertjus. Et quant il est refroidié, l’en le lie bien fort en une pièce de toile ou estamine et luy donne-l’en quelque forme que l’en veult, ou plate ou longue et chargié d’une grosse pierre laissiez reffroidier sur un dréçouer toute nuit, et l’endemain lachié et frit au fer de la paelle, et se frit de luy mesmes sans autre gresse[1162], ou{v. 2, p.225} à gresse qui veult; et est mis en plas ou escuelles comme lesche de lart, et lardé de giroffle et de pignolat. Et qui le veult faire vert, si preigne du tournesol.

Rissolles a jour de poisson. Cuisiez chastaingnes à petit feu et les pelez, et aiez durs œufs et du frommage pelé et hachez tout bien menu; puis les arrousez d’aubuns d’œufs, et meslez parmy pouldre et bien petit de sel délié, et faites vos rissoles, puis les frisiez en grant foison d’uille et succrez.

Et nota, en karesme, en lieu d’œufs et frommage, mettez merlus et escheroys cuis, bien menu hachiés, ou char de brocherès ou d’anguilles, figues et dates hachées.

Item, au commun[1163], l’en les fait de figues, roisins, pommes hastées et noix pelées pour contrefaire le pignolat, et pouldre d’espices: et soit la paste très bien ensaffrenée, puis soient frites en huille. S’il y convient lieure[1164], amidon lie et ris aussi. Item, char de langouste de mer y est bonne en lieu de char.

Rissolles en jour de char sont en saison depuis la Saint Remy[1165]. Prenez un cuissot de porc, et ostez toute la gresse qu’il n’y en demeure point, puis mettez le meigre cuire en un pot et du sel largement: et quant elle sera presque cuite, si la traiez et aiez œufs durs cuis, et hachiez aubun et moyeu, et d’autre part hachiez vostre grain bien menu, puis meslez œufs et char tout ensemble, et mettez pouldre dessus, puis mettez en paste et frisiez au sain de luy mesmes. Et nota que c’est propre farce pour cochon; et aucunes fois les queux l’achetent des oubloiers[1166] pour farcir{v. 2, p.226} cochons: mais toutesvoies, à farcir cochon, il est bon de y mettre bon vieil frommage.

Item, à la court des seigneurs comme Monseigneur de Berry, quant l’en y tue un beuf, de la mouelle l’en fait rissolles[1167].

Crespes. Prenez de la fleur et destrempez d’œufs tant moyeux comme aubuns, osté le germe, et le deffaites d’eaue, et y mettez du sel et du vin, et batez longuement ensemble: puis mettez du sain sur le feu en une petite paelle de fer, ou moitié sain ou[1168] moitié beurre frais, et faites[1169] fremier; et adonc aiez une escuelle percée d’un pertuis gros comme vostre petit doit, et adonc mettez de celle boulie dedans l’escuelle en commençant ou milieu, et laissiez filer tout autour de la paelle; puis mettez en un plat, et de la pouldre de succre dessus[1170]. Et que la paelle dessusdite de fer ou d’arain tiengne trois choppines, et ait le bort demy doy de hault, et soit aussi large ou dessus comme en bas, ne plus ne moins; et pour cause.

Crespes a la guise de Tournay. Primo, il vous convient avoir fait provision d’une paelle d’arain tenant une quarte, dont la gueule ne soit point plus large que le fons, se très petit non, et soient les bors de hauteur quatre doie ou trois doie et demye largement. Item, convient estre garni de beurre salé, et fondre, escumer et nettoier, et puis verser en une autre paelle, et laissier tout le sel et de sain frais bien net autant de l’un comme de l’autre. Puis prenez des œufs et les frisiez, et de la moitié d’iceulx ostez les aubuns, et le remenant d’iceulx soient batus avec tous les aubuns et{v. 2, p.227} moieux, puis prenez le tiers ou le quart de vin blanc tiède, et meslez tout ensemble: puis prenez la plus belle fleur de fourment que vous pourrez avoir, et puis batez ensemble tant et tant, comme à l’ennuy d’une ou de deux personnes, et ne soit vostre paste ne clère ne espoisse, mais telle qu’elle se puisse légièrement couler parmi un pertuis aussi gros comme un petit doy; puis mettez vostre beurre et vostre sain sur le feu ensemble, autant d’un comme d’autre, tant qu’il bouille, puis prenez vostre paste et emplez une escuelle ou une grant cuillier de bois percée, et filez dedans vostre gresse, premièrement ou milieu de la paelle, puis en tournyant jusques à ce que vostre paelle soit plaine; et que l’en bate tousjours vostre paste sans cesser pour faire des autres crespes. Et icelle crespe qui est en la paelle convient soubslever à une brochette ou fuisel[1171], et tourner ce dessus dessoubs pour cuire, puis oster, mettre en un plat, et commencier à l’autre; et que l’en ait tousjours meu et batu la paste sans cesser.

Pipefarces. Prenez des moyeux d’œufs et de la fleur et du sel, et un pou de vin, et batez fort ensemble, et du frommage tranchié par lesches, et puis toulliez[1172] les lesches de frommage dedans la paste, et puis la frisiez dedans une paelle de fer et du sain dedens. Aussi en fait-l’en de mouelle de beuf.

Une arboulaste[1173] de char pour quatre personnes.✝ Se vous avez fait tuer un chevrel, vous povez faire assiette[1174] de la pance, mulette ou caillette, saultier, etc., au jaunet avec du lart et du foie, mol, fressure et autres trippes. Cuisez-les très bien en eaue, puis les{v. 2, p.228} hachiez à deux cousteaulx comme porée, et[1175] faites hachier au pasticier très bien menus, ou broyez ou mortier avec sauge ou mente, etc., comme dessus.

Nota que du chevrel les boyaulx ne sont point laissiés avec la fressure comme ils sont laissiés avec la fressure du porc; la raison est car les boyaulx du porc sont larges et se pevent laver, retourner et renverser à la rivière, et les boyaulx de chevrel, non; mais toutes les autres choses y sont laissiées comme au porc, scilicet la teste, le gosier et le col, le foie, le mol ou pomon, car c’est tout un, la rate menue et le cuer. Et tout ensemble est appellé fressure: et autel de porc[1176].

Item, quant l’en parle des hastelets de chaudun[1177] de porc que l’en mengue en Juillet, qui sont lavés en sel et en vinaigre, ce sont les boyaulx qui sont gras, qui sont tranchés par lopins de quatre doie de long, et mengiés au vertjus nouvel.

Escheroys[1178] les plus nouveaulx mis hors de terre et frais tirés, cueillis en Janvier, Février, etc., sont les meilleurs; et sont les plus frais congneus à ce que au plaier ils se rompent, et les viels tirés hors de terre se ployent. Il les convient rere et oster le mauvais au coustel comme on fait les navets, puis les convient laver très bien en eaue tiède, puis pourboulir un petit, puis les mettre essuier sur une touaille, puis enfleurer[1179], puis frire, puis drécier par petis platelets arrangéement, et mettre du succre dessus.

Item, qui en veult faire pastés, il les convient faire{v. 2, p.229} comme dessus jusques au frire, et lors les mettre en pasté, rompus en deux les trop longs, et au lieu du succre dont dessus est parlé, convient mettre figues couppées par menus morceaulx et des roisins avec.

Buignets d’œuves[1180] de lus.✝ Il convient mettre les œuves en eaue et avec du sel, et bien cuire: laissier refroidier, puis mettre par morceaulx et envelopper en paste et œufs, et frire à l’uille.

SAULCES NON BOULIES.

Moustarde. Se vous voulez faire provision de moustarde pour garder longuement, faites-la en vendenges de moulx doulx. Et aucuns dient que le moust soit bouly. Item, se vous voulez faire moustarde en un village à haste, broyez du senevé en un mortier et deffaites de vinaigre, et coulez par l’estamine; et se vous la voulez tantost faire parer[1181], mettez-la en un pot devant le feu. Item, et se vous la voulez faire bonne et à loisir, mettez le senevé tremper par une nuit en bon vinaigre, puis le faites bien broyer au moulin, et bien petit à petit destremper de vinaigre: et se vous avez des espices qui soient de remenant de gelée, de claré, d’ypocras on de saulces, si soient broyées avec, et après la laissier parer.

Vertjus d’ozeille. Broyez l’ozeille très bien sans les bastons, et deffaites de vertjus vieil blanc, et ne coulez point l’ozeille, mais soit bien broyée; vel sic: broyez percil et ozeille ou la feuille du blé. Item du bourgon de vigne, c’est assavoir jeune bourgon et tendre, sans point de tuyau.{v. 2, p.230}

Cameline. Nota que à Tournay, pour faire cameline, l’en broyé gingembre, canelle et saffren et demye noix muguette: destrempé de vin, puis osté du mortier; puis aiez mie de pain blanc, sans bruler, trempé en eaue froide et broyez au mortier, destrempez de vin et coulez, puis boulez tout, et mettez au derrain du succre roux: et ce est cameline d’yver. Et en esté la font autelle, mais elle n’est point boulie.

Et à vérité, à mon goust, celle d’iver est bonne, mais en[1182] est trop meilleure celle qui s’ensuit: broyez un pou de gingembre et foison canelle, puis ostez, et aiez pain hazé[1183] trempé ou chappeleures foison en vinaigre broyées et coulées.

Nota que trois différences sont entre gingembre de mesche et gingembre coulombin. Car le gingembre de mesche a l’escorce plus brune, et si est le plus mol à trenchier au coustel et plus blanc dedans que l’autre; item, meilleur et tousjours plus cher[1184].

Le garingal qui est le plus vermeil violet en la taille, est le meilleur[1185].

Des noix muguettes les plus pesans sont les meilleurs et les plus fermes en la taille. Et aussi le garingal pesant et ferme en la taille, car il y en a de heudry[1186], pourry et légier comme mort bois; celluy n’est pas bon, mais celluy qui est pesant et ferme contre le coustel comme le noyer[1187], celluy est bon.

Aulx camelins pour raye. Broyez gingembre, aulx et{v. 2, p.231} croustes de pain blanc trempées en vinaigre, ou pain ars, et deffaites de vinaigre; et se vous y mettez du foye il en vauldroit mieulx.

Saulce d’aulx blanche ou verte pour oisons ou beuf. Broyez une doulce[1188] d’aulx et de la mie de pain blanc sans bruler, et destrempez de vertjus blanc; et qui la veult verte pour poisson, si broye du percil et de l’ozeille ou de l’un d’iceulx ou rommarin[1189].

Aulx moussus a harens frais. Broyez les aulx sans peler, et soient pou broyés et deffais de moust, et dréciez à toutes les peleures.

Saulce vert d’espices. Broyez très bien gingembre, clo, graine, et ostez du mortier: puis broyez percil ou salemonde[1190], ozeille, marjolaine, ou l’un ou les deux des quatre, et de la mie de pain blanc trempé en vertjus, et coulez et rebroyez très bien, puis recoulez et mettez tout ensemble et assavourez de vinaigre.

Nota que c’est bon soucié, mais qu’il n’y ait pain.

Nota que pour toutes espices, pluseurs n’y mettent fors des fueilles de rommarin.

Un soucié vergay a garder poisson de mer. Prenez percil, sauge, sanemonde, vinaigre, et coulez; mais avant aiez broyé coq, ysope, ozeille, toute[1191], marjolaine, gingembre, fleur de canelle, poivre long, giroffle, graine, et osté hors du mortier, et mettez dessus vostre poisson quant tout sera passé; et soit vergay. Et aucuns y mettent sanemonde à toute la racine.

Nota que le mot soucié[1192] est dit de soux pour ce qu’il est fait comme soux de pourcel.{v. 2, p.232}

Pour poisson d’eaue doulce ainsi se fait chaudumé, fors tant que l’en n’y met nulles herbes, et en lieu d’herbes, l’en y met saffren et noix muguettes et vertjus, et doit estre fin jaune et bouly, et mis tout chault sur le poisson froit.

Au brochier, taillez au travers et rostis sur le greil.

La saulce d’un chappon rosti est de le despescier par membres, et mettre sur les jointes du sel et du vertjus, et le tiers vin blanc ou vermeil; et poucer[1193] fort comme un poucin.

Item, en esté, la saulce d’un poucin rostis est moitié vinaigre, moitié eaue rose, et froissié, etc. Item, le jus d’orenge y est bon.

SAULCES BOULIES.

Nota, que en Juillet le vertjus vieil est bien foible et le verjus nouvel est trop vert: et pour[1194] ce, en vendenges, le vertjus entremellé moitié vieil moitié nouvel est le meilleur. Item, en potage, l’en deffoiblist de purée, mais en Janvier, Février, etc., le nouvel est le meilleur.

Cameline a la guise de Tournay, quérez ou chappitre précédent[1195].

Poivre jaunet ou aigret. Prenez gingembre, saffren, puis preingne-l’en pain rosty deffait d’eaue de char, (et encores vault mieux la meigre eaue[1196] de choulx,) puis boulir, et au boulir mettre le vinaigre.{v. 2, p.233}

Poivre noir[1197]. Prenez clou de giroffle et un pou de poivre, gingembre, et broyez très bien: puis broyez pain ars destrempé en meigre eaue de char ou en meigre eaue de choulx qui mieulx vault, puis soit bouly en une paelle de fer, et au boulir soit mis du vinaigre; puis mettez en un pot au feu pour tenir chault. Item, pluseurs y mettent de la canelle.

Galentine pour carpe. Broyez saffren, gingembre, giroffle, graine, poivre long et noix muguettes, et deffaictes de la grasse eaue en quoy la carpe aura cuit, et y mettez vertjus, vin et vinaigre; et soit lié d’un petit de[1198] pain hazé très bien broyé, et sans couler, (jàsoit-ce que le pain coulé fait plus belle saulce,) et soit tout bouly et getté sur le poisson cuit, puis mis en plats. Et est bon reschauffé ou plat sur le gril, meilleur que tout froit. Nota qu’elle est bonne et belle sans saffren; et nota qu’il souffist que en chascun plat ait deux tronçons de carpe et quatre gougons fris.

Le saupiquet pour connin ou pour oiseau de rivière ou coulon ramier. Frisiez oignons en bon sain, ou vous les mincez et mettez cuire en la leschefrite avec eaue de beuf, et n’y mettez vertjus ne vinaigre jusques au boulir: et lors mettez moitié vertjus moitié vin et un petit de vinaigre, et que les espices passent. Puis prenez moitié vin moitié vertjus et un petit de vinaigre, et mettez tout en la leschefrite dessoubs le connin, coulon ou oisel de rivière; et quant ils seront cuis, si boulez la saulce, et aiez des tostées[1199] et mettez dedens avec l’oisel.

Calimafrée ou saulce paresseuse. Prenez de la moustarde{v. 2, p.234} et de la pouldre de gingembre et un petit de vinaigre, et la gresse et l’eaue de la carpe, et boulez ensemble: et se vous voulez faire ceste saulce pour un chappon, ou lieu que l’en met la gresse et l’eaue de la carpe, mettez vertjus, vinaigre et la gresse du chappon.

Jance de lait de vache. Broyez gingembre, moyeux d’œufs sans le germe, et soient crus passés par l’estamine avec lait de vache: ou pour paour de tourner, soient les moyeux d’œufs cuis, puis broyés et passés par l’estamine; deffaictes de lait de vache, et faites bien boulir[1200].

Jance a aulx. Broyez gingembre, aulx, amandes, et deffaites de bon vertjus et puis boulez; et aucuns y mettent le tiers de vin blanc.

Jance se fait en ceste manière: prenez amandes, mettez en eaue chaude, pelez, broyez, et du gingembre deux cloches aussi; ou y mettez de la pouldre, un pou d’aulx, et du pain blanc, pou plus que d’amandes, qui ne soit point brûlé, destrempé de vertjus blanc et le quart de vin blanc: couler, puis faire très bien boulir, et drécier par escuelles. Et en doit-l’en plus drécier que d’autre saulce[1201].

Une poitevine. Broyez gingembre, giroffle, graine et des foies, puis ostez du mortier: puis broyez pain brûlé, vin et vertjus et eaue, de chascun le tiers, et faictes boulir, et de la gresse du rost dedans, puis versez sur vostre rost ou par escuelles[1202].

Moust pour hétoudeaux. Prenez roisins nouveaulx{v. 2, p.235} et noirs, et les escachiez[1203] ou mortier, et boulez un bouillon, puis coulez par une estamine: et lors gettez dessus pouldre, petit de gingembre et plus de canelle, ou de canelle seulement quia melior, et meslez un petit à une cuillier d’argent, et gettez croustes ou pain broyé ou œufs ou chastaignes, pour lier, dedans: du succre roux, et dréciez.

(Item, à ce propos, sachiez que Arquenet[1204] est espice qui rent rouge couleur et est aussi comme garingal; et la convient tremper en vin et en l’eaue de la char, puis broyer.)

Item, et qui veult faire ce moust dès la Saint Jehan et avant que l’en treuve aucuns roisins, faire le convient de cerises, merises, guines, vin de meures, avec pouldre de canelle, sans gingembre, se petit non, boulir comme dessus, puis mettre du succre dessus[1205].

Item, et après ce que l’en ne treuve nuls roisins, scilicet en Novembre, l’en fait le moust de prunelles de haye, ostés les noiaux, puis broyées ou escachées ou mortier, faire boulir avec les escorces, puis passer par l’estamine, mettre la pouldre, et tout comme dessus.

Saulce briefve pour chappon. Ayez de belle eaue nette, et mettez en la leschefrite dessoubs le chappon quant il rostist, et arrousez tousdis[1206] le chappon, puis broyez une doulce[1207] d’ail et destrempez d’icelle eaue{v. 2, p.236} et boulez, puis dréciez. Comme jance elle est bonne, qui mieulx n’a.

Saulce a mettre boulir en pastés de halebrans, canets, lappereaulx ou connins de garenne. Prenez foison de bonne canelle, gingembre, giroffle, graine, demie noix muguette et macis, garingal, et broyez très bien, et deffaites de vertjus moitié et vinaigre moitié, et soit la saulce clère. Et quant le pasté sera ainsi comme cuit, soit icelle saulce gettée dedans et remis au four boulir un seul bouillon.

(Nota que Halebrans sont les petis canets qui ne pevent voler jusques à tant qu’ils ont eu de la pluye d’Aoust.)

Et nota que en yver l’en y met plus gingembre pour estre plus forte d’espices, car en yver toutes saulces doivent estre plus fortes que en esté.

Une queue de sanglier. Prenez nomblets de porc, lièvres et[1208] oiseaulx de rivière, et les mettez en la broche, et une leschefrite dessoubs, et du vin franc[1209] et du vinaigre. Et puis prenez graine, gingembre, giroffle, noix muguettes et du poivre long et canelle, et broyez et ostez du mortier: puis broyez pain brûlé et trempé en vin franc, et le coulez par l’estamine; et puis coulez tout ce qui est en la leschefrite et les espices et le pain en une paelle de fer ou en un pot avec eaue de la char, et y mettez le rost de quoy vous le ferez, et l’ayez avant boutonné de doux de giroffle.

Ainsi convient faire à un Bourberel[1210] de sanglier.

Nota que les noix muguettes, macis et garingal font douloir la teste.{v. 2, p.237}

Saulce rappée. Eschaudez trois ou quatre grappes de vertjus, puis en broyez une partie et ostez le marc d’icelluy vertjus: et puis broyez du gingembre et allaiez d’icellui vertjus et mettez en une escuelle; puis broyez les escorces du vertjus autrefois broyé, et destrempez de vertjus blanc et coulez; et mettez tout en icelle[1211] escuelle et meslez tout ensemble, puis dréciez et mettez des grains dessus. Nota, en Juillet, quant le vertjus engrossist, est au jambon ou pié de porc[1212].

Saulce pour un chappon ou poule. Mettez tremper un très petit de mie de pain blanc en vertjus et du saffran, puis soit broyé: puis le mettez en la leschefrite, et les quatre parties de vertjus et la cinquième partie de la gresse de la poule ou chappon et non plus, car le plus seroit trop, et faites boulir en la leschefrite, et dréciez par escuelles.

Saulce pour oeufs pochiés en huile. Aiez des oignons cuis et pourboulis moult longuement comme choulx, puis les frisiez: après vuidiez la paelle où vous avez frit vos œufs que rien n’y demeure, et en icelle mettez l’eaue et oignons et le quart de vinaigre, c’est à dire que le vinaigre face le quart de tout, et boulez, et gettez sur vos œufs.

BUVRAGES POUR MALADES.

Tizanne doulce. Prenez de l’eaue et faites boulir, puis mettez pour chascun sextier[1213] d’eaue une escuelle d’orge largement, et ne chault s’elle est à toute l’escorce{v. 2, p.238}, et pour deux parisis[1214] de réglisse, item, des figues, et soit tant bouly que l’orge crève; puis soit coulée en deux ou trois toiles, et mis en chascun gobelet grant foison de succre en roche. Puis est bonne icelle orge[1215] à donner à mengier à la poulaille pour engressier.

Nota que la bonne réglisse est la plus nouvelle, et est en la taille de vive couleur vergaie, et la vieille est de plus fade et morte, et sèche.

Bouillon. Pour faire quatre sextiers de bouillon, il convient avoir la moitié d’un pain brun d’un denier, de levain, levé de trois jours[1216]: item, de son, le quart largement d’un boissel, et mettre cinq sextiers d’eaue en une paelle, et quant elle fremiera, mettre le son en l’eaue et tant boulir que tout s’appetice du cinquième ou plus; puis oster de dessus le feu et laissier refroidier jusques à tiède, puis couler par une estamine ou sas, ou[1217] destremper le levain en eaue et mettre ou tonnel, et laissier deux ou trois jours parer[1218]; puis encaver et laissier esclarcir, et puis boire.

Item, qui le veult faire meilleur, il y convient mettre une pinte de miel bien bouly et bien escumé.

Bochet. Pour faire six sextiers de bochet, prenez six pintes de miel bien doulx, et le mettez en une chaudière sur le feu et le faites boulir, et remuez si longuement que il laisse à soy croistre, et que vous véez qu’il gette bouillon aussi comme petites orines[1219] qui se creveront{v. 2, p.239}, et au crever getteront un petit de fumée aussi comme notre: et lors faites-le mouvoir, et lors mettez sept sextiers d’eaue et les faites tant boulir qu’ils reviengnent à six sextiers, et tousjours mouvoir. Et lors le mettez en un cuvier pour refroidier jusques à tant qu’il soit ainsi comme tiède; et lors le coulez en un sas, et après[1220] le mettez en un tonnel et y mettez une choppine de leveçon[1221] de cervoise, car c’est ce qui le fait piquant, (et qui y mettroit levain de pain, autant vauldroit pour saveur, mais la couleur en seroit plus fade,) et couvrez bien et chaudement pour parer. Et se vous le voulez faire très bon, si y mettez une once de gingembre, de poivre long, graine de paradis et cloux de giroffle autant de l’un que de l’autre, excepté des cloux de giroffle dont il y aura le moins, et les mettez en un sachet de toile et gettez dedans. Et quant il y aura esté deux ou trois jours et le bochet sentira assez les espices et il piquera assez, si ostez le sachet et l’espraignez et le mettez en l’autre baril que vous ferez. Et ainsi vous servira bien celle pouldre jusques à trois ou quatre fois.

Item. Autre bochet de quatre ans de garde, et peut-l’en faire une queue ou plus ou moins à une fois qui veult. Mettez les trois pars d’eaue et la quatrième de miel, faites boulir et escumer tant qu’il déchée du dixième, et puis gettez en un vaissel: puis remplez vostre chaudière et faictes comme devant, tant que vous en aiez assez; puis laissiez refroidier et puis remplez vostre queue: adonc, vostre bochet gettera comme moust qui se pare. Si le vous convient tousjours tenir{v. 2, p.240} plain afin qu’il gette, et après six sepmaines ou un mois l’en doit traire tout le bochet jusques à la lye et le mettre en cuve ou en autre vaissel, puis deffoncier le vaissel où il estoit, oster la lye, eschauder, laver, renfoncer, et remplir de ce qui est demouré, et garder; et ne chault s’il est en vuidenge. Et adonc aiez quatre onces et demie de pouldre fine de fine canelle et une once et demie de clou de giroffle et une de graine batus et mis en un sachet de toile et pendus à une cordelette au bondonnail.

Nota que de l’escume qui en est ostée, prenez pour chascun pot d’icelle douze pos d’eaue, et boulez ensemble, et ce sera bon bochet pour les mesgnies[1222]. Item, d’autre miel que d’escume se fait à autele portion[1223].

Beuvrage d’eaue rousse d’un chappon. Mettez vostre chappon ou poule en un pot bien net et qui soit tout neuf plommé[1224] et bien couvert, que rien n’en puisse yssir, et mettez vostre pot dedans une paelle plaine d’eaue et faites boulir tant que le chappon ou poule soit cuit dedans le pot; puis ostez le chappon ou poule, et de l’eaue qu’il aura faicte dedans le pot donnez au malade à[1225] boire.

Buvrage de noisettes. Pourboulez et pelez, puis mettez en eaue froide, puis les broyez et allaiez d’eaue boulie et coulez: broyez et coulez deux fois, puis mettez reffroidier en la cave; et vault mieulx assez que tizanne.{v. 2, p.241}

Buvrage de lait d’amandes. Comme dessus.

POTAGES POUR MALADES.

Chaudeau flament. Mettez un pou d’eaue boulir, puis pour chascune escuelle quatre moyeux d’œufs batus avec vin blanc[1226], et versez à fil[1227] en vostre eaue et remuez très bien, et du sel y mettez bien à point; et quant il aura bien boulu, tirez-le arrière du feu.

Nota. Qui n’en fait fors une escuelle pour un malade, l’en y met cinq moyeux.

Orge mondé[1228] ou gruiau d’orge. Mettez l’orge tremper en un bacin ainsi comme demie heure, puis la purez et mettez en un mortier de cuivre et pilez d’une pilette de bois, puis la mettez séchier: et quant elle sera sèche, si la vennez. Et quant vous en vouldrez faire potage, mettez-la cuire en un petit pot avec de l’eaue, et quant elle sera ainsi comme baienne[1229], purez-la et la mettez avec du lait d’amandes boulir; et aucuns le coulent. Item, l’en y met du succre foison.

Lait d’amandes. Pourboulez et pelez vos amandes, puis les mettez en eaue froide, puis les broyez et destrempez de l’eaue où les oignons auront cuit et coulez par une estamine: puis frisiez les oignons, et mettez dedans un petit de sel, et faites boulir sur le feu, puis mettez les souppes. Et se vous faites lait d’amandes pour malades, n’y mettez aucuns oignons, et ou lieu de l’eaue d’oignons pour destremper les amandes et dont dessus est parlé, mettez-y et les destrempez{v. 2, p.242} d’eaue tiède nette et faites boulir, et n’y mettez point de sel, mais succre foison. Et se vous en voulez faire pour boire, si le coulez à l’estamine ou par deux toiles, et succre foison au boire.

Coulis d’un poulet. Cuisiez le poulet tant qu’il soit tout pourry de cuire, et le broyez et tous les os en un mortier, puis deffaites de son boullon, coulez, et mettez du succre[1230].

Nota que les os doivent estre boulis les premiers: puis ostez du mortier, coulez, et nettoiez le mortier; puis broyez la char[1231] et grant foison succre.

Un coulis de perche, ou de tanche, ou de sole, ou d’escrevices. Cuisiez-la en eaue et gardez le boullon, puis broyez amandes et de la perche avec, et deffaites de vostre boullon, et coulez et mettez tout boulir; puis dréciez vostre perche et mettez du succre dessus. Et soit claret, et foison succre[1232].

Le meilleur coulis qui soit à jour de char, ce sont les cols des poulets et poucins. Et doit-l’en broyer cols, testes et os, puis broyer à fort, et deffaire d’eaue de joe de beuf ou de giste de beuf, et couler.

Nota que après les grans chaleurs de Juing, potages d’espices viennent en saison, et après la Saint Remy, civé de veel, de lièvre, d’oïttres, etc.

Gruyau convient cuire comme boyen[1233], puis purer et mettre cuire avec le lait d’amandes comme dit est{v. 2, p.243} prouchainement cy-dessus d’orge mondé, et foison succre.

Ris. Eslisez-le et lavez, etc.[1234]

AUTRES MENUES CHOSES QUI NE SONT DE NECCESSITÉ.

C’est la manière de faire composte[1235]. Nota qu’il fault commencier à la Sainct Jehan qui est vingt-quatrième jour de Juing.

Premièrement, vous prendrez cinq cens de noix nouvelles environ la Sainct Jehan, et gardez que l’escorce ne le noyau ne soient encores formés et que l’escorce ne soit encores trop dure ne trop tendre, et les pelez tout entour, et puis les perciez en trois lieux tout oultre ou en croix. Et puis les mettez tremper en eaue de Saine ou de fontaine, et la changez chascun jour: et les fault tremper de dix à douze jours et lesquelles[1236] deviennent comme noires, et que au macher vous n’y puissiez assavourer aucune amertume; et puis les mettre boulir une onde en eaue doulce par l’espace de dire une miserelle[1237], et[1238] tant comme vous verrez qu’il appartiendra à ce qu’elles ne soient trop dures ne trop moles. Après vuidiez l’eaue, et après les mettez esgouter sur un sac[1239], et puis fondez du miel un sextier ou tant qu’elles puissent toutes tremper, et qu’il soit coulé et escumé: et quant il{v. 2, p.244} sera reffroidié ainsi comme tiède, si y mettez vos noix et les laissiez deux ou trois jours, et puis si les mettez esgouter, et prenez tant de vostre miel qu’elles puissent tremper dedans, et mettez sur le feu le miel et le faites très bien boulir un boullon seulement et l’escumez, et ostez de dessus le feu: et mettez en chascun pertuis de vos noix un clou de giroffle d’un costé, et un petit de gingembre coupé de l’autre, et après les mettez en miel quant il sera tiède. Et si les tournez deux ou trois[1240] fois le jour, et au bout de trois[1241] jours si les ostez: et recuisiez[1242] miel, et s’il n’en y a assez, si en mettez et le boulez et escumez et boulez, puis mettez vos noix dedans; et ainsi chascune sepmaine jusques à un mois. Et puis les laissiez en un pot de terre ou en un poinçon[1243], et retournez chascune sepmaine une fois.

Prendrez, environ la Toussains, des gros navets, et les pelez et fendez en quatre quartiers, et puis mettez cuire en eaue: et quant ils seront un petit cuis, si les ostez et mettez en eaue froide pour attendrir, et puis les mettez esgouter; et prenez du miel et fondez ainsi comme cellui des noix, et gardez que vous ne cuisiez trop vos navets.

Item, à la Toussains, vous prendrez des garroittes[1244] tant que vous y vouldrez mettre, et qu’elles soient bien{v. 2, p.245} raclées et décopées par morceaux, et qu’elles soient cuites comme les navets. (Garroites sont racines rouges que l’en vent ès Halles par pongnées, et chascune pongnée un blanc.)

Item, prenez des poires d’angoisse et les fendez en quatre quartiers, et les cuisiez ainsi comme les navets, et ne les pelez point; et les faites ne plus ne moins comme les navets.

Item, quant les courges sont en saison, si en prenez ne des plus dures ne des plus tendres, et les pelez et ostez le cuer de dedans et mettez en quartiers, et faites tout ainsi comme des navets.

Item, quant les pesches sont en saison, si en prenez des plus dures et les pelez et fendez.

Item, environ la Saint Andry[1245], prenez des racines de percil et de fanoil, et les resez[1246] pardessus, et en mettez par petites pièces, et fendez le fanoil parmi et ostez le dureillon du dedans, et n’ostez pas celluy du percil, et les gouvernez tout ainsi comme les choses dessusdictes, ne plus ne moins.

Et quant toutes vos confitures seront prestes, vous pourrez faire ce qui appartient, dont la recepte s’ensuit.

Premièrement, pour cinq cens de noix, prenez une livre de sennevé et demie livre d’anis, un quarteron et demi fanoil, un quarteron et demi coriande, un quarteron et demi karvy[1247], c’est assavoir une semence que l’en mengue en dragée, et mettez toutes ces choses en pouldre: et puis faites toutes ces choses broyer en un moulin à moustarde et le destrempez bien espois et de très bon vinaigre, et mettez en un pot de terre. Et{v. 2, p.246} puis prenez demie livre de raffle[1248], c’est assavoir une racine que l’en vent sur les herbiers[1249], et la raclez très bien et la décopez le plus menuement que vous pourrez et la faictes mouldre à un moulin à moustarde, et le destrempez de vinaigre. Item, prenez demi quarteron de fust de giroffle dit baston de giroffle, demi quarteron de canelle, demi quarteron de poivre, demi quarteron de mesche[1250], demi quarteron de noix muguettes, demi quarteron de graine de paradis, et faites de toutes ces choses pouldre. Item, prenez demi once de saffran d’Ort[1251] séché et batu et une once de ceudre vermeille, c’est assavoir un fust que l’en vent sur les espiciers[1252] et est dit cèdre dont l’en fait manches à cousteaulx. Et puis prenez douze livres[1253] de bon miel dur et blanc et le faites fondre sur le feu, et quant il sera bien cuit et escumé, si le laissiez rasseoir, puis le coulez, et le cuisiez encores: et s’il rent escume, encores le convient couler, sinon le convient laissier reffroidier; puis destrempez vostre moustarde de bon vin vermeil et vinaigre par moitié et mettez dedans le miel. Vous destrempez vos pouldres de vin et vinaigre et mettez ou miel, et en vin chault boulez un petit vos cèdres, et après mettez le saffran avec les autres choses, et une autre pongnée de sel gros. Item, et après ces choses, prenez deux livres de roisins que l’en dit roisins de Digne, c’est assavoir qui sont petis et n’ont aucuns noyaux dedans ne pepins quelxconques, et soient nouveaulx, et les pilez très bien en un mortier{v. 2, p.247} et les destrempez de bon vinaigre, puis les coulez parmi une estamine, et mettez avec les autres choses. Item, se vous y mettez quatre ou cinq pintes de moust ou de vin cuit, la saulce en vauldroit mieulx.

Pour faire condoignac[1254], prenez des coings et les pelez, puis fendez par quartiers, et ostez l’ueil[1255] et les pepins, puis les cuisiez en bon vin rouge et puis soient coulés parmi une estamine: puis prenez du miel et le faites longuement boulir et escumer, et après mettez vos coings dedans et remuez très bien, et le faites tant boulir que le miel se reviengne à moins la moitié; puis gettez dedans pouldre d’ypocras, et remuez tant qu’il soit tout froit, puis taillez par morceaulx et les gardez.

Pouldre fine. Prenez gingembre blanc 1º un symbol (une once et une drachme?) canelle triée un symbol[3] (un quarteron?) giroffle et graine de chascun demi quart d’once, et de succre en pierre un symbol[1256] (un quarteron?) et faictes pouldre.

Confiture de noix. Prenez, avant la Saint Jehan, noix nouvelles et les pelez et perciez, et mettez en eaue fresche tremper par neuf jours, et chascun jour renouvellez l’eaue: puis les laissiez sécher, et emplez les pertuis de clous de giroffle et de gingembre, et mettez boulir en miel, et illec les laissiez en conserve.

Pour faire eaue a laver mains sur table. Mettez boulir de la sauge, puis coulez l’eaue, et faites refroidier jusques à plus que tiède. Ou vous mettez comme dessus[1257] camomille ou marjolaine, ou vous mettez du{v. 2, p.248} rommarin: et cuire avec l’escorce d’orenge. Et aussi fueilles de lorier y sont bonnes.

Ypocras. Pour faire pouldre d’ypocras, prenez un quarteron de très fine canelle triée à la dent[1258], et demy quarteron de fleur de canelle fine, une once de gingembre de mesche trié fin blanc et une once de graine de paradis, un sizain[1259] de noix muguettes et de garingal ensemble, et faites tout battre ensemble. Et quant vous vouldrez faire l’ypocras, prenez demye once largement et sur le plus de ceste pouldre et deux quarterons de succre, et les meslez ensemble, et une quarte de vin à la mesure de Paris.

Et nota que la pouldre et le succre meslés ensemble, font pouldre de duc.

Pour une quarte ou quarteron[1260] d’ypocras à la mesure de Bésiers, Carcassonne, ou Montpellier, prenez cinq drames de canelle fine triée et mondée, gingembre blanc trié et paré, trois drames: de giroffle, graine, macis, garingal, noix muguettes, espic nardy[1261], de tout ensemble une drame et un quart: du premier le plus et des autres en dévalant moins et moins[1262]. Soit faicte pouldre, et avec ce soit mis une livre et demi quarteron, au gros poix[1263], de succre en roche broyé, et meslé parmi les autres devant dictes espices et mis; et soit du vin et le succre mis et fondu en un plat sur{v. 2, p.249} le feu, et mis la pouldre, et meslez avec: puis mis en la chausse, et coulé tant de fois qu’il rechée tout cler vermeil.

Nota que le sucre et la canelle doivent passer comme maistres[1264].

Sauge. Pour faire un poinçon[1265] de sauge, prenez deux livres de sauge et rongnez les bastons[1266], puis mettez les feuilles dedans le poinçon. Item, aiez demie once de giroffle mis en un sachet de toile et pendu dedans le poinçon à une cordelette; item, l’en peut mettre demie once de lorier dedans: item, demy quarteron de gingembre de mesche, demi quarteron de poivre long et demi quarteron de lorier. Et qui veult faire la[1267] sauge sur table en yver, ait en une aiguière de l’eaue de sauge, et verse sur son vin blanc en un hanap.

Pour faire sur table vin blanc devenir vermeil, prenez en esté des fleurs vermeilles qui croissent ès blefs, que l’en appelle perceau ou neelle ou passe-rose, et les laissiez séchier tant qu’elles puissent estre mises en pouldre, et en gettez secrètement ou voirre avec le vin, et il devenra vermeil.

Se vous voulez avoir vertjus[1268] a Noel sur la treille, quant vous verrez que la grappe à son commencement{v. 2, p.250} se descouvrera, et avant qu’elle soit en fleur, coppez la grappe par la queue, et la tierce fois laissiez-la revenir jusques à Noél.

Maistre Jehan de Hautecourt[1269] dit que l’en doit coupper le cep audessoubs de la grappe, et l’autre bourgon de dessoubs getteroit grappe nouvelle.

Se vous voulez en Novembre et en Décembre faire avoir a poires d’angoisse vermeille couleur, mettez du foing au cuire, et couvrez le pot tellement qu’il n’en isse point de fumée. Nota qu’il convient mettre sur les poires de la graine de fanoil qui est bolue en vin nouvel et puis séchée, ou dragée[1270].

Pour faire sel blanc, prenez du gros sel une pinte et trois pintes d’eaue, et mettez sur le feu tant que tout soit fondu ensemble, puis coulez parmi une nappe, touaille ou estamine, puis mettez sur le feu et faictes très bien boulir et escumer: et qu’il bouille si longuement qu’il soit ainsi comme tout sec, et que les petis boullons qui auront getté eaue deviennent tous secs; puis ostez le sel de la paelle et estandez sur une nappe au soleil pour sécher.

Pour escripre sur le papier lettre que nul ne verra se le papier n’est chauffé, prenez sel armoniac ou salmoniac et mettez tremper et fondre avec eaue: puis escripvez de ce et laissiez seicher. Et ce durera environ huit jours.

Pour faire glus, il convient peler le houx quant il{v. 2, p.251} est en sa séve, (et est communément ou mois de May jusques à Aoust,) et puis boulir l’escorce en eaue tant que la taie de dessus se sépare: puis pelez, et quant la taye sera pelée, enveloppez le demourant de fueilles d’yèbles, de seun[1271], ou autres larges feuilles, et soit mis en lieu froit comme en cave, ou dedans terre ou en un fumier froit, par l’espace de neuf jours ou plus, tant qu’il soit pourry. Et puis la convient piler comme porée de choulx et mettre par tourteaux comme guède[1272], et puis aler laver les tourteaux l’un après l’autre et despecier comme cire; et ne soit pas trop lavée en la première eaue ne trop roide[1273] eaue. Et après l’en peut tout ensemble despecier et paumaier[1274] en eaue bien courant, et mettre en un pot et conserver bien couvert.

Et qui veult faire glus pour eaue, il convient eschauffer un petit d’uille, et là destremper sa glus: et puis gluer sa ligne.

Item, l’en fait autre glus de fromment.

Se vous voulez garder roses vermeilles, prenez des boutons une douzaine, et les assemblez ainsi comme en une pelotte, et puis les enveloppez de lin et liez de fil ainsi comme une pelotte, et faites pelottes tant comme vous vouldrez garder de roses; et puis les mettez en une cruche de terre de Beauvais[1275] et non mie d’autre terre, et l’emplez de vertjus: et à la mesure que le vertjus se dégastera[1276], si le remplez, mais que le vertjus soit très bien paré[1277]. Et quant vous les vouldrez très{v. 2, p.252} bien espanir, si les ostez des estouppes et les mettez en eaue tiède, et les laissiez un petit tremper.

Item, pour garder roses en une autre manière, prenez des boutons tant comme vous vouldrez, et les boutez en une bouteille de terre de Beauvais, tant comme il en y pourra entrer. Après prenez du plus délié sablon que vous pourrez, et mettez dedens la boutaille tant comme vous y pourrez mettre, et puis l’estoupez très bien que rien n’y puisse yssir ne entrer, et mettez la boutaille dedans une eaue courant; et là se gardera la rose toute l’année.

Pour faire eaue rose sans chappelle[1278], prenez un bacin à barbier, et liez d’un cueuvrechief tout estendu sur la gueule à guise de tabour, et puis mettez vos roses sur le cueuvrechief, et dessus vos roses asséez le cul d’un autre bacin où il ait cendres chaudes et du charbon vif.

Pour faire eaue rose sans chappelle et sans feu, prenez deux bacins de voirre, et en faictes comme dit est au blanc de ceste cédule[1279], et en lieu de cendres et charbon, mettez tout au soleil: et à la chaleur d’icelluy l’eau se fera.

Les roses de Prouvins sont les meilleures à mettre en robes, mais il les convient sécher, et à la my-Aoust sasser par un crible afin que les vers chéent parmi les pertuis du crible, et après ce espandre sur les robes.

Pour faire eaue rose de Damas, mettez sur les pasteaulx de roses, du rosé batu[1280]. Vel sic: gettez l’eau distillée du premier lit sur le second et sur le tiers et sur{v. 2, p.253} le quart; et elle, ainsi remise par quatre fois, devendra rouge[1281].

Pour faire eaue rose vermeille. Prenez une fiole de voirre et l’emplez à moitié de bonne eaue rose et l’autre moitié emplez de roses vermeilles, c’est assavoir des pampes[1282] de jeunes roses dont le bout de la pampe qui est blanc sera couppé, et la laissiez neuf jours au soleil et les nuis aussi, et puis coulez.

Pour faire pondre, couver et nourrir oiseaulx en une cage. Nota que en la cage de Hesdin[1283], qui est la plus grant de ce royaulme, ne en la cage du Roy à Saint-Pol[1284], ne en la cage Messire Hugues Aubriot[1285],{v. 2, p.254} ne porent oncques estre couvés et après parnourris{v. 2, p.255} petis oiseaulx, et en la cage Charlot[1286] si font[1287], scilicet{v. 2, p.256} pons, couvés, nourris et parnourris. Ou premier cas[1288], le deffault vient parceque les petis oiseaulx sont peus[1289] de chenevis qui est chault et sec, et n’ont que boire[1290]. Et ou second cas[1291], l’en leur donne mouron ou lasseron, chardons de champs trampans en eaue souvent renouvellée et tousjours fresche, rafreschie trois fois le jour, et en vaisseaulx de plont qui est frais, et là dedans avec le lasseron et le mouron tout vert, tout de chardons des champs dont le pié trempe en eaue bien avant[1292], du chenevis escachié et trié et osté les coquilles, moullié et trempé en eaue. Item, que l’en leur mette en la cage de la laine cardée et des plumes pour faire leur ny. Et ainsi ay-je en cages veu nourrir turtres[1293], linottes, chardonnerels[1294], pondre et parnourrir. Item, et aussi doit-l’en donner des chenilles, verets, mouchettes, yraignes, sautereaux, papillons, channevis nouvel en herbe et moullié et trempé. Item, yraignes, chenilles et telles choses qui sont molles au bec de l’oiselet qui est tendre.

(Et de telles choses les paons nourissent[1295] leurs poucins, car l’en a bien veu à une geline couver les œufs d’une paonne avec les œufs d’une geline, et se escloent les œufs en un mesmes temps, mais les petis paons ne povoient mie vivre longuement pour ce qu’ils ont le becq trop tendre, et la geline ne leur quéroit mie choses moles[1296] selon leur nature, et les poucins vivoient{v. 2, p.257} bien de blé ou paste molle, ce qui n’est pas si propre nourreçon aux paons.—Encores véez-vous que qui bailleroit à une geline le plus bel froument et mieulx criblé du monde, si le gatteroit[1297]-elle pour trouver verets ou mouchettes.)

Item, en la fin d’Avril convient aler au bois quérir des branchettes fourchées de trois fourchons, et clouer contre le mur et couvrir d’autre verdure, et là dedans ce fourchon font leur ny.

Pour garir des dens. Prenez un pot de terre à couvercle ou un pot sans couvercle qui aura un tranchouer dessus, et l’emplez d’eaue et mettez boulir: puis vous despouillez, couchiez, et soit vostre chief très bien couvert, puis aiez le pot à couvercle, et soit bien arsillié[1298] entour et un trou ou millieu, ou il[1299] soit couvert d’un tranchouer percié ou millieu. Et sur le pertuis vous adentez[1300] gueulle bée pour aspirer la fumée de l’eaue qui passera par le pertuis, et soient mises de sauge ou autres herbes dedans, et se tenir bien couvert.

Pour faire sablon a mettre a orloges[1301]. Prenez le limon qui se chiet du siage de marbre quant l’en sie ces grans tumbes de marbre noir, puis le boulez très bien en vin comme une pièce de char et l’escumez, et puis le mettez seicher au soleil, puis le mettez boulir,{v. 2, p.258} escumer, et puis séchier par neuf fois: et ainsi sera bon.

Poisons pour tuer cerf ou sanglier[1302]. Prenez la racine de l’herbe d’électoire qui fait fleur de couleur d’azur, et broyez en un mortier et mettez en un sac ou drappel et l’espraignez pour avoir le jus: et mettez icelluy jus en un bacin au soleil, et la nuit soit mis à couvert à sec que eaue ne autre liqueur moite ne l’attouche, et tant la mettez et remettez à la chaleur du soleil qu’elle se tienne conglutinée et prise comme cire gommée, et la mettez en une boiste bien close. Et quant en vouldrez traire[1303], si en mettez entre les barbillons[1304] et la douille du fer afin que quant la beste sera ferue, cela fiere et attouche à la char, car qui autrement{v. 2, p.259} le feroit, c’est assavoir qui oindroit autrement le fer, quant il entreroit dedans le cuir de la beste, l’ointure demourroit dedans[1305], et le coup ne vauldroit.

Médecine pour garir de morsure de chien ou autre beste arragée. Prenez une crouste de pain et escripvez ce qui s’ensuit: ✝ Besterabestie[1306]nay [un croix] brigonay ✝ dictera ✝ sagraganesdominafiatfiatfiat ✝.

Pour faire d’un ver[1307] bon sanglier. Prenez un ver de deux ans ou environ, et ou mois de May ou de Juing le faites chastrer, et en la saison de porchoisons[1308] le faictes chasser, fouaillier[1309] et deffaire comme un sanglier. Vel sic: prenez d’un porc privé qui soit brulé, et le cuisiez en moitié eaue moitié vin, et servez en un plat d’icelluy chaudeau, des[1310] navets et chastaingnes et la venoison. Sic 3º.....[1311]

Nota que chandelle mise en bran[1312] se garde souverainement. Nota qui veut faire chandelle, l’en doit avant faire sécher au feu très bien le limignon[1313].

Pour oster eaue de vin. Mettez eaue et vin en une tasse, et aiez du fil de coton et plungez l’un bout au{v. 2, p.260} fons de la tasse, et l’autre bout soit pendant sur le bort et audessoubs et dehors de la tasse, et vous verrez que par icellui bout l’eaue dégoutera comme blanche. Et quant l’eaue sera toute dégoutée, vous verrez le vin vermeil dégouter. (Il semble que pareillement d’une queue de vin se peut faire.)

Pour faire vin cuit, prenez de la cuve ou tonne la mère goute, c’est à dire la fleur du vin[1314], soit blanc ou vermeil, tant comme vous en vouldrez, et le mettez en un vaissel de terre, et le faites boulir à petit et attrempé bouillon et à feu de très sèche buche et cler feu, sans tant soit petit de fumée, et ostez l’escume à une palette de fust percée et non de fer. Et soit tant bouly, se la vendenge est verde pour celle année, que le vin reviengne au tiers, et s’elle est meure, que le vin reviengne au quart[1315]. Et après le mettez reffroidier en un cuvier ou autre net vaissel de bois, et icellui refroidié, le mettez au poinçon; et le tiers ou quart an vauldra mieulx que le premier an. Et gardez en lieu moyen, ne chault ne froit, et aiez retenu en un petit vaissel d’icelluy vin boulu, pour remplir tousjours le tonnellet, car vous savez que le vin se veult tousjours tenir plain.

A servir de trippes au jaunet. Ou vous les prendrez crues, ou cuites. Si crues, mettez-les cuire en un pot en eaue et sans sel, et d’autre part mettez cuire une pièce de giste de beuf ou de la joe sans sel. Et quant les deux{v. 2, p.261} pots bouldront, paissiez le pot de trippes de l’eaue du beuf et faites plus cuire les trippes que le beuf; et quant les trippes seront presque cuites, si y mettez du lart, et faites boulir et cuire avec: et sur le point que l’en doit tirer hors les trippes du pot, mettez du saffran, et quant le saffran aura assez jauni, traiez les trippes, et mettez du sel en l’eaue se vous voulez. Si cuites[1316], si les mettez plus parcuire en l’eaue du giste et sans sel; et du remenant comme dessus.

Qui veult cuire trippes, etc.[1317]

Heriçon soit coupé par la gorge, escorché et effondré, puis refait comme un poucin, puis pressié en une touaille et illec très bien essuié; et après ce rosti et mengé à la cameline, ou en pasté à la sausse de hallebran. Nota que se le heriçon ne se veult destortillier, l’en le doit mettre en l’eaue chaude, et lors il s’estendra.

Escurieux soient escorchiés, effondrés, reffais comme connins, rostis, ou en pasté: mengiés à la cameline ou à la sausse de hallebrans en pasté.

Turtres sont bonnes en rost et en pasté, et en Septembre sont en saison, voire dès Aoust. Toutesvoies en rost elles serrent[1318] merveilleusement; et qui en a foison et il les veult nourrir et garder, il leur convient tondre ou plumer le cul, car autrement leur fiente les estouperoit, et par ce mourroient.

Gauffres sont faites par quatre manières. L’une que l’en bat des œufs en une jatte, et puis du sel et du vin, et gette-l’en de la fleur, et destremper l’un avec l’autre,{v. 2, p.262} et puis mettre en deux fers petit à petit, à chascune fois autant de paste comme une lesche de frommage est grande, et estraindre entre deux fers, et cuire d’une part et d’autre; et se le fer ne se délivre bien de la paste, l’en l’oint avant d’un petit drappelet mouillé en huille ou en sain.—La deuxième manière est comme la première, mais l’en y met du frommage, c’est assavoir que l’en estend la paste comme pour faire tartre ou pasté, puis met-l’en le frommage par lesches ou milieu et recueuvre-l’en les deux bors; ainsi demeure le frommage entre deux pastes et ainsi est mis entre deux fers.—La tierce manière, si est de gauffres couléisses, et sont dictes couléisses pour ce seulement que la paste est plus clère et est comme boulie clère, faicte comme dessus; et gecte-l’en avec, du fin frommage esmié à la gratuise[1319]; et tout mesler ensemble.—La quarte manière est de fleur pestrie à l’eaue, sel et vin, sans œufs ne frommage.

Item, les gauffriers font un autre service que l’en dit gros bastons qui sont fais de farine pestrie aux œufs et pouldre de gingembre batus ensemble, et puis aussi gros et ainsi fais comme andouilles; mis entre deux fers.

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