Le ménagier de Paris (v. 1 & 2)
AUTRES MENUES CHOSES DIVERSES QUI NE DÉSIRENT POINT DE CHAPPITRE.
Pour dessaller tous potages sans y mettre ne oster, Prenez une nappe bien blanche et mettez sur vostre pot, et le retournez souvent; et convient le pot estre loing du feu[1320].{v. 2, p.263}
Pour oster l’arsure d’un potage, prenez un pot nouvel et mettez vostre potage dedans, puis prenez un pou de levain et le liez dedans un drappel blanc, et gettez dedans vostre pot, et ne luy laissiez guères demourer.
Pour faire liqueur pour seigner[1321] linge. Prenez camboïs, c’est le limon noir qui est aux deux bouts de l’essieul de la charette, et mettez de l’arrement[1322], et allaiez d’uille et de vinaigre et boulez tout ensemble, et puis chauffez vostre merque[1323] et moulliez dedans, et asséez dessus vostre linge.
Se tu veulx faire bonne esche[1324] pour alumer du feu au fusil, pren de l’escume[1325] de noyer qui sont surannées, et puis la[1326] met en un pot plain de lessive bien forte, toute entière, ou par pièces du large de deux dois, lequel que tu vouldras, et la fais boulir tousjours par l’espace de deux jours et une nuit du moins. Et se tu n’as de la lessive, si prens de bonnes cendres et met avec de l’eaue et fais comme charrée[1327], puis mets ton escume boulir dedans par l’espace dessusdit, et la fournis tousjours tant comme elle bouldra. Se tu la fais{v. 2, p.264} boulir en lessive, fournis-la de lessive; se tu la bouls en la charrée, si la fournis d’eaue; et toutes voies en quoy que tu la boules, se tu povoies finer de pis..t pour la fournir, elle en vauldroit mieulx. Et quant elle sera ainsy boulie, si la pures[1328], et puis la lave en belle eaue nette pour la ressuier, puis la met au soleil seicher ou en la cheminée, loing du feu, qu’elle ne s’arde, car il la convient sécher attrempéement et à loisir; et quant elle sera seiche et on s’en vouldra aidier, si la fault batre d’un maillet ou d’un baston, tant quelle deviengne ainsi comme espurge[1329]. Et quant on veult alumer du feu, si en fault prendre ainsi comme le gros d’un pois et mettre sur son caillou, et on a tantost du feu; si ne fault que des mesches ensouffrées, et alumer la chandeille. Et la doit-l’en garder nettement et sèchement.
Fouques[1330] doivent estre très bien rosties, et sont meilleurs cuites en potage que en rost, car en rost elles sont trop sèches, et veulent estre arrousées de leur gresse, et avoir le feu devant.—Item, elle sont très bonnes fresches aux choulx.—Item, mettez de l’eaue et des oignons en un petit pot et la fouque, puis laissiez boulir comme une pièce de beuf, puis broyez des menues espices, et allaiez les deux pars vertjus et la troisième vinaigre, et vous aurez bon potage.—Item, fouques salées de deux jours sont bonnes au potage.
Nota que le seymier d’un cerf, c’est le quoier et[1331] la queue; et quant il est frais, il est cuit à l’eaue et au{v. 2, p.265} vin, aux espices et saffran et soupes en esté: et en yver au poivre[1332]; et ainsi est-il du sanglier frais.
Pour faire trois pintes d’encre, prenez des galles[1333] et de gomme[1334] de chascun deux onces, couperose trois onces; et soient les galles cassées et mises tremper trois jours, puis mises boulir en trois quartes d’eaue de pluye ou de mare coye[1335]. Et quant ils auront assez boulu et tant que l’eau sera esboulie près de la moitié, c’est assavoir qu’il n’y ait mais que trois pintes, lors le convient oster du feu, et mettre la couperose et gomme, et remuer tant qu’il soit froit, et lors mettre en lieu froit et moite. Et nota que quant elle passe trois sepmaines, elle empire.
Pour faire orengat, mettez en cinq quartiers les peleures d’une orenge et raclez à un coustel la mousse qui est dedans, puis les mettez tremper en bonne eaue doulce par neuf jours, et changez l’eaue chascun jour: puis les boulez en eaue doulce une seule onde, et ce fait, les faictes estendre sur une nappe et les laissiez essuier très bien, puis les mettez en un pot et du miel tant qu’ils soient tous couvers, et faites boulir à petit feu et escumer, et quant vous croirez que le miel soit cuit, (pour essaier s’il est cuit, ayez de l’eaue en une escuelle, et faites dégouter en icelle eaue une goutte d’icelluy miel, et s’il s’espant, il n’est pas cuit: et se icelle goute de miel se tient en l’eau sans espandre, il est cuit;) et lors devez traire vos peleures d’orenge, et d’icelles faites par ordre un lit, et gettez pouldre{v. 2, p.266} de gingembre dessus, puis un autre, et getter etc., usque in infinitum; et laissier un mois ou plus, puis mengier.
Pour faire saulsisses. Quant vous aurez tué vostre pourcel, prenez de la char des costelettes, premièrement de l’endroit que l’en appelle le filet[1336], et après de l’autre endroit des costelettes et de la plus belle gresse, autant de l’un comme de l’autre, en telle quantité que vouldrez faire de saulsisses; et faictes très menuement mincer et détranchier par un pasticier. Puis broyez du fenoul et un petit de sel menu, et après ce requeillez vostre fenoul broyé, et meslez très bien parmi le quart d’autant de pouldre fine; puis entremeslez très bien vostre char, vos espices et vostre fenoul, et après emplez les boyaulx, c’est assavoir les menus. (Et sachiez que les boyaulx d’un vielz porc sont meilleurs à ce, que d’un jeune, pour ce qu’ils sont plus gros.) Et après ce, les mettez quatre jours à la fumée ou plus, et quant vous les vouldrez mengier, si les mettez en eaue chaude et boulir une onde, et puis mettre sur le greil.
Pour dessaller beurre, mettez-le en une escuelle sur le feu pour fondre, et le sel dévalera ou fons de l’escuelle, lequel sel ainsi dévalé est bon ou potage, et le remenant du beurre demeure doulx. Aultrement, mettez vostre beurre salé en eaue doulce fresche, et le pestrissiez et paumoiez dedens, et le sel demourra en l’eaue.
(Item, nota que les mouches ne queurent point sus à un cheval qui est oint de beurre ou de vielz oint salé.){v. 2, p.267}
Bourbotte[1337] est de pareille fourme à un chavessot, mais il est plus grant assez: et est cuite en eaue, puis peler comme une perche, puis faire boulir cameline ou galentine et getter sus; ou rosty et mis en pasté avec de la pouldre.
Poires à leur commencement, scilicet en Octobre et Novembre, et qu’elles sont de nouvel queillies, sont dures et fortes, et lors l’en les doit cuire en l’eaue: et quant ce sont poires d’angoisse, pour leur faire avoir belle couleur, l’en doit mettre du foing dedans le pot où elles cuisent, et après sont rosties; mais après ce, quant elles sont plus fannées et ramoities pour la moiteur du temps, l’en ne les met point cuire en eaue, mais en la brese seulement; scilicet en Février et en Mars.
Pies, CORNILLAS[1338], CHOÉS[1339]. L’en les tue aux matelas[1340] qui sont[1341] grosse pilette[1342], et de foibles arbalestres peut-l’en traire à iceulx cornillas[1343] qui sont sur les branches, mais à ceulx qui sont ès nys convient traire de plus fors bastons pour abatre nit et tout. Il les convient escorcher, puis pourboulir avec du lart, puis découpper par morceaulx, et frioler avec des œufs comme charpie.
Teste de mouton soit très cuite, puis ostez les os, et hachez le demourant bien menu, et gettez pouldre fine dessus.{v. 2, p.268}
Se vous voulez faire provision de vinaigre, vuidiez le tonnellet de vostre vielz vinaigre, puis lavez le tonnellet très bien de très bon vinaigre et non mie d’eaue chaude ne froide: après, mettez les laveures en un vaisseau de bois ou de terre et non mie d’arain ou de fer, et illec laissiez reposer et rasseoir vos rainsseures: puis vuidiez le cler et le coulez, et mettre de rechief ou tonnellet, et l’emplez d’aultre bon vinaigre, et mettez au soleil et au chault, le fons percié en six lieux et destoupé de jour, et de nuit et par brouillas[1344] estoupez tout; et quant le soleil revient, destoupez comme devant.
Le rique-menger. Prenez deux pommes aussi grosses que deux œufs ou pou plus, et les pelez, et ostez les pepins, puis les découppez par menus morceaulx, puis les mettez pourboulir en une paelle de fer, puis purez l’eaue, et mettez seicher le rique-menger: puis mettre beurre pour frioler, et en friolant filez deux œufs dessus en remuant; et quant tout sera friolé, gettez pouldre fine dessus, et soit frangé[1345] de saffran, et mengiez au pain ou mois de Septembre.
Lièvre rosty. J’ai vu rostir lièvre enveloppé en la toile de la fressure d’un porc que l’en dit la crespine et couste trois blans, et par ce le lièvre n’est autrement lardé. Item, je l’ay veu larder.
La char d’une joe de beuf, etc.[1346]
En la HASTE-MENUE d’un pourcel n’a aucun appareil à faire, fors la laver et embrocher et envelopper de sa taye et cuire longuement.
Poules farcies coulourées ou dorées. Elles sont primo soufflées, et toute la char dedans ostée, puis{v. 2, p.269} remplies d’autre char, puis coulourées ou dorées comme dessus[1347]: mais il y a trop à faire, et n’est pas ouvrage pour le queux d’un bourgois, non mie[1348] d’un chevalier simple; et pour ce, je le laisse.
Item, DES ESPAULES DE MOUTON, quia nichil est nisi pena et labor.
Item, LES HÉRIÇONS sont fais de caillettes de mouton et est grant frais et grant labour et pou d’onneur et de prouffit, et pour ce nichil hic.
Amigdala recentia recipe, et ab eis cum gladio remove etiam subtiliter primum corticem, et postea perforetur quodlibet amigdalum uno foramine in medio. Et iis peractis dicta amigdala ponentur in aqua dulci, in qua stent per quinque vel sex dies, sed qualibet die fiat mutatio aque semel in die. Deinde lapsis quinque vel sex diebus, dicta amigdala extrahentur a dicta aqua et ponentur in aliqua aqua[1349] ubi stent per unum diem naturalem ad exsicandum et removendum vaporem dicte aque; postea habeatur sufficiens quantitas boni et optimi mellis respectu quantitatis dictarum amigdalarum, et illud mel buliatur et decoquatur bene et sufficienter, et decoquendo purgetur. Et cum decoctum fuerit et refrigeratum, ponatur in quolibet foramine dicti amigdali unum gariofilum: et repositis omnibus dictis amigdalis in aliquo bono vase terreo, ponatur desuper (item fiat de nucibus conficiendis, sed ille habent[1350] stare in aqua per novem dies, qualibet die mutanda;) dictum mel bene decoctum et dispositum pro mensura debita coperiente dicta amigdala, et elapsis duobus mensibus, postea comedantur[1351].{v. 2, p.270}
Tetines de vache. Cuites avec la char et mangées comme la char.—Item, salée à la moustarde.—Item, aucunes fois trenchée par lesches, et rosties sur le greil, toute fresche cuite.
Estourneaux. Soient plumés à sec[1352], effondrés[1353], puis couppez les cols et les piés, puis reffais, mis en pasté et deux lesches de lart audessus: ou découppez les membres par morceaulx comme un oison, et mis à la charpie, c’est à dire que de la cuisse l’en face trois pièces, et laisse-l’en en chascune pièce les os: des esles aussi et du résidu semblablement, et puis frire aux œufs en la paelle comme charpie. Il semble qu’il les convient primo cuire à demi avant que frire.
Allouettes en rost. Plumez à sec, puis couppez les cols et ne les effondrez pas. Soient reffaites, et n’aient point les jambes couppées, et les embrochiez au travers et entre deux tesmoings[1354] de lart. Item, en pasté, l’en coupe jambes et testes, et les effondre-l’en, et dedans le trou l’en boute fin frommage, et les mengue-l’en au sel.{v. 2, p.271}
Lièvre pourbouly, puis lardé, mis en pasté et de la pouldre, et mengié à la cameline; et est viande d’esté.
Connin en esté.
Porc en pasté. Mis en pasté et du vertjus de grain[1355] dessus.
Oés, POULES, CHAPPONS despeciez par pièces, et mis en pasté, excepté les chappons de haulte gresse qui ne se despiecent point; et de chascune oé l’en fait trois pastés.
Oiseaulx de rivière. En pasté, et de la saulce cameline ou meilleur mise dedans le pasté quant il est cuit; la teste, les jambes et piés sont hors.
Pigons en pasté, cols et testes et les piés couppés, et deux lesches de lart dessus: ou en rost, et soient lardés.
Monder orge ou fromment pour faire froumentée. Il convient eaue très chaude, et mettre le fromment ou orge dedans icelle eaue chaude, et laver et paulmoïer[1356] très bien et longuement: puis getter et purer toute l’eau, et laissier essuier le fourment ou orge et puis le piler à un pestail[1357] de bois, puis vanner à un bacin à laver.
Buvrages de avelines. Eschaudez-les et pelez et mettez en eaue froide, puis soient très bien broyées et deffaites d’eaue boulue, puis coulées à l’estamine.
Sardines, effondrées, cuites en eaue, et mengées à la moustarde.
Harenc nouvellet commence en Avril et dure jusques à la Saint Remy que les harens frais commencent; et est cuit en eaue, et après l’en y fait les bonnes souppes grosses que l’en mengue au vertjus vieil, mais{v. 2, p.272} avant, et si tost qu’il est cuit et trait de la paelle, l’en le doit mettre en belle eaue fresche, et le convient nettoier et oster les escailles, teste et queue.
APPENDICE A L’ARTICLE V
DE LA DEUXIÈME DISTINCTION.
Pour faire ung lot de bon ypocras prenés une onches de cinamonde nommée longue canelle en pippe, avec unes cloche de gingembre et autant de garingal, bien estampé[1359] ensemble, et puis prenés ung livre de bon çuquere[1360]: et tout cela broyés ensamble et destrempés avec ung lot du milleur vin de Beaune que pourés finer et le laissir tremper ungne heure ou deux. Et puis le coullés parmy ung chause[1361] par pluiseurs fois tant qui soit bien cler.
Pour avoir des caordes et pompons[1362] fault planter en bonne terre et crasse deux ou trois pans[1363] de parfont, et quattre grains au cop[1364] ensamble par longhes rengues[1365], et trois piés largement de plache[1366] de tous costés. Et quant y seront crut de la haulteur de deux paumes, les fault racourchir desus deux dois de lonc, et les arouser deux fois la sepmaine tant qui soient grant; et les fault planter environ le quatre Mars ou à l’entrée d’Averil. Mais pour che[1367] que nostre pays est froit, fault aviser plache hors des frois vens et en bon solleil; et dient les gardineus de Portigal[1368] que fiens de cheval bien court et bien pourit, et oussy les fientes des bestes que on tuue, il est très bon: et affin qui ne faillent, tout est neceschitez que on en plante depuis le my Mars jusques à la fin d’Averil, par toutes les quinsainnes, affin que on garde les plus biaus et que on deffeuche[1369] cheux qui porroient enpeschier les aultres à croistre, car comme desus est dyt, y fault à quatre grains trois piés de large tout entour.
Item, pour lappreux rosti etc.[1370]
Item, pour faire de sukere[1371] rosart en plate, il fault pour une livere de sukere ung pinte et demie[1372] de bonne eaue rose, et faire boilier ensamble, et tant qu’il fache le fillet entre deux doés[1373]; mais ensois que on maeste[1374] boilier, il fault mettre le glerre d’un ouf[1375] à chascun livere de sukere, et le fault bien batre tout en escume: et puis laissir rassir en yauve[1376] et estamper ledit sukere tout en pouvre, et tout meller ensamble, et puis boillier comme dessus; et puis avoir del fluer[1377] de amidon, et mettre en ung délié drappelet ousy[1378] gros que ung estuet[1379] ou deux, et prendre ung plat bachin, et tapper sur le cuel dudit bachin le fluer à tout le drappelet, tant que le fluer se espaert[1380] dessus bien temmené[1381], et puis jettés vostre rossart[1382] dessus ledit bachin quant il fait le fillet, et puis laissir couler l’espesseur du hule[1383] d’un coutel ou plus espès. Et puis quant il est ung peu réfroidié, royés[1384] à tout ung coutel et ung rieughelet[1385] des pettites losenghe dessus de deux doés[1386] de grant ou environ. Et quant ledit sukere rossart sera réfroidié sur le bachin, rostelle jus[1387] et le rompez par losenghe, et le mettés en ung laye de dragié. Et est boen pour mengier pour conforter l’estomac.
Pour fere encquere[1388] sans boullier. Pour deux pintes d’yauvve de plue[1389] ou de mares, il fault prendre deux onzes de noies de galle, deux onzes de copperot[1390] et deux onzes ·S·[1391] de gomme arrabe cler comme or; et fault rompre le nois de galle bien menu, et mettre temprer trois jours dedens une pintte d’yauwe dessusdite, et batre sept ou huit fois le jour environ le demy sept psalmen[1392] les trois jours durant, et puis rompre le copperot bien menu et mettre avecque les nois de galle, et battre encore trois jours comme devant; se sont six jours acomply largement. Et fault prendre l’aultre{v. 2, p.275} pintte d’yauwe et mettre le gomme dedens quant on met les nois temprer; et les six jours passé, il fault mettre ledit yauwe de gomme quant il est fonduee avec l’yauwe des nois et de copperot, et les mouvoir tout trois ensamble ung jour ou deux comme dessus. Et dedens ung mois ou six septimaines r’oter l’encre hors de le mattere[1393] et le mettre en ung aultre pot de piere.
Item, et sus le mattere dessus dicte puelt-on mettre pintte ·S· d’yauwe de plue ou de mares, et mettre avecques le quart des nois, copperot, et gomme dessusdite, avecque le mattere de l’encre qui a esté fecte devant, et le battre cinq ou six jours comme dessus; et est bon commung encre.
Item, pour escripre sur papier, il ne fault point mettre de vin ne de vinergre, mès quant on veult escripre sur parchemin, pour ung lot d’yauwe, on peult prendre une my-pintte de vin ou de vinergre.
Chi après s’ensieut que Hotin le quisenier qui fu a Monseigneur de Roubais a envoyé par escript pour faire aulcuns brouès qui servent a appointier viandes sur car et sur poisson.
Item, pour lapreaulx roti, pour la sauche à mettre sus, prenés ung pau de pain roti, et le mettés tremper en boullon et du vin et vergus, et le mains la moitié de vinesgre, et mettés tremprer le pain dedens; et prenés canelle le plus, et gingembre et ung peu de povre[1394], de claus[1395], ou de nois musscade, et coulés tout ensamble, et au boulir du sucre dedens; et au servir de la dragié pardesus.
Et pour jouvenes oisons paraillement.
Item, pigons au sucre. Rotisiés vous pigons: rotisiés du pain, canelle, gingembre et menus espèces[1396] le mains, vin et vinesgre au couler et du lart fondu dedens et faittes boullir; et quant il bout, mettez les pigons dedens et du sucre au pot.
Pouchins, perdris à l’eauwe benitte d’yauwe roze ou d’orengue ou à l’ongnon.
Item, perdris ou perdrisieux. Faicte-les rostir, et les mettés en pot{v. 2, p.276} ou en telle[1397] de l’iauwe roze et du vinesgre, et mettés boullir tout ensamble, et du sel; et le couvres bien, tant que vous vorés servir.
Et pour l’orengue de pouchins, ou de perdris ou de pigons, prenés les orenges et les copés en vergus blanc et vin blanc, et mettés boullir: et du gingembre au boullir, et mettés vous chozes[1398] dedens boullir.
Pour pouchins roti à l’eauwe benitte d’ongnons, prenés ongnons par roelles, et frisiez en sain de lart et vergus, et pau de vinesgre et gingembre, et boulés en pot ou en telle et mettés vous pouchins dedens jusque au servir.
POUR POTAGES.
Item, brouès d’Allemaigne. Prenés amandes et les broiés, et peu de blanc pain avecques, et au couller vergus et vin blanc et boullon dous, et gingembre et du safren, et tout boulli ensamble, et du sucre dedens; et mettés vous brouès sur chappons rotis ou boullis, oisons ou jouvenes connins, et mettés au boullir ung peu d’ongnons fris en sain de lart dedens bien menus.
Item, brouès de fleur de peschier.[1399] Prenés amandes broiés et blanc pain avecques, et tremper en boulon dous: vergus, gingembre au couler. Et quant il bout, prenés du tornissot[1400] trempré en vin bien chault, et ly bailliés couleur de fleur de pieuquier[1401]; pour chappons rotis, ou oisons, ou jouvenes connins rotis, ou sur chappons boullis.
Item, pour faire Aragondis, prenés cresme douche et le faittes boullir en ung pot de terre, et prenés moieux d’œus et fleur et le coulés, et de le cresme avecques pour mieux passer, et mettés du burre doulx largement dedens le pot, et filés les eux[1402] dedens le pot, et du sucre dedens le pot, et le mettés arière du fu[1403] que il n’aerde[1404].
Pour brouet d’Engeltaire. Prenés poisons de mer ou d’eauwe douche, ch’est à sçavoir[1405] œus cuit en l’eaue durs et frisiés au burre, ou eurs[1406] pausiés[1407] au burre qui n’a du poison. Item, pour le brouet{v. 2, p.277} à mettre sus, prenés pain blanc trempré en purée, et moieux d’oeux et du gingembre et canelle le plus et vergus, et coulés tout ensamble, et au boullir largement du persin, izope, et peu de safren, et largement burre dedens le brouet.
Pour brochès au romarin, mettés-les bien rôtir sur le gri, qui soient tout cuit. Item, pour le brouet à mettre sus: vin vermel, vergus, ung bien peu de vinesgre et du gingembre et du romarin, et mettés tout boullir ensamble en telle de terre: et quant les brochès sont cuit, mettés-les dedens.
Item, sivé d’oïtres ou de moule ou d’oeus fris. Prenés pain roti sur le gri, et mettés tremprer en pourée, et prenés le pain, vinesgre et le mains de vergus et du vin, canelle le plus et gingembre, et peu de menus especes, et coulés tout ensamble: et au boulir ongnons fris et du safren et le faites bien boulir; et quant il est cuit, mette-le en ung pot de terre, et frisiés les oïtres ou les moules, et mettés-les boulir avecque le brouet. Et pour les oeus fris, mettés en plas et le brouet pardessus.
Pour petis patés de poison, prenés tourbot ung peu boulir et hasiés[1408] bien menus gingembre et safren, et du burre dous dedens, et bien hasiet ensamble; et faites vous patés en fachon de la court et ne les laisiés point chéquier[1409] au four.
FIN DE L’APPENDICE A L’ARTICLE V.
CHASSE A L’ÉPERVIER EN 1379 (Mss. du Roi Suppt.
Fr 63212)
LE MÉNAGIER
DE PARIS.
LE DEUXIÈME ARTICLE[1410]
DE LA TROISIÈME DISTINCTION,
LEQUEL EST DE SAVOIR NOURRIR ET FAIRE VOLER L’ESPREVIER.
N acomplissant ce que je vous ay promis cy dessus, chière seur, je
met cy-après ce que je sçay d’espreveterie, afin que en la saison
vous y esbatiez se vostre plaisir y est. Et sur ce, au commencement,
vous devez savoir que l’en tient communément que un bon espreveteur,
en{v. 2, p.280} la saison, recroist[1411] d’espreveterie neuf chiens et trois
chevaulx se il veult bien continuer et faire son devoir au mestier. Et
aussi tient-l’en que le droit cuer de la saison d’espreveterie bonne
ne dure que environ six sepmaines que il convient voler aux cailles,
c’est assavoir depuis le mois de Juillet que l’en treuve les volées
des premiers perdriaux, jusques en Aoust qu’ils deviennent fors,
qu’il convient voler aux cailles. Et lors se affoiblie le déduit, car
depuis que les perdriaulx sont faillis et que l’en ne treuve que les
pères et les mères qui sont fors, l’en ne les peut prendre fors au
voulon[1412] c’est assavoir au sourdre[1413], et de ce sera parlé
cy-après, quant l’en parlera du voler, mais à ce commencement il sera
premièrement parlé des chiens, et{v. 2, p.281} après du cheval: et en oultre de la
nourreture et duisson[1414] de l’esprevier prins ou ny, et en oultre
sera parlé du branchier, et en oultre du muier.
Premièrement, qui veult avoir bon déduit de l’esprevier, il est neccessité que assez tost après Pasques l’espreveteur se garnisse d’espaignols[1415] et qu’il les maine souvent aux champs quérir les cailles et les perdris, et dès lors les duise et chastie, et tant face que au moins en Juing il en soit pourveu de trois bons, duis pour le mestier, qui congnoissent les oiseaulx: et que dès lors il les mette au lien et les garde bien, car en celle saison ceulx qui en sont despourveus les emblent voulentiers. Et les doit-l’en attacher et faire leurs gistes et leur lit dessoubs ou en coste[1416] la perche où son esprevier sera perchié quant il[1417] l’aura, afin que lors l’esprevier les voie continuelment et les congnoisse, et aussi qu’ils congnoissent l’esprevier.
Et est assavoir que tous espaignols qui sont bons pour la chace du lièvre ne sont pas bons pour le déduit de l’esprevier, car ceulx qui sont bons pour le lièvre queurent après et le chassent, et quant ils l’ataignent, le mordent, arrestent et tuent, se à ce sont duis: et autel pourroient-ils faire à l’esprevier. Et pour ce, ceulx qui scevent bien trouver les perdris et la caille et ne queurent point après l’esprevier, ou s’ils y vont, si sont-ils si duis que tantost qu’ils voient que l’esprevier a liée[1418] et abatue la perdris ou autre oisel et{v. 2, p.282} la tient soubs lui, s’arrestent et ne s’approuchent point, iceulx espaignols sont bons, et les autres non. Item, ceulx qui sont jeunes et fors et roides et qui sont trop hastifs, trop loingtains[1419], ne sont pas bons pour ce qu’ils queurent trop devant et trop loing de l’esprevier, et quant ils treuvent la perdris ou autre oisel et ils la font lever, l’esprevier qui est loing ne puet venir à temps et se lasse de voler après, et en la fin n’y peut attaindre et demeure lassé et blasmé, et si n’est point sa faulte, car il a bien volé, mais est la faulte de l’espreveteur qui n’a par avant mis ses chiens en si grant subjection qu’ils s’arrestassent à son escry[1420]. Et qui pis est, se l’esprevier est ainsi deux fois foulé[1421], il craindra à y plus voler et ne s’embatera[1422] plus, car l’esprevier se resjoïst et enhardist quant il est tousjours audessus et met à mercy tout ce à qui il vole, et au contraire se effroidist et attardist quant il est foulé ou grévé par les oiseaulx. Et par ce me semble qu’il convient que l’espreveteur soit sage d’avoir duit ses chiens pour quérir près de lui, et de donner le vol à point: et pour ce je croy que les espaignols aagiés qui queurent ainsi comme deux ou trois toises devant l’esprevier sont bons. Et puisqu’ainsi est que l’en ne scet au commencement quels ils seront, celuy qui a entention de les mettre en besoingne en la saison d’espreveterie, les doit devant le temps affaitier et tenir liés et en subjection de verges ou de fouet, afin qu’ils le craignent et que quant il les menra aux champs et il les escriera ou appellera: Arrière! arrière! qu’ils s’arrestent et l’attendent, et retournent à leur maistre s’ils voient qu’il tourne autre{v. 2, p.283} chemin. Et s’ils sont ainsi duis, ils ne feront nul mal à l’oisel quant l’en les escriera, et seront bons.
Item, il est assavoir de la nature des jeunes chiens que tant plus les menrez aux champs souvent, de jour en jour et de heure en heure, et plus leur donrez de paine et de travail à querre ès champs depuis l’aube du jour jusques à la nuit, et l’endemain et chascun jour commencier, et plus les chastierez, puis qu’ils seront bien nourris et ensemble, plus vous craindront et aimeront et suivront voulentiers et seront bons. Mais soiez diligent que si tost que vous serez à l’ostel, que vous mesmes, ou vos gens devant vous, donnez très bien à mengier à vos chiens, puis à boire, en une paelle[1423], d’eaue bonne et nette: et puis soient couchiés sur belle lictière de feurre en quelque lieu chault, ou au feu s’ils sont moulliés ou crottés, et soient tousjours tenus à la subjection du fouet. Et se ainsi le faites, ils ne donront nul ennuy à la table ne au dressouer, ne ne coucheront sur les lis: et s’ainsi ne le faites, vous povez savoir que quant ils ont traveillié et ont fain, pour ce qu’il est nécessité qu’ils vivent, ils quierent soubs la table et happent sur le dressouer ou en la cuisine une pièce de char ou viande, et s’entremordent et font des ennuis pour pourchassier leur vie, et en ce faisant se traveillent et ne reposent point et si demeurent truans et diffamés, et c’est vostre faulte et non la leur. Et pour ce, se vous voulez estre tenu bon espreveteur, pensez premièrement à vostre esprevier et de vos chiens, et puis de vous.
(Item, aucuns dient que à chiens qui abaient[1424] l’en{v. 2, p.284} leur doit donner à mengier du poulmon de mouton ou de brebis, et ils n’abaieront plus. Ce qu’il en est, je ne sçay.)
Item, il convient estre pourveu et avoir un cheval basset et aisié pour monter et descendre souvent, qui soit paisible au chevauchier, sans fretillier ne tournoier, ne tirer la bride, ne regiber, ne faire autres empeschemens qui doient empescher à l’esprevier quant il sera réclamé[1425]: et qu’il se tiengne tout coy et tout arresté, attende son maistre quant il sera descendu, et aussy se tiengne bien coy et bien paisible au remonter.
Et pour ce que je vous ay devant dit qu’il est neccessité d’avoir des premiers espreviers, sachiez que les espreviers commencent à couver, c’est assavoir les premiers, à la Saint-George qui est le vint-troisième jour d’Avril, et couvent six sepmaines. Et pour ce, dès le temps dessus dit jusques au commencement de Juing, l’en doit espier les aires des espreviers, lesquels l’en peut trouver et aparcevoir tant par leurs aires comme par leurs charniers, car communément leur charnier est fait sur un arbre qui a regart à leur aire et est aussi comme au trait d’un arc de leur dit aire; et sur icelluy hault arbre les espreviers descharnent[1426] les coulons ramiers et autres oiseaulx qu’ils ont prins, et laissent cheoir les os à terre, et détrenchent à leur becq et despiècent la char qu’ils portent en leur aire à leurs faons qui lors ont le becq trop tendre: et par les ossellez{v. 2, p.285} peut-l’en apparcevoir le charnier, et par le charnier peut-l’en trouver l’aire.
Et est à noter que en la fin du mois de May ou au commencement du mois de Juing les premiers espreviers d’icelle saison escloent. Si convient lors entendre de soy pourveoir d’iceulx premiers espreviers, car les premiers espreviers sont plus tost avanciés et près de voler. Et pour ce que chascun désire avoir des premiers espreviers, et pour les avoir tous bons espreveteurs sont tousjours traitres et larrons l’un à l’autre, tellement que l’un frère les voulroit embler à l’autre, pour laquelle chose, qui veult avoir des premiers espreviers, il doit faire tant enquerre et encerchier qu’il sache aucun aire des premiers[1427], et les prendre ou ny avant que[1428] nul autre.
(Et est assavoir que les meilleurs et plus fors espreviers sont ceulx qui se paissent de coulons ramiers ou autres gros oiseaulx, et ceulx font leurs aires sur bas arbres pour ce qu’ils ne pevent porter hault si gros oiseaulx.)
Or convient-il donc savoir comment ils seront nourris se ils sont pris si jeunes que ils n’aient que deux jours. Et sachiez sur ce au commencement il[1429] est bon qu’ils soient nourris plusieurs espreviers ensemble, ou esprevier et mouchez[1430], on esprevier et poucins, afin qu’ils s’entrejoingnent et gardent la chaleur naturelle l’un à l’autre; et ceste chaleur naturelle est leur{v. 2, p.286} souveraine nourreture, car se ils seuffrent tant soit petit de pluie ne de froidure, ils sont en adventure de mourir, et pour ce est-il bon d’en mettre pluseurs ensemble pour ce qu’ils se joindront et garderont la chaleur naturelle l’un de l’autre. Et si est bon qu’ils soient en un petit clotet[1431], par manière de ny, fait de foin délié bien batu, de plume, de coton, d’estoupes ou de telles molles choses, et mis en une cage à poucins, en une cuve ou en un cuvier ou en un autre vaissel de bois qui soit long et large tellement qu’ils puissent esmeutir[1432] loing d’eulx; et se leur ny n’est bien molet, l’en peut mettre soubs eulx un drap linge[1433] bien délié pour garder leurs ongles. Et espécialment soient gardés et maintenus en bonne chaleur naturelle, comme aucunes fois du feu de charbon entour eulx, et soient sur deux tresteaulx hault en leur cage, ou aucune fois au soleil: aucune fois, s’il fait froit de nuit, soient couvers d’une robe, et d’une rais[1434] pour les chas, et qu’ils aient air largement. Et soit souvent regardé qu’ils n’aient ne trop froit ne trop chault; et mesmement[1435] de nuit les convient-il ainsi garder, et de jour les convient-il paistre tant de fois le jour comme ils auront enduit[1436], et commencier dès le bien matin à souleil levant ou avant, car les espreviers qui sont bien peus en leur jeunesse ne crient point quant ils sont sur le poing, et les autres si font; et les convient paistre de bonne char chaulde, nouvel tuée, d’oiselets escorchiés dont la chair, sans aucune gresse, soit bien menue haschée, jusques à ce qu’ils aient le becq fort pour tirer cuers{v. 2, p.287} de volaille, des cuers de mouton dont vous recouvrerez aux bouchiers, et qui mieulx ne peut, de pigons: jàsoit-ce que ce soit trop grosse char et trop orgueilleuse, qui[1437] peut recouvrer d’autre char; item, le filet[1438] de porc qui est dedens la cuisse est meilleur que cuer de mouton: mais à l’esprevier qui vole, l’en ne doit pas donner deux gorgées[1439] l’une après l’autre, pour ce qu’il est trop délié, trop laxatif et trop courant et coulant. Et de quoy que vous paissiez vostre esprevier, gardez que vous ne luy donniez deux gorgées l’une sur l’autre, c’est à dire que vous ne le paissiez mie la seconde fois jusques à ce qu’il ait enduit la première; et puis soit peu afin qu’il n’ait nulle fain, car autrement[1440], s’il n’est très bien nourry en sa jeunesse, il ne volera jà bien, ne ne sera fort en la saison d’espreveterie. Et aussi se vostre esprevier avoit aucune fain, les bons espreveteurs l’appercevroient à l’areste des plumes où il auroit raies de travers, et tant de roies qu’il y auroit et tant de fains jugeroit-l’en que l’esprevier auroit eues[1441]; si vous en mocqueroit-l’en de non avoir bien gouverné vostre esprevier.
Et nota que à trois choses congnoist-l’en en jeunesse l’esprevier du mouschet: item, que le mouschet a la teste et le becq sur[1442] le rond, et l’esprevier sur le long: item, le mouchet a la jambette greslette et plus courte que l’esprevier: item, au cry le congnoissent aucuns.
Item, en leur très grant jeunesse, l’en les doit tenir{v. 2, p.288} très nettement et paistre souvent[1443], et très seichement de blancs drappellez souvent remués dessoubs leurs piés, et du foing, et changier souvent, et laver et sécher leurs drappellets. Et soient en un pennier, et soit ledit pennier couvert de beaulx drappeaulx; et soient tenus chaudement par feu ou par soleil, et de nuit soit mis l’esprevier[1444] entre deux draps au lit, couchié avec une personne pour garder chaleur naturelle, et l’endemain au feu ou au soleil. Et ainsi, jusques à ce qu’il soit temps de les mettre en la ferme[1445].
Item, se vous povez, faites que les costés du vaissel ou ferme où vostre esprevier sera, ne soit mie clos d’ais, mais de trailles[1446] ou de filé, afin que l’esmeut de l’esprevier saille dehors, car quant l’esmeut demeure dedans le vaissel, il put.
Item, tant comme l’esprevier plus s’efforcera[1447], il se souldra[1448] sur les jointes[1449]; et lors, quant il s’estera[1450], le peut-l’en mettre en la ferme qui sera faite de cinq piés de long et de trois piés de lé[1451] et de trois piés de hault. Et a[1452] besoing d’une cuve ou d’un cuvier souvent nectoié ou changié, couvert d’une rais, ouquel cuvier ou cuve il ait du foing au fons et un viel drappel linge dessus pour luy garder ses ongles sains comme dessus, et illec s’enforcera et sera plus fort sur ses piés.{v. 2, p.289} Et ainsi comme plus croistra, l’en ne le paistra pas si souvent, que quatre fois le jour; et après, quant il sera plus fort et qu’il volletera, l’en lui doit mettre en la ferme ou cuvier un petit bloc[1453] de trois dois de hault, couvert pour ses ongles comme dit est. Et quant il commencera à soy perchier sur icelluy bloc, l’en luy fera autre travers dedans la ferme deux perchettes de demi pié de hault[1454], sur lesquelles perchettes il, de sa propre nature, volera de l’une à l’autre et passera par-dessoubs, et sa nature luy enseignera à duire ses eles et son vol; et lors ne sera peu[1455] que trois fois le jour. Et est bon que lors et par avant sa ferme soit mise à terre une fois le jour, en une place où les chiens repairent entour luy, et qu’ils le voient et congnoissent, et luy eulx, et soit peu devant eulx, afin que quant il volera et aura prins et tendra sa proie aux champs et ils surviennent, qu’il ne s’esbaïsse mie pour eulx, ne que eulx ne le descongnoissent. Et dès lors en avant convendra soy prendre garde quant il aura deux mercqs[1456]{v. 2, p.290} frans, car lors le conviendra-il mettre ès gets[1457] et paistre sur le poing, et puis le perchier et tenir paisiblement sur son poing tant qu’il ait enduit et avalé sa gorgée. Et le doit-l’en à ce commencement tenir si court que au reget de son débat[1458] il ne mefface à son balay[1459].
Et depuis que vostre esprevier sera premier mis sur le poing, gardez que par vous ne par autre il n’ait aucun desplaisir; et sachiez, chière seur, que toutes choses qui vers luy survendroient[1460] soudainement, hastivement ou tempestivement[1461], soit personne, beste, pierre, estueil[1462], baston, ou autre chose, lui font desplaisir et le tourmentent fort. Item, chière seur, sachiez que se vostre esprevier vous lie et estraint fort, sachiez que c’est signe qu’il a fain, et sinon[1463], car quant il a fain il estraint, et quant il[1464] gorge, non. Et toutesvoies s’il vous lie ou estraint, ne vous courrouciez de riens ne lui aussi, mais le descharnez tout bellement, sans vous ne lui courroucier, quelque douleur qu’il vous face sentir, car se vous le courroucez une seule fois, jà puis ne vous aimera.
Item, il vous convient continuer à le tenir souvent sur le poing et entre gent tant et si longuement que vous pourrez. Et se tandis que vous disnerez, dormirez ou pour autre chose, laisserez vostre esprevier, si soit perchié à grant air, hors de la moiteur de la pluie et de l’ardeur du soleil, et qu’il ne voie nuls poucins,{v. 2, p.291} pigons ne aultre volaille, ne ne soit en péril de chas, et que rien soudain ne puisse venir sur luy.
Et sachiez, chière seur, que s’il est perchié tantost après ce qu’il sera peu, il se tendra bien paisible jusques à ce qu’il ait enduit, mais après ce, se il bat à la perche, c’est signe qu’il a fain ou qu’il veult estre sur le poing: et pour ce est bon qu’il ait tousjours gens devant luy, afin que s’il se batoit et se pendist[1465], qu’il fust tantost secourus et relevés. Sachiez aussi que quant il a esté longuement sur le poing et qu’il a tous ses sept mercqs (jàsoit-ce que j’aye bien veu tel qui en avoit huit), et aussi quant le troisième noir mercq[1466] du balay passe le bout dès eles, il est adonc tenu pour fourmé, et doit-l’en penser de le baignier, qui le fait avancier pour oindre[1467], desrouillier et mettre à point ses plumes, et mieulx voler: et de la manière du baignier sera dit cy-après.
Item, et au bout des longes doit avoir un petit bâtonnet, afin que se l’esprevier s’entreprenoit, que au bout du bâtonnet, sans mettre la main, l’en luy mette ses plumes à point: ou l’en doit remuer et tourner son poing, afin qu’il se débate autre fois, car au rebat[1468] les{v. 2, p.292} plumes reviennent à leur point. Et tousjours, tantost qu’il est peu, l’en le doit tenir si souef et en place si propre et si paisible qu’il n’ait cause de soy débatre sur sa gorge, car s’il se débatoit sur sa gorge qu’il auroit lors prinse, il seroit en adventure de la getter; et qui n’a loisir de le tenir en place paisible, l’en le doit perchier. Et sachiez en cest endroit que les bons espreveteurs dient un tel proverbe:
Te tien saisy de l’esprevier.
Si povez maintenant adviser sur le poing et sur la perche se vostre esprevier peut rien valoir. Premièrement, les aucuns espreviers se perchent tout droit et sont moult esveilliés et regardent fièrement et espoventeusement[1469] quant ils veillent, et quant ils dorment, si se tiennent-ils bien droit sur un pié et ont l’autre en leur plume, et ainsi dorment, et c’est signe de bon esprevier et sain. Les autres espreviers se couchent sur le ventre au travers de la perche, ainsi comme un chappon, et ainsi se reposent en dormant et en veillant: et n’est ne trop bon ne trop mauvais signe, car il leur vient de nature. Et les autres sont tousjours raemplis et endormis et ont un pié en leur plume, et c’est signe de fétardie[1470] ou de maladie.
Item, quant est à congnoistre l’esprevier par son plumage, il est assavoir que les uns[1471] espreviers sont de plumage blanc et délié.....[1472], à travers de péris.....[1472],{v. 2, p.293} tendres ou roux assis en leur poictrine ainsi comme par ordre et à droite ligne, et sont bien merlés ou goutés[1473] ou brueil[1474], c’est assavoir entre les cuisses et le balay, et ont bonnes[1475] les plumes qui sont à l’endroit des costés sur les cuisses. Et iceulx espreviers dit-l’en que ils sont bons pour dames, car ils sont tost réclamés et rendent tost leur proie et viennent voulentiers au sifflet et aiment leur maistre, et sont paisibles et peu hardis. Les autres sont de plus gros, plus dur et plus aspre plumage, et ont plus grosses mailles, et sont les tuyaux de leurs plumes plus durs d’autant comme les plumes d’une vielle géline ou d’un viel coq sont plus aspres et plus dures que d’un jeune chappon, ou comme un laboureur des champs a plus dure coanne que le fils d’un roy: et sont cueuretés de cueres[1476] entre-changablement[1477] assis çà et là, sans ligne et sans ordre, et ont une petite teste et uns gros yeulx estincelans comme un serpent, et sont moult esveilliés; et ceulx sont aspres, roides et hardis, et sont plus fors à réclamer, plus glouts et plus despis à paistre, et plus félons en toutes choses; et mettent leur proie entre leurs eles, et la défendent aux ongles et au becq. Et mesmes, quant on les paist, ils estrainguent et saillent au visage et mordent:{v. 2, p.294} et convient avoir un gant en la main destre, dont les dois du gant soient couppés, pour doubte des esgratineures: et portent voulentiers au couvert[1478]; mais se ils sont bien nourris et bien réclamés, un bon espreveteur s’en aide mieulx que des devant dis, car ils sont plus hardis, plus sages, et plus fors assez.
Item, les uns ont jambes et piés rouges, et dit-l’en que ceulx sont de aire de jeune mouchet: et les aultres qui ont jambes et piés jaunes, dit-l’en qu’ils sont de aire de vieilz mouchet. Les aucuns ont jambes rondes et les autres sur le plat, scilicet sur le demi ront; de ceulx ne sçay-je quel signe c’est: mais en somme, l’esprevier qui est de grant corsage, qui a teste de serpent, c’est assavoir menue teste sèche, qui est bien chappé[1479], gros yeulx saillans et esveilliés, gros par les espaules, plumage dur et roide, mailletté de grosses mailles aspres et dures: qui ait bons serceaulx, bons cousteaulx, bonnes longues plumes, bons venneaulx[1480], bonnes....[1481], sans balay a sain, grant ouverture endroit le bouel, courtes jambes grossettes, ses ongles entiers, c’est assavoir du pessouer[1482] et du charnier et de la grant et{v. 2, p.295} petite sangle, et que le remenant de son corps et de ses piés soit tenu entier: qui soit bien esveillié et se perche bel: tel esprevier est d’eslite.
Toutesvoies quel qu’il soit, puis que vous le vouldrez nourrir pour vous, au commencement qui[1483] sera mis sur le poing, si luy bailliez beaulx gects, surlonges que l’en dit petites longes, touret[1484] et grans longes, et les acoustumez de petit à petit et de plus loing en plus loing à voler à vous, sur vostre poing, quérir sa proie pour soy paistre.
Or est temps, chière seur, que je vous parle de congnoistre l’ésmeut de l’esprevier. Si sachiez, chière seur, que quant l’esprevier si a esmeuti, par l’esmeut l’en peut jugier s’il est sain ou non: car s’il esmeut loing, et l’esmeut est fin, blanc, liant et bien moulu, il est bon. Et s’il est pers[1485], vert, ou roulx comme lessive, ou cler comme eaue, ou qu’il ait un neu noir en l’es-meut, à ce voit-l’en que l’esprevier n’est pas sain, et lors le fault curer, et donner plume par la manière que dit sera cy-après quant l’en parlera du réclamer et affaitier pour voler, car jusques à ce que l’en le réclame sans commande[1486], n’est-il jà trop grant besoing de lui donner plume ne trop souvent curer, fors par une fois la sepmaine.{v. 2, p.296}
Mais en cest endroit d’espreveterie, le convient plus que devant tenir sur le poing et le porter aux plais[1487] et entre les gens aux églises[1488] et ès autres assamblées, et emmy les rues, et le tenir jour et nuit le plus continuelment que l’en pourra, et aucune fois le perchier emmi les rues pour veoir gens, chevaulx, charettes, chiens, et toutes choses congnoistre; et soit en l’ombre, et qu’il n’y ait nuls pigons, poucins ne autre volaille qu’il voie comme dit est. Et aucunes fois à l’ostel soit perchié sur les chiens, et que les chiens le voient, et il eulx. Ce fait, le convient réclamer en un secret lieu, petit à petit et de plus loing en plus loing, tant qu’il reviengne du long de ses longes; puis le convient réclamer à la commande ou recréance: et puis en pluseurs{v. 2, p.297} lieux et en espécial aux champs et ès prés à recréance: et puis sans recréance, à pié à pluseurs fois, présens les chiens; et puis à cheval le convient-il réclamer, et de dessus les arbres, tant qu’il congnoisse le cheval. Et adonc est neccessité que vous prenez bien garde, comme dit est dessus, à son esmeut qu’il soit net: et comme dit est dessus, le noir donne enseignement qu’il est ort par dedans. Et s’ainsi est qu’il y ait trop de noir, si lui donnez au vespre char de poucin ou cuer de mouton trempés et bien lavés en eaue un petit chaudette et espraint; et se vous n’avez eaue tiède, fors froide, si y trempez vostre char, puis l’espraingnez fort et eschauffez par force d’espraindre entre deux esseules[1489], puis en paissiez vostre esprevier comme dessus, car char lavée l’amaigrist. Et à ce donner ne doit-on point son oisel appeller ne réclamer, mais prendre sur la perche sans siffler ou réclamer, et paistre sans dire mot, car la char ne luy est mie bien savoureuse, et pour ce, qui à ce donner le réclameroit, quant l’en le réclameroit après et depuis, il cuideroit que ce fust autele viande comme devant: si seroit plus lent et tardif à y venir.
Item, avec ce que dit est, quant il sera gorgié souffisamment, l’en luy doit donner, en lieu de plume, aussi gros de coton comme une fève enveloppé en char, à deux fois: ou faire tirer les plumes de l’aleron d’une perdris, et s’il en avale, c’est bonne plume[1490]; et aussi coton moullié en eaue: et dit-l’en que petite plume est la meilleur; et ne luy doit-l’en donner viande par-dessus{v. 2, p.298} sa plume, car ce que l’en donroit par dessus ne pourroit passer les mailles de l’estomac[1491] pour la plume qui seroit au devant. Et sachiez que quant l’esprevier vole et se paist de son vol, il ne luy convient point donner d’autre plume, car il en prent assez des oiseaulx dont il se paist; et la plume de l’aleron de l’ele est bonne plume. Et doit-l’en[1492] le soir que l’en luy a donné plume, nettoier la place dessoubs l’esprevier pour trouver l’endemain sa plume. Et l’endemain, quant vous serez levée, regardez à son esmeut s’il est plus net que devant; et se l’esprevier a esmeuti loing, c’est signe qu’il est fort: s’il a esmeuti près, c’est au contraire; se son esmeut est fin blanc, pâteux et bien molu, c’est signe qu’il est sain: se l’esmeut est vert, ou qu’il y ait trop de noir, c’est signe qu’il n’est pas sain. Et aussi gardez s’il a gecté sa plume orde ou necte. Et se vous avez apparceu par deux ou par trois fois que l’esprevier soit lent de gecter sa plume, si lui donnez avec le coton un ou deux grains de fourment, car ce l’avancera de la gecter; et quant icelle sera par luy gectée au matin, si le paissiez de bonne viande et chaude, et au soir luy redonnez plume comme devant: et ainsi de soir en soir jusques à ce qu’il soit net.
Et soiez adverti que depuis ce, comme dit est dessus, que vostre esprevier commencera à voler, item ainsi le convient deux fois la sepmaine nettoyer, et aussi baignier deux fois la sepmaine, à certain jour, entre tierce et midi, en un jardin ou préel[1493], au soleil,{v. 2, p.299} et en si large bacin que ses eles ne se batent aux bors, et le tenir à la commande ou recréance, afin que sans congié il ne s’en voit[1494] essorer[1495]; et au commencement doit-l’en rebondir et ressatir[1496] l’eaue sur la teste et le col, à une vergette[1497], pour le moullier: et puis qu’il sera baignié, le convient-il essuyer au soleil de midi. Toutesvoies, aucuns lui donnent plume chascun soir, et baignent chascun jour quant il a enduit, et en soy baignant ou quant il est baignié le réclament: et pendant le temps que vous baignerez vostre esprevier, se le soleil se convertissoit en pluie, ou se en cheminant il plouvoit sur vostre oisel, il le convient essuyer à très bon feu sur un trestel[1498] ou au soleil. Mais gardez-vous bien que jamais vous ne le mettez sur perche moulliée, car si tost qu’il a le pié moullié, il devient enrumé et malade: si gardez tousjours qu’il ait le pié sec et chault. Et après ce qu’il sera ainsi séchié, il voulera de très bonne ele.
En cest endroit d’espreveterie, devez-vous congnoistre savoir-mon[1499] s’il est trop maigre ou trop gras: car s’il est trop maigre, il est foible, et s’il est trop gras, il est lent et pesant; et sachiez que quant il se tient acrempeli[1500] ou bossu, et a les yeulx plus vers et jaunes entour, et démonstre chière pesant, et ne se tient droit, esveillé, sur le poing et à la perche, il est malade: et c’est parcequ’il est maigre; et le convient paistre un jour ou deux d’un nomblet de porc pour revenir. Et s’il se tient droit et esveillié, et les yeulx luy saillent, il est sain; mais qu’il ne soit trop gras. Et se{v. 2, p.300} vous apparcevez qu’il le soit trop, pour mettre à raison il le convient paistre de char lavée ou de beuf.
Et quant il est réclamé à pié à la commande et qu’il congnoist les chiens et il n’est trop maigre ne trop gras, et curé et net, il le convient enoiseler et luy baillier à vouler des petis poucins aux champs, premièrement à pié, et puis à cheval. Et quant il les aura volés, liés et abatus, si descendez et alez à luy tout bellement, et de loing vous agenoilliez, puis doulcement aussi comme à quatre piés[1501] petit à petit, et mettez vostre main vers les piés de vostre esprevier et prenez sa proie en souslevant les piés de l’esprevier, et faites paistre sur sa proie. Et se vous le voulez afaictier pour la pie, si le faites voler aux champs à poucins ou pigons vérés[1502] blans et tavellés[1503] de noir comme la pie est; et aucunes fois, quant l’en en peut finer, il convient avoir des jeunes pias[1504], et les y faire voler aux champs, et estre garny d’unes petites turquoises[1505] propres à ce, afin que si tost que l’esprevier aura lié le piat, l’en luy rompe les jambes et le becq afin que l’esprevier en soit tousjours audessus et ait l’avantaige du piat sans estre blécié. Et se l’en ne peut finer de piat, mais seulement de forte pie, il convient que l’en luy couppe ou rompe le becq et les ongles et deux ou trois des maistres plumes de chascune ele; et l’esprevier ainsi duit volera aux pies en la saison, et toutesvoies sa nature l’enseigne plus que estrange doctrine.
Item, l’en dit que la personne, les chiens et le cheval qu’il a acointié et acoustumé à veoir ne lui doivent point estre changiés, c’est assavoir que se un esprevier{v. 2, p.301} avoit esté gouverné par un homme[1506] blanc chevauchant un cheval noir, et l’en le bailloit ès mains d’un moine noir chevauchant un cheval blanc, ou d’un escuier, chevalier ou bourgois, ou d’une femme, ou d’autre personne vestue d’autre habit, ou en autres mains que ès mains de cellui qu’il auroit apris, l’esprevier qui auroit mescongnoissance d’icelluy nouvel maistre, ne seroit si réclamé à luy comme à son maistre qu’il congnoissoit et qui l’avoit nourry. Et pour ce, cellui ne le devroit laissier tenir ne paistre à autre fors à luy.
Chière seur, avant que vous commenciez à voler à droit essient[1507], il vous convient et est neccessité d’avoir cerchié et enquis aux compaignons du païs où sont les volées des perdris; et sachiez que en païs estrange et ou repaire[1508], la souveraine queste que bon espreveteur puisse faire, si est d’enquérir aux bergiers et vachiers et autres gens d’aval les champs, s’ils ont veues aucunes perdrix et où est leur commun repaire, et puis aler celle part. Mais sur toute rien gardez-vous que chiens de bergiers ne autres chiens estranges que vous ne congnoissez et qui ne congnoissent vos oiseaulx, et espécialment mastins, ne vous suivent, car vostre esprevier ne voleroit pas si voulentiers ne si hardiement, et s’il avoit abatu ou lié un oisel, si seroit en aventure d’estre par eulx tué; et moult de fois en est ainsi advenu.
Item, chière seur, en cest endroit d’espreveterie, aux jours que vous ne vouldrez voler, vous convient acoustumer à paistre vostre esprevier dès le bien matin, afin que à celle heure quant vous volerez, il ait tousjours fain; si volera mieulx, car les bons espreveteurs{v. 2, p.302} se lièvent dès l’aube du jour, et dès lors vont voler, mais toutesvoies que leur esprevier ait gecté sa plume, et aussi qu’il ne pleuve ne face grant vent, car se vous volez par grant vent, le vent emportera vostre esprevier qu’il n’en pourra mais, et se moquera-l’en de vous.
Item, ne volez pas près de bois, ne de haie, ne de vigne, ou de fossés ou autre empeschement d’eaues.
Item, ne volez pas aux petits oiseaulx, car ils sont trop roides et scevent les tours des buissons où ils ont acoustumé à repairier, et pour ce l’esprevier fault; si se travaille fort pour ce que iceulx menus oiseaulx sont fors, et si n’emportent mie si grant honneur pour l’espreveteur ne pour l’esprevier comme perdris qui volent foiblement et sont plus tost prinses; et aussi quant les menus oiseaulx se boutent ès buissons, l’esprevier qui vole après se lasse et descourage; pour sa hardiesse et faire son devoir se ront souvent sa queue et ses eles telement que en la fin il en demeure tout diffamé, et n’en peut mais. Toutesvoies, se vostre esprevier y vole, et vous véez que pour ce faire vostre esprevier ait la teste d’aucunes de ses plumes quassées, si la moulliez tantost de vostre salive endroit la quasseure, et quant vous viendrez à l’ostel, d’eaue non mie chaude, mais moins que tiède, et elle se raffermera: sinon[1509] elle se rompra. Et s’il a son balay rompu, il n’en vauldra pas pis pour voler aux cailles, à perdris et à gros oiseaulx qui volent droit à terre[1510], mais il en est plus lait, et si ne suit mie si bien{v. 2, p.303} petis oiseaulx qui se plient, comme l’aloé qui gauchist[1511] comme à esquierre, et si ne peut monter après l’aloé.
Item, s’il advenoit que vostre esprevier ait l’une des parties de sa queue rompue, l’en doit rongner aux forces[1512] l’autre partie, afin qu’il vole justement. Et jàsoit-ce que l’esprevier qui a la queue rompue en soit plus lait, toutesvoies il n’en vault de riens pis pour voler au gros, mais pour voler aux menus, si fait.
L’aloé de gibier, c’est l’aloé de cest an qui a courte queue, sans blancheur, toute rousse de rousseur cendrée, et ne chante point au sourdre[1513], et vole droit et se rassiet près. Et la vieille aloé à longue queue, dont aucunes des pennes sont fines blanches[1514] et au sourdre pipe et dit: Andrieu, et vole par ondées et plie son vol par esquierres, puis à destre, puis à senestre, et se assiet loing, celle n’est pas de gibier, ne n’y doit-l’en point voler ès mois d’Aoust et de Septembre: mais en Septembre, quant elle mue, la queue luy chiet, et est de gibier pour ce qu’elle est foible.
Item, il est dit dessus et il est vray que tout bon espreveteur doit garder qu’il ne vole à menus oyseaulx roides, comme à l’aloé vieille, moissons[1515] vielz et autres qui sont près des buissons, pour ce que incontinent qu’ils voient l’esprevier, ils s’y boutent, et fault l’esprevier à les lier, et ront sa queue et despièce ses eles ou buisson, et par ce se lasse et descourage de voler; mais le pis est que aucunes fois l’esprevier qui est ainsi lassé ne revient point à son maistre, mais s’envole et se repose sur un grant arbre. Et est certain que les espreviers{v. 2, p.304} ainsi lassés sont plus tardis et plus lens à revenir de dessus un grant arbre, maison ou autre hault lieu que dessus un bas, se grant fain ne les y muet; et à ce besoing convient avoir ou poucins ou autre oisel vif pour voleter devant eulx, en les réclamant sans monstrer le visaige.
Ces choses veues et faites, vous povez aler voler; et le premier jour que vous volerez, soiez garni de poucin ou autre oysel vif pour y faire voler vostre esprevier se vous ne trouvez autre oisel, et au premier oisel que vostre esprevier prendra aux champs, si tost qu’il l’aura abatu et le tendra entre ses piés, il convient descendre et aler à luy à long trait, et se garde-l’en de toute hastiveté, et que l’espreveteur s’agenoille bellement et loing, et bellement estende ses bras, et doulcement preigne et liève sa proie et l’oisel dessus, puis rompe la teste à l’oisel et du cervel paisse son esprevier[1516]. Et se l’esprevier vous lie des ongles, si vous descharnez ongle après l’autre tout bellement, sans tirer ne le courroucier.
Item, quant vostre esprevier est gorgé, vous le povez tenir sur la main nue et sans gant, car lors il ne vous estraindra point; mais avant qu’il soit peu, s’il a fain, si ne vous y fiez point, car lors il estraint fort et tant que sang en fait saillir. Et à ce jugent aucuns se l’esprevier est fort ou non, car quant ils sentent parmi le gant que l’esprevier estraint fort, ils jugent qu’il est fort: sinon, non. Item, tenez-le adonc en place si paisiblement qu’il n’ait cause de soy débatre sur sa gorgée, car il seroit en aventure de la gecter, ou{v. 2, p.305} se vous n’avez loisir de le tenir sur le poing en place convenable et paisible, si le perchiez en lieu paisible où il voie gens, chiens et chevaulx etc., et ne voie point pigons ne autre poulaille[1517].
Et la deuxième fois que vous volerez, laissez vostre esprevier[1518] deux vols ou trois le jour et non plus, et le paissiez comme dessus: et la troisième fois, deux ou trois vols et non plus; et puis aux autres jours vole tant comme il pourra, à tant d’oiseaulx comme vous trouverez.
Item, et se vous apparcevez qu’il porte au couvert, si l’embraellez[1519] et laissiez prendre[1520] deux ou trois fois, et ne le gectez plus sur arbre quant vous le vouldrez paistre, et il se chastiera d’illec en avant.
Item, commenciez à aler voler chascun jour au matin dès le bien matin et volez jusques à tierce[1521], et lors mettez vostre esprevier en un pré ou champ, et s’il ne porte au couvert, sur un pré[1522] ou arbre, et le réclamez d’illec et paissiez, et puis le perchiez et[1523] reposez et laissiez passer le chault, et après volez au serain[1524]. Car qui ou mois de Juillet et dès lors, voleroit, jusques à la my-Aoust, par trop chault, l’esprevier si s’efforceroit hault et loing, et à la première rivière ou eaue qu’il verroit d’en hault, s’en yroit baignier, puis se ressuieroit sur un arbre, et là se pouroindroit telement et si à grant loisir qu’il n’auroit plume sur lui qu’il ne remuast au becq l’une après l’autre, tout à loisir, et sans trop grant{v. 2, p.306} diligence ne pourroit estre trouvé; et s’il estoit retrouvé, si ne pourroit-il estre reprins sans trop grant attendue. Mais après la my-Aoust il ne s’efforcera[1525] mie si voulentiers; et toutesvoies, ainsi comme il est dit dessus, soiez tousjours garni de vif poucin rousset, semblant à perdris, afin que se vous ne trouvez autres foibles oiseaulx, que vous volez aux champs de ce poucin que vous aurez porté, et luy donnez de la cervelle et du surplus ses drois, et l’en paissiez; puis ostez la gorge et les boyaulx du poucin, si s’en gardera mieulx, et l’en pourrez paistre à l’une fois des eles, l’autre fois des cuisses, puis au derrenier du charquois[1526]. Et se vous n’avez trouvé poucin, si soiez pourveu de pigon, jàsoit-ce que ce soit chaude viande et trop aigre à l’esprevier qui vole, car la saveur luy en demeure longuement et le soustient sans fain plus que autre viande; et[1527] en reffuse le poing, et[1528] tient l’esprevier orguilleux.
Item, vous prenez bien garde que dès ce que vous commencerez à voler, dès lors vous ne courrouciez vostre esprevier, et que rien ne l’approuche soudainement, effondréement ne tempesteusement, soit personne, chien, cheval ou autre chose, et mesmement par derrière, car de ce qui luy survient par derrière est-il plus tourmenté et s’effroie plus.
Item, quant vous serez en queste, si aiez tousjours l’œil à vostre esprevier et à vos espaignols, et quant{v. 2, p.307} vous verrez qu’ils mouveront la queue à desvuidier[1529] une place, si férez tantost de l’esperon droit à eulx, afin que quant la perdris sourdra, vostre esprevier soit prouchain. Et se plusieurs perdris saillent, dont vostre esprevier suive, lie et abate l’une, entendez tousjours à vostre oisel, et criez à vos compaignons qu’ils remerquent les autres, et quant vostre esprevier aura eu son droit du cervel, si vous remettez en queste au remerc[1530], afin que vous aiez tous les autres oiseaulx l’un après l’autre.
Item, l’en doit quérir les perdris ès grans chaumes et yèbles et bruières, et environ les gerbes qui sont demourées aux champs, car là se paissent les perdris et les perdriaux du grain d’icelles gerbes, et sont voulentiers ès lieux couvers et non mie ès jachières[1531] ne autres lieux descouvers, tant pour doubte de chault comme pour doubte que le faulx-perdriel[1532] et les oiseaulx de proie ne les voient. Et quant le chault est levé, icelles perdris et aussi les cailles sont ès grans genestes, ès vignes et ès vesses, ès poisières[1533] et ès blés qui sont sur le pié et qui donnent grant ombre, pour estre freschement.
Item, en ce temps l’en ne pourroit pas faire queste{v. 2, p.308} ès vignes pour ce que l’en y feroit trop de dommage à ceulx à qui les vignes sont, et aussi les perdris y auroient trop d’avantage et l’esprevier trop d’encombrier pour les fueilles et eschallas, mais les bons espreveteurs qui[1534] les remerquent et[1534] puis se mettent en queste ou remercq par les champs ou buissons, et au voulon[1535] l’esprevier les prent.
Se l’esprevier porte au couvert, et son maistre le réclame et siffle, il ne luy doit pas monstrer son visage[1536].
Item, sachiez que depuis que l’esprevier aura commencié à voler, il ne doit vivre de nulle char de boucherie ne d’autres, fors que de sa proie, car de jour en jour, continuelment, sans cesser, il doit voler sans repos, car qui un jour le repose, il le recule pour trois jours.
Item, sachiez que le[1537] déduit de perdriaulx dure jusques à la mi-Aoust, et adonc commence le déduit des cailles pour ce que alors deviennent fortes, et voulentiers se tiennent près des bois et des haies. En Aoust l’en treuve bien des perdris qui en cest an furent couvées au plus tart, et se adouèrent[1538] plus tart que les autres et n’estoient pas assez aagées quant la saison de chauchier[1539] fut, et ne sont pas toutes réparées[1540] ou mois d’Aoust et ont encores leurs plumes à saing[1541], et ou tuyau{v. 2, p.309} a un neu, et ne sont pas si fortes comme les pères et les mères qui ont esté muées[1542], et pour ce sont plus légières à prendre à l’esprevier que ne sont les pères et les mères, se ce n’est toutesvoies quant freschement et tantost après que iceulx pères et mères ont couvé et qu’ils nourissent et tiennent encores soubs eulx leurs perdriaulx, car lors sont-ils dévestus de leurs plumes et sont maigres et foibles et pevent bien estre arrestés par l’esprevier; mais quant ils sont revestus de leurs plumes et renforcées, il n’y fait nul voler fors au voulon, comme dit est, ou[1543] après leur premier vol par remercq, car au second vol sont-elles plus lassées qu’ils ne furent au premier. Et est grant péril de mettre son esprevier en essay de les prendre en plains champs du premier vol, car se l’esprevier se lasse à tirer après, ou se il lie la perdris et elle est si forte qu’elle l’emporte, ou qu’il soit autrement foulé soit par cest oisel ou par autre, jà puis n’y volera voulentiers.
En la saison d’Aoust, l’en peult voler aux faisandeaulx[1544] aux oustardes, aux laperiaulx, aux levrats,{v. 2, p.310} aux raales des champs[1545] qui sont roux, et aux cailles, ou au moins en la my-Aoust; et en Septembre doit-l’en voler tout au long du jour sans retourner à l’ostel puis qu’il ne face ne trop grant chault ne trop grant pluie ne trop grant vent; et doit-l’en savoir que ou mois de Septembre il ne se essore[1546] mie si voulentiers comme en Aoust.
Item, pour ce que les nuis sont en Septembre plus longues, il convient donner au soir, en la fin de Septembre, plus grosse gorgée, et petite au matin; mais tousjours[1547] aiez lors en mémoire que c’est mauvaise{v. 2, p.311} paisson que de caille et de pigon, car c’est char de dure digestion et demeure longuement en l’estomac. L’esprevier s’en enorguillist et reffuse le poing comme dit est dessus.
Item, en la fin dudit mois de Septembre et après, quant le voler des cailles et perdris est failli, et mesmes en l’iver, l’en peut voler comme dit est aux pies, aux choés, aux cercelles qui sont en rivière ou autres qui sont tavelées et ont longues jambes et sont aux champs et courent à pié parmi le gravier d’eaue[1548], aux merles, aux mauvis, aux gois[1549], aux videcocqs et aux merles. Et à ce peut-l’en aler à pié et avoir l’arc et le boujon[1550], que[1551] quant le merle se boute en un buisson et ne se ose partir pour l’esprevier qui est dessus et l’espie, la dame ou damoiselle qui scet traire, le peut tuer[1552] du bougon[1553]. (Et ainsi de temps en temps peut-on avoir déduit de son esprevier, quant l’en le veult garder pour muer.) Et quant l’en ne treuve plus à le paistre de son voler, l’en luy donne congié. Et sachiez que dès la première nuit qu’il aura geu dehors, il est devenu sauvage se il se paist de luy mesmes, et pour ce le convient l’endemain recouvrer, à l’aube[1554].
Et, belle seur, s’il est ainsi que vous le voulez muer[1555], pour ce que autant couste à muer un mauvais esprevier comme un bon, aiez premièrement regart se vostre esprevier a esté bel et bon et paisible, car icelluy doit-l’en muer; et s’il a esté autre, ne prenez plus de paine,{v. 2, p.312} car encores seroit-il pire après la mue. Toutesvoies, se muer le voulez, il le convient paistre de chaude viande, comme de gélines, soris, rats, et d’autres oiseaulx gaignés aux fillés et à l’arbaleste, jàsoit-ce que c’est le meilleur que l’esprevier vole tant comme l’en trouvera à voler, et par espécial tout le karesme, car à fort et souvent gecte-il plus naturelment ses plumes pour muer: et tousjours le convient-il, comme dit est devant, curer et donner plume.[1556] Quant à l’esprevier que l’en veult muer, aucuns donnent des estouppes hachées, et aussi dient aucuns que c’est bonne plume que des pastes de lièvre et de connins batues d’un bon martel sur une enclume et ostés les os. Et tousjours le convient baignier et tenir sur la perche, et tousjours paistre de bonne viande chaude et vive, qui peut, très diligemment, et garder mieulx que devant, et le paistre à tout le moins trois fois le jour jusques à la my-May; et lors luy convient arracher toutes ses plumes de la queue. Aucuns dient que le meilleur est au croissant de May, ou autrement la queue ne revient point (c’est au commencement du mois de Juing); et la convient arrachier ainsi qu’il s’ensuit: c’est assavoir que aucun tiengne l’esprevier entre ses mains, et l’autre luy compressera la char du bout de la queue, à laquelle char les tuyaulx des plumes de la queue se tiennent: et quant la char est ainsi tenue pour le sauver[1557], l’en doit arracher les plumes l’une après l’autre, tout en un jour. Et dit-l’en que d’autant que l’esprevier a la queue arrachée devant la Saint-Jehan, d’autant est-il prest plus tost devant la my-Aoust (et jàsoit-ce que aucuns{v. 2, p.313} dient qu’il convient avant baignier le[1558].... de l’esprevier en karesme, dont je ne tien compte); et ladicte queue arrachée, le convient mettre en une mue qui soit de quatre piés de long et quatre piés de large, de trois piés de hault, et soit couverte de bonne toile pour le vent, et y ait fenestre pour avoir air. Et en icelle mue ait une perche, laquelle perche sera de demi-pié de hault, et sera l’une des moitiés feutrée, et en l’autre moitié, du long, aura une chanlatte[1559] coulant en laquelle l’en luy donra sa viande sans touchier à luy. Et le convient lors très diligemment garder de trop chault et de trop froit, et mettre et tenir de jour au soleil et garder; et le gardez de courroux, d’effroy et d’aucun autre encombrier, et le paistre de très bonnes viandes et chaudes et hachées, tant qu’il soit remis sus; et aucunes fois luy convient donner et mettre en sa mue un oisel, et de ce il mesmes se paist, et ce en lui donne plume[1560]; et à luy sont bons rats et souris, cuer de mouton chault, nomblet de porc chault. Et sera bien de sept sepmaines à deux mois avant qu’il soit prest.
La chose qui plus tost avance un esprevier, c’est ce que en la saison qu’il doit muer, l’en le paisse de deux jours en deux jours des glandes du col de mouton. Et toutesvoies dit-l’en que quant les plumes de la queue et des esles sont revenues, il souffist, car de son dos ne du surplus ne peut chaloir. Et lors il seroit plus grant dommage, qui le perdroit, quant l’en a eu tant de peine: et pour ce est-il le plus bel et le meilleur et le{v. 2, p.314} plus seur d’essaier sagement et cautement s’il se tendra paisible sur le poing, et le paistre dessus; sinon y remédier sagement, et le veillier[1561] et mettre au bas[1562]. Item, est le plus seur de le réclamer à la commande, car toute chose désire sa franchise et retourne de légier à sa nature, et pour ce s’en convient contregarder. Et aussi comme ils donnent plus de paine, aussi valent-ils mieulx que les autres, car iceulx sont enoiselés et congnoissent leurs oiseaulx, les chiens, chevaulx, et sont plus fors.
Puis que je vous ay parlé de la nature des espreviers que l’en dit nyais pour ce qu’ils furent pris ou ny, à présent je vueil parler de ceulx que l’en dit branchiers, ramages ou rameges, qui est tout un: et en après, je parleray des muiers[1563] d’une ou de pluseurs mues.
L’esprevier est dit branchier ou ramage[1564] pour ce que, quant il soit pris, il vole sur les rainceaux ou sur les branches. Et est certain qu’il convient que l’esprevier ramage soit enoisellé[1565] que l’en doie espérer qu’il descende à la muete des pans; toutesvoies, avant qu’il soit enoiselé, peut-l’en appareillier une belle place devant l’aire de l’esprevier, et quant il sera enoiselé tendre ses pans, et mettre en muette poucin ou pigon ou autre oisel à quoy{v. 2, p.315} il doie descendre. Et encores est il bon que près des guilles[1566] ait espreviers ou mouchets qui crient et volent, et par ce l’esprevier branchier descent plus tost à la muete. Et tantost qu’il est ou filé, il convient[1567] qu’il soit pris bien doulcement, et que l’un le tiengne par les esles du corps, et l’autre le prent par le becq et le cillera[1568]. Et incontinent lui convient mettre ses gets et sonnettes[1569], et le mettre et tenir sur le poing et remuer et garder qu’il ne dorme point, et luy offrir le vespre prouchain la char lavée en eaue tiède. Et se il se paist sur le poing, c’est le premier bon signe: et s’il ne se paist, il convient garder qu’il ne dorme et le veillier de nuit; et qui ne le peut toute nuit veiller, si le perche sur une perche branlant qui sera attachée à deux cordes par les deux boux, et tirera-l’en aucunes fois celle perche pour la faire branler, afin que l’esprevier ne dorme. Et quant il aura esté veillé une nuit ou deux et qu’il sera asseuré sur le poing et s’y paistra voulentiers, dès la deuxième fois qu’il sera peu le convient dessillier et le tenir entre gent, et garder qu’il ne dorme fors très petit. S’il est très bien asseuré, l’en le doit du tout asseurer[1570] et{v. 2, p.316} laisser à son aise, puis réclamer et gouverner comme dessus.
Et se l’esprevier qui ainsi est pris aux pans est mué de haye[1571], il convient qu’il soit mis au bas par veiller, et affamé[1572] par la manière que dessus, jàsoit ce qu’il soit plus fort à affaitier et n’est mie de si bon retour[1573] comme l’esprevier sor, c’est assavoir cellui d’un an[1574].
Toutesvoies, est-il bien aucuns espreviers qui dès l’année passée ont esté le plus tart couvés et ont esté si tardis que à paine ont-ils esté fors quant les premiers avoient jà fait leur saison, et ceulx sont mués de haye, et toutesvoies n’ont-ils point pont[1575] ne couvé en ceste année pour ce que leur jeunesse leur a tolu[1576], et sont pris aussi après leur mue. Et ceulx congnoist-l’en à ce que souvent advient que encores tiennent-ils du sor, c’est à dire de la plume de l’année précédent, et en ceulx peut-l’en avoir plus d’espérance que en ceulx qui sont plus vieils et ont plus volé ou sont de pluseurs mues, lesquels aucuns[1577] congnoissent bien et pour ce les refusent.
Item, il est assavoir que l’esprevier mué garde mieulx sa queue pour ce qu’il n’entre point au buisson après sa proie, mais vole par dessus: et l’esprevier nyais y entre.
Item, l’esprevier mué de haye a les yeulx rouges et les piés jaunes.{v. 2, p.317}
Aucunefois, d’aventure, sont prins les espreviers à la glus, et lors les convient desgluer l’une plume après l’autre, à la main, et que les[1578] dois soient moulliés en lait.
Or nous convient parler des muiers qui sont de deux manières, c’est assavoir les uns qui sont mués en la ferme[1579] et les autres qui sont mués de haye. Les mués en la ferme sont bons à voler et sont les plus riches[1580]. Les mués de haye sont congneus à ce qu’ils ont les yeulx plus rouges et les piés plus jaunes. C’est assavoir que iceulx mués de haye sont plus doubteux à voler, car jàsoit ce que ils aient esté bien silliés, bien veilliés et très bien réclamés à commande ou à recréance, qui est tout un, toutesvoies, quant l’en les fait voler, communément ils se essorent fort[1581] et adonc une bouffée de vent les emporte maulgré eulx, et tantost qu’ils ont perdu leur maistre, et mesmement si tost que d’eulx mesmes ils se sont peus une fois, ils sont retournés à leur première nature, ne puis ne veulent revenir au réclamer.
Esprevier hagart[1582] est celluy qui est de mue de haye: et s’il est d’un an, il tient du sor aucunement, car s’il ne tient du sor c’est signe qu’il tient de deux mues[1583]. Item, le mué a yeulx bien rouges, et bien jaunes les piés, et plus fortes et roides plumes et autrement coulourées{v. 2, p.318}; et voit l’en bien les plumes sorées[1584] parmi les autres, car elles sont noires par dessus, et les autres sont mieulx coulourées.
Item, de l’esprevier, le mouchet est le masle: et du lannier le lanneret est le masle; et des autres comme l’austour, le faucon, etc., l’en dit le masle tiercelet.
Chière amie, sachiez que des autres oiseaulx de proie, l’en dit tiercelet d’ostour celluy qui est masle, et est le plus petit; le ostour est la fumelle et est plus grant. Item, tiercelet de faucon est le masle, et est le plus petit, et n’est pas bon pour povre homme, car l’en ne le peut arrester[1585]; le faucon est la fumelle, et communément l’en l’appelle faucon gentil. Item, tiercelet d’esmerillon est le masle, et l’esmerillon est dit le fourme[1586] et est la fumelle, et volent ensemble, et sont réclamés au loirre[1587]. Item, tiercelet de{v. 2, p.319} hobe[1588] est masle: le fourmé est la fumelle. Item, le lanneret est le masle et est plus fort et vault mieulx; le lannier est la fumelle.
Se un esprevier a la jaunisse, comment garira-il?—Recipe: Où il n’a point de maladie, il ne convient point de garison: et il est certain que la jaunisse leur vient d’aise et de santé et pour les bonnes et chaudes viandes qu’il mengue, et pour ce ne sont point malades.
Se un esprevier a ruine, monstrez luy rue[1589]. Item, faites le tenir longuement au feu, à vespre. Item, faites luy tirer[1590] de la queue d’un pourcelet ou d’un pourcel où il n’ait point de char. Item, aiez boiste ou autre vaissel où il ait encens et du feu, et faites que la fumée lui adresse au becq: et lors il toussira et esternuera, et hochera la teste et gettera la rume; et soit sa perche{v. 2, p.320} feutrée, et luy tenu chaudement. Item, le faites tirer à l’aleron d’un poucin, et en la main en laquelle vous tendrez l’aleron, tenez, avec, une branche de rue, afin qu’il en ait l’oudeur en tirant. Et, soit sur le poing, soit sur la perche, gardez qu’il ait penne[1591] ou feutre bien sec et bien chault soubs le pié, et nuit et jour soit devant le feu ou près du feu ou en lieu chault; et aiez tousjours en vostre sein penne ou feutre ou autre chose chaude pour luy changer souvent[1592] et lui baillier le chault.
Se un esprevier est malade tellement qu’il regette sa viande quant il a esté peu, ouvrez luy à deux mains le becq et luy boutez dedans la gorge aussi gros comme une fève de beurre frais, et une heure ou deux après si le paissiez de bonne char vive.
Item, l’en congnoist espreviers qui sont trop gras à taster par dessoubs l’esle comme une géline. Et aussi quant il a la fourcelle[1593] my-partie et pourfilée et il baille; adonc l’en luy doit donner à boire de l’eaue fresche pour refroider dedans le corps, et petit paistre, pour amaigrir.
L’esprevier qui a sourcils blans est le meilleur par raison.
Item, espreviers nyais ou ramages ne sont mie si bons comme ceulx qui sont pris à la rais ou à la crecerelle[1594].{v. 2, p.321}
Des autres maladies d’esprevier, véez en la page ensuivant les remèdes des maladies des faucons, et ouvrez selon ce.
Des oyseaulx de proye affaitiés, l’aigle[1595], le griffon et l’ottour[1596] volent au chevrel sauvage, aux lièvres, aux oustardes, mais que on ait un levrier affaitié pour eulx.{v. 2, p.322}
Le tiercelet d’ostour vole aux lièvres, aux perdris, aux connins, aux malars[1597] et aux plouviers.
L’en ne paist l’ottour que une fois le jour en yver: en esté, deux; un cuer de mouton est assez à paistre l’ottour une fois, et le tient en estat. Item, d’une rouelle de mouton; item, d’un pigon, perdris, etc. Un cuer de porc engraisse, et dit-l’en: hausse; un cuer de chièvre ou de bouc abaisse, id est amaigrit; un pié de mouton est pour tirer.
Quant l’en le baigne, l’en luy oste les longes, et il se baigne au bort de la rivière et se pouroint[1598] et puis vient.
Pour un ottour, une géline est à trois jours; l’en le paist un jour du foie, du jugier et du col à toute la plume, la teste et le cervel; l’autre jour, d’une esle et puis la cuisse; et l’autre jour autant.
Item, en karesme il se mue et est bien trois ou quatre mois avec du foing ou de la rame[1599] et trois perches pour percher; et le paistre adonc de chaude viande comme turtres, coulons, perdris, poucins tous vifs. Item, quant ils sont mués, les convient veillier bien quatre, six ou huit nuys, puis réclamer petit à petit à la commande comme au commencement[1600].
Nota que le faucon lannier doit estre perchié à un pié et demi de terre pour le duire à voler bas à la perdris; et le gentil se perche hault.
Item. Nota que jàsoit-ce que l’esprevier et l’ostour soient peus entre le pouce et le doit démonstratif, toutesvoies les autres oiseaulx sont peus à plain poing.{v. 2, p.323}
La char lavée en eaue tiède est donnée pour abaissier et amaigrir.
Quant l’esmeut est blanc et cler et que un petit de noir est au bout, scilicet premier yssu du ventre, il est bon: autrement, non. Et quant ou millieu de l’esmeut a aucune chose rousse et grosse ou millieu, il signifie que l’oisel soit bas. Si le convient baissier[1601].
Le faucon lannier est dit villain[1602] pour ce qu’il se paist de toutes chars, comme beuf, mouton, chièvre. Et nota que chièvre abaisse[1603].
L’esmeut qui est gecté loing est bon.
Le dit lannier est de gros maillé[1604], et est plus gros que le lanneret qui est de plus déliée maille, et vole plus hault et avec les faucons gentils: et ce ne fait point le lannier.
Autres faucons y a qui sont de Flandres et sont dis faucons Sacres, et sont d’un petit moins déliée maille,{v. 2, p.324} et ont les piés jaunes[1605] et sont comme entre le gentil et le villain, et sont bons, comme l’en dit communément, réclamés au loirre, ou d’omme quant ils reviennent bien au loirre.
Le faucon gentils est de plus déliée maille que nul et a les piés jaunes, et est peu de cuer de mouton le moins, mais le plus de pigons et de poulaille.
Autres faucons y a que l’en appelle harrottes[1606] et viennent de Grenade et sont moult petis et très bons pour le héron, la grue et l’oustarde: et sont icelles harrottes ainsi que tercelés qui sont les masles des faucons de pardeçà.
Faucons pèlerins[1607] sont ceulx qui sont pris au filé et se sont peus et ont volé aux champs, et sont gentis nommés.
Item, le lannier ne vole fors aux perdris et aucunes fois au connin et au lièvre, et non plus. Et les autres volent à l’oisel de rivière, au héron, à la grue, à l’oustarde etc.
L’ottour vole à tout, mais non pas le tiercelet d’ottour.{v. 2, p.325}
Des faucons villains, la fumelle est dit lannier ou le fourmé, et le masle est dit tiercelet[1608].
Le faucon gentil est noir. Et le faucon lannier est le plus tendre. Et le faucon pèlerin est le meilleur qui soit et est le plus gros et plus formé de membres que tous. Et à celluy qui les veult gouverner ne convient mengier aulx, oignons, poireaux.
Item, quant aucun oisel de proye baille par trois fois de renc[1609] et fait mate chière[1610], c’est signe qu’il est malade d’une maladie que les fauconniers appellent le fils, et est un ver qui les point. Et à les garir convient les paistre de char en laquelle sera enveloppé du saffren, et les vers en meurent.
Et se un faucon a la pépie, il convient avoir un des brocherons d’une espine blanche et lui passer par trois jours, trois fois chascun jour, dedens la narine, et par trois jours lui mettre sur la langue des figues vertes, prises sur l’arbre.—Item, vous sarez qu’il a la pépie quant il fait mate chière et ne se veult ou peut paistre et aucunesfois baille.
Se vostre oisel est pouilleux, vous le verrez au soleil, car sur toute sa teste verrez-vous les poux bougier; et lors convient avoir de l’orpiment[1611], du meilleur, et{v. 2, p.326} est la fueille meilleur, et soit très bien broyé et finement, et très déliément sassé; et convient estre trois personnes: l’un qui tendra l’oisel, l’autre qui tendra l’orpiment, et l’autre qui l’orpimentera. Et puis convient getter de l’eaue dessus comme un cousturier fait, à la bouche, puis le paistre d’une poulle chaude, puis perchier, et luy oster le gant qui est chargié d’orpiment, car l’orpiment est trop fort: et puis l’endemain voler.
Nota que en May le faucon commence à muer, et le convient paistre de chaude viande; et sachiez que rats est propre viande pour luy.
Item, l’en le mue bien sur le poing.
TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES.
N. B. La lettre a indique le premier volume: la lettre b le second.
A, B, C, D, E, F, G, H, I, J, K, L, M, N, O, P, Q, R, S, T, U, V, W, Y, Z