← Retour

Les femmes au gouvernail

16px
100%

III
Enquête sur la représentation des Femmes au Parlement

«Pourquoi les femmes ne seraient-elles pas aussi capables que les hommes de s’occuper de politique! Elles sont tout aussi intelligentes qu’eux.»

M. Thomas.

Au conseil général de la Seine.

J’ai cru qu’il serait intéressant de savoir ce que pensent de l’affranchissement politique des Françaises les sénateurs, les députés, les princes des lettres, et j’ai prié des législateurs distingués, des écrivains aimés du public de vouloir bien donner leur avis sur la représentation des femmes au Parlement.

M. Paul Margueritte, le célèbre écrivain, dont l’art parvient à faire envisager par les cerveaux rétifs les grands problèmes, écrit:

«Ce n’est pas d’aujourd’hui que j’ai demandé dans nos campagnes de presse la représentation des femmes au Parlement.

«Je suis assuré qu’elles y feraient prévaloir des lois de préservation sociale excellentes. En tout cas, leur présence au Parlement ne serait que de stricte justice.»

Voici l’opinion qu’exprime M. Paul Gérente, sénateur d’Alger et Aliéniste distingué:

«Votre lettre me demande si j’admets, en somme, que les femmes aient, partout, les mêmes droits que les hommes. J’y réponds: oui.»

M. Maurice Spronch, député de Paris, donne ainsi son avis:

«J’ai perdu quelques-unes de mes illusions sur le suffrage universel et le parlementarisme en constatant l’usage que les hommes en ont fait.

«Je ne suis pas du tout convaincu, je vous l’avoue, que les femmes soient destinées à en faire un usage meilleur.

«En tout cas, je ne vois aucune raison logique de leur refuser le droit qu’elles réclament—étant admis les principes sur lesquels reposent actuellement nos institutions et nos mœurs—et je voterais certainement, une proposition ou un projet de loi tendant à leur accorder l’électorat et l’éligibilité.»

Si M. Maurice Spronch voulait regarder ce qui se passe dans les pays où le sexe féminin est admis au droit commun politique, il verrait que les femmes font généralement un meilleur usage du bulletin, que les hommes, moins immédiatement intéressés qu’elles au bien public.

M. le Docteur Flaissières, sénateur, qui a mis en pratique ses principes républicains socialistes à Marseille, fait en la lettre qui suit connaître sa pensée:

«Je réponds à la question que vous posez dans toute la sincérité, la foi d’une opinion que je me suis faite depuis longtemps par mes réflexions, par mes observations personnelles.

«La femme a été lamentablement piétinée jusqu’à l’heure actuelle, dans tous ses droits naturels; à peine éveillée de la longue torpeur de l’esclavage séculaire elle réclame, encore timidement, son émancipation. Sa cause est celle de la suprême justice. Ceux qui ne la soutiendraient pas, auraient méconnu la loi imprescriptible de la nature de la matière.

«La femme ajoute à toutes les qualités intellectuelles de l’homme, qu’elle possède au même degré que lui, les qualités sublimes que seule la maternité peut faire surgir triomphantes pour la conservation des espèces.

«La femme est nécessaire, elle est indispensable dans l’organisation, le fonctionnement d’une société en voie de réel progrès.

«Aussi longtemps que la femme ne sera pas électrice, au même titre que l’homme, et pour toutes les assemblées publiques, aussi longtemps qu’elle ne sera pas éligible à ces mêmes assemblées, la gestion des affaires publiques demeurera imparfaite, faussée.»

M. Charles Humbert qui, en voulant voir assurer la sécurité de la nation, oublie de penser que notre pays est privé de la moitié de son énergie et de ses forces intellectuelles par l’annulement de douze millions de Françaises majeures fait à notre question cette réponse:

«Il est possible—et peut-être cela est-il désirable—que l’influence féminine aujourd’hui officiellement écartée des luttes électorales, y prenne un jour une plus grande part en France.

«Toutefois, je me permets de penser qu’il y a des étapes à parcourir avant d’en venir là. Il y a tout au moins, comme pour les autres réformes, une éducation du public à faire et des précautions législatives à prendre.

«Mais s’il faut dire toute ma pensée, j’estime que les femmes elles-mêmes ne doivent pas désirer leur prompte entrée au parlement. Quand la porte leur en sera ouverte, en effet, elles s’y trouveront longtemps—toujours peut-être—en minorité; tandis que, par une propagande intelligente et calme, sur les différentes questions qui les intéressent, elles peuvent espérer obtenir des votes de majorité, dans des assemblées constituées exclusivement d’hommes.

«Je crois, en un mot, que dans l’état de choses actuel, la vraie chance de succès pour les idées que vous défendez si brillamment, ce n’est pas que vous ayez tout de suite des représentantes dans les Chambres, mais que vous y comptiez beaucoup d’avocats et d’amis.»

Les femmes électeurs seront longtemps représentées par des hommes, bien des années passeront avant que soient élues des représentantes. Mais tant que les Françaises ne sont pas électeurs, il leur est impossible de trouver au parlement des avocats et des amis, attendu que les sénateurs et les députés n’ont aucun intérêt à s’occuper des femmes dont leur situation ne dépend pas, puisqu’ils ne tiennent point d’elles leur mandat.

M. Louis Marin, le distingué député de Meurthe-et-Moselle, exprime ainsi son opinion:

«L’égalité des droits entre toutes les personnes humaines est dans la conscience une idée si claire, qu’on s’étonne qu’elle triomphe si lentement dans les esprits et dans les faits et que de nos jours, en France, la plupart encore refusent le droit de vote aux femmes. La justice de cette revendication est renforcée puissamment par les démonstrations de toutes les études sociales. Quel économiste nierait que l’infériorité du salaire payé à la femme pour le même travail bien rétribué à l’homme soit un abus cynique de la force, et que le bulletin de vote doive le faire promptement disparaître? Quel géographe n’a pas été frappé du rôle politique heureux joué par les femmes dans la vie sociale de bien des peuples?

«Tout, la morale, les sciences, oblige à penser que le suffrage politique est non seulement un droit et un arme nécessaire pour les femmes, mais qu’il serait pour les autres, aussi, pour l’enfant en particulier, et pour la société tout entière, le plus grand bienfait.»

M. Louis Marin réfute avec esprit les objections du service, des occupations du foyer, de la grâce féminine, que l’on fait au vote des femmes; ensuite il dit:

«Il faudrait se dépêcher en France; des pays voisins, de grands pays nous dépassent.

«Nous avons déjà les catégories de vote qui partout ont été les antécédents ordinaires du vote politique: prud’hommes, conseils du travail, etc. Il faut faire un pas décisif.»

Le cléricalisme que l’on invoquait pour écarter les femmes de la politique est un épouvantail aujourd’hui démodé.

M. J. L. Breton, député du Cher, qui ne partage pas cette manière de voir répond ainsi à la question:

«Vous me demandez mon avis sur le suffrage des femmes. En principe je n’ai rien à y objecter, mais ce serait actuellement dans la pratique l’innovation la plus dangereuse pour l’œuvre nécessaire et encore incomplète de laïcité.

«Combien d’autres réformes sont d’ailleurs plus intéressantes et plus urgentes que celle concernant le droit de vote des femmes.

«Elle viendra à son heure, mais cette heure est encore très lointaine.»

Si M. J. L. Breton était seulement pendant trois mois déshérité du droit comme le sont les femmes, il parlerait autrement.

M. Ferdinand Buisson, qui jouit, même chez ses adversaires politiques, de tant d’autorité, nous répond ainsi:

«Le droit électoral des femmes ne devrait plus faire question dans un pays de suffrage universel. Le temps n’est pas loin, sans doute, où l’on s’étonnera qu’il ait fallu si longtemps pour reconnaître l’évidence, ou plutôt pour souscrire aux prescriptions élémentaires de la justice. Ne perdons pas patience. Quand on pense que c’est seulement en ces toutes années dernières que nous avons découvert qu’une femme pût être témoin, que l’ouvrière mariée a droit à son salaire, que la commerçante a droit d’être représentée dans les tribunaux qui la jugent et un certain nombre d’autres hardiesses semblables, on comprend qu’il nous faille encore quelque temps pour obtenir que la femme, étant contribuable, soit électrice et éligible aux conseils municipaux, aux conseils généraux, au Parlement. Il est étrange sans doute qu’un pays intelligent ait besoin de tant d’étapes pour arriver à un résultat, qui, aussitôt acquis, sera considéré par tout le monde comme la chose la plus naturelle. Il en est ainsi de toutes les réformes sociales. Elles passent en une minute du rang d’utopie à celui de banalité. Il n’y a pas de milieu.»

M. Jean Jaurès, déclarant que les droits politiques devaient être accordés aux femmes auxquelles incombent les devoirs sociaux, a été approuvé par tous les radicaux socialistes qui comprennent que l’homme ne peut sans se préjudicier, continuer à laisser la femme hors la loi!

Voici l’avis de M. Marcel Sembat:

«J’ai déjà souvent manifesté mon opinion là-dessus, mais je m’empresse puisque vous le désirez, de répondre à votre enquête, en vous assurant que je suis un partisan résolu du vote des femmes. D’une façon générale, il faut effacer toutes les différences légales, toutes les infériorités imposées par nos codes aux femmes. Quant au suffrage, il ne deviendra universel que par le vote des femmes, c’est élémentaire. J’en attends les plus heureux effets pour les réformes sociales.»

Si les femmes nées en France pouvaient être électeurs comme le sont les étrangers naturalisés, elles faciliteraient la solution de la question sociale et rendraient possible entre les humains l’attente pour le bien général.

Conserver dans le pays le plus civilisé du monde la barbare loi salique, qui empêche les femmes justiciables et contribuables de concourir en votant à la formation de la loi, c’est préparer à subir le joug monarchique de la nation, à laquelle les femmes maintenues asservies donnent leur empreinte. C’est mettre en péril la République.

Paul Déroulède[11] déclarait qu’il respectait et aimait trop les femmes pour vouloir les jeter dans la mêlée politique (sic); il pensait que, en France surtout, leur influence vaudra et pourra toujours plus que leurs droits.

Cette révélation fut, pour les femmes, réfrigérante.

Les Françaises trouvèrent bien ironique Paul Déroulède, qui les respectait au point de les mettre, en leur pays, au-dessous des étrangers. Il les assimilait à tous les déchus de la société, dans le seul but de les exclure du droit de défendre leurs intérêts. Elles se dirent qu’assurément il ne les chérissait pas autant que ses ligueurs, pas autant que M. Marcel Habert. Cependant, il se gardait bien d’annoncer qu’il ne voulait pas jeter ceux-ci dans la mêlée politique parce qu’il les aimait trop. Alors elles conclurent qu’elles ne voulaient pas être dupes.

Ne peut-on pas en effet prendre pour un dupeur, l’homme, qui, après avoir tant parlé d’intégralité territoriale, et proposé si souvent de reconquérir l’Alsace et la Lorraine, dédaigna d’associer à l’effort national la légion des mères, des filles, des sœurs, des épouses, refusant de faire participer à la souveraineté française les vingt millions de femmes.

Paul Déroulède, qui proposait de régénérer la France en moralisant la politique, excluait de la politique l’élément le plus moral, en déniant aux femmes le droit d’influer par leurs votes sur la destinée du pays.

Le sexe fort aurait cependant beaucoup plus d’avantages à s’associer les femmes qu’à garder ses prérogatives. Mais comment décider les Français à accepter une idée qu’ils n’ont pas depuis un siècle, envisagée?

Il ne faut pas s’étonner si des hommes soutiennent que les femmes n’exerceront jamais leurs droits politiques. Le curieux de l’affaire, c’est que ceux qui dénient aux Françaises l’électorat, cherchent à obtenir les effets que leurs votes produiraient. La lettre ci-dessous de M. Charles Benoist, professeur à l’école des sciences politiques, prouve ce que nous avançons:

«Jusqu’à présent, je vous l’avoue, je ne me suis guère occupé de la question des droits politiques des femmes. Avant qu’elles puissent voter, il faut d’abord qu’elles puissent vivre. Leurs misères m’ont profondément touché.

«Je crois que si le suffrage était un jour organisé, il serait moins difficile de songer (comme en Autriche par exemple, dans la première catégorie d’électeurs) aux conditions d’une sage et équitable représentation des femmes, qui peuvent, cela est certain, avoir des intérêts à défendre et qui sont non défendus.

«Mais la conclusion immédiate, que vous ne m’en voudrez pas d’en tirer, c’est que ce point ne pouvant être abordé que lorsque le suffrage universel aura été organisé, je compte sur vous pour m’aider à obtenir plus vite son organisation.»

Ce ne sera qu’à l’aide du suffrage des Françaises qu’on instaurera le véritable suffrage universel; chercher à l’organiser sans les femmes c’est agir comme un cuisinier qui voudrait faire un civet sans lièvre. De même que le lièvre est l’élément du civet, la majorité nationale formée des femmes est le principe de l’universalité du suffrage.

Il est regrettable que des hommes de haute culture intellectuelle comme M. Charles Benoist se dévouent à accomplir les réformes artificielles, ne rêvent de substituer au suffrage de fantaisie existant qu’un autre suffrage universel de fantaisie, parce que leur esprit hanté de préjugés n’ose reconnaître que l’espèce humaine est, sous ses deux aspects, équivalente.

Ce professeur qui ne songe pas à associer les femmes aux citoyens dans les organisations qui le préoccupent, est généreux pourtant; en son livre: Les ouvrières de l’aiguille à Paris, sous les chiffres impassibles, il fait saigner la martyre sociale. Seulement, aux grands maux qu’il dénonce, il hésite à appliquer le seul remède efficace qui a déjà été expérimenté avec succès pour les hommes.

En comparant la situation économique des hommes d’autrefois, non électeurs, à celle des hommes d’aujourd’hui, électeurs, il est facile de constater que depuis qu’ils sont représentés à la Chambre, les travailleurs louent plus chèrement leurs bras.

Ainsi, il en serait pour les femmes; la souveraineté ennoblirait leur œuvre, ferait évaluer équitablement leur labeur, et de leur élévation sociale résulterait l’augmentation de leurs salaires.

Cette vérité démontrée oblige à conclure qu’il faut que les femmes votent pour pouvoir vivre et non point qu’elles soient en état de se passer du vote pour pouvoir l’obtenir.

L’électorat, en effet, n’est ni un but, ni un titre honorifique, mais un moyen pour arriver à réaliser son desideratum, une arme de défense sociale, un outil d’affranchissement économique en même temps qu’un certificat d’honorabilité.

Tant que la Française n’est pas citoyenne en toute circonstance, si elle donne son avis, les députés sembleront trouver même compromettant d’examiner si elle a raison ou tort. Parce qu’elle n’est point électeur, si imposée, si patentée qu’elle soit, la femme ne paraît être pour eux qu’un objet de plaisir.

Avant 1848, les prolétaires étaient exclus du droit pour cause d’indignité de condition; maintenant les femmes en sont déshéritées pour indignité de sexe, et les repoussés d’hier de la salle de vote, oubliant qu’ils furent eux aussi des suspects, nous disent: «Vous ne connaissez pas la femme que vous voulez faire voter.»

Si fait, citoyens, nous connaissons la femme. Nous l’avons interrogée à la campagne comme à la ville. Et c’est parce que nous savons qu’elle s’occupera plus des intérêts publics que beaucoup d’hommes, que nous insistons pour qu’elle soit en France, consultée.

En notre pays, où volontiers l’on rit de l’infaillibilité du pape, il faudrait que les femmes soient infaillibles pour être admises à exister dans la commune et dans l’Etat. Frappe-t-on d’interdiction les hommes parce qu’ils risquent de trébucher en faisant leurs premiers pas politiques? Non, attendu que ce n’est qu’en affrontant les chutes que l’on apprend à marcher.

En préconisant le suffrage des Françaises, Alexandre Dumas fils disait: «Les femmes feront comme nous des bêtises. Elles les paieront comme nous et elles apprendront à les réparer peu à peu comme nous.»

Pour enlever les votes, les hommes politiques ont tellement persuadé chacun qu’il avait le droit de vivre à sa guise, que la société endosserait ses luttes et ses responsabilités, que nul ne veut plus accomplir le devoir et s’en remet aux autres du soin de se dévouer à sa place. Seulement, si la société n’est formée que d’individus qui se dérobent, pourra-t-on longtemps s’appuyer sur elle?

Pour munir d’étais plus solides la République, on ne peut se dispenser d’appeler à exercer le droit les femmes qui forment l’élément moral de la nation. «Jamais à aucun moment de notre histoire, dit M. Doumer, la société n’a eu plus besoin de la collaboration des femmes!»

Les infirmières volontaires qui affirmaient qu’elles étaient moins fatiguées en soignant en Afrique, jour et nuit les blessés, qu’elles ne le sont à Paris par les obligations mondaines, démontrent que les Françaises préfèrent au plaisir aveulissant le devoir qui grandit les êtres.

Les femmes seraient encore avec plus d’avantages, utilisées par le ministre de l’intérieur que par le ministre de la guerre. De même qu’elles font triompher les soldats des maux physiques, elles feraient triompher la France des maux moraux, en l’initiant à un idéal qui mettrait un frein au déchaînement des appétits.

«Il faut, disait Gambetta, enseigner dans nos écoles primaires les principes de nos lois et de nos constitutions. Il faut qu’on y apprenne les droits et les devoirs de l’homme et du citoyen.

«Je parle pour les deux sexes, car je ne distingue pas entre l’homme et la femme. Ce sont deux agents dont l’entente est absolument nécessaire dans la société, et, loin de les séparer et de leur donner une éducation différente, donnez-leur les mêmes principes, les mêmes idées, commencez par unir les esprits, si vous voulez rapprocher les cœurs.»

A la question posée par une revue: Les femmes doivent-elles voter? MM. Paul et Victor Marguerite ont répondu:

«Oui, cent fois oui, les femmes doivent voter; plus elles prendront conscience de leur responsabilité sociale et de l’équivalence de leurs droits et de leurs devoirs, mieux elles contribueront à édifier la Cité future.»

En répondant à une enquête sur le suffrage M. Charles Benoist demande:

«Pourquoi faire voter la femme? Elle n’y a pas d’intérêt, elle suit plus son instinct en usant en secret de son influence, qu’en bataillant en plein jour. Songez à ce que pourrait être le foyer de la femme député. Songez à ce que sera la femme au Palais-Bourbon au milieu de tous ses collègues masculins. Encore si elle pouvait témoigner de réelles aptitudes! mais les tendances habituelles de son esprit font qu’elle s’attache aux détails et qu’elle s’élève avec peine aux idées générales.»

Laissons M. Faguet lui répondre à cette dernière objection:

«C’est en vertu d’idées générales que les hommes votent dans leurs comices? C’est en vertu d’idées générales que les députés votent dans leurs Chambres? Mais jamais une idée générale n’a été que la forme d’une passion, tant chez les électeurs que chez les députés! Les femmes ont des idées générales exactement comme les nôtres, c’est-à-dire des passions habillées, plus ou moins élégamment en idées, elles voteront exactement dans les mêmes conditions que nous.» (E. Faguet, Le Féminisme).

Pour M. de Las-Cases le suffrage des femmes supprimerait un mensonge, et ferait de cette fiction le suffrage universel, une réalité; peu lui importe que les femmes se révèlent conservatrices. Il songe à leur action morale bienfaisante dans le domaine des lois économiques. Il est sûr que le bulletin de vote ne saurait les détourner du foyer et des devoirs auxquels elles demeurent instinctivement attachées:

«En donnant le droit de vote aux femmes nous ferons acte de justice.»

M. Jénouvrier dit:

«Il est des femmes qui sont de vrais chefs de famille, qui supportent allègrement une responsabilité qui paraîtrait lourde à certains d’entre nous. Pourquoi les priver du droit qui appartient au jeune homme de 21 ans.»

M. le Dr Flaissières s’affirme de nouveau très partisan du vote des femmes et voterait immédiatement la réforme intégrale.

M. Debierre, sénateur, membre de l’Académie de Médecine dit que la femme qui a dans la société les mêmes devoirs à remplir, les mêmes droits à protéger que l’homme, doit être civilement et politiquement l’égale de l’homme.

M. Raspail croit que les femmes électeurs se distribueraient entre tous les partis, c’est-à-dire, que tous les partis profiteraient d’une influence salutaire.

Pour M. Maurice Barrès, le grand point c’est de savoir ce que feraient les femmes de leurs droits politiques. Il croit que pour obtenir leur émancipation, elles n’hésiteraient pas devant un bouleversement qui pourrait faire sombrer la société.

Toute la question, pour M. Paul Boncour, consiste à savoir dans quelle mesure l’accession des femmes aux droits politiques développerait et fortifierait la vie corporative et professionnelle.

Si la réforme était votée, dit M. Denis Cochin, elle aurait pour résultat de faire sortir la femme de son vrai rôle, celui que le christianisme lui a assigné.

M. Cruppi:

«En équité il est souverainement injuste de refuser à la femme la qualité de citoyen, mais la femme est-elle préparée pour remplir du jour au lendemain ces devoirs nouveaux pour elle? Nos Françaises, dans leur ensemble, veulent-elles ardemment cette réforme, qui comme toutes les réformes se conquiert par un effort résolu? Je ne sais...»

M. Dejeante est d’avis que dès que les femmes pourront exercer leurs droits, leur éducation sera plus rapidement faite que celle des hommes.

Dès 1884, M. G. Roche présentant un amendement pour faire obtenir aux commerçantes l’électorat consulaire disait:

«Puisque l’électorat consulaire dérive de la qualité de Français, il n’y a aucune raison de ne pas l’étendre à toutes les personnes qui ont cette qualité, à moins qu’on ne veuille établir, en principe, que la femme ne peut voter par cela seul qu’elle est femme.»

Chargement de la publicité...