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Les femmes au gouvernail

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XXIV
Les risques de la maternité

Si au lieu de n’être admises qu’à payer les impôts, les Françaises jouissaient de leurs droits de citoyennes et avaient des mandataires pour défendre leurs intérêts à la Chambre, les accidents du travail de la maternité auraient, d’abord, été appelés à recevoir des dédommagements. Car, que d’accidents mortels, que d’incapacités temporaires ou perpétuelles, le travail de la maternité occasionne! Interrogez les victimes des crises nerveuses, les estropiées, les alitées et tant de femmes qui ont perdu, avec l’agilité, la possibilité de se livrer à l’ouvrage habituel, beaucoup vous répondront: «Mon mal résulte des suites de couches».

Or, parce qu’elles ne sont pas représentées au Parlement, ces femmes qui ont subi des endommagements en accomplissant le plus important travail qui soit, puisqu’il assure la perpétuation de la race humaine, ne recevront aucune compensation. Elles vivront en une misère lamentable. Leur fierté devra s’humilier à solliciter le secours, quand elles ont droit à l’indemnité réparatrice.

De nombreuses femmes indifférentes à la politique ne se rendent pas compte que c’est uniquement parce qu’exclues de la politique, qu’elles sont tenues en dehors de la justice sociale. Fussent-elles victimes des plus préjudiciables accidents de la maternité, les femmes n’obtiendront pas de compensation, tant qu’elles n’ont personne à la Chambre pour réclamer ce qui leur est dû.

Les mères devenues infirmes en mettant au monde des humains, ne seront pas dédommagées comme l’ouvrier maçon qui se sera cassé le bras en tombant d’un échafaudage. On n’estime pas les immeubles que le maçon construit, autant que les êtres vivants appelés à la vie par les femmes, et sans l’existence desquels toutes les maisons deviendraient inutiles, puisqu’il n’y aurait personne à loger; seulement, le maçon vote et la femme n’est pas électeur.

Il est urgent de compléter la loi sur les accidents en assimilant les accidents du travail de la maternité aux autres accidents.

Bien que les femmes estropiées par l’enfantement, soient aussi méritantes que les hommes blessés au champ d’honneur du travail, les députés ne s’apitoient pas sur le malheur des non votantes. Leurs électeurs sont cependant, à titre d’époux, de pères, de frères, très intéressés à ce que leurs compagnes, leurs filles, leurs sœurs soient garanties contre les risques de la maternité et ne viennent pas, par une impotence gagnée en augmentant la population, alourdir leurs charges. Faire indemniser la femme des accidents du travail de la maternité, ce serait souvent empêcher l’homme de vainement se débattre entre une mourante et un berceau, lui permettre de soigner sa compagne.

Il y a, en France des maternités, des asiles pour les femmes enceintes; seulement, on se borne à leur faciliter l’accouchement et l’allaitement. Jusqu’ici, ni les pouvoirs publics, ni les philanthropes ne se sont mis en peine des victimes des accidents de la maternité. Les femmes frappées doivent donc être assimilées aux victimes de tous les autres travaux. Comme les blessés au feu et les blessés à l’usine et au chantier, les blessées en donnant le jour aux humains doivent être indemnisées. Mais, qui devra indemniser des accidents du travail de la maternité?

—Hé! tout naturellement celle pour le compte de laquelle ce travail s’accomplit: la société. C’est la femme qui la perpétue et la renouvelle en créant des enfants.

Les femmes qui ne veulent pas s’occuper de politique, désirent ardemment tous les avantages sociaux que la politique procure. Justement, ce ne sera qu’en conquérant l’électorat et l’éligibilité, qu’elles auront le même poids que l’homme dans la balance qui pèse le mérite des victimes, et qu’elles deviendront aptes à recevoir des indemnités.

Les créatrices d’hommes, ne seront garanties contre les risques qu’elles courent, en donnant la vie, que lorsqu’elles auront conquis le droit de voter l’indemnité maternelle.

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