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Les femmes au gouvernail

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XXIX
La République personnifiée par la femme

«La République cessera seulement pour les Françaises d’être un bluff, quand elle leur facilitera le combat pour la vie en les armant du bulletin de vote.»

Hubertine Auclert.

Coulée en bronze ou taillée dans la pierre, la République est représentée sous les traits du sexe féminin. La liberté emprunte la figure de l’esclave. La femme asservie symbolise l’autorité.

En ce pays où le sexe féminin ne jouit pas de ses droits politiques, on a choisi une femme pour personnifier le pouvoir suprême, la forme gouvernementale. Si, en même temps qu’ils annulent leurs compagnes, les Français leur font figurer l’idéale autorité devant laquelle ils s’inclinent, nous n’avons pas à nous plaindre de cette contradiction, car la statue d’une femme, érigée sur la place publique, est bien moins que le buste d’un roi, ou la silhouette d’un empereur propre à perpétuer le règne de la mâlo-manie.

Ces hommages extérieurs qui masquent mal l’outrageante oppression, l’illégal annulement du sexe féminin, prouvent en définitive que la Française n’a qu’une indignité de convention.

La République honorée, sous la figure de la femme, vilipendée, dégradée civiquement dans la société a l’air attristé d’une idole qu’on soufflette. Elle semble se pencher pour dire aux hommes, qui lui rendent des hommages extérieurs et refusent d’appliquer ses principes: «l’encens des tyrans est indigne de moi; avant de venir me louer, affranchissez les femmes. Je veux que chacun ait sous mon règne, la possibilité d’améliorer son sort en édictant de bons enseignements sociaux.

«La meilleure manière de m’honorer, moi la République, c’est de faire des vingt millions de serves françaises, vingt millions de citoyennes.»

L’origine de la République

La République, que la femme personnifie, a eu pour initiateurs, avec Camille Desmoulins et Condorcet, Mme Kéralio-Robert.

C’est à Mme Kéralio-Robert, femme de Lettres et journaliste, qui avait déjà appelé les Françaises à l’action publique, que l’acte originel de la République, la pétition audacieuse pour ne reconnaître aucun roi, est attribuée. Michelet affirme que Mme Kéralio dicta à son mari, M. Robert, qui écrivit cette pièce remarquable dont le style trahit l’auteur.

Malgré les représailles que l’on pouvait prévoir, un grand nombre de femmes et de jeunes filles signèrent avec leurs époux et leurs pères, la pétition républicaine, ainsi que l’attestent les feuilles conservées aux archives du Département de la Seine.

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