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Les trente-six situations dramatiques

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XVe SITUATION
Adultère meurtrier

(L’Époux Adultère — L’Adultère complice — L’Époux trahi)

A mon avis, la seule forme sympathique de l’adultère : hors de là ne présente-t-il pas un cambriolage d’autant moins héroïque que l’objet du vol en est aussi complice et que la porte du logis, livrée par trahison, n’exige même plus un hardi coup d’épaule ? Tandis que cette trahison devient du moins supportable et logique en tant que très sincère folie, assez passionnée par conséquent pour préférer l’assassinat à de sales partages et à la dissimulation.

Toutes ces questions de rivalité se distribuent d’une manière naturelle selon les sexes.

A 1 — Tuer son mari par adultère : — Agamemnon d’Eschyle, de Sénèque et d’Alfieri, Vittoria Corombona de Webster, Pierre Pascal (de la comtesse de Chabrihan, l’ex-Mogador, dit-on, 1885), Amour (Léon Hennique, 1890 ; rentre dans la XIVe), début de la Puissance des Ténèbres. — Ex. historique avec l’explication de l’orgueil et de la pudeur comme mobiles du crime : la légende de Gygès et de Candaule. Roman : la première partie de Thérèse Raquin.

2 — Tuer son amant confiant : Samson et Dalila (opéra de M. Saint-Saëns, 1890).

B — Tuer sa femme par adultère et intérêt : — Les Octavies de Sénèque et d’Alfieri, la Lutte pour la Vie (M. Daudet, 1889 ; la cupidité y domine l’adultère), le Schisme d’Angleterre de Calderon, la Zobéide de Gozzi. — Ex. narratifs : Barbe-bleue. Histoire : le meurtre de Galeswinthe.

Indications pour modifier :

Le mari trahi, la femme trahie peuvent être plus ou moins puissants et sympathiques que les deux meurtriers. L’aveuglement de cette victime désignée sera plus ou moins complet aux divers instants de l’action ; s’il se dissipe, légèrement ou davantage, cela tiendra soit à quelque hasard, soit à tel acte imprudent de ses ennemis, soit à un avertissement, etc.

Entre la Victime et l’Adultère venu du dehors, des liens d’affection, de devoir, de reconnaissance auront existé antérieurement, du fait de l’un ou de l’autre des deux. Ils peuvent être parents ; ils peuvent se trouver réunis par quelque œuvre, quelque responsabilité commune. Poursuivie en pleine lumière, ou guettée du fond de l’ombre, la Victime sera, je suppose, l’objet d’une ancienne rancune, dans un cas de la part de son conjoint, dans un autre de la part de l’Étranger ; cette rancune aura pour origine l’une des offenses imaginables envers un être humain, qu’il ait été blessé dans ses affections familiales, amoureuses, humanitaires, religieuses, idéales, etc., dans ses fiertés (pudeur, titre de naissance, gloire…), dans ses intérêts (argent, biens, pouvoir, liberté), dans n’importe lequel, enfin, de ses rayonnements extérieurs.

Au gré de l’auteur : des deux Adultères, l’un représentera l’instrument passionné ou résigné, ou inconscient, ou involontaire, de l’autre, et s’en verra, par exemple, rejeté ensuite, le but une fois atteint ; un seul de ces deux traîtres aura frappé ; aucun des deux même n’aura trempé ses mains dans le forfait, dont l’exécuteur sera quelque nouveau personnage, inconscient, involontaire, ou, tout simplement, épris d’un des deux Adultères, — qui aura utilisé, dirigé cette passion, ou l’aura laissée aller, de son propre mouvement, à la fin criminelle et souhaitée.

Une multitude d’autres rôles seront, à degrés divers, des moyens employés, des obstacles, des victimes accessoires, des complices ou des co-intéressés à l’acte sinistre ; et celui-ci s’accomplira selon un choix quelconque des multiples circonstances que le Code a prévues, avec les divers détails que les tribunaux enseignent.

Voulez-vous compliquer l’action : entrelacez-y une rivalité de proches (comme l’a fait Léon Hennique), un amour contre nature (voir Chrysippe d’Euripide), une conspiration, un projet ambitieux.

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