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Une bibliothèque: L'art d'acheter les livres, de les classer, de les conserver et de s'en servir

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CHAPITRE III
LE FORMAT

Ce qu'on entend par format.—Ce que signifient les mots tome, volume, exemplaire, tirage, édition, édition princeps, incunables, etc.—Il serait préférable de désigner les formats par leurs dimensions métriques, et non plus par les termes archaïques: jésus, raisin, écu, etc., et in-octavo ou in-huit, in-douze, in-seize, etc.—Confusion des formats.—Dimensions métriques des principaux formats des livres.—Imposition.—Signatures et réclames.—Tableau des signatures.—Formats de classements adoptés par les bibliothèques universitaires: grand, moyen, petit;—par la Bibliothèque nationale.—Formats des premiers livres.—Formats les plus appréciés par les lecteurs.—Le plus commode et le meilleur des formats.—Concordance des formats avec les matières traitées dans les livres.

Nous venons, en parlant du papier, de traiter du fond et de la base du livre: nous allons nous occuper à présent de son format; nous examinerons ensuite l'impression.

On appelle format d'un livre la dimension de ce livre, «dimension déterminée par le nombre de pages que renferme chaque feuille[164]». On comprend, en effet, que plus la feuille renfermera de pages (c'est-à-dire plus elle sera pliée sur elle-même), plus ces pages seront restreintes en hauteur et en largeur, plus par conséquent le volume sera petit; et inversement, moins la feuille renfermera de pages (c'est-à-dire moins elle aura été pliée), plus sera étendue la surface de chacune de ces pages, plus grand par suite sera le volume. Quant à l'épaisseur, c'est-à-dire au nombre de feuilles que le volume contient, il n'en est pas question, elle n'entre pas en ligne de compte dans la détermination du format: celui-ci ne dépend encore une fois que de la superficie et n'indique que la hauteur et la largeur du volume.

On confond souvent les expressions tome et volume. Le tome (τόμος, section) est une partie d'un ouvrage, une division, plus ou moins rationnelle, faite par l'auteur lui-même, division analogue à celle de l'ouvrage en livres, sections, chapitres, etc. Le volume (du latin volumen) indique une division matérielle dépendant uniquement de la reliure ou du brochage. Le plus souvent la division par volumes concorde avec la division par tomes; cependant, il n'est pas rare de trouver deux tomes reliés en un volume; il est très rare, au contraire, qu'il faille plusieurs volumes pour contenir un seul tome. On peut donc dire, d'une façon générale, qu'un volume peut renfermer plusieurs tomes, mais qu'un tome ne fait presque jamais plusieurs volumes. Enfin un volume peut former à lui seul un ouvrage indépendant et complet; un tome, jamais, en réalité; il fait toujours partie d'un ouvrage: «il n'y a tome que s'il y a division», selon l'expression de Littré[165].

«Un volume relié ou broché de peu d'épaisseur» est une plaquette (Littré), et «un petit ouvrage de peu de feuilles et qui n'est que broché» est une brochure (id.). Pièce est synonyme de brochure[166]. Mais où finissent la brochure et la plaquette, et où commence le volume? Il n'y a aucune règle précise à cet égard. «A la Bibliothèque nationale on considère comme pièces toutes les impressions qui ont moins de 49 pages[167].» M. Albert Maire dit qu'«une brochure est un ouvrage qui n'atteint pas 100 pages; au-dessous et jusqu'à 50 pages, elle peut se nommer une plaquette[168]». D'autres appellent plaquette tout in-8 ou in-12 ne dépassant pas 100 pages.

Quant au mot exemplaire, il désigne un ouvrage complet, abstraction faite du nombre de pages aussi bien que du nombre de volumes et de tomes qu'il comporte; il s'applique à «l'unité de tirage» d'un ouvrage, d'une gravure, etc. Une bibliothèque, par exemple, possède trois exemplaires du Théâtre de Racine: l'un en un volume, l'autre en deux volumes, le troisième exemplaire en quatre volumes. Un éditeur fait tirer tel roman à 2 000 exemplaires; un libraire expédie 6 000 exemplaires de son catalogue; etc.

On confond également volontiers les mots tirage et édition, dans le cas où ils signifient tous les deux le résultat de l'action d'imprimer, de tirer un volume. Il y a cependant une différence entre eux. Les tirages, effectués successivement, n'impliquent aucune idée de corrections ni de modifications quelconques du texte; un exemplaire du premier tirage d'un volume est identique à un exemplaire du deuxième, du troisième, du dixième tirage de ce même volume. Ces tirages ont tous été faits, à intervalles de temps plus ou moins éloignés, sur les mêmes clichés[169], et ils ne se différencient que par l'usure de ces clichés: un exemplaire du dixième tirage aura nécessairement ses caractères typographiques moins nets qu'un exemplaire du premier tirage, surtout si chacun de ces tirages comprend un grand nombre d'exemplaires.

Le mot édition laisse entendre, au contraire, que l'ouvrage a été revu, remanié, recomposé typographiquement. Une page quelconque, la page 20, par exemple, de la première édition d'un ouvrage peut ne pas être la même que la page correspondante de la neuvième ou de la dixième édition de cet ouvrage; tandis que, comme nous venons de le dire, la page 20 d'un exemplaire du premier tirage est «textuellement» identique à la page 20 d'un exemplaire du neuvième ou du dixième tirage.

Déterminer, même approximativement, d'après le numéro de l'édition ou du tirage, le nombre d'exemplaires d'un livre tirés et mis en vente est chose impossible. Là non plus il n'y a aucune règle. Une édition peut aussi bien se composer de 200 exemplaires que de 2 000, de 10 000, etc. Plusieurs des romans de M. Émile Zola et de M. Alphonse Daudet, par exemple, se sont tirés du premier coup, pour la mise en vente, ce qu'on nomme le départ, à plus de 100 000 exemplaires. C'est afin d'introduire un peu d'ordre et de clarté dans ce genre d'opérations que certains éditeurs, au lieu d'inscrire sur la couverture et le titre des volumes le chiffre de l'édition: deuxième édition, troisième édition, quatrième édition…, ce qui ne dit rien du tout, les numérotent par mille: deuxième mille, troisième mille, quatrième mille…

En général cependant, on peut dire que les ouvrages dont la vente ne paraît pas assurée ou semble devoir être très restreinte,—un recueil de poésies signé d'un nom inconnu, je suppose,—ne sont pas actuellement tirés à plus de 500 exemplaires. Un roman, signé d'un débutant, se tirera à 1 000 ou 1 500 exemplaires; si ce roman s'adresse à la jeunesse et peut se vendre comme livre d'étrennes ou de prix, le premier tirage pourra monter jusqu'à 5 000 exemplaires, voire davantage. C'est également à ce chiffre, à 5 000 exemplaires, que se tirent d'ordinaire les ouvrages classiques dont la vente paraît certaine[170].

Les premiers livres imprimés, les incunables[171], avaient des tirages relativement minimes, qui ne dépassaient guère 300 exemplaires.

On appelle édition princeps la première édition d'un ouvrage, spécialement d'un ouvrage ancien: pour les auteurs modernes, on se sert du terme édition originale.

Une édition est dite définitive ou ne varietur quand le texte en a été revu par l'auteur ou par ses ayants droit, et déclaré par eux désormais arrêté et invariable.

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*    *

Ces définitions terminées, revenons au format.

De ce que nous avons dit de la fabrication actuelle du papier, fabrication mécanique sur la toile sans fin, et non plus uniquement à la forme, il résulte que les papiers d'aujourd'hui n'ont plus de dimensions régulièrement et fixement délimitées. Il convient d'observer aussi tout d'abord que ces expressions: in-octavo, in-douze, in-seize, in-dix-huit, etc., s'appliquant exclusivement au mode de pliage de la feuille (in-octavo signifie que la feuille a été pliée de façon à former 8 feuillets[172] ou 16 pages; in-douze, de façon à former 12 feuillets ou 24 pages; in-seize, de façon à former 16 feuillets ou 32 pages; etc.), sans indiquer les dimensions premières de cette feuille, ne signifient pour ainsi dire rien. Elles n'ont et ne peuvent avoir un sens précis qu'à condition d'être suivies de la désignation catégorique du papier, du nom du format des feuilles: in-octavo jésus, in-douze raisin, in-seize cavalier, etc., nom qu'on omet cependant très souvent dans le langage usuel.

Il est à remarquer, en outre, qu'autrefois, dans le papier fabriqué à la forme, la position des vergeures, des pontuseaux et de la marque d'eau[173] après le pliage de la feuille, pouvait aider facilement à la détermination du format du volume. Selon le nombre de fois que la feuille était pliée sur elle-même, la marque d'eau se trouvait ou au milieu du feuillet, ou au fond, ou au sommet, etc.; les vergeures et les pontuseaux étaient horizontaux ou perpendiculaires.

Voici la liste des formats les plus usités, avec leur nombre de feuillets et de pages et la position de leurs pontuseaux; celle de leurs vergeures est naturellement toujours en sens inverse de celle-ci, puisque vergeures et pontuseaux se coupent à angles droits:

L'in-plano, appelé aussi format atlas ou atlantique, c'est la feuille non pliée, en feuillet, comprenant par conséquent deux pages, recto et verso: ici la position des pontuseaux dépend du sens dans lequel on regarde la feuille;

L'in-folio a la feuille pliée en 2 et contient 4 pages: ses pontuseaux sont perpendiculaires;

L'in-quarto ou in-quatre (in-4)[174] a la feuille pliée en 4 et contient 8 pages: ses pontuseaux sont horizontaux;

L'in-octavo ou in-huit (in-8) a la feuille pliée en 8 et contient 16 pages: ses pontuseaux sont perpendiculaires;

L'in-douze (in-12) a la feuille pliée en 12 et contient 24 pages: ses pontuseaux sont horizontaux;

L'in-seize (in-16) a la feuille pliée en 16 et contient 32 pages: ses pontuseaux sont horizontaux;

L'in-dix-huit (in-18) a la feuille pliée en 18 et contient 36 pages: ses pontuseaux sont perpendiculaires;

L'in-vingt-quatre (in-24) a la feuille pliée en 24 et contient 48 pages: ses pontuseaux sont perpendiculaires ou horizontaux[175];

L'in-trente-deux (in-32) a la feuille pliée en 32 et contient 64 pages: ses pontuseaux sont perpendiculaires;

Etc., etc.

Mais, pour savoir la dimension d'une quelconque de ces pages, d'une page in-8, par exemple, il est nécessaire de connaître d'abord, comme nous le disions tout à l'heure, la dimension de la feuille qui a été pliée et a fourni les 16 pages de cet in-8. Il est évident que plus cette feuille sera grande, plus ces pages le seront.

C'est précisément ce que l'épithète jésus, raisin, cavalier, etc., nous apprend. Ainsi le papier jésus ayant 0 m. 55 de haut sur 0 m. 70 de long, nous pouvons, grâce à ces chiffres, parvenir à nous faire une idée exacte de l'in-8 jésus et en calculer la dimension.

Mais, dans le papier mécanique, fabriqué en bandes, continu, puis sectionné à volonté, ces termes provenant des anciens papiers à la forme: jésus, raisin, cavalier, colombier, etc., n'ont plus de raison d'être, plus de sens: il n'y a plus de forme d'abord; il n'y a plus de monogramme du Christ, plus de grappe de raisin, plus de cavalier, de colombe, etc., en filigrane dans la pâte du papier; rien n'en fait plus reconnaître à première vue l'espèce et les dimensions[176]. Il serait donc bien plus logique, plus clair et plus simple de désigner présentement les formats par leurs dimensions réelles, exprimées en centimètres ou millimètres[177]; au lieu d'in-8 jésus, de dire 0 m. 175 sur 0 m. 275, ou par abréviation, 175 × 275; au lieu d'in-18 jésus, 0 m. 117 sur 0 m. 183 (117 × 183).

D'autant plus qu'avec le système bâtard actuellement en usage, on arrive à des résultats singuliers: un volume de format in-4, par exemple, se trouve être plus petit qu'un volume de format in-8, un in-8 plus petit qu'un in-12, etc. (in-4 écu = 0,20 × 0,26; in-8 colombier = 0,225 × 0,315; in-8 écu = 0,13 × 0,20; in-12 jésus = 0,138 × 0,233; etc.).

Convenons donc d'attribuer, dans la suite de cette étude et pour la clarté de notre texte, une signification nette et précise aux termes que nous emploierons, des dimensions certaines et invariables aux formats que nous mentionnerons.

L'in-4 sera pour nous de l'in-4 cavalier et aura pour dimension 0,23 × 0,31;

L'in-8, de l'in-8 cavalier = 0,155 × 0,23;

L'in-18, de l'in-18 jésus = 0,117 × 0,183. Comme le fait observer M. Émile Bosquet[178], cet in-18 est synonyme d'in-16 Hachette et d'in-12 Charpentier.

Enfin l'in-32 sera de l'in-32 jésus = 0,088 × 0,138.

Voici d'ailleurs, pour faciliter toute recherche et prévenir toute éventualité, le tableau des principaux formats des principales sortes de papier employées en librairie, avec leurs dimensions exprimées en mesures métriques[179]:

FORMATS Colombier Grand jésus Jésus Raisin
0,63 ×0,90 0,56 ×0,76 0,55 ×0,70 0,50 ×0,65
In-folio 0,45 ×0,63 0,38 ×0,56 0,35 ×0,55 0,325×0,50
In-quarto 0,315×0,45 0,28 ×0,38 0,275×0,35 0,25 ×0,325
In-octavo 0,225×0,315 0,19 ×0,28 0,175×0,275 0,162×0,25
In-douze 0,158×0,30 0,14 ×0,253 0,138×0,233 0,125×0,217
In-seize 0,158×0,225 0,14 ×0,19 0,138×0,175 0,125×0,162
In-dix-huit 0,15 ×0,21 0,127×0,187 0,117×0,183 0,108×0,166
In-vingt-quatre 0,105×0,225 0,093×0,19 0,092×0,175 0,083×0,162
In-trente-deux 0,113×0,158 0,095×0,14 0,088×0,138 0,081×0,125
 
FORMATS Cavalier Carré Écu Couronne
0,46 ×0,62 0,45 ×0,56 0,40 ×0,52 0,37 ×0,47
In-folio 0,31 ×0,46 0,28 ×0,45 0,26 ×0,40 0,235×0,37
In-quarto 0,23 ×0,31 0,225×0,28 0,20 ×0,26 0,185×0,235
In-octavo 0,155×0,23 0,14 ×0,225 0,13 ×0,20 0,118×0,185
In-douze 0,115×0,207 0,113×0,187 0,10 ×0,173 0,09 ×0,157
In-seize 0,115×0,155 0,113×0,14 0,10 ×0,13 0,09 ×0,118
In-dix-huit 0,103×0,153 0,09 ×0,15 0,066×0,133 0,078×0,123
In-vingt-quatre 0,077×0,155 0,075×0,14 0,067×0,13 0,062×0,118
In-trente-deux 0,078×0,115 0,07×0,113 0,065×0,10 0,059×0,09
*
*    *

Chaque première page d'une feuille porte, dans sa partie inférieure de droite, sous la dernière ligne ou ligne de queue, un chiffre, dit signature, qui indique le numéro de cette feuille. La ligne où se trouve ce chiffre se nomme ligne de pied, par opposition à la ligne de tête, qui est la ligne du sommet de la page, au-dessus même de la première ligne de texte, et où se trouve le numéro de cette page, le folio. La ligne de tête et la ligne de queue, blanches dans presque toute leur longueur, sont formées chacune par une pièce de fonte, appelée garniture ou lingot, de 12 points d'épaisseur. D'autres pièces de fonte, les cadrats, servent, dans la composition typographique, à terminer les lignes de texte incomplètes et à isoler les mots disposés en titre; d'autres encore, plus petites et de forme cubique, les cadratins, forment les blancs qui précèdent les alinéas. Ajoutons que, pour séparer les mots entre eux et les lignes entre elles, on se sert de petites lames de métal moins hautes que les lettres et portant le nom d'espace (une espace).

Au lieu de chiffres, on employait autrefois comme signatures les lettres de l'alphabet: A, B, C, D…, et l'on mettait, en outre, au-dessous de la dernière ligne de chaque feuille, à droite, le premier mot de la feuille suivante, toujours afin de faciliter le classement des feuilles, l'assemblage. Ce premier mot, ainsi placé en vedette au bas de la dernière page, s'appelait la réclame. On a fini par la supprimer, considérant qu'elle faisait double emploi avec la signature.

La signature permet, ou plutôt devrait permettre, de déterminer facilement le format d'un livre.

Puisque nous savons, par exemple, que l'in-4 a sa feuille pliée de façon à donner 8 pages, il est clair que la deuxième feuille commencera à la page 9 (8 + 1) et que c'est au bas de cette page 9 que figurera la signature 2. Le chiffre 3 se trouvera de même au bas de la page 17 (8 + 8 + 1); le 4, au bas de la page 25 (8 + 8 + 8 + 1); etc.

De même, l'in-8 comprenant 16 pages, la signature 2 se trouvera au bas de la page 17 (16 + 1); la signature 3, au bas de la page 33 (16 + 16 + 1); le 4, page 49; etc.

Mais les feuilles destinées à fournir beaucoup de pages, à fournir, pour préciser, des formats plus petits que l'in-8, ne se plieraient pas aisément en un aussi grand nombre de fois, surtout si le papier était un peu fort, on le comprend de reste; elles renfleraient, gondoleraient, auraient trop gros dos, et se prêteraient difficilement au brochage ou à la reliure[180]. Parfois même l'imposition[181], permettant, après le tirage, de plier la feuille dans l'ordre numérique des pages, ne pourrait pas s'effectuer. On sectionne donc ces feuilles, on les partage en cahiers, cartons[182] ou encarts, qui tous nécessairement portent aussi une signature, afin qu'on puisse les classer et assembler, d'où une nouvelle cause de confusion, pour la détermination du format. Chaque feuille d'un volume in-12, par exemple (24 pages), au lieu d'être entière, pourra se composer de deux cahiers, l'un in-8 (16 pages) et l'autre in-4 (8 pages), recevant chacun une signature. Chaque feuille d'un volume in-18 (36 pages) pourra se faire en deux cahiers, l'un in-12 (24 pages) et l'autre in-6 (12 pages);—ou bien en trois cahiers de 12 pages chacun et ayant tous les trois leur signature propre. Souvent même ces encarts sont encore plus compliqués[183].

Voici le tableau des signatures des vingt premières feuilles pour les principaux formats modernes[184]:

FOLIOS DES PAGES SIGNÉES
C'EST-A-DIRE FOLIOS DE LA PREMIÈRE PAGE DE CHAQUE FEUILLE OU DE CHAQUE CAHIER DANS LES FORMATS

SIGNATURES In-folio (4 pp.) In-4 (8 pp.) In-8 (16 pp.) In-12 (24 pp.)
En 1 cahier En 2 cahiers
(de 16 et de 8 pp.)
A ou 1 1 1 1 1 1
B — 2 5 9 17 25 17
C — 3 9 17 33 49 25
D — 4 13 25 49 73 41
E — 5 17 33 65 97 49
F — 6 21 41 81 121 65
G — 7 25 49 97 145 73
H — 8 29 57 113 169 89
I — 9 33 65 129 193 97
K — 10 37 73 145 217 113
L — 11 41 81 161 241 121
M — 12 45 89 177 265 137
N — 13 49 97 193 289 145
O — 14 53 105 209 313 161
P — 15 57 113 225 337 169
Q — 16 61 121 241 361 185
R — 17 65 129 257 385 193
S — 18 69 137 273 409 209
T — 19 73 145 289 433 217
V — 20 77 153 305 457 233
SIGNATURES In-16 (32 pp.) In-18 (36 pp.) In-32 (64 pp.)
En 4 cahiers (de 16 pp. chacun)
En 1 cahier dit in-16 roulé. En 2 cahiers (de 16 pp. chacun) En 1 cahier En 2 cahiers (de 24 et de 21 pp.) En 3 cahiers (de 12 pp. chacun)
A ou 1 1 1 1 1 1 1
B — 2 33 17 37 25 13 17
C — 3 65 33 73 37 25 33
D — 4 97 49 109 61 37 49
E — 5 129 65 145 73 49 65
F — 6 161 81 181 97 61 81
G — 7 193 97 217 109 73 97
H — 8 225 113 253 133 85 113
I — 9 257 129 289 145 97 129
K — 10 289 145 325 169 109 145
L — 11 321 161 361 181 121 161
M — 12 353 177 397 205 133 177
N — 13 385 193 433 217 145 193
O — 14 417 209 469 241 157 209
P — 15 449 225 505 253 169 225
Q — 16 481 241 541 277 181 241
R — 17 513 257 577 289 193 257
S — 18 545 273 613 313 205 273
T — 19 577 289 649 325 217 289
V — 20 609 305 685 349 229 305
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*    *

D'après les détails qui précèdent, et que nous aurions pu développer et compléter davantage, on voit combien cette question des formats est ardue et compliquée, combien elle est embarrassante. C'est au point que nombre d'éditeurs et de libraires, tantôt par ignorance, tantôt même pour ne pas dérouter le public et l'induire en erreur en lui annonçant la vérité, attribuent à leurs livres d'inexactes désignations de format.

Les bibliographes modernes ont fréquemment protesté et ne cessent de protester contre ces usages et ces termes surannés. Le docteur Graesel écrit dans son Manuel de bibliothéconomie[185]:

«Depuis que, grâce à l'emploi de la machine, on est arrivé à donner au papier des dimensions considérables, les dénominations traditionnelles employées jusqu'ici ont perdu leur raison d'être, une feuille repliée trois ou quatre fois pouvant encore produire un format correspondant, comme dimensions, à ce qu'on appelait jadis un in-folio, aussi a-t-on reconnu partout la nécessité d'adopter, pour déterminer les formats, des règles fixes et invariables, et avec d'autant plus de raison que les papiers varient de grandeur suivant les régions et, dans la même région, suivant les fabriques. Toutefois, les différents pays n'ont pu encore arriver à s'entendre, ce qui serait pourtant très désirable, sur les mesures conventionnelles à adopter… En France, l'ordonnance ministérielle du 4 mai 1878 a tranché la question en ce qui concerne les bibliothèques universitaires, en établissant les désignations suivantes: 1o Grand format (comprenant tous les volumes dépassant 35 centimètres); 2o Moyen format (comprenant les volumes hauts de 25 à 35 centimètres); 3o Petit format (comprenant les volumes au-dessous de 25 centimètres).»

Voici d'ailleurs le passage textuel de cette circulaire ministérielle à laquelle il vient d'être fait allusion, et à laquelle aussi nous nous référerons souvent:

«Il est inutile de préciser ici les moyens de déterminer chaque format. A l'époque où le papier était fabriqué selon des règles de dimension qui variaient peu, on reconnaissait le format en comptant les pages de la feuille d'impression. Les désignations d'in-folio, in-quarto, in-octavo, représentaient alors une hauteur fixe. Il n'en est plus de même aujourd'hui que les feuilles d'impression sont de dimensions très différentes, et que certains in-octavo deviennent plus grands qu'un in-folio du XVIe siècle. L'indication actuelle a donc perdu son ancienne signification, car elle ne répond pas toujours à l'indication de la hauteur du livre; elle doit être abandonnée pour les désignations suivantes, répondant aux dimensions réelles:

«1o Grand format (comprenant tous les volumes dépassant 35 centimètres);

«2o Moyen format (comprenant les volumes hauts de 25 à 35 centimètres);

«3o Petit format (comprenant les volumes au-dessous de 25 centimètres[186])».

Au lieu de trois formats, la Bibliothèque nationale en a adopté cinq:

1o Grand in-folio (comprenant tous les volumes dépassant 45 centimètres);

2o In-folio (comprenant tous les volumes hauts de 45 à 31 centimètres);

3o In-4 (comprenant tous les volumes hauts de 31 à 25 centimètres);

4o In-8 (comprenant tous les volumes hauts de 25 centimètres à 95 millimètres);

5o Les nains (comprenant tous les volumes au-dessous de 95 millimètres).

«Il serait à désirer, dit très justement M. Édouard Rouveyre, qu'à l'avenir les libraires annonçassent, sur leurs catalogues, la hauteur et la largeur des livres en centimètres, indépendamment de la désignation du format, qui jouerait ici un rôle secondaire[187]

C'est ce que font, ainsi que nous l'avons déjà remarqué et comme nous le rappellerons, en parlant des catalogues et des fiches[188], les partisans de la Classification décimale.

*
*    *

Depuis les débuts de l'imprimerie, les formats les plus appréciés du public semblent avoir été toujours en décroissant.

L'in-folio et l'in-4 étaient, sauf exceptions, les formats des premiers livres, des incunables[189], et, malgré les admirables petits in-8 d'Alde Manuce et de Sébastien Gryphe, les savants du XVIe siècle tenaient en mépris tous les volumes qui n'avaient pas les plus grandes dimensions[190]. On jugeait alors en quelque sorte de la valeur d'un ouvrage d'après son ampleur et sa taille.

Scaliger, au dire du passionné érudit Adrien Baillet (1649-1706), «raille Drusius pour la petitesse de ses livres; et J. Morel, l'un des plus grands imprimeurs de son temps, se plaignait au savant Puteanus, rival de Juste Lipse, que ses livres étaient trop petits pour la vente, et que les chalands n'en voulaient pas[191]».

Les livres de format inférieur à l'in-4, les in-8 ou in-12, étaient surtout alors des livres de piété, des «livres d'heures».

Il est juste cependant de reconnaître que l'in-8, dont l'origine est généralement attribuée à Alde Manuce,—l'inventeur de la lettre italique, dite aussi et par suite aldine, qu'une légende affirme avoir été exactement copiée sur l'écriture de Pétrarque[192],—avait rencontré bon accueil à l'étranger. Ces volumes qu'on pouvait glisser dans la poche et emporter aisément, qui contenaient autant de matière que les in-4 et coûtaient moins cher, avaient trouvé de nombreux partisans. Alde Manuce reçut même du sénat de Venise une récompense pour avoir créé ou vulgarisé l'in-8: on lui octroya, en 1502, le privilège d'employer seul ce format pendant une période de dix années, ce qui n'empêcha pas les imitations et la concurrence de se produire[193].

Au XVIIe siècle, et en dépit du succès des elzeviers, les gros et grands volumes étaient encore les plus appréciés. «Leurs formats et leurs caractères (des elzeviers) étaient trop petits», remarque très justement M. Henri Bouchot[194].

Nous voyons au XVIIIe siècle le format in-4 employé de préférence par les imprimeurs de Hollande, même pour les recueils de poésies, que nous imprimons à présent, au contraire, en volumes de menues et coquettes dimensions, en in-18 ou in-24[195].

Mais l'in-8 ne tarda pas à triompher, et il n'est pas de bibliographe de la première moitié du XIXe siècle qui ne le prône et ne le recommande. L'érudit et consciencieux Gabriel Peignot insiste maintes fois notamment sur les mérites de l'in-8.

«Nous citons de préférence les éditions in-8, écrit-il dans son Manuel du bibliophile[196], parce que ce format, tenant le milieu entre les plus grands et les plus petits, nous paraît le plus décent, le plus convenable, le plus propre à former une bibliothèque qui présente un aspect régulier; d'ailleurs, l'in-8 est ordinairement imprimé en caractères assez forts pour ne point fatiguer les vues faibles.»

Et ailleurs[197]:

«Si un amateur ne voulait posséder qu'une collection choisie de 300 volumes, je lui conseillerais de tâcher de la former entièrement d'ouvrages de même format, et de prendre l'in-8[198]

Ludovic Lalanne[199] patronne également le format in-8, «auquel on revient toujours», déclare-t-il.

Le format employé et vulgarisé, à partir de 1838, par l'éditeur Gervais Charpentier, et connu sous le nom de format Charpentier[200],—c'est un in-18 jésus ayant pour dimensions 0,117 × 0,183,—est actuellement le plus répandu, pour les ouvrages de littérature du moins, et il nous paraît tout à fait digne de sa vogue, il mérite toutes nos préférences.

En voici les motifs.

Le malheur veut que la plupart des liseurs assidus, des plus constants amis des livres, deviennent myopes, parfois même longtemps avant la vieillesse. Il leur faut tenir à la main, à proximité de leurs yeux, le volume qu'ils lisent; si, au lieu de le tenir, ils le posent devant eux sur une table, cela les contraint à pencher la tête, souvent très bas, selon leur degré de myopie: d'où une congestion plus ou moins rapide. C'est donc d'ordinaire et presque forcément livre en main qu'ils lisent: il est donc bon, il est donc indispensable que ce volume ne soit pas trop lourd; l'in-18, moins grand que l'in-8, pèse moins que lui, avec un nombre de pages égal et de même pâte de papier, et, par conséquent, fatigue moins la main.

Considérons, en outre, que nos appartements modernes, dans les grandes villes, à Paris principalement, sont exigus, et que la place nous y est parcimonieusement mesurée: l'in-18 est moins encombrant que l'in-8, et, sous un format plus restreint, contient ou peut contenir autant de matière. Il n'y a souvent que les marges qui diffèrent. Cela est si vrai que plusieurs éditeurs, après avoir fait paraître un ouvrage en in-8, le publient en in-18 sans changer la justification, c'est-à-dire la «longueur des lignes» (Littré) et en se servant de la même composition. Exemple: la maison Calmann Lévy et nombre de ses volumes: Correspondance de Mérimée, de Doudan, de Balzac, etc., etc. Ces volumes sont mis en vente d'abord en in-8 à 7 fr. 50; puis, lorsque cette vente est épuisée, les clichés provenant des mêmes empreintes[201] de ces mêmes volumes in-8 servent à tirer les in-18, cotés 3 fr. 50: ce système a le triple avantage de contraindre les personnes pressées de lire un de ces volumes à le payer 7 fr. 50 au lieu de 3 fr. 50, d'augmenter de cette différence les bénéfices de l'éditeur, et aussi de permettre aux amateurs de grands papiers de satisfaire leur goût.

D'autres motifs militent encore en faveur du format in-18 et le font de plus en plus préférer à l'in-8[202]: l'in-18, de dimensions moindres que l'in-8, coûte moins cher de reliure; il se met plus commodément dans la poche; etc.

Il va sans dire que certains ouvrages d'étendue considérable, comme les encyclopédies et dictionnaires; d'autres, moins développés que ceux-ci, mais ayant néanmoins des dimensions qui obligeraient à les composer en trop menus caractères, ou à les sectionner en deux volumes, ce qu'on tient parfois expressément à éviter; d'autres encore, accompagnés d'illustrations ou de planches, de tableaux synoptiques, etc., exigent un format plus grand que l'in-18.

Il va de soi également que nous ne répudions pas les formats qui se rapprochent de très près du format Charpentier, celui, par exemple, de l'ancienne petite collection Lefèvre (0,105 × 0,166), et de l'ancienne «Librairie nouvelle» de Bourdilliat (mêmes dimensions), de la «Nouvelle Bibliothèque classique» de Jouaust (0,113 × 0,18), etc.

Quant aux in-32 jésus (0,88 × 0,138), aux in-36, etc., à tous ces volumes qui d'une façon générale et en termes vulgaires, sont moins longs que la main, ils sont trop peu pratiques, offrent de trop nombreux inconvénients pour être recommandés.

D'abord l'impression y est presque toujours et forcément microscopique. Ensuite ces petits volumes s'accommodent mal de la reliure: les pages n'ayant pas assez de marge intérieure, de fond, ni assez de jeu, ni assez de poids, ils s'ouvrent mal, quand ils sont reliés: on ne peut quasi plus s'en servir. Les travailleurs, qui,—au risque de scandaliser et d'indigner MM. les bibliophiles et bibliotaphes,—ont parfois besoin d'inscrire quelque annotation sur les marges de leurs livres, ne peuvent le faire avec ces «éditions diamant»: la place manque. Elles n'ont leur utilité que pour les ouvrages qu'on désire emporter avec soi, les vade-mecum qu'on tient à avoir toujours dans sa poche, afin de les consulter ou de les relire à volonté, tels que certains manuels, guides, indicateurs, etc., ou des chefs-d'œuvre comme les Fables de La Fontaine, les Odes d'Horace, les Satires de Regnier, le Théâtre de Molière ou de Racine, etc.

A ce propos, le sagace Mouravit fait, d'après Bollioud-Mermet, dit-il[203], la remarque suivante sur le choix des formats et leur parfaite convenance, leur mise en harmonie avec l'ouvrage que le volume renferme: «Les recherches savantes de l'érudition se trouvent à l'aise dans l'in-folio; la pensée du philosophe, le récit de l'historien, demandent la majestueuse gravité de l'in-quarto ou de l'in-octavo; le poète, les esprits humoristes, se plaisent dans le charmant in-douze, l'in-dix-huit si coquet, le gracieux in-trente-deux; un livre de prédilection empruntera les sveltes proportions de ces minces formats[204]».

M. Émile Leclerc résume ainsi, de son côté, l'emploi des formats:

«L'in-plano n'est guère employé que pour les affiches, les placards, les textes destinés à accompagner les planches, les tables chronologiques, les tableaux synoptiques, les imprimés administratifs et autres ouvrages du même genre, certains travaux de ville.

«L'in-folio est réservé pour les impressions de luxe, pour les ouvrages de recherches, que l'on consulte parfois, mais dont on ne se sert pas habituellement.

«L'in-4, très usité autrefois, s'emploie pour les dictionnaires, mémoires, rapports, ouvrages scientifiques et ceux contenant des tableaux ou des opérations exigeant une grande justification.

«L'in-8 joint l'élégance à la beauté, l'usage en est fort commode, et il figure agréablement dans une bibliothèque. C'est le format préféré des lecteurs en général et des bibliophiles en particulier[205]. Il convient à toutes sortes d'ouvrages; il tient le milieu pour les dimensions et pour les caractères entre tous les autres formats: c'est le type le plus répandu.

«L'in-12 est généralement adopté pour les classiques, les romans et autres ouvrages usuels, qui en rendent l'emploi assez commun. Quoique format dit bâtard, il est assez agréable d'aspect; il tient le milieu entre l'in-8 et l'in-16.

«L'in-16 s'emploie pour les livres d'instruction et de récréation.

«L'in-18, d'usage fréquent, est surtout le format des romans.

«La double couronne en in-16 remplace le jésus en in-18, la grandeur du volume est la même et l'impression des quarts, demis et trois quarts [de feuille] se fait sans perte de papier[206]

A la suite de ces divers formats, il convient de mentionner le format fantaisiste oblong (plus large que haut), employé surtout pour les albums de dessin. Les livres qui ont reçu cette forme insolite ne se tiennent pas aisément ouverts à la main, à moins d'être repliés plat contre plat, d'où un grand risque de leur casser le dos, et ne peuvent guère être lus que sur une table, ce qui, comme nous l'avons vu, est, pour nombre de lecteurs, très incommode. Ils présentent, en outre, comme tous les volumes de formats anormaux et baroques,—format carré (lourd et disgracieux par essence même, l'élégance n'appartenant qu'aux formes élancées, plus hautes que larges), format triangulaire (on a été jusqu'à fabriquer des livres en triangle!), etc.,—le grave inconvénient de ne pouvoir se caser facilement sur les tablettes des bibliothèques: ils jurent avec les autres volumes, les dépassent en hauteur ou en largeur: on ne sait où fourrer ces petits monstres.

Une curieuse particularité nous a été signalée par plusieurs libraires: les volumes de grand format, lourds à la main (in-8 et au-dessus), se vendent mieux en été, parce que beaucoup de personnes ont l'habitude de lire au lit, et, durant la chaude saison, peuvent mettre bras et épaules hors des couvertures sans se refroidir.

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