Aphorismes du temps présent
V
LES INSTITUTIONS ET LES LOIS
Les hommes en société ne pouvant vivre sans tyrannie, la plus acceptable est encore celle des lois.
Les peuples étant gouvernés par leur mentalité et non par les institutions qu’on leur impose, les lois doivent être l’expression de cette mentalité. Une loi utile pour un peuple devient souvent nuisible pour un autre.
Les lois n’ont pas à s’occuper de la logique rationnelle. Elles sont filles de nécessités indépendantes de cette logique.
Les lois doivent fixer des nécessités et non des passions. Celles édictées sous l’empire d’une passion ne sont jamais durables.
Les lois stabilisent des coutumes, elles peuvent rarement en créer.
Une loi qui ne sanctionne pas simplement la coutume, c’est-à-dire l’expérience du passé, ne fait que codifier notre ignorance de l’avenir.
Les nécessités sociales évoluant plus vite que les codes, la jurisprudence doit compléter et modifier les lois.
Les institutions politiques ne créent pas les sentiments d’un peuple. Elles sont engendrées par ces sentiments.
Les institutions imposées à coups de décrets troublent toujours le jeu des facteurs politiques que les nécessités naturelles finiraient par équilibrer.
Croire, comme les politiciens, à la puissance transformatrice des lois, c’est oublier que derrière les phénomènes visibles, se trouvent toujours des forces invisibles qui les déterminent.
Si tant de lois accroissent les maux qu’elles prétendaient guérir, c’est qu’en les votant on ignorait leurs incidences.
Une loi générale, c’est-à-dire non édictée contre un parti, peut être despotique, elle n’est pas arbitraire.
La tyrannie individuelle est prochaine quand les collectivités se soustraient au joug des lois.
Un délit généralisé devient bientôt un droit.
Les lois n’ayant que la force armée pour soutien, ne sauraient durer longtemps.
On remanie facilement sur le papier les lois d’une nation, on ne refait pas son âme.