Aphorismes du temps présent
V
LES PRINCIPES SCIENTIFIQUES
La science est en réalité une révolte de l’homme contre la nature, un effort pour se soustraire aux forces aveugles qui l’oppriment.
Les asservissements, imposés à l’homme par la nature, constituaient autrefois d’inexorables fatalités. En apprenant à désagréger ces fatalités, la science leur ôte de plus en plus le caractère de nécessités.
Déterminisme et fatalisme sent choses fort différentes. Découvrir le déterminisme d’un phénomène, fait souvent disparaître sa fatalité.
L’harmonie, supposée préétablie de l’univers, n’est due sans doute qu’à l’équilibre inévitable des forces qui le composent.
Les lois scientifiques les plus précises, ne sont valables que pour une portion limitée du temps et de l’espace.
Chaque science dérive d’un petit nombre de principes. Celui de l’invariabilité de la masse soutient tout l’édifice de la chimie. Sur celui de la conservation de l’énergie reposent la physique et la mécanique.
Les deux grandes constantes de l’univers sont la résistance et le mouvement. La première est constituée par l’inertie, la seconde par l’énergie.
Les formes diverses de l’énergie, aussi bien que les phénomènes de la vie, résultent de perturbations d’équilibre, constituées le plus souvent par des dénivellations.
Dans la constatation des phénomènes, la science avance rapidement. Dans leur explication, elle reste depuis longtemps stationnaire.
Le terrain de la science est sûr, mais il ne représente qu’un îlot perdu dans l’océan illimité des choses inconnues.
Les progrès scientifiques ne font que déplacer dans l’infini les barrières qui nous séparent de l’inaccessible.
Le matérialisme a prétendu se substituer aux religions, mais aujourd’hui la matière est devenue aussi mystérieuse, que les dieux qu’elle devait remplacer.
La précision des formules scientifiques cache souvent l’incertitude des principes.
Une des supériorités du savant sur l’ignorant est de sentir où commence le mystère.
Dès qu’une théorie scientifique arrive à la fixité, elle retarde tout progrès.
La science crée plus de mystères qu’elle n’en éclaircit.