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Aphorismes du temps présent

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VI
LES GOUVERNEMENTS POPULAIRES

Ce qu’on appelle gouvernement populaire est, en réalité, une petite oligarchie de meneurs.


La grande illusion des politiciens est de considérer le peuple comme une sorte de divinité infaillible, n’ayant pas à rendre compte de ses actes.


Se guider d’après des opinions fausses, mais populaires, est une condition d’existence de tous les gouvernements démocratiques.


La surenchère, l’humanitarisme et la peur, furent toujours les grands facteurs de conduite des gouvernements démocratiques.


Un gouvernement populaire est dominé par trop de passions pour rester équitable et tolérant. Il ne se maintient qu’en devenant de plus en plus despotique.


Limité par la crainte des responsabilités, le despotisme individuel est moins oppressif qu’un despotisme collectif, toujours irresponsable.


Une tyrannie individuelle se renverse aisément. Contre une tyrannie collective les opprimés sont sans force.


Ce qu’on déteste dans une tyrannie, n’est pas toujours la tyrannie elle-même, mais les individus qui l’exercent.


Les tyrannies les plus dures sont facilement acceptées dès qu’elles deviennent anonymes.


Pas de gouvernement populaire possible sans prépondérance de la mentalité jacobine.


Esprit borné, passions fortes, mysticisme intense, incapacité à raisonner juste, sont les principales composantes de l’âme jacobine.


Le jacobin n’est pas un rationaliste, mais un croyant. Loin d’édifier sa croyance sur la raison, il tâche de mouler la raison sur sa croyance.


Au point de vue politique, certains peuples se divisent en jacobins, qui ne comprennent rien aux influences du passé, et en conservateurs, qui n’aperçoivent pas les nécessités du présent.


Une politique de groupe est toujours d’ordre inférieur. Les gouvernements populaires ne peuvent en avoir d’autre.


Si les nécessités économiques ne réfrénaient pas les volontés passionnelles des gouvernements populaires, ils se détruiraient par leurs propres mains.


La première phase d’évolution d’une démocratie triomphante est de détruire les anciennes aristocraties, la seconde d’en créer de nouvelles.


Les crimes des rois sont peu de chose auprès des crimes des peuples.


L’État moderne a hérité aux yeux des multitudes de la puissance mystique attribuée aux rois, lorsqu’ils incarnaient la volonté divine.


Dans les gouvernements populaires, le fantôme de la peur joue un rôle prépondérant. La peur de l’armée, de l’Église, des ouvriers, des fonctionnaires, a dicté depuis vingt ans, la plupart de nos lois.


Dans un gouvernement démocratique dont les ministres changent rapidement, le pouvoir réel appartient aux administrations. Chaque ministre croit les gouverner, il est en réalité gouverné par elles.


Plus un gouvernement s’affaiblit, plus le pouvoir de la caste administrative grandit.


Un peuple tombe vite dans l’anarchie, lorsque la souveraineté passe de la loi à la multitude.


L’instabilité des gouvernements populaires limite seule leur tyrannie. Les partis en lutte se succédant rapidement au pouvoir, le despotisme de chacun est forcément éphémère.


Quand les démocraties ne se transforment pas en dictatures militaires, elles finissent par la ploutocratie, forme très oppressive du despotisme.


Le vrai régime politique d’un peuple n’est révélé, ni par sa constitution, ni par ses lois. Il se découvre seulement en recherchant l’étendue respective du rôle de l’État et des citoyens, dans les affaires publiques et privées.


Les gouvernements démocratiques considèrent la fermeture des églises comme moins nuisible que celle des cabarets. Ils découvriront sûrement un jour, que la fermeture des églises est plus dangereuse.


Un peuple qui réclame sans cesse l’égalité est bien près d’accepter la servitude.

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