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Aphorismes du temps présent

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VII
LA MORALE

Les lois morales ne sont pas des entités fictives, mais d’impérieuses nécessités.


La morale représente la synthèse des besoins sociaux d’une époque. Par le fait seul qu’elle veut subsister, une société est obligée d’avoir un criterium irréductible du bien et du mal.


Nulle civilisation ne pouvant durer sans morale, les codes n’accumuleront jamais trop de sévérités pour maintenir les prescriptions morales.


Formule des nécessités d’existence d’une société à un moment donné, la morale évolue avec ces nécessités.


En droit, comme en morale, certaines nécessités ne sont pas toujours des vérités, mais il est inutile de contester des nécessités.


Toute morale qui, sous l’influence de l’hérédité, de l’éducation et des codes, n’est pas devenue inconsciente, et par conséquent instinctive, ne constitue pas une sûre morale.


Les règles morales n’ont de force que lorsqu’il n’y a plus de mérite à les observer.


Une vertu pratiquée sans effort est une qualité, mais non une vertu.


Vouloir, avec beaucoup de philosophes, fonder la morale sur la raison pure est une dangereuse illusion. Une morale, dépourvue de supports affectifs ou mystiques, reste sans durée et sans force.


La morale ne s’apprend qu’en la pratiquant. Elle fait partie, comme les arts, de ces connaissances que ne sauraient enseigner les livres.


Le milieu et l’exemple sont deux grands générateurs de la morale.


Il faut quelquefois des siècles à un peuple pour acquérir une morale et peu d’années pour la perdre.


La morale d’un peuple représente l’échelle de ses valeurs.


Le minimum possible de morale est celui prescrit par les codes et maintenu par les gendarmes. Dès que ce minimum cesse d’être respecté, l’anarchie commence.


Au-dessus de la morale indispensable, maintenue par les codes, existe une morale plus haute qui apprend à sacrifier l’intérêt individuel à l’intérêt collectif. Une société peut durer avec la première, elle ne grandit pas sans la seconde.


On peut considérer comme un grave symptôme de décadence, que la moralité des classes dirigeantes tombe au-dessous de celle des classes dirigées.


Faute d’un code accepté, la morale internationale n’a jamais réalisé aucun progrès. Elle est restée celle d’une bande de loups : respecter les forts, dévorer les faibles.


Le même sentiment peut être appelé vice ou vertu suivant son utilité sociale. Étendu à la famille, à la tribu, à la patrie, l’égoïsme individuel devient une vertu. La vanité, défaut individuel, est également une vertu collective.


Les vertus individuelles deviennent parfois des vices collectifs. La douceur et le pardon des injures, pratiqués par un peuple, attireraient sur lui un universel mépris.


Possible entre individus, la tolérance ne l’est jamais entre collectivités.


L’intolérance représente souvent dans la vie des peuples une vertu nécessaire à l’action.


A en juger par ses résultats, on pourrait difficilement ranger l’humanitarisme parmi les vertus. Il est le plus redoutable ennemi de la morale. Quand l’humanitarisme grandit, la morale fléchit.


La criminalité d’un pays croît avec le développement de l’humanitarisme. Limitant sans cesse la répression, il réduit l’action inhibitive des châtiments.


Excuser le mal, c’est le multiplier.


Dans le domaine moral, l’homme moderne détruit plus vite qu’il ne bâtit.


La vertu ne pousse pas toujours à l’action. Des vices inférieurs : haine, vengeance, jalousie, amour du pillage, ont été les grands mobiles de l’activité des hommes. Ces sentiments maintiennent l’Europe en armes.


Les gens vertueux se vengent souvent des contraintes qu’ils s’imposent, par l’ennui qu’ils inspirent.


L’action désintéressée nous grandit à nos yeux et donne souvent plus de joie que des actes égoïstes.


Les petits héroïsmes continus sont plus difficiles, que les grands héroïsmes accidentels.


La peur du jugement des autres, est un des plus sûrs soutiens de la morale.


Plus un peuple possède de discipline interne et par conséquent de moralité stable, plus il est élevé en civilisation.


Les peuples disparaissent vite de l’histoire quand leur morale commence à se désagréger.

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