Aphorismes du temps présent
VII
LA PSYCHOLOGIE POLITIQUE
Les problèmes politiques modernes peuvent se comparer à ceux du sphinx de la légende antique. Il faut les résoudre ou être dévoré.
Sans la connaissance de la psychologie des races, des peuples, des individus et des foules, la politique ne saurait être comprise.
Une société est un agrégat de forces contraires, qu’il faut maintenir en équilibre. Avec la rupture de cet équilibre, l’anarchie commence.
Toute la politique se ramène à ces deux règles, savoir et prévoir.
Un gouvernement n’est pas le créateur d’une époque, mais sa création.
Atomes physiques, cellules vivantes, unités humaines, restent une vaine poussière, tant que des forces directrices ne canalisent pas leurs actions.
La vraie puissance d’un gouvernement réside moins dans sa force, que dans la soumission volontaire de ceux qui lui obéissent.
La tyrannie individuelle et la tyrannie collective sont les seules formes de gouvernement découvertes, depuis l’origine de l’histoire. La seconde fut toujours la plus dure.
Les incidences des mesures politiques ne pouvant se prévoir, la manie des grandes réformes est fort dangereuse pour un peuple.
Un événement politique ne germe pas spontanément. Il est l’épanouissement de toute une série de causes antérieures.
Juger un événement inévitable, c’est en faire une fatalité.
En politique comme dans la vie, le succès appartient généralement aux convaincus et rarement aux sceptiques.
Dès qu’une classe n’est plus sûre de ses droits, noblesse autrefois, bourgeoisie de nos jours, elle les perd bientôt.
Dans la vie politique, comme dans la vie individuelle, les préoccupations formulées sont beaucoup moins importantes que celles qui ne se formulent pas.
Déplacer une tyrannie n’est pas créer une liberté.
Le danger de l’autocratie ne réside pas dans l’autocrate, mais dans les milliers d’individus se partageant son pouvoir et l’exerçant chacun comme un petit despote.
La confusion des pouvoirs suit toujours la confusion des esprits.
De même que les croyances religieuses, les idées politiques ne doivent pas être jugées d’après leur valeur rationnelle, mais d’après l’action qu’elles exercent.
Beaucoup d’erreurs politiques dérivent d’idées théoriquement rationnelles.
En politique, il est moins dangereux de manquer d’idées directrices que d’en avoir de fausses.
Les gouvernements périssent beaucoup plus par leurs fautes, que par les attaques de leurs ennemis.
Le despotisme des vivants serait parfois sans limite, s’il n’était contenu par le despotisme des morts.