Aphorismes du temps présent
V
LES RÉVOLUTIONS
Les seules révolutions durables sont celles de la pensée.
Les révolutions scientifiques dérivent uniquement d’éléments rationnels, les révolutions politiques et religieuses d’éléments affectifs, mystiques et collectifs.
Les révolutions scientifiques transforment beaucoup plus profondément la vie sociale que les révolutions politiques.
Souvent rationnelle à ses débuts, une révolution politique ne se propage que par des influences affectives, collectives et mystiques étrangères à toute raison.
Les révolutions, comme les guerres, représentent l’extériorisation de conflits entre forces psychologiques.
Une révolution ne constitue pas toujours un phénomène qui finit suivi d’un autre qui commence, mais un phénomène continu ayant accéléré son évolution.
Un peuple trop conservateur est fatalement voué aux révolutions violentes. Incapable d’évoluer, il est obligé de se transformer brusquement.
L’être vraiment malheureux est celui à qui on persuade que son état est misérable. Ainsi procèdent les meneurs pour faire les révolutions.
Les meneurs des révolutions se croient toujours guidés par la raison. Ils obéissent en réalité à des forces affectives, mystiques et collectives qu’ils ne soupçonnent pas.
La contagion mentale est le plus puissant facteur de propagation d’un mouvement révolutionnaire.
La multitude est l’aboutissant d’une révolution, mais n’en constitue pas le point de départ.
Idées, meneurs, armée et foule sont les éléments fondamentaux des révolutions.
Toute révolution populaire qui réussit est un retour momentané à la barbarie. Elle constitue le triomphe de l’instinctif sur le rationnel, le rejet des contraintes sociales qui différencient le civilisé du barbare.
Les révolutions ne sauraient détruire une structure mentale édifiée par un long passé. Elles ne changent guère que des façades.
Les révolutions n’ont généralement pour résultat immédiat, qu’un déplacement de servitude.
Les grandes réformes sociales ne sont pas l’œuvre des révolutions. Elles s’opèrent, comme les bouleversements géologiques, par une lente accumulation de petites causes.
La majorité des hommes demande à être dirigée et non à se révolter.
Rarement un peuple comprend quelque chose aux révolutions accomplies avec son concours.
Quand un peuple finit par comprendre pourquoi il a subi une révolution, elle est généralement terminée depuis longtemps.
Un monarque se renverse facilement, mais les principes qu’il représentait survivent à sa chute. La plupart des révolutions sont suivies de restaurations.
Dès que l’armée d’un pays commence à se désagréger, une révolution est proche. La royauté périt en France, le jour où des troupes indisciplinées refusèrent de défendre leur roi.
Chez certains hommes, l’esprit révolutionnaire est un état mental, indépendant de l’objet sur lequel il s’exerce. Aucune concession ne pourrait donc l’apaiser.
Les révolutions qui commencent, résultent le plus souvent de croyances qui finissent.