Chroniques de J. Froissart, tome 02/13 : $b 1340-1342 (Depuis les préliminaires du siége de Tournay jusqu'au voyage de la comtesse de Montfort en Angleterre)
CHAPITRE XLVIII.
1342. SIÉGE ET PRISE DE CONQUEST, DE DINAN, DE GUÉRANDE PAR
LOUIS D'ESPAGNE, D'AURAY ET DE VANNES PAR CHARLES DE BLOIS [303]
(§§ 170 et 171).
Après la levée du siége d'Hennebont, Charles de Blois envoie Louis d'Espagne et ses gens assiéger la bonne ville de Dinan [304] qui n'avait alors pour enceinte que de l'eau et des palissades. Sur la route, Louis d'Espagne met le siége devant un petit et vieux château nommé Conquest [305] qui tient pour la comtesse de Montfort. Le capitaine est un chevalier de Lombardie [306] et la garnison se compose de Lombards et de Génois. Le château est emporté d'assaut et la garnison est massacrée excepté le capitaine qui est pris à rançon. Louis d'Espagne laisse Conquest sous la garde d'un châtelain et de soixante hommes d'armes et continue sa route vers Dinan. P. 154, 155, 378 à 381.
Informée que Louis d'Espagne s'est arrêté devant Conquest, la comtesse de Montfort charge Gautier de Mauny de délivrer ce château et d'en faire lever le siége aux Français. Partis d'Hennebont le matin, Gautier de Mauny et les siens arrivent vers le soir [307] devant Conquest; ils reprennent le château pris la veille par les Français, le laissent vide et sans garde, car il n'est pas tenable, et retournent à Hennebont. P. 155, 156, 379 à 383.
Louis d'Espagne investit Dinan et fait faire bateaux et nacelles pour assaillir cette place de toutes parts, par terre et par eau. Les bourgeois de Dinan prennent peur, car la place n'est pas forte et n'est fermée que de palissades; leur capitaine, Renaud de Guingamp, fils du châtelain de Guingamp, s'efforce en vain de les rassurer. Après quatre jours de siége, les assiégés se rendent aux Français et mettent à mort sur la place du marché Renaud de Guingamp qui s'oppose à cette reddition; Louis d'Espagne leur donne pour capitaines Gérard de Mâlain et Pierre Portebœuf trouvés prisonniers à Dinan. P. 156 et 157, 383 et 384, 386 et 387.
Louis d'Espagne, une fois maître de Dinan, se dirige vers une très-grosse ville située sur le flux de la mer qu'on appelle Guérande [308] et l'assiége par terre. Il trouve assez près de là, dans un havre [309] qui est un des plus fréquentés de Bretagne, un certain nombre de navires chargés de vins que des marchands de Poitou, de Saintonge et de la Rochelle, ont amenés pour les vendre. Louis d'Espagne fait main basse sur les cargaisons; il embarque sur les navires ses gens d'armes et partie des Espagnols et des Génois. Assaillie par terre et par mer, la ville de Guérande est emportée d'assaut, les habitants sont passés au fil de l'épée; cinq églises sont brûlées, mais Louis d'Espagne fait pendre vingt-quatre de ceux qui y ont mis le feu. Tout est livré au pillage, et l'on recueille un butin considérable, car Guérande est une ville grande, riche et marchande. P. 156 et 157, 384, 387 et 388.
Tandis que Louis d'Espagne et Ayton Doria s'embarquent avec les Espagnols et les Génois sur les navires pris à Guérande, le vicomte de Rohan, l'évêque de Léon, Hervé de Léon son neveu vont rejoindre Charles de Blois devant Auray. A la nouvelle de l'arrivée de Gautier de Mauny et des Anglais, le roi de France a envoyé une foule de seigneurs grossir les rangs de l'armée de Bretagne, notamment Louis de Poitiers, comte de Valentinois, les comtes d'Auxerre, de Joigny, de Porcien, de Boulogne, les seigneurs de Beaujeu, de Châteauvillain, de Noyers, d'Anglure, de Catillon, d'Offémont, de Roye, d'Aubigny et Moreau de Fiennes. Malgré ce renfort, le château d'Auray n'est pas encore pris, mais ceux de dedans souffrent tellement de la famine, qu'à défaut d'autre nourriture, ils mangent en huit jours tous leurs chevaux. La plupart des gens d'armes de la garnison sont tués une nuit qu'ils tentent de se sauver à la dérobée en traversant les lignes des assiégeants. Toutefois, Henri et Olivier de Spinefort parviennent à s'échapper et vont droit à Hennebont. C'est ainsi que le château d'Auray est pris après dix semaines de siége. P. 158, 385, 388.
Charles de Blois va assiéger la cité de Vannes dont Geffroi de Malestroit est capitaine pour la comtesse de Montfort. Le second jour du siége, des Bretons et autres soudoyers du parti de Montfort qui tiennent garnison au fort de Ploërmel viennent réveiller les Français. Deux chevaliers de Picardie qui font le guet cette nuit là, les seigneurs de Catillon et d'Aubigny, donnent l'éveil; les agresseurs sont enveloppés et tués ou mis en fuite. Ce même jour, les assiégeants s'emparent du bourg [310] situé au pied de la cité et du fort jusqu'aux barrières. Les bourgeois de Vannes prennent le parti de se rendre malgré les efforts de Geffroi de Malestroit qui s'enfuit Hennebont sous un déguisement. Charles de Blois passe cinq jours à Vannes, y laisse comme capitaines Hervé de Léon, Olivier de Clisson, et va assiéger Carhaix. P. 159, 160, 385 et 386.