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Chroniques de J. Froissart, tome 02/13 : $b 1340-1342 (Depuis les préliminaires du siége de Tournay jusqu'au voyage de la comtesse de Montfort en Angleterre)

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CHAPITRE L.
1342. SIÉGE ET OCCUPATION DE CARHAIX PAR CHARLES DE BLOIS.—SECOND SIÉGE D'HENNEBONT PAR LES FRANÇAIS, SIGNALÉ PAR UN MERVEILLEUX EXPLOIT DE GAUTIER DE MAUNY ET LEVÉE DE CE SIÉGE.—REDDITION DE JUGON A CHARLES DE BLOIS.—TRÊVE ENTRE LES BELLIGÉRANTS SUIVIE DU DÉPART DE JEANNE DE MONTFORT POUR L'ANGLETERRE [318] (§§ 175 à 180).

La comtesse de Montfort donne un grand dîner pour fêter le retour de Gautier de Mauny et de ses compagnons; elle prend plaisir à leur faire conter leurs exploits et leurs aventures.—Gérard de Mâlain, informé que les Anglais ont pris Ghoy le Forest et l'ont laissé sans garde, fait réparer ce château par les paysans des environs, a soin de le pourvoir de vivres ainsi que d'artillerie et y met bonne garnison. P. 168, 169, 402.

Pendant ce temps, Charles de Blois maintient toujours le siége devant Carhaix [319]. Les assiégés appellent en vain à deux ou trois reprises Jeanne de Montfort à leur aide. Désespérée de son impuissance, la comtesse envoie des messagers en Angleterre et les charge d'informer Édouard III, son allié, de la détresse où elle se trouve réduite après la prise de Rennes, de Vannes et de plusieurs autres places par Charles de Blois; elle conjure le roi d'Angleterre d'expédier en Bretagne de nouveaux secours, sans quoi elle ne répond pas de l'avenir.—Sur ces entrefaites, les habitants de Carhaix, pressés par la famine et se voyant abandonnés à leurs seules forces par la comtesse de Montfort, prennent le parti de se rendre et font leur soumission à Charles de Blois. P. 169, 170, 402, 403.

Après la reddition de Carhaix, Charles de Blois va mettre une seconde fois le siége devant Hennebont, il investit la ville et le château défendu par l'élite de la chevalerie bretonne et anglaise. Le quatrième jour du siége, Louis d'Espagne vient se joindre aux assiégeants après être resté six semaines à Rennes pour la guérison de ses blessures. Du reste, ce n'est pas le seul renfort que reçoit Charles de Blois. Tous les jours il voit arriver à son camp des chevaliers de France qui, revenant de guerroyer avec le roi Alphonse d'Espagne contre les Sarrasins de Grenade et apprenant à leur passage en Poitou qu'il y a guerre en Bretagne, accourent y prendre part. Charles de Blois fait dresser seize grandes machines qui lancent d'énormes pierres contre les murailles d'Hennebont et dans l'intérieur de la ville. Les assiégés n'en ont cure; du haut des remparts ils essuient par bravade la face extérieure des créneaux avec leurs chaperons. «Allez donc, crient-ils aux assiégeants, allez donc chercher vos compagnons qui se reposent au camp de Quimperlé!» P. 170, 171, 403, 404.

Louis d'Espagne, qui veut tirer vengeance de la mort de son neveu Alphonse tué à Quimperlé, se fait délivrer par Charles de Blois, Jean le Bouteiller et Hubert de Frenay, deux des compagnons de Gautier de Mauny, qui au retour de l'expédition de Quimperlé ont été faits prisonniers devant la Roche-Piriou par Renier de Mâlain et enfermés au Faouët; puis, malgré les instances de Charles et des autres seigneurs français, il déclare, une fois que les deux prisonniers sont entre ses mains, qu'il les va mettre à mort. Gautier de Mauny, informé par ses espions du sort cruel réservé à ses deux compagnons d'armes, entreprend de les arracher au péril qui les menace. Tandis qu'Amauri de Clisson, en s'avançant vers l'heure du dîner jusque sur le bord des fossés avec trois cents armures de fer et mille archers, fait sortir les assiégeants en masse de leurs campements et les occupe à des escarmouches, Gautier de Mauny sort d'Hennebont par une poterne avec cent ou deux cents compagnons d'élite et cinq cents archers à cheval, gagne par un chemin détourné le camp français où il n'est resté que des valets, se fait conduire par ses espions droit à la tente où l'on garde les deux prisonniers, les délivre et rentre avec eux dans Hennebont. En revanche, deux chevaliers de la garnison, le seigneur de Landerneau et le châtelain de Guingamp sont pris dans une sortie par les assiégeants et se soumettent le soir même à Charles de Blois. P. 171 à 177, 404 à 409, 411.

Cependant le siége d'Hennebont ne fait aucun progrès. Le château est très-fort, et la garnison, aussi nombreuse qu'aguerrie, peut se ravitailler tous les jours par mer. D'un autre côté, l'hiver approche: on est entre la Saint-Remy (1er octobre) et la Toussaint (1er novembre); et le pays des environs a été tellement ravagé que les assiégeants ne savent plus où trouver vivres ni fourrages. Toutes ces raisons déterminent Charles de Blois à donner congé au gros de son armée, et le siége d'Hennebont est levé vers la Saint-Luc (18 octobre). La plupart des seigneurs de France retournent chez eux, et Charles de Blois avec les gens d'armes qui lui restent prend ses quartiers [320] d'hiver à Carhaix. P. 176 à 178, 409 à 412.

Sur ces entrefaites, un riche bourgeois et un grand marchand de Jugon [321], qui fait tous les approvisionnements de la comtesse de Montfort, tombe entre les mains de Robert de Beaumanoir, maréchal de l'armée de Charles de Blois. Ce bourgeois, pour sauver sa vie et recouvrer sa liberté, s'engage à livrer Jugon aux Français. Charles de Blois laisse une partie de ses gens à Carhaix sous les ordres de Louis d'Espagne, et vient en personne avec cinq cents lances à Jugon, dont le bourgeois qui est de sa connivence lui ouvre à minuit les portes. La ville une fois prise, le château lui-même finit, après quelque résistance, par se rendre au vainqueur. Gérard de Rochefort est maintenu comme capitaine de la garnison par Charles de Blois qui retourne à Carhaix. Bientôt, par les soins d'Yvon de Trésiguidy, au nom de la comtesse de Montfort, et de Robert de Beaumanoir, au nom de Charles de Blois, une trêve est conclue entre les belligérants qui doit durer jusqu'à la mi-mai [322] 1343. Aussitôt après la conclusion de cette trêve, la comtesse de Montfort s'embarque à Hennebont et se rend en Angleterre auprès d'Édouard III, tandis que Charles de Blois vient à Paris faire visite au roi Philippe de Valois, son oncle. P. 178 à 181, 412 à 417.

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