Chroniques de J. Froissart, tome 02/13 : $b 1340-1342 (Depuis les préliminaires du siége de Tournay jusqu'au voyage de la comtesse de Montfort en Angleterre)
CHAPITRE XXXV.
1340. INCURSIONS DES FRANÇAIS EN HAINAUT, NOTAMMENT AUX
ENVIRONS DE VALENCIENNES (§§ 102 à 107).
Jean, duc de Normandie, réunit à Saint-Quentin une puissante armée pour envahir le Hainaut.—Noms des principaux seigneurs qui font partie de l'expédition.—De Saint-Quentin, l'armée du duc de Normandie se dirige en passant par Bohain [20] vers le Cateau-Cambrésis [21] et vient loger près de cette ville en un lieu appelé Montay [22], à l'entrée du Hainaut, sur la Selle [23]. P. 8 et 9, 193 à 195.
Gérard de Verchin, sénéchal de Hainaut, se met à la tête de soixante lances, passe à Forest [24] sur la frontière du Hainaut, et va réveiller au milieu de la nuit les Français qui se tiennent à Montay, à une petite lieue de Forest. Deux puissants chevaliers de Normandie, les seigneurs de Bailleul et de Bréauté [25], sont assaillis les premiers: le seigneur de Bailleul est tué et les seigneurs de Bréauté et de Brimeux sont emmenés prisonniers à Valenciennes. P. 9 à 11, 195 à 197.
Le lendemain matin, le duc de Normandie, furieux de cette attaque nocturne, donne l'ordre d'entrer en Hainaut et d'y porter partout l'incendie et le ravage. Les Français, divisés en plusieurs corps d'armée et courant dans toutes les directions, dévastent et brûlent Forest, Vertain [26], Vertigneul [27], Escarmain [28], Vendegies-au-Bois [29], Vendegies-sur-Écaillon [30], Bermerain [31], Calaumes [32], Salesches [33], Orsinval [34], Villers-en-Cauchie [35], Gommegnies [36], Maresches [37], Villers-Pol [38], Poix [39], Préseau [40], Amfroipret [41], Preux [42], Frasnoy [43], Obies [44], Wargnies-le-Grand [45], Wargnies-le-Petit [46], Saint-Vaast [47] en Bavaisis, Louvignies [48], Mecquignies [49]; ils brûlent les moulins et rompent les écluses du vivier de Quélipont [50]. Tous les villages compris entre les rivières de Selle et de Honneau [51] deviennent la proie des flammes [52]. Les habitants du pays se sont réfugiés, emportant ce qu'ils ont de plus précieux, à Bouchain [53], à Valenciennes, à Bavai, au Quesnoy, à Landrecies [54], à Maubeuge [55] et dans les autres forteresses des environs qui sont tenables. Les Français mettent le feu aux faubourgs du Quesnoy et de Bavai. Le sénéchal de Hainaut, craignant pour son château de Verchin [56], est allé s'y enfermer avec trente lances, laissant Valenciennes sous la garde du seigneur d'Antoing. La nuit d'après cette première journée d'invasion, le duc de Normandie vient camper dans les belles prairies de Haussy [57] et de Saulzoir [58], sur les bords de la rivière de Selle, depuis Haspres [59] jusqu'à Solesmes [60]. P. 11 et 12, 197 à 199. Valerand, seigneur de Fauquemont (Valkenburg), capitaine de Maubeuge, laisse cette ville sous la garde des seigneurs de Beaurieu et de Montegny, et après avoir chevauché tout un jour en longeant la forêt de Mormal [61], passe à gué la Selle et vient vers minuit réveiller le duc de Normandie et son armée. Du côté des Français, le seigneur de Picquigny [62] est tué, le vicomte des Quesnes [63] et le Borgne de Rivery [64] sont faits prisonniers dans cette alerte. Puis le seigneur de Fauquemont court se réfugier sous Thierry de Valcourt, maréchal de Hainaut, au Quesnoy [65], qui n'était point alors aussi bien fortifié qu'il fut soixante ans plus tard. P. 12, 13, 199, 200, 204.
Les Français brûlent Felaines, [66] Famars [67], Sepmeries [68], Baudignies [69], Artres [70], Artriel [71], Saultain [72], Curgies [73], Estreux [74], Aulnoy [75], Jenlain [76], Beauvoir [77], Rombies [78] et viennent camper sur la rivière d'Uintiel [79] (la Rhonelle), aux alentours de Querenaing [80]. Quarante hommes d'armes hainuyers des garnisons de Condé [81], de Montroeul-sur-Haine [82], de Quiévrain [83] et de Quiévrechain [84] se mettent en embuscade dans les bois de Roisin [85], mais ils n'osent attaquer les coureurs français qui chevauchent au nombre de plus de quatre cents lances. 13, 14 et 201.
Le lendemain, par une belle matinée du mois de mai [86], le duc de Normandie vient camper à Famars sur une colline appelée le Mont de Castres [87]. Quelques-uns de ses gens d'armes descendent du Mont de Castres, mettent le feu à Marly [88] et aux faubourgs de la porte de Cambrai. Grand émoi à Valenciennes; on sonne les cloches et le beffroi à toute volée. La rue de Cambrai se remplit de bourgeois en armes qui veulent marcher contre l'ennemi. Henri d'Antoing, qui garde les clefs de la porte de Cambrai, et Jean de Baissi, prévôt de la ville, s'efforcent de contenir les impatients. P. 202.
Une troupe de coureurs français livre un assaut infructueux à la tour carrée de Maing [89], qui était alors à Jean Bernier de Valenciennes et qui fut depuis à Jean de Neuville. Ces coureurs, n'ayant pu traverser l'Escaut à Trith [90] parce que le pont a été coupé par les habitants, passent le fleuve aux Planches à Prouvy [91], mettent le feu aux maisons et aux moulins de Prouvy et de Rouvignies [92], et, après avoir refait le pont [93] de Trith, brûlent Wercinniel, Bourlain [94] et Infier [95], d'où les flammèches volent jusqu'à Valenciennes. P. 15, 204 et 205.
D'autres coureurs, ayant à leur tête trois chevaliers poitevins, Boucicaut [96], Guillaume Blondel [97] et le seigneur de Surgères [98], passent l'Escaut assez près de Valenciennes, au pont qu'on dit à la Tourelle à Goguel, brûlent Heurtebise [99], et s'avancent vers Bellaing [100] et Hérin [101]. Un certain nombre de gens d'armes de Valenciennes [102] sortent de la ville par les deux portes d'Anzin [103], la grande et la petite, et marchent à la rencontre de ces pillards. Un combat s'engage au-dessus d'une église qu'on dit de Saint-Vaast [104]. Déroute des Français. [Gui] de Surgères se sauve du côté du village de Hérin et court se jeter dans les bois d'Aubry [105], d'où, le soir venu, par le pont de Heurtebise et le pont de Trith, il regagne le camp du Mont de Castres. Boucicaut veut résister; il est fait prisonnier et amené à Valenciennes. P. 15, 16, 202 et 203, 205 et 206.
Le duc de Normandie, voyant que les habitants de Valenciennes ne sont pas disposés à accepter la bataille et n'espérant pas prendre leur ville d'assaut, se décide à revenir vers Cambrai. Au retour, ses gens d'armes incendient Maing, l'abbaye de Fontenelle [106], Trith, Prouvy, Rouvignies, Douchy [107], Thiant [108], Monchaux [109], et en général tout le pays qui s'étend entre Valenciennes et Cambrai. P. 17, 18, 208 et 209.
Après le départ des Français, les Valenciennois viennent mettre le feu au camp du Mont de Castres; ils y trouvent quelques brigands et Génois qui, plongés dans un sommeil alourdi par l'ivresse, ne sont pas partis avec le gros de l'armée; ils les brûlent tout vivants. P. 19.
Le duc de Normandie met le siége devant le château d'Escaudœuvres [110]. Gérard de Sassegnies, capitaine de ce château pour le comte de Hainaut, le livre par trahison aux assiégeants. Les habitants de Cambrai abattent les remparts d'Escaudœuvres; ils emploient les matériaux provenant de cette démolition à fortifier la porte Robert qui regarde le Hainaut. Gérard de Sassegnies devait expier bientôt sa trahison en subissant à Mons la peine capitale [111]. P. 19, 20, 209 à 211.
Les garnisons françaises de Douai et de Lille ravagent l'Ostrevant; elles pillent et brûlent Aniche [112], la moitié d'Abscon [113], Escaudain [114], Erre [115], Fenain [116], Denain [117], Montigny [118], Warlaing [119], Masny [120], Auberchicourt [121], Lourches [122], Saulx [123], Roeulx [124], Neuville [125], Lieu-Saint-Amand [126], Bugnicourt [127], Monchecourt [128]. En revanche, les gens d'armes hainuyers en garnison à Bouchain mettent le feu à la moitié d'Abscon qui se tient française et dévastent tous les villages et hameaux jusqu'aux portes de Douai, notamment les villages d'Esquerchin [129] et de Lambres [130].
Escarmouche entre la garnison française de la Malmaison, composée d'Allemands dont Albrecht de Cologne est le chef pour l'évêque de Cambrai [131] et la garnison de Landrecies dont le seigneur de Potelles est capitaine pour le comte de Hainaut. Le seigneur de Potelles est tué par Albrecht de Cologne, mais les compagnons de celui-ci sont mis en déroute, tués ou faits prisonniers par les Hainuyers. P. 21 à 23, 211 et 212.
Le seigneur de Floyon succède au seigneur de Potelles comme gardien de Landrecies et chevauche souvent contre les garnisons françaises de Bohain, de la Malmaison, du Cateau-Cambrésis [132], de Beauvois [133] et de Serain [134]. Pendant ce temps, le comte de Hainaut, de retour d'Angleterre, s'est rendu en Allemagne auprès de l'empereur Louis de Bavière; et Jean de Hainaut est allé en Brabant et en Flandre implorer le secours du duc de Brabant, de Jacques d'Arteveld et des Flamands. P. 23, 24, 212, 213.