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Dissertation sur la nature et la propagation du feu

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SECONDE PARTIE.
De la Propagation du Feu.

I.
Comment le Feu est distribué dans les corps.

LE Feu est distribué ici-bas de deux façons différentes.

1o. Egalement dans tout l’espace, quels que soient les corps qui le remplissent, lorsque la température de l’air qui les contient est égale.

2o. Dans les créatures qui ont reçû la vie, lesquelles contiennent plus de Feu que les Végétaux, & les autres corps de la Nature.

Le Feu agit sur toute la Nature. Le Feu étant répandu par-tout, exerce son action sur toute la Nature, c’est lui qui unit & qui dissout tout dans l’Univers.

Mais cet être dont les effets sont si puissans dans nos opérations, se dérobe à nos sens dans celles de la Nature, & il a fallu des expériences bien fines, & des réfléxions bien profondes pour nous découvrir l’action insensible que le Feu exerce dans tous les corps.

Si l’équilibre que le Feu affecte, n’étoit jamais interrompu, ni dans nous-mêmes, ni dans les corps qui nous entourent, nous n’aurions aucune idée du froid, ni du chaud, & nous ne connoîtrions du Feu que sa lumiére.

Mais comme il est impossible que l’Univers subsiste, sans que cet équilibre soit à tout moment rompu, nous sentons presque à chaque moment les vicissitudes du froid & du chaud que l’altération de notre propre température, ou celle des corps qui nous environnent, nous font éprouver.

L’action du Feu, lorsqu’elle se cache, ou lorsqu’elle se manifeste à nous, peut être comparée à la force vive & à la force morte; mais de même que la force du corps est sensiblement arrêtée sans être détruite, aussi le Feu conserve-t-il dans cet état d’inaction apparente, la force par laquelle il s’oppose à la cohésion des parties des corps, & le combat perpétuel de cet effort du Feu, & de la résistance que les corps lui opposent, produit presque tous les Phénomenes de la Nature.

Ainsi on peut considérer le Feu dans trois états différens, qui résultent de la combinaison de ces deux forces.

1o. Lorsque l’action du Feu sur les corps, & la réaction des corps sur lui, sont en équilibre; alors c’est comme s’il n’y avoit point d’action, & les effets du Feu nous sont insensibles.

2o. Lorsque cet équilibre est rompu, & que la résistance des corps l’emporte sur la force du Feu; alors les corps se condensent, une partie du feu qu’ils contiennent est obligée de les abandonner, & ils nous donnent la sensation du froid.

3o. Enfin, lorsque l’action du Feu l’emporte sur la réaction des corps, alors les corps s’échauffent, se raréfient, deviennent lumineux, selon que la quantité du Feu qu’ils reçoivent dans leur substance est augmentée, ou que la force de celui qu’ils y renferment naturellement est plus ou moins excitée. Si cette puissance du Feu passe de certaines bornes, les corps sur lesquels il l’exerce se fondent ou s’évaporent; dans ce cas le Feu n’ayant plus d’antagoniste, force par sa tendance quaquaversum, les parties des corps à se fuir, à s’écarter l’une de l’autre de plus en plus, jusqu’à ce qu’enfin il les ait entiérement séparées.

Quelques Philosophes considérant avec quelle force les parties des corps s’éloignent l’une de l’autre dans l’évaporation (puisque la vapeur qui sort de l’eau bouillante augmente son volume jusqu’à 14000 fois) ont supposé dans les particules des corps une force répulsive, par laquelle elles s’écartent & se fuyent dans de certaines circonstances qui déployent cette force; mais cette vertu répulsive paroît n’être autre chose que l’action que le Feu exerce sur les corps, & par laquelle il combat la cohérence de leurs parties; ainsi de ces deux forces combinées, la cohérence des corps, & l’effort que fait le feu pour s’y opposer, résultent tous les assemblages & toutes les dissolutions de l’Univers, la cohésion unissant, comprimant, connectant les parties des corps, & le Feu, au contraire les écartant, les séparant, les raréfiant.

Il faut donc examiner les différens effets qui résultent de la combinaison de ces forces.

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