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Dissertation sur la nature et la propagation du feu

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III.
Du Feu produit par le frottement.

Cette seconde cause, qui manifeste le Feu que les corps contiennent, agit d’autant plus puissamment, que les corps que l’on frotte s’appliquent plus exactement l’un contre l’autre; ainsi trois choses peuvent augmenter les effets que le Feu produit par l’attrition.

1o. La masse des corps.

2o. Leur élasticité.

3o. La rapidité du mouvement.

La masse des corps fait que leurs parties se touchent en plus de points, c’est pourquoi un fluide, ou quelque matiere onctueuse interposée entre deux corps, diminuë beaucoup la chaleur excitée par le frottement, car ce fluide s’oppose au contact immédiat de ces corps en se glissant entr’eux; c’est en partie pour cette raison que l’on graisse le moyeux des rouës.

L’élasticité des corps fait que les oscillations de contraction & de dilatation que le frottement excite en eux, se communiquent jusqu’à leurs parties les plus insensibles, & que par conséquent le Feu retenu dans leurs pores, acquiert un plus grand mouvement.

Enfin la rapidité du mouvement de ces corps augmente cette action du Feu, car toute cause produit des effets d’autant plus grands, qu’elle est plus souvent & plus continuëment appliquée.

La production du Feu par le frottement, suit les loix du choc. Ainsi les effets que le Feu produit par le frottement, suivent les loix generales du choc des corps, puisqu’ils dépendent de la masse & de la vîtesse, quoique peut-être dans une proportion qui n’est pas assignable, par les changemens que la différente contexture des parties internes des corps y doit apporter.

L’attrition ne fait que déceler le Feu que les corps contiennent L’attrition ne produit point le Feu, mais elle le décele. dans leur substance; alors cette balance entre la puissance du Feu & la cohesion des parties des corps, n’est plus en équilibre, & cette supériorité de force, que le Feu acquiert par l’augmentation de son mouvement, se manifeste par la chaleur des corps que l’on frotte, & quelquefois par leur embrasement.

Cet effet n’est point produit par l’air, comme quelques-uns l’ont prétendu, puisqu’il s’opere dans le vuide.

Les corps les plus élastiques étant ceux qui s’échauffent le plus par le frottement, cette cause doit produire peu d’effet sur les fluides; (car lorsque les fluides s’échauffent soit par l’agitation, soit par la mixtion, ils ne s’échauffent que par le frottement de leurs Les fluides s’échauffent très-difficilement par le frottement. parties,) cette cause doit produire moins d’effet sur les fluides moins élastiques, c’est pourquoi l’eau pure s’échauffe très-difficilement par le mouvement seul, ses parties échappant par leur liquidité aux frottemens nécessaires pour mettre en action le Feu retenu dans ses pores; mais l’air au contraire, qui est très-élastique, s’échauffe très-sensiblement par l’attrition.

L’attrition est le moyen le plus puissant pour exciter le Feu. L’attrition des corps est en même tems la plus universelle & la plus puissante cause pour exciter la puissance du Feu, les effets qui sont pour nous le dernier période de sa puissance, & que le plus grand Miroir ardent n’opere que très-rarement, la percussion les produit en tout tems, & en tout lieu, dans le vuide, comme dans l’air, par la gelée la plus forte, comme par le tems le plus chaud; car si vous frappez fortement une pierre contre un morceau de fer, il en sort en quelque tems que ce soit, des étincelles, qui, étant reçûës sur un papier, se trouvent autant de petits globes de verre produits par la vitrification de la pierre ou du métal, & peut-être de tous les deux ensemble: c’est-là sans doute un des plus grands miracles de la Nature, que le Feu le plus violent, puisse être produit en un moment par la percussion des corps les plus froids en apparence.

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