Dissertation sur la nature et la propagation du feu
XII.
Du Refroidissement des corps.
Les corps les plus solides sont ceux qui se refroidissent le plus lentement. 1o. Plus un corps reçoit difficilement le Feu dans ses pores, & plus il l’y conserve long-tems, car ce corps résiste par sa masse & par la cohérence de ses parties, à l’effort que fait le Feu pour l’abandonner; ainsi plus un corps est solide, plus il se refroidit lentement.
2o. Les corps légers au contraire cédant aisément à l’action du Feu, s’échauffent plus promptement, & se refroidissent de même; ainsi le Feu échauffe davantage les plus grands, & plus long-tems les plus massifs, car il se distribuë selon les espaces & non selon les masses.
3o. Deux globes de Fer également échauffés, conservent leur chaleur en raison directe de leur diametre; car plus leur diametre est grand, moins ils ont de surface par rapport à leur masse, & moins le Feu trouve d’issuë pour s’échapper de leurs pores; & de plus, l’air extérieur qui les environne les touchant en moins de points, prend moins de leur chaleur.
Conjecture sur la forme du Soleil. Par la même raison, la figure sphérique est la plus propre à conserver long-tems la chaleur, car c’est de toutes les figures celle qui a le moins de surface, par rapport à sa masse, & le Feu ne trouve dans un globe aucun endroit qu’il puisse abandonner plus aisément qu’un autre, car ils lui opposent tous une résistance égale.
Cette raison pourroit faire croire que le Soleil & les Etoiles fixes, sont des corps parfaitement sphériques (en faisant abstraction de l’effet de leur force centrifuge.)
4o. Les corps qui prennent le plus de la chaleur des autres corps, sont réputés les plus froids; c’est pourquoi le Marbre nous paroît plus froid que la Soye, car les corps les plus denses, sont ceux qui prennent le plus de notre chaleur, parce qu’ils nous touchent en plus de points, & le Marbre étant spécifiquement plus dense que la Soye, doit nous paroître plus froid.
En quelle raison les corps communiquent leur chaleur. 5o. Un cube de Fer chaud étant mis entre deux cubes froids, l’un de Marbre, & l’autre de Bois, ce Fer se refroidira plus par le contact du Marbre, mais il échauffera davantage le Bois dans un même tems, car le Marbre s’échauffe plus difficilement que le Bois, à peu près en raison de la pésanteur spécifique de ces deux corps.
Mais si on laisse ces trois cubes assez long-tems dans un même lieu, la chaleur du cube de fer se distribuera aux deux autres, & à l’air qui les entoure; de façon qu’au bout de quelque tems, ils seront tous trois de la même température que l’air dans lequel ils sont.
Du refroidissement des fluides. 6o. Les différentes liqueurs se refroidissent dans un tems proportionnel à peu près, à leur masse, & à la glutinité de leurs parties.
7o. La chaleur des corps qui se refroidissent, est plus forte au centre, car le Feu abandonne toujours la superficie la premiere.
8o. L’eau qui éteint le Feu, conserve le Phosphore d’urine, car ce Phosphore, tant qu’il ne brûle pas, est comme un Feu éteint, ainsi l’eau l’éteint en un sens en le conservant; c’est une espece de créature qu’on lui confie, & qu’elle rend dès qu’on la lui redemande.
Toutes ces regles, selon lesquelles le Feu abandonne les corps, sont sujettes à des exceptions, de même que celles selon lesquelles il les pénetre, mais le détail en seroit infini.
Le Pyrometre qui nous a appris la marche de la dilatation des corps, nous marque aussi celle de leur contraction: en général, les corps se contractent d’autant plus lentement qu’ils se sont moins dilatés par un même Feu, & vice versâ, le Feu abandonne les corps plus lentement qu’il ne les pénetre, &c. Mais les bornes que je me suis prescrites, ne me permettent pas d’entrer dans le détail de ces expériences.