Dissertation sur la nature et la propagation du feu
IV.
Si le Feu a toutes les proprietés de la matiere?
Mais quel est cet être que nous appellons Feu? a-t-il toutes les propriétés de la matiére? Voilà ce que la sagacité des Boyle, ces Musschenbroek, des Boërhaave, des Homberg, des Lémery, des s’Gravesande, &c. n’a pû encore décider.
Non nostrum inter vos tantas componere lites.
Il semble qu’une vérité que tant d’habiles Physiciens n’ont pû découvrir, ne soit pas faite pour l’humanité. Quand il s’agit des premiers principes, il n’y a guéres que des conjectures & des vrai-semblances qui nous soient permises. Le Feu paroît être un des ressorts du Créateur, mais ce ressort est si fin qu’il nous échappe.
Le Feu est étendu, divisible, &c. Nous voyons clairement dans le Feu quelques-unes des propriétés de la matiere, l’extension, la divisibilité, &c. Il n’en est pas de même de l’impénétrabilité & de la tendance vers un centre, on peut très-bien douter si le Feu possede ces deux propriétés de la matiére.
Toutes ces propriétés que nous appercevons dans la matiére n’étant que des phénomenes[2], il n’y a aucune contradiction à supposer qu’il y ait des composés dans lesquels ces phénomenes ne se développent pas; car on ne peut nier que les êtres simples de l’assemblage desquels tous les êtres sensibles résultent, pourroient être combinés de façon qu’il ne résulteroit de leur union aucun des phénomenes que nous regardons Mais il n’est peut-être ni grave, ni impénétrable. comme des propriétés inséparables de l’être qu’on nomme matiére, c’est donc à l’expérience à nous apprendre si le Feu est grave & impénétrable.