Dissertation sur la nature et la propagation du feu
VI.
Comment le Feu agit sur les Végétaux & sur les Animaux.
Le Thermometre nous apprend que les créatures qui ont reçu la vie, contiennent une plus grande quantité de Feu que les autres corps de la Nature, la plus grande chaleur de l’Eté étant, dans nos climats, de 80, & rarement de 84 degrés, & celle d’un Homme sain de 90 ou 92 Le principe de la vie paroît être dans le Feu. degrés, & même dans les Enfans elle va jusqu’à 94. Ainsi le principe de la vie paroît être dans le Feu, puisque les créatures animées en ont reçu une plus grande quantité que les autres, & que les Enfans, en qui le principe de la vie est encore tout entier, ont un plus grand degré de chaleur que les Hommes faits, & les Hommes faits plus que les Vieillards.
La chaleur du sang d’un Bœuf est à celle de l’eau bouillante à peu-près comme 14 3/11 est à 33, c’est-à-dire, un peu moins de la moitié; la chaleur de l’eau bouillante fait monter le Thermometre à 212 degrés dans l’air ordinaire, ainsi ces Animaux ont un plus grand degré de chaleur que nous, aussi sont-ils plus vigoureux.
Page 148. Le célébre Boërhaave, dans son excellent Traité du Feu, rapporte qu’ayant mis plusieurs Animaux dans un lieu où l’on séche le Sucre, & dont la chaleur étoit de 146 degrés, non-seulement ils y moururent tous en peu de tems, mais leur sang & toutes leurs humeurs se corrompirent, de façon qu’ils rendoient une odeur insupportable. Les Hommes ne peuvent soutenir la chaleur de ce lieu, & il faut que les ouvriers qui y travaillent, se relayent presque à chaque instant pour aller respirer Quel degré de chaleur feroit périr tous les Animaux. de nouvel air. M. Boërhaave conclut de cette expérience & de quelques autres, que nous mourerions bientôt, si l’air qui nous entoure, faisoit seulement monter le Thermometre à 90 degrés; ainsi nous pouvons regarder à peu près ce degré de chaleur comme le point auquel toute l’espece animale périroit.
En 1709, le Thermometre fut à 0 degrés en Islande, & l’espece animale ne périt point; ainsi il est vraisemblable que nous sommes plus capables de supporter un grand froid qu’un grand chaud, pourvû cependant qu’il ne soit pas continué.
La végétation cesse au point de la congélation, car quoique les Arbres & quelques Herbes, comme l’herbe à foin, y résistent, elles ne végétent Quel est le terme où le froid fait cesser la végétation. point tant que l’air a cette température; ainsi ce terme peut être regardé comme celui de la végétation du côté du froid, & s’il étoit continué, les Arbres & les Plantes ne végétant plus, seroient bientôt entierement détruits.
Le degré de chaleur de la Cire fonduë qui, nageant sur de l’eau chaude, commence à se coaguler, peut être regardé comme le point extrême de la végétation du côté du chaud; car puisqu’une plus grande chaleur fondroit la Cire qui est une substance végétale, cette chaleur disperseroit & sépareroit les matieres nutritives, au lieu de les amasser & de les unir, & les Plantes ne pourroient alors que déperir.