Dissertation sur la nature et la propagation du feu
VIII.
Si le Feu est la cause de l’Elasticité.
Le Feu n’est point la cause de l’élasticité. Cette nécessité de l’air élastique pour entretenir l’action du Feu, prouve bien clairement, ce me semble, que le Feu, loin d’être la cause de l’élasticité de l’air, comme quelques Phénomenes pourroient d’abord le faire croire, en est au contraire le destructeur, car on voit toujours le Feu détruire cette proprieté dans l’air, & dans tous les corps.
Il la détruit dans l’air & dans tous les corps. 1o. Le Feu détend le ressort de tous les corps, puisque ce n’est que par cet effet qu’il les rarefie: or un corps est d’autant moins élastique que son ressort est plus détendu, & il n’y a pas même d’autre moyen de faire perdre l’élasticité à l’air & à tout autre corps, que de détendre son ressort: Donc puisque celui de l’air & d’un corps quelconque, est d’autant plus détendu qu’il est plus échauffé, le Feu ne peut être la cause de l’élasticité de l’air, ni de celle d’aucun corps.
2o. Il est vrai que lorsque l’air est comprimé, le Feu augmente son ressort; mais cette augmentation suit la raison des poids qui le compriment, & non celle du Feu qu’on lui applique: Donc ce n’est pas le Feu qui lui donne l’élasticité, & il n’augmente celle de l’air comprimé, que parce que l’air résiste à l’effort que fait le Feu pour détendre son ressort, à proportion des poids qui le compriment.
3o. L’air de la moyenne région reçoit plus de rayons, & des rayons plus directs que l’air d’ici-bas, car ces rayons n’ont point d’atmosphere à traverser, & cependant cet air est bien moins élastique que celui qui est près de la surface de la Terre.
4o. Une bougie que l’on met sous un récipient avant d’en avoir pompé l’air, détruit l’élasticité de cet air, & ne s’éteint même qu’à cause de ce manque d’air élastique; cependant si le Feu causoit l’élasticité, il ne pourrait la détruire, & cet air devroit être très-élastique.
5o. Tous les corps perdent leur élasticité par l’action du Feu, l’eau liquide, les métaux en fonte, qui sont à peu près aux métaux froids, ce que l’eau liquide est à la glace, tous les corps enfin cessent d’être élastiques, dès que le Feu les a pénetrés: Donc le Feu détruit l’élasticité, loin de la produire. Ce n’est pas ici le lieu d’examiner ce que c’est que l’élasticité des corps; il me suffit d’avoir prouvé que le Feu, loin d’en être le principe, en est le destructeur, & que s’il y contribuë, c’est en s’y opposant.