Eldorado : $b roman
III
Depuis près d’une heure, Armand Reboul se trouvait bloqué dans l’inconnu affreux des ténèbres. Sa course affolée à la découverte de Mme Rolande l’avait égaré, de couloir en couloir, en une sorte de labyrinthe si obscur qu’il désespérait d’en sortir… Où était-il ? il ne savait plus, ne se souvenait que d’une chose : qu’à un moment, attiré par un bruit de voix qui s’élevaient d’un creux et voulant se renseigner, il avait descendu quelques marches raides comme une échelle : mais il avait rencontré une mare profonde. Des hommes perçaient un trou dans la coque du navire pour écouler toute cette eau. Alors, il était remonté précipitamment, et c’était à cet instant-là qu’il avait dû se perdre… A droite, un amas de colis, auquel il venait de se meurtrir les genoux ; à gauche, une porte fermée qu’il avait en vain essayé d’enfoncer à coups d’épaule ; derrière lui, une impasse ; devant, un étroit escalier en colimaçon, d’où tombait une lueur de caverne. Il l’avait gravi et s’était arrêté en face d’un spectacle terrifiant : la passerelle s’effondrant tout à coup au milieu des flammes. Impossible de franchir cette fournaise, pour regagner l’arrière. A l’avant, un autre foyer d’incendie barrait également la route. Plus d’issue sur le pont ! Un des bœufs échappés avait failli lui enfoncer ses cornes dans le ventre… Rebroussant chemin, Reboul s’était de nouveau engouffré dans les abîmes d’ombre où il ne se reconnaissait plus ; et, après avoir tâtonné, ramoné la nuit de ses mains fébriles, le long des murs invisibles, il était demeuré là, immobile, dans une angoisse atroce, redoutant d’être cerné par le feu, s’estimant perdu.
Longtemps, il s’était égosillé à appeler au secours ; aucun écho n’avait répondu à sa voix. Enfin, après une attente mortelle, le jour grandissant fit pénétrer jusqu’à lui un peu de clarté. Il remonta l’escalier, se précipita au dehors, avide de lumière. Il pleuvait à torrents, un déluge providentiel inondant le pont, combattant à la fois l’incendie et la tempête. Les débris de la passerelle ne flambaient déjà plus. Reboul passa, atteignit l’arrière, gagna le couloir des premières classes.
— Xanie ! cria-t-il.
Peut-être, maintenant, se trouvait-elle dans sa cabine. La porte en était entr’ouverte, il entra.
Mme Roland, à genoux, priait au pied de sa couchette.
— Xanie ! répéta-t-il.
Elle se releva, le regarda avec douceur et dit d’une voix qui ne trahissait ni trouble ni épouvante :
— Armand, adieu !… Je vous permets de m’embrasser pour la dernière fois.
Il allait s’élancer vers elle et l’étreindre, mais le ton même dont elle avait prononcé ces paroles le retint. Elle avait encore, malgré son négligé, sa chevelure défaite, ce parfum de vertu hautaine qui inspire à la passion plus de ferveur que de désir, plus de sentiment que de sensualité. Il ne semblait pas que l’apparition de la mort eût sur elle d’autre pouvoir que d’aggraver sa mélancolie, cette fierté douce qui s’exhalait de toute sa personne et cette expression indéfinissable d’au-delà par laquelle se dénoncent les âmes qui n’ont jamais vécu leur vraie vie : natures d’élite asservies à l’inexorable médiocrité, rêveurs descendus des purs sommets dans les bas-fonds des réalités sociales.
Reboul s’approcha et la baisa au front. Un moment, ils demeurèrent sans voix, face à face, et leurs regards seuls se parlèrent, exprimant tout le rêve et toute la souffrance d’une vie, tout ce qu’il y avait en eux d’inassouvi, de profond et d’intraduisible, mille choses délicieuses et tristes qui confusément s’évoquaient, se noyaient dans leurs larmes, tremblantes au bout des cils et qui les aveuglaient. Celles de Mme Roland coulèrent les premières, le long des joues pâles, jusqu’au pli douloureux des lèvres. Plus éloquentes que les paroles, plus troublantes que les aveux, elles confessaient tout : sa longue patience, les révoltes de sa chair, ses exaltations réprimées, ses nuits de fièvre, ses réveils désolés et les désillusions, les dégoûts subis dans sa soumission d’épouse, son bonheur perdu, sa vie manquée, le continuel adultère de son cœur.
— Je n’avais qu’une crainte, dit Armand, c’était de mourir sans vous avoir revue… Oh ! j’ai passé une nuit horrible en vous cherchant et en vous appelant partout, dans les ténèbres et dans le tumulte. Je ne pensais pas à la mort, je ne pensais qu’à vous, et par moments, à cette pensée, au milieu de mon angoisse et de ma torture, c’était un flot de bonheur qui m’inondait… La vie sans vous me semble plus désolante mille fois que la mort dans vos bras, avec vos caresses !… Xanie, ce serait affreux et vous seriez la plus cruelle des femmes, si vous me repoussiez encore… La vertu est coupable, quand elle fait tant souffrir. Existe-t-il, à cette heure, une loi, un devoir, une morale qui puisse nous interdire d’être l’un à l’autre ?
Comme pour prévoir une objection et vaincre un dernier scrupule, il ajouta d’une voix plus basse, mais frémissante de passion, de douleur et d’indignation :
— Votre mari, je l’ai vu, cette nuit, grelottant de peur, affolé. Vous n’existiez plus pour lui, il ne pensait qu’à se sauver lui-même… Moi, je vous aime, et vous m’aimez aussi. Qu’importe à présent tout le reste ? Enivrons-nous de nos baisers jusqu’à notre dernier souffle, jusqu’au fond de cet océan qui va nous engloutir !
Très pâle, Mme Rolande s’abandonnait peu à peu, et des paroles de pitié s’échappaient de ses lèvres tremblantes… Toute une existence dévastée pour aboutir à cet instant de volupté tragique ! Et ils allaient sombrer sans avoir étanché leur soif dévorante. Toutes les barrières, les obstacles autrefois dressés contre leur idéal croulaient en même temps que leurs espérances… C’était vrai, la mort la libérait des chaînes sociales. Elle pouvait l’aimer, maintenant, lui en faire l’aveu et se donner toute. Elle baissa un peu les paupières pour dire :
— Je vous aime, acceptons ce triste bonheur qui vient trop tard et durera si peu !
Alors, simple, sans pudeur affectée, frissonnante et baignée de larmes, elle commença à se dévêtir. Mais un grand cri d’effroi jaillit de sa gorge béante.
La porte de sa cabine venait de s’ouvrir, brusquement.
Une stature colossale, monstrueuse, se dressait devant eux.
C’était Marzouk… Les yeux injectés, les bras ouverts, terrible, il s’avançait vers Mme Rolande.
— Moi d’abord, dit-il.
D’un bond, Reboul se jeta sur le monstre.
Une lutte horrible, inégale, allait s’engager. Marzouk leva son poing formidable pour terrasser d’un coup son dérisoire adversaire.
Au même instant, il y eut un choc d’une violence telle que les deux hommes roulèrent sur le plancher. Les ais grincèrent affreusement, les hélices parurent se bloquer ; puis, au lieu de la trépidation des machines, ce furent des échappées stridentes de vapeur. On eût dit que le paquebot se vidait de toutes ses énergies, hoquetait ses derniers râles dans une agonie effrayante de bête énorme, touchée aux sources mêmes de la vie.
Reboul avait cru sentir éclater son crâne contre la cloison. Il se redressa, constata qu’il n’était que légèrement blessé à la tête. Marzouk avait disparu. Mme Rolande n’avait aucun mal.
Elle crut que le navire sombrait.
— Fuyons, dit-elle… Oh ! vite ! le temps passe !
Et ce fut elle qui l’entraîna, tandis qu’étourdi encore par sa chute, il la suivait sans savoir.
Ils s’enfermèrent dans une autre cabine, qui était celle de Reboul. En toute hâte, craignant qu’il fût déjà trop tard, elle acheva de se dévêtir, découvrit sa nudité intrépide, et ils s’étreignirent comme s’ils disparaissaient au fond d’un océan de félicité.
L’Eldorado venait d’échouer sur l’Abrolhos, un rocher abrupt, émergeant au sud-ouest de l’Atlantique, et dont le nom signifie en langue espagnole : ouvre l’œil.
Sur le pont, les mêmes scènes atroces et sauvages recommençaient. La foule des émigrants, sous l’averse torrentielle, se ruait vers l’unique embarcation qu’avaient épargnée la tempête et l’incendie, maintenant presque éteint. Un mulâtre brandissait son couteau pour se frayer un passage à travers la mêlée hurlante et furieuse. Des clameurs s’entrecroisaient :
— Nous sommes échoués !
— Nous coulons !
— Prenez vos ceintures !
— Les canots ! les canots !
Parmi les officiers de l’équipage, un troisième lieutenant avait seul survécu, et, méconnaissable de rage, il criait au chef mécanicien qui sortait de la chaufferie :
— Mes ordres, mes ordres !… J’ai commandé « machine en arrière ! ». Nous sommes sur un haut fond, je veux dégager le navire.
— Impossible ! déclara le mécanicien.
— Vous refusez d’obéir.
— Oui !
— Prenez garde !
— Mes cylindres sont engorgés de sable, pensez-vous que je vais risquer une explosion ?
— Vous n’avez pas à discuter… Machine en arrière, nom de Dieu ! machine en arrière !
— Jamais ! Laissez-moi tranquille.
Le petit lieutenant sortit un revolver, le braqua sur le chef mécanicien.
— Si vous n’obéissez pas, je vous tue comme un chien !
Marzouk, qui assistait à ce colloque, étendit le bras, arracha sans effort l’arme de la main du lieutenant :
— Allons, pas tant de rouspétance, fit-il. Donnez-moi ça. Vous n’êtes pas le maître ici.
Et, tranquillement, il s’en retourna, traversa la foule en roulant des yeux de despote.
— Jette ça à la mer, ordonna-t-il au mulâtre qui brandissait son couteau.
Le mulâtre obéit.
— C’est bien, dit Marzouk.
Maintenant, le vrai maître, c’était lui. Tous devaient se soumettre, car il était le plus fort… Chacun son tour à commander et à faire des siennes, en ce monde. Les bourgeois des premières n’avaient plus qu’à se bien tenir. Ses muscles puissants saillirent dans un défi collectif à tous les hommes, à tous les destins, à toutes les morts.
D’abord, il s’empara de l’unique chaloupe.
— Si quelqu’un y touche, je lui casse la gueule ! dit-il.
Mais il ne se hâta pas d’y descendre. Si le navire coulait, il serait temps alors. Et si quelque chose d’autre arrivait, on pourrait voir.
Le troupeau des naufragés reculait, effaré, dompté déjà, devant ce colosse effrayant, haut de deux mètres, dépassant de toute la tête les plus grandes tailles. Les bras nus, le revolver au poing, il se dressait, menaçant et formidable, sur le fond du ciel sombre, fondant en pluie diluvienne.
Il s’était assuré qu’il n’y avait plus de péril immédiat. La large fente produite par le choc, sur la muraille de tribord, à la hauteur des ancres, s’étendait presque toute au-dessus de la surface d’eau ; on avait aisément réussi à l’aveugler en la bourrant de matelas et de ciment. Des hommes, affalés avec des cordes le long des flancs du paquebot, ne constataient pas d’autre avarie sérieuse. Le reste de l’équipage s’employait à épontiller solidement la cloison étanche, explorait la cale, transportait à l’arrière toutes les marchandises lourdes. Et l’Eldorado qui, au début, avait plongé sous le poids de l’eau envahissant son avant, se redressait peu à peu, tombait enfin sur l’arrière, faisant ainsi émerger la partie de la fente située sous la ligne de flottaison.
Seul, le pont, avec ses deux cheminées blanches de sel, avait terriblement souffert, dévasté par le feu et la tempête. Partout, des ravages et des ruines, les canots brisés, les roufles aplatis, les banquettes réduites en cendres, tout le gaillard d’avant incendié, fumant encore. Un spectacle funèbre, un vrai champ de bataille couvert de débris, de blessés, de bêtes agonisantes, noyées, brûlées, éclopées, parmi les amarres se tordant comme des serpents coupés. Les cadavres du commandant Lagorce, des deux premiers lieutenants et de cinq matelots gisaient sous les décombres de la passerelle. Çà et là, des bœufs abattus, les jambes cassées, respiraient encore, ouvrant de grands yeux, poussant de longs beuglements douloureux. Personne ne pensait à les achever. Et des canards heureux, échappés de leur cage, nageaient gravement, au milieu du désordre, dans un demi-pied d’eau, où flottaient des dindes et des chapons noyés.
Marzouk semblait seul victorieux sur ce champ de bataille, victorieux de la tourmente, du feu et des hommes, de cette foule qui grouillait là, livide, terrorisée, défaite.
Soudain, une troupe de comédiens, douze sujets, six hommes et six femmes, débouchèrent à la débandade, en titubant, de l’escalier des secondes. Ils étaient très soûls, n’ayant cessé depuis la veille, de noyer dans du champagne, du cognac et de la bière, leur épouvante de la mort. Tous avaient leur masque tragique des galas shakespeariens. Julia, l’ingénue, sanglotait aux bras de la duègne. M. Séraphin, le jeune premier, se tordait les mains dans un grand geste amer et désolé. Mme Beaujois, second prix du Conservatoire, rendait. Mais M. Alvar, le grand premier rôle, chef de la troupe, s’était avancé, très digne, héroïque, devant la foule, prétendant organiser la mise en scène du désastre. Il avait longtemps joué Napoléon et lui ressemblait un peu, bien qu’à la longue son masque imberbe d’histrion eût dévoré les contours césariens de sa figure. Le bras levé, sublime, il réclamait le silence, prenait d’autorité le plus beau rôle dans le drame, et sa voix empâtée par l’ivresse parvint à se faire entendre :
— Mes amis, du sang-froid, du courage !… C’est le moment d’en avoir !… Il est dans la vie des heures tragiques…
Marzouk, à la fin indigné de cette usurpation de pouvoir, dressa le poing :
— Ferme ! sale cabot, ou je te dégringole !
Lui-même était impuissant à rétablir le calme. Les lamentations, les appels désespérés, les invocations et les bordées d’imprécations à la Vierge, les pleurs des enfants, le beuglement énorme des bœufs blessés et jusqu’au coin-coin des canards, faisaient un charivari infernal. Et c’était, de l’un à l’autre bord, une galopade affolée vers on ne savait quelle porte de salut, dans un besoin fougueux de vivre, fût-ce parmi la mort de toutes choses.
Bien que tout danger de submersion fût momentanément conjuré, la situation restait redoutable. La machinerie, désormais hors de service, rendait impossible toute tentative pour dégager le paquebot. On était à six jours de toute côte, loin de la ligne suivie par les transports. Il y avait donc peu de chances pour qu’un autre navire les aperçût jamais. Les vivres pouvaient durer quelques semaines, mais après ?
Danglar, qui avait reparu, exposait la situation au milieu d’un cercle. Son ruban rouge exerçait encore du prestige. On l’écoutait les yeux brûlants de fièvre et d’anxiété, et quand il eut fini de parler, ce furent de nouvelles clameurs désespérées :
— Nous sommes perdus ! perdus à jamais !
— Nous n’avons plus que quelques jours à vivre !
— Nous allons tous périr dans les tortures de la faim !
Des passagers rejetaient ces ceintures de sauvetage pour la possession desquelles ils avaient failli s’entretuer tout à l’heure. La foule s’éparpillait, courait dans toutes les directions, soudain affamée et en quête de vivres, comme si toutes les provisions eussent dû manquer le même soir. A la terreur de la mer succédait la folie de la faim. Des bandes d’émigrants envahissaient le roof d’avant, par où l’on accédait à la cambuse de distribution. M. Conseil suivait, effaré, livide, tâtant machinalement le ceinturon de cuir qui renfermait son or. Et des femmes passèrent aussi, des bourgeoises logées aux premières classes, Mme Bineau, aux rondeurs plantureuses, Mme Chabert, si chaste et si prude, court vêtue, le corsage négligemment ouvert, montrant des seins fanés par toute une vie d’austérité conjugale. Les Siciliennes à leur tour dévalèrent en un troupeau hurleur, où des marmots roulaient, piétinés, parmi les vociférations assourdissantes.
Une femme égarée, les cheveux épars, tomba aux pieds de Marzouk.
— Sauvez-moi ! Sauvez-moi !… Vingt mille francs pour vous, si vous me sauvez !
C’était Mme Larderet. Elle allait de l’un à l’autre, blême, éperdue, répétant la même supplication, s’accrochant aux vêtements des hommes.
D’abord, Marzouk fit un geste pour la repousser, mais l’ayant regardée, il s’arrêta, surpris, et ses yeux s’allumèrent tout à coup d’une concupiscence. Il la trouvait à son goût, grasse, tétonneuse, opulente.
— Reste-là, ma petite chatte, dit-il, et n’aie pas peur, on ne te fera pas de mal.
La pluie avait cessé, un rayon de soleil traversa les nuages, et une voix triomphale s’éleva dans le tumulte. Si-Mohamed, le fataliste musulman, chantait. Assis dans un coin, les jambes croisées, selon sa coutume, il était demeuré impassible durant tout le sinistre, le regard perdu dans une fixité vague, exprimant sa conviction inébranlable de l’inutilité de tous les efforts humains, de toutes les tentatives pour échapper au destin, à ce qui était écrit, à la loi mystérieuse et inéluctable qui dirigeait le monde et tous les êtres vers des fins ignorées. Allah seul était grand, la soumission seule raisonnable, tout le reste agitation vaine et folie pure. Sa voix aiguë et nasillarde recommençait sa mélopée bizarre, monotone comme l’infini, lente comme l’éternité, vague comme l’inconnu qui enveloppe les destinées humaines. Pourquoi tant de cris, de gémissements et de terreur ? Quand notre heure avait sonné, il n’y avait plus qu’à s’incliner. Inutile autant qu’absurde lui paraissait cet entêtement des hommes civilisés, ceux qui prétendent tout connaître, tout discuter, à lutter contre les événements… Ce qui arrive devait arriver, et tout, depuis le commencement des siècles, depuis la course des astres dans le firmament jusqu’à l’écrasement d’une fourmi, se trouvait ordonné par une puissance supérieure, en vue de l’harmonie universelle. Ainsi, le plus insouciant était le plus sage et le seul philosophe.
Marzouk se retourna vers cet étrange personnage, le considéra un instant, avec étonnement, sans comprendre.
— Qu’est-ce que c’est donc que cet oiseau-là ? murmura-t-il.
Si-Mohamed continuait à chanter.
— Veux-tu te taire ! s’écria Marzouk.
Si-Mohamed chantait toujours.
— Tais-toi, ou je t’écrase !
Mais la voix du fataliste s’éleva plus haut encore, bénissant cette fois Allah du don magnifique de son soleil qui venait de resplendir tout entier, en plein zénith, avec tant d’éclat et de soudaineté que l’Arabe lui-même dut clore un peu sa paupière dolente.
Alors, Marzouk, sentant qu’il n’y avait rien à faire contre une telle puissance d’inertie, se borna à hausser les épaules en s’éloignant.