La bibliothèque nationale : $b Son origine et ses accroissements jusqu'à nos jours
DE HENRI II A HENRI IV. (1547-1559).
François Ier ne se contenta pas de réunir des livres; il les livra généreusement aux savants qui avaient besoin d’y recourir. Le premier résultat de ces mesures libérales fut la mise en état des volumes qui étaient l’objet de communications et le développement de l’art de la reliure. A cette époque, la reliure était un art et, à ce titre, François Ier lui devait une protection qu’il ne lui marchanda pas. On compte dans les collections de la Bibliothèque nationale un assez grand nombre de volumes manuscrits et imprimés, reliés aux armes de François Ier: les couvertures attestent le bon goût de ce prince et le talent de l’artiste qui les a exécutées. Elles sont en cuir et portent généralement les armes de France accompagnées d’F couronnées et de la salamandre.
Henri II aimait, comme son père, les belles reliures. On n’évalue pas à moins de huit cents le nombre des volumes qui ont été reliés pour son compte. Ils se distinguent par des H couronnés, des D et des C entrelacés, des croissants, des arcs et des carquois. Les uns ont cru voir dans ces emblèmes les marques de l’amour du roi pour Diane de Poitiers, les autres un hommage à Catherine de Médicis. Quoi qu’il en soit, tous ces volumes se recommandent à notre admiration par la beauté et la richesse des ornements qui les décorent, par la variété et la délicatesse des dessins qui les recouvrent. Les reliures aux armes de François II, de Charles IX, de Henri III, encore plus rares, ne sont pas moins dignes d’attention, ce sont des monuments précieux qui prouvent le degré de perfection auquel l’art de la reliure était parvenu à cette époque, en même temps qu’ils rappellent la protection et les encouragements que les Valois lui accordèrent. Des amateurs célèbres, les Grolier, les Maïoli, dont les reliures sont aujourd’hui si hautement appréciées, furent leurs contemporains.
Ce n’est d’ailleurs qu’en raison de leur goût pour les belles reliures que les descendants de François Ier méritent d’être cités dans une histoire de la Bibliothèque du roi, car à part la collection de livres du président Aymar de Ranconnet qui, à ce qu’on pense, fut réunie aux biens de la couronne par François II, la Bibliothèque ne reçut, sous leur règne, aucun accroissement sérieux. Les guerres civiles et religieuses qui déchiraient alors la France arrêtèrent ses progrès malgré les efforts des hommes remarquables auxquels ces princes en avaient confié la garde.
A la mort de François Ier, Pierre Du Châtel avait continué ses fonctions de maître de la librairie, et il avait usé de son crédit auprès de Henri II pour attirer la protection du roi sur la Bibliothèque. Sous sa direction, Ange Vergèce travailla à la rédaction d’un inventaire des manuscrits grecs de la librairie de Fontainebleau, contenant l’indication de 260 volumes, suivi bientôt d’un second catalogue dressé par Constantin Palœocappa. P. Du Châtel mourut en 1552 et fut remplacé dans la charge de maître de la librairie par Pierre de Montdoré, conseiller au grand Conseil. Ce savant mathématicien resta à la tête de la Bibliothèque du roi jusqu’en 1567; à cette époque, il fut accusé d’être partisan de la réforme et obligé de s’enfuir. Son successeur fut le célèbre traducteur de Plutarque, Jacques Amyot. Plus heureux que P. de Montdoré, Amyot garda sa charge jusqu’à sa mort en 1594, mais il ne paraît avoir apporté à la Bibliothèque que l’éclat de son nom: son administration n’a guère laissé que le souvenir des facilités qu’il donnait aux savants pour consulter les livres du roi.
Au-dessous de J. Amyot, Jean Gosselin exerçait les fonctions de garde de la librairie, et ce fut lui qui, sous le règne de Charles IX, reçut l’ordre de faire venir la Bibliothèque de Fontainebleau à Paris[1]. Transporter la Bibliothèque de Fontainebleau au milieu des troubles de la Ligue, c’était l’exposer à de terribles dangers, et elle ne put y échapper. Gosselin a rappelé les péripéties par lesquelles passèrent les collections royales pendant cette triste période. Dans la crainte d’être compromis comme ligueur, il s’enfuit de Paris croyant les livres du roi à l’abri des convoitises parce qu’il les avait renfermés dans une salle dont il avait barricadé la porte avec une barre de fer et qu’il en emportait la clef. La serrure fut crochetée, la muraille enfoncée et le président de Nully et ses amis pénétrèrent dans le dépôt d’où on les vit «s’en aller portant d’assez gros paquets sous leurs manteaux.» Livrée à leurs mains, la librairie entière aurait probablement été pillée, sans l’intervention du président Brisson qui «à ma requeste et sollicitation» ajoute Gosselin «a empêché leur intention.»