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La bibliothèque nationale : $b Son origine et ses accroissements jusqu'à nos jours

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PÉRIODE CONTEMPORAINE.


Dès les premières années de la Restauration, la Bibliothèque trouva auprès du gouvernement, bien que les temps fussent difficiles, un appui pour des acquisitions extraordinaires. En 1817, on annonçait la vente de la bibliothèque Mac-Carthy. «Cette fameuse bibliothèque, écrivait Van Praet, fruit de 40 ans de recherches, de soins et de dépenses, consiste principalement en monuments typographiques uniques dont la plupart remontent à l’origine de l’imprimerie et en livres imprimés sur vélin, ornés des plus curieuses miniatures et d’autant plus précieux que plusieurs ont été faits pour nos rois et leur ont appartenu.» Au nombre de ces monuments se trouvait le Psautier de Mayence, de 1457, le premier livre imprimé avec date. Le budget de la Bibliothèque était bien modique pour participer à une vente aussi considérable. Le conservatoire fit appel à la sollicitude de Louis XVIII; le roi donna 20,000 fr. sur sa cassette, le ministre une somme égale sur les fonds de son département. 39,255 francs furent employés à l’acquisition des plus remarquables volumes qui manquaient à la Bibliothèque; le Psautier qu’elle poursuivait lui fut adjugé.

Le Cabinet de médailles celtibériennes de Florès, la première collection d’antiquités égyptiennes rapportées par M. Cailliaud furent l’objet d’un nouveau supplément de fonds. Grâce à la sollicitude du duc Decazes qui accorda à la Bibliothèque, en sus des crédits ordinaires, une somme de 24,000 fr., le département des médailles s’enrichit d’environ 2,500 pièces puniques, celtibériennes, phéniciennes, etc., ainsi que d’une suite importante de monuments d’Egypte. En 1821, le comte Siméon, ministre de l’Intérieur, autorisa l’acquisition de la collection qu’un agent français dans le Levant, M. Cousinéry, avait mis 30 ans à former. Les 5,350 pièces dont elle se composait vinrent compléter les séries des villes grecques ou de l’Asie-Mineure conservées dans les médailliers de l’Etat. Sur les 60,000 fr. qu’elle coûta, 34,000 fr. furent payés par le Ministère.

Le ministère du comte de Corbières ne fut pas moins bienveillant. Il accorda 150,000 fr. de crédits supplémentaires pour l’acquisition du Zodiaque de Dendérah, de la 2e collection Cailliaud, des livres et manuscrits orientaux de Langlès, des estampes des collections Denon et Desenne, des médailles grecques de Caldavène et du cabinet Allier de Hauteroche.

En résumé, la Bibliothèque, dans une période de 14 ans, reçut tant du gouvernement de Louis XVIII que de celui de Charles X des allocations extraordinaires dont le total ne s’élève pas à moins de 295,000 francs. L’insuffisance du budget normal de la Bibliothèque devint encore plus évidente dans les années qui suivirent. En 1839, la Chambre des Députés, sur la demande du gouvernement, alloua un crédit extraordinaire de 1,200,000 francs qui porta le budget annuel à 170,000 francs. A l’aide de cette augmentation, M. Naudet, nommé directeur en 1840, en remplacement de M. Letronne, put pousser activement les travaux de catalogue et de reliure. Son administration fut marquée par d’importantes acquisitions, notamment par celles de la collection de médailles françaises cédée par M. Jean Rousseau au prix de 103,000 francs (1848), de la savante collection de manuscrits et de livres que feu M. Eugène Burnouf avait formée sur l’Inde (1854), des 67,000 portraits de la collection de Bure (1855), dont l’entrée au département des Estampes ne suivit que de quelques années la donation du docteur Jecker (1851).

En même temps, l’administration supérieure introduisit dans la Bibliothèque des réformes qui devaient aboutir aux grands changements de 1858. Cette réorganisation, demandée depuis longtemps, fut l’œuvre d’une commission présidée par M. Mérimée. Elle permit à l’administration de M. Taschereau, administrateur adjoint depuis 1852 et administrateur général en 1858, de faire entrer la Bibliothèque dans une nouvelle voie de prospérité.

Le moment n’est pas venu de retracer l’histoire de cette période contemporaine. Qu’il nous suffise de rappeler les donations de premier ordre faites par M. Hennin au Cabinet des Estampes, par M. le duc de Luynes, par M. le vicomte de Janzé au Cabinet des Médailles, les acquisitions extraordinaires, avec le secours du Ministère, des estampes composant la collection Devéria (1858), des 100,000 volumes sur la Révolution française réunis par M. Labédoyère (1863), de la suite de manuscrits rapportés de l’Inde par M. Grimblot (1866), de la collection formée par Beuchot sur Voltaire, de celle du docteur Payen sur Montaigne (1870); et les acquisitions faites dans les mêmes conditions aux ventes Solar, Yemeniz et Pichon, l’acquisition de quatre médaillons d’or antiques parmi lesquels se trouvait la célèbre médaille d’Eucratide. En 13 ans, le crédit de la Bibliothèque reçut un supplément total de 301,000 francs.

Les importants résultats de l’administration de M. Taschereau ont été éloquemment résumés dans les termes suivants par son digne successeur, le jour où M. Léopold Delisle fut appelé à la direction de la Bibliothèque:

«Avec M. Taschereau, nous perdons un administrateur dont la bienveillance égalait la fermeté et dont les actes tiendront une grande place dans les annales de notre chère Bibliothèque. C’est lui qui a fait prévaloir les salutaires principes consacrés par le décret de 1858, lui qui a provoqué les réformes les plus sages et les plus libérales, telles que la prolongation des séances de chaque jour, la suppression des vacances, l’organisation de la salle réservée et de la salle publique du département des Imprimés. C’est lui qui a fait améliorer la condition des fonctionnaires de tout rang, lui qui a maintenu la discipline, entretenu l’émulation, dirigé les travaux de classement et de catalogue dont le temps démontrera de plus en plus l’utilité et l’importance.

«Vous savez avec quelle ardeur il a dans toutes circonstances défendu les intérêts de la Bibliothèque, soit pour faire triompher devant les tribunaux des droits imprescriptibles, soit pour défendre l’intégrité de nos départements menacés par des adversaires puissants, soit enfin pour obtenir des crédits extraordinaires sans lesquels on aurait vu se disperser ou passer à l’étranger des collections dont la France n’aurait pu être dépouillée sans amoindrissement de son domaine historique, littéraire et artistique.

«Nous tous, Messieurs, qui avons été témoins de ces efforts incessamment répétés, nous qui en avons recueilli les fruits dans chacun de nos départements, nous garderons un souvenir reconnaissant de l’administration de M. Taschereau, et nous nous honorerons toujours d’avoir été associés aux travaux qu’il avait entrepris et dont il a poursuivi l’achèvement avec tant de persistance.»

Les années à venir confirmeront ce sincère témoignage rendu à l’homme qui, pendant 22 ans, n’a cessé d’être animé d’un zèle ardent pour la Bibliothèque et qui l’a maintenue avec éclat au rang qu’elle occupe depuis longtemps dans le monde savant.

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