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La bibliothèque nationale : $b Son origine et ses accroissements jusqu'à nos jours

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COLBERT et LOUVOIS


LA BIBLIOTHÈQUE DE 1643 A 1661.

La fin tragique de François de Thou laissa vacante en 1642 la charge de maître de la librairie. Elle fut donnée à Jérôme Bignon, qui en obtint la survivance pour son fils en 1651. Jérôme Bignon se contentait de visiter la Bibliothèque une ou deux fois par an; son fils, alors âgé de vingt-neuf ans, ne montra pas plus de zèle dans ses fonctions, et tous deux abandonnèrent la direction de la Bibliothèque à N. Rigault et à ses successeurs les frères Dupuy.

Pierre et Jacques Dupuy ne furent pourvus de leur titre qu’en 1645; mais déjà, avant le départ de N. Rigault, nommé conseiller au Parlement de Metz, ils avaient été mêlés aux affaires de la Bibliothèque et en particulier aux acquisitions des manuscrits de la famille Hurault et de la collection de Brienne. Le goût des livres, héréditaire dans leur famille, leur érudition, tout les désignait au choix du roi. L’un et l’autre avaient fait leurs preuves dans l’administration de la bibliothèque du président de Thou; eux-mêmes avaient réuni, à prix d’argent, une importante collection dont les premiers éléments avaient été formés par leur père, le jurisconsulte Claude Dupuy.

Leur entrée à la Bibliothèque du roi, en 1645, fut signalée par la rédaction d’un nouveau catalogue. Ils révisèrent et augmentèrent le catalogue de N. Rigault. Leur travail est divisé en trois parties: les deux premières, consacrées aux manuscrits, contiennent 3,930 numéros; la troisième, affectée aux imprimés, mentionne 1,329 volumes.

La mort ne donna pas le temps à ces deux hommes de science et de bien de rendre à la Bibliothèque tous les services dont ils étaient capables. P. Dupuy mourut en 1651, et J. Dupuy «tout le portrait de son frère[4]» ne lui survécut que quelques années. Avant sa mort, arrivée en 1656, J. Dupuy avait, par des dispositions testamentaires, donné sa bibliothèque au roi. Le 25 mai 1652, il avait assuré le sort de ses livres par un testament qui mérite d’être reproduit non-seulement à cause de l’importance de la donation, mais encore pour les idées élevées et généreuses qu’il exprime. Voici les termes de cet acte: «Me trouvant seul possesseur d’une assès grande bibliothèque, composée de toutes sortes de bons livres, curieusement reliés et amassés avecq une recherche et dépense extraordinaires, tant par Me Claude Dupuy, mon père, conseiller du roi en sa cour de parlement, de très-glorieuse mémoire, que par mes frères Christophe, Augustin, Pierre et moy, et ayant veu avecq desplaisir depuis plusieurs années qu’un grand nombre de rares et bonnes librairies, amassées avecq jugement par des personnes de condition et de grande érudition, ont esté vendues et misérablement dispersées pour estre tombées entre les mains de personnes avares, ou qui n’avaient nulle affection aux livres, ny aucune cognoissance des bonnes lettres, il m’a semblé estre important pour le public qu’un choix de livres, si exquis et si bien ordonné, comme est celui de ma bibliothèque, ne soit dissipé, ce que je prévoy infailliblement devoir arriver après mon décès, au cas que je n’en aye disposé auparavant. Une aultre raison aussy, qui m’a grandement fortiffié dans cette résolution, est que mon frère Pierre, conseiller du roy en ses conseils, le dernier décédé de mes frères, tant par son testament que par les discours qu’il m’a tenus pendant sa maladie et peu de jours avant son décès, m’a conjuré plusieurs fois de ne souffrir la dissipation d’un meuble si précieux; de sorte qu’ayant toujours vescu ensemble dans une parfaite union et amitié très-estroite, et ayant conformé mes sentiments, autant que j’ay peu, aux siens, j’ay jugé à propos, pour conserver ma dicte bibliothèque en son entier, et en empescher, autant qu’il se peut, la dissipation, d’en tester au profit du roi... Je lègue et donne à Sa Majesté ma bibliothèque, comme aussi mes anciens manuscrits, tant ceux que mon père nous a laissez que les autres qui y ont esté adjoustez depuis sa mort, ensemble les deux volumes in-folio, escrips de ma main, contenant l’inventaire ou catalogue tant de mes dits livres imprimés que manuscrits.[5]»

La donation de J. Dupuy fut acceptée dans le cours de l’année qui suivit sa mort. Par lettres patentes enregistrées au Parlement le 7 avril 1657 le roi ordonna que «la bibliothèque, ensemble les manuscrits et autres livres, cartes et tableaux à luy léguez par ledit feu sieur Du Puy seraient réunis à sa Bibliothèque pour n’en composer à l’advenir qu’une seule qui demeurera soubs la garde de son ami et féal conseiller en ses conseils, le sieur Colbert, prieur de la maison de Sorbonne.» Toutefois la remise n’eut lieu que le 1er août 1658.

Cette importante collection, dont J. Dupuy avait pris le soin de dresser lui-même l’inventaire, apportait à la Bibliothèque plus de 9,000 volumes imprimés et 260 manuscrits. Presque tous les volumes dont elle se composait se reconnaissent aux armes de la famille Dupuy qui ornent la reliure généralement en veau et très-simple, et aux deltas d’or entrelacés qu’ils portent sur le dos.

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