La bibliothèque nationale : $b Son origine et ses accroissements jusqu'à nos jours
HENRI IV. (1589-1610).
En raffermissant par son habileté et son courage l’autorité royale si fortement ébranlée, Henri IV rendit l’ordre et la sécurité à la Bibliothèque. Son premier soin fut de lui assurer un emplacement en rapport avec l’importance qu’elle avait acquise. Le collége de Clermont, aujourd’hui Lycée Louis-le-Grand, était devenu libre par l’expulsion des Jésuites; c’est là que le roi fit installer ses collections. Elles y restèrent jusqu’en 1604, époque où elles furent transportées au couvent des Cordeliers[2], dans la salle du cloître. Dix-huit ans après, elles étaient encore déplacées pour occuper, rue de La Harpe, au-dessus de l’église Saint-Côme, une maison appartenant aux Cordeliers.
Dans l’intervalle de ces deux déplacements, la Bibliothèque s’était accrue de la riche collection laissée par Catherine de Médicis, collection qui renfermait près de huit cents volumes dont un grand nombre de manuscrits grecs et qui avait été formée par le cardinal Ridolfi, neveu du pape Léon X. Achetée par P. Strozzi, maréchal de France, «qui aimoit passionnément les livres, et qui sçavoit le grec aussi bien qu’aucun homme de son siècle,» elle vint en France avec lui. La mort de Strozzi, tué au siége de Thionville en 1558, la fit tomber entre les mains de Catherine de Médicis, qui se l’appropria en promettant au fils du maréchal une somme qui ne lui fut jamais payée. C’était une des nombreuses dettes que la reine laissait en mourant et l’acquisition de sa bibliothèque rencontra de sérieuses difficultés. Mais à cette époque, J. Auguste de Thou, le célèbre historien, avait remplacé Amyot et il employa tout son zèle pour mener à bien cette importante affaire. Sur ses instances, le roi ordonna par lettres patentes du 15 juin 1594 que tous les livres de la feue reine seraient réunis à la Bibliothèque royale. Les créanciers de Catherine de Médicis s’émurent à cette nouvelle et entreprirent de s’opposer à l’exécution de la mesure. Une commission composée de François Pithou et de deux autres membres fit l’évaluation de la collection qui fut estimée 5,400 écus. Les choses traînèrent ainsi en longueur pendant quatre ans; le 15 novembre 1598, le roi écrivait au président de Thou: «Je vous ay ci-devant escript pour retirer des mains du nepveu du feu Sr Abbé de Bellebranche[3] la librairie de la feue royne, mère du roy, mon seigneur, ce que je vous prie et commande encores un coup de faire, si jà ne l’aviès faict, comme estant chose que je désire, affectionne et veulx, affin que rien ne s’en esgare et que vous la faciés mettre avec la mienne.» A la suite de deux arrêts du Parlement des 25 janvier et 30 avril 1599 la bibliothèque de Catherine de Médicis fut enfin réunie à la Couronne.
Cette acquisition fut la plus importante mais non la seule qui fut faite sous le règne de Henri IV. Auparavant, la bible de Charles-le-Chauve avait été incorporée dans la Bibliothèque du roi. Ce précieux monument, que Charles-le-Chauve avait donné à l’abbaye de Saint-Denis, fut remis au président de Thou, conformément à une décision du Parlement du 20 août 1595.
En même temps qu’il s’occupait des accroissements de la Bibliothèque, Henri IV savait choisir les hommes auxquels il en confiait la garde. Il avait nommé, en 1593, J.-Auguste de Thou, maître de la librairie, en remplacement d’Amyot; en 1604, il désigna Isaac Casaubon comme successeur de Gosselin, qui mourut presque centenaire, après avoir passé une grande partie de sa vie dans l’emploi de garde de la librairie.