La bibliothèque nationale : $b Son origine et ses accroissements jusqu'à nos jours
LA BIBLIOTHÈQUE PENDANT LA RÉVOLUTION.
La Révolution ouvre pour la Bibliothèque une nouvelle ère de prospérité. Tandis qu’il s’attache à détruire la plupart des institutions royales, le nouveau régime sauve notre grand établissement national, le transforme et en décuple les richesses. Les mesures révolutionnaires tournent à son profit et en font le plus vaste dépôt littéraire et scientifique du monde.
Malheureusement la précipitation avec laquelle les versements de livres, de manuscrits, d’objets d’art se firent dans nos collections, produisit un désordre et un encombrement que nos prédécesseurs furent impuissants à empêcher, et qui ont laissé à notre génération un arriéré considérable. Le nom d’un homme est resté attaché à cette période si difficile et si laborieuse de l’histoire de notre dépôt, qu’il personnifie pour ainsi dire: c’est Van Praet, dont la science bibliographique, l’activité furent à la hauteur de la tâche immense que les événements lui imposèrent.
La suppression des maisons religieuses dont les biens furent déclarés propriété nationale, et la confiscation des biens des émigrés firent tomber dans le domaine public une masse considérable de livres imprimés et manuscrits. Pour les recevoir, on ouvrit, en divers points de Paris, des magasins qu’on appela les dépôts littéraires. Une commission composée de membres pris parmi les représentants et qui se nomma d’abord la Commission des monuments, puis sous la Convention, la Commission des arts, et enfin le Conseil de conservation des objets de science et d’art eut la haute direction de ces dépôts à la tête desquels dût être placé un conservateur chargé de classer et de cataloguer les livres acquis à la nation. C’est dans ces dépôts littéraires que de 1792 à 1798 la Bibliothèque fut appelée à choisir les volumes tant imprimés que manuscrits qui manquaient à ses collections.
Pour les volumes imprimés, on distingua ceux qui provenaient des bibliothèques d’émigrés et ceux qui étaient tirés des établissements religieux. Les livres de la première catégorie furent versés dans les dépôts de la rue de Lille, de la rue de Thorigny, de la rue Saint-Marc, des Cordeliers et de la rue de l’Arsenal.
Le dépôt littéraire de la rue de Lille, ayant à sa tête Seryès, fut formé des bibliothèques des émigrés Dangevilliers, de Castries, de Cicé, de Caraman, Doudeauville, Rochechouart, Talleyrand-Périgord.
Le dépôt littéraire de la rue de Thorigny, dont Pyre était le conservateur, destiné aux livres de même origine, reçut notamment les bibliothèques des émigrés Maubec, Paulmier, Thiroux de Mondésir, Villedeuil, Visieux.
Le dépôt littéraire de la rue Saint Marc recueillit les bibliothèques de Penthièvre, Philippe d’Orléans, Croy d’Havri, Renard, Montaigne, Choiseul, Egmont, Montmorency, etc. Dambreville avait la garde de ce dépôt.
Les dépôts littéraires des Cordeliers et de l’Arsenal furent également affectés aux volumes confisqués sur les émigrés.
Les livres des établissements religieux furent spécialement versés dans les dépôts des Capucins Saint-Honoré, de Louis-la-Culture, des Elèves de la Patrie, ci-devant la Pitié. Mais la plupart des bibliothèques religieuses restèrent dans les maisons qui les avaient formées. Il y eut ainsi des dépôts notamment aux Célestins, aux Feuillants, aux Jacobins, aux Minimes, à l’Oratoire, aux Petits-Pères, à l’Abbaye de Saint-Victor, à la Sainte-Chapelle, à la Sorbonne, à l’abbaye de Saint-Germain-des-Près.
Il serait difficile de dire le nombre des volumes imprimés que la Bibliothèque retira de ces dépôts, et l’époque précise à laquelle ces prélèvements eurent lieu. L’opération, principalement dirigée par Van Praet et Capperonnier, gardes du département des Imprimés, commença en 1794 et dura plusieurs années. Une masse énorme de volumes affluèrent ainsi au département des Imprimés. Mais le choix de ces hommes, forcément hasardeux, porta souvent sur des exemplaires doubles et triples, qui vinrent s’entasser pêle-mêle dans les greniers, sans nul profit pour la Bibliothèque, tandis que lui échappait telle édition rare, tel exemplaire précieux, à jamais perdu pour elle et pour la science.
Le même désordre se produisit dans le triage des manuscrits. Cependant si les mesures révolutionnaires ne produisirent pas dans cette partie de nos collections tous les résultats qu’on pouvait en attendre, on peut dire qu’elles donnèrent plus au département des manuscrits qu’à celui des Imprimés. En 1790, le département des Manuscrits s’était déjà annexé le cabinet des Chartes où par les soins de l’historiographe Moreau se trouvaient réunies plus de 40,000 chartes, recueillies soit à Paris, soit en province, collection qui forme aujourd’hui 1834 volumes. Moins de deux ans plus tard, le 9 mai 1792, il reçut les collections généalogiques formées par Clairembault et que son neveu avait cédées à l’ordre du Saint-Esprit. Les pièces échappées aux ordres de la Convention, qui en fit brûler la moitié, ont constitué une collection qui comprend encore 1348 volumes. De 1794 à 1795, ce fut encore dans son département des manuscrits que la Bibliothèque donna asile aux débris des bibliothèques religieuses supprimées. Enfin elle recueillit presqu’intégralement les manuscrits des abbayes Saint-Germain-des-Prés, de Saint-Victor, de la bibliothèque de la Sorbonne. La magnifique bibliothèque de Saint-Germain-des-Prés, même après le vol dont elle fut victime en 1791 et qui fit passer à l’étranger des documents de la plus grande valeur, même après l’incendie qui détruisit en 1792 presque tous les imprimés, apporta au département des manuscrits un appoint considérable. Plus de 9,000 volumes orientaux grecs, latins, français, des caisses énormes de papiers, vinrent prendre place dans notre dépôt. De l’abbaye de Saint-Victor, la Bibliothèque ne retira que 1265 manuscrits, mais elle recueillit en entier le fonds de la Sorbonne composé de près de 2000 volumes.
Les dépôts provisoires, formés en province, fournirent également leur contingent. Des manuscrits furent expédiés à Paris de différents points de la France et centralisés à la Bibliothèque nationale. Des délégués du Conseil de Conservation des objets d’art et de science durent reconnaître dans les dépôts provisoires les documents qui pouvaient convenir à la Bibliothèque. C’est en cette qualité que Chardon de La Rochette fut envoyé à Troyes, à Dijon, à Nîmes. Mais son incurie et son infidélité rendirent sa mission beaucoup moins fructueuse qu’elle aurait dû l’être.
La circulaire ministérielle du 11 décembre 1798 qui prescrivit d’envoyer à la Bibliothèque tous les cartulaires des ci-devant instituts religieux ne donna pas non plus tous les résultats qu’on était en droit d’en attendre. Onze départements seulement y répondirent, leurs envois formèrent un total de 120 volumes.
Avec Paris et la province, les pays conquis furent mis à contribution. A la suite des conquêtes des armées françaises, des commissaires du gouvernement, notamment Keil, Neveu, Joubert, Rudler, Denon en Allemagne, Cubières, Monge, Daunou en Italie, furent chargés de choisir et d’envoyer à Paris les objets qui devaient être distribués à nos établissements scientifiques et littéraires. Un état dressé à cette époque fait connaître le nombre des livres venus de l’étranger en 1795 et 1796. Dans ces deux années seulement, la Belgique et la Hollande avaient envoyé 2000 volumes imprimés et 942 manuscrits, l’Italie 284 volumes imprimés ou manuscrits parmi lesquels des manuscrits de Léonard de Vinci, de Galilée, le Josèphe sur papyrus, le Virgile de Pétrarque. Ces envois continuèrent jusque vers 1809, mais quelques années plus tard, sous le coup des revers, la France dut rendre ce que ses victoires lui avaient donné.
La suppression des maisons religieuses fit arriver au département des médailles les trésors des églises, celui de l’abbaye de Saint-Denis y fut apporté au commencement de 1791. Le Cabinet s’enrichit en même temps des monuments composant le trésor de la Sainte-Chapelle qui avait été réuni provisoirement à celui de Saint-Denis. L’entrée du fameux camée de l’apothéose d’Auguste date de cette époque. Le 17 septembre 1793, on incorpora dans les collections nationales des pièces gravées provenant du trésor de la cathédrale de Chartres, parmi lesquelles se trouvait le superbe camée de Jupiter debout. Mais l’accroissement le plus important que reçut le Cabinet pendant la période révolutionnaire lui vint du médaillier de l’abbaye de Sainte-Geneviève. Le transport, décidé à la suite d’une tentative de vol dont il faillit être victime, eut lieu le 15 mai 1793. «Ce beau cabinet, dit M. Du Mersan, enrichit notre suite de plus de 7,000 médailles romaines, dont 842 en or, 1625 en argent, 5139 en grand, moyen et petit bronze, et d’environ 10,000 médailles de peuples, villes et rois, de médailles modernes, de sceaux et de jetons.» Quelques années plus tard, en 1797, le département recueillit encore les objets d’art et de curiosité conservés au Muséum, à la Monnaie, au Garde-meuble. Avec le dépôt formé à l’hôtel de Nesle des collections ayant appartenu aux émigrés, entrèrent à la Bibliothèque les curiosités chinoises du célèbre cabinet de Bertin.
Les années qui suivirent furent marquées par de nombreux envois de l’étranger et surtout de l’Italie, mais de même que les livres imprimés, de même que les manuscrits, la plupart des objets dont ils se composaient ne firent qu’un court séjour au département des Médailles.
La période révolutionnaire fut moins féconde pour le département des Estampes que pour les autres sections de la Bibliothèque. A part la collection de pièces chinoises et japonaises du cabinet de Bertin, à part la série mythologique des 30,000 estampes formée par Nicolas de Tralage et léguée par lui à l’abbaye de Saint-Victor et qui entrèrent à la Bibliothèque en même temps que les manuscrits de l’abbaye, le département des Estampes ne reçut à cette époque aucun accroissement considérable. Mais l’histoire de ce dépôt, pendant la même période, n’en fut pas moins marquée par un événement mémorable, «une découverte aussi importante pour l’histoire de l’art lui-même que pour l’honneur du Cabinet des Estampes»[41].
En 1797, le savant abbé Zani, de Parme, en séjour à Paris, reconnut dans les recueils des anciens maîtres italiens de la collection de Marolles un nielle exécuté par l’orfèvre florentin Tomaso Finiguerra[42]. Cette découverte rendait à l’Italie l’honneur que l’Allemagne lui disputait depuis longtemps d’avoir donné naissance à l’inventeur de la gravure au burin. En effet la pièce en question ayant été tirée, ainsi que l’indique son état, avant que l’artiste eut mis la dernière main à la plaque originale, est antérieure à l’année 1452, puisqu’un acte authentique constate qu’à cette époque Finiguerra reçut une somme de 66 florins d’or (800 francs), en paiement de la Paix qu’il livra au baptistère de Saint-Jean à Florence.
Le succès des recherches de l’abbé Zani n’a fait que se confirmer avec le temps. Malgré les attaques que sa bonne fortune devait lui attirer, malgré les prétentions contraires des intéressés, il est établi aujourd’hui que la pièce découverte en 1797 est le plus ancien monument de la gravure au burin et que le seul exemplaire connu est conservé à notre département des Estampes.
La Bibliothèque sortit de la Révolution considérablement accrue, mais non sans avoir couru plus d’un danger au milieu du trouble général. Les personnes eurent à souffrir autant que les choses dans cette période de crise et d’effervescence. En 1789, Lenoir, dont l’administration avait été vivement attaquée, ayant donné sa démission, le roi avait nommé pour le remplacer Lefèvre d’Ormesson de Noyseau, député à l’Assemblée nationale, «en récompense, ajoutait l’acte de nomination, des services que sa famille rend depuis très-longtemps, tant dans les principales charges de la magistrature que dans les conseils du roi.» Lefèvre d’Ormesson prêta serment le 9 janvier 1790; mais le nouveau titulaire, dont la nomination avait été motivée en ces termes et qui devait être condamné à mort en 1794, ne resta pas longtemps en fonctions. Le 19 août 1792, Roland, président du Conseil exécutif provisoire, créa deux places de bibliothécaire, l’une fut donnée à Chamfort «pour reconnaître ses talents littéraires et son civisme éprouvé», l’autre au conventionnel Carra.
Les deux créatures de Roland tombèrent avec les Girondins[43]. Le 15 brumaire an II, Paré, ministre de l’intérieur, nomma l’orientaliste Lefèvre de Villebrune, garde de la Bibliothèque nationale. La terreur y règne avec lui. Les dénonciations d’un certain Tobiesen Duby[44], fils d’un ancien interprète et lui-même employé à la Bibliothèque, attirent des mesures vexatoires sur le personnel des conservateurs. Van Praet conduit en prison parvient à s’échapper et trouve un asile chez le libraire Barrois. Joly, le doyen des conservateurs, son fils, sont révoqués et un employé inférieur Bounieu est appelé à recueillir leur succession. Son grand âge, sa réputation, l’éclat de ses services ne sauvent même pas l’abbé Barthélemy. Suspect par son passé et par son caractère, il est emprisonné aux Madelonnettes avec son neveu, Barthélemy de Courçay, et le Cabinet des Médailles reste aux mains d’un employé secondaire, Cointreau, dont les opinions exaltées étaient le seul titre de recommandation à ces importantes fonctions.
Paré voulut réparer l’injuste violence dont Barthélemy avait été victime. Non content de lui rendre la liberté, il lui offrit la place de bibliothécaire. La lettre qu’il lui écrivit dans le style de l’époque était ainsi conçue:
«En rentrant dans la Bibliothèque nationale d’où quelques circonstances rigoureuses vous ont momentanément enlevé, dites comme Anacharsis lorsqu’il contemplait avec saisissement la bibliothèque d’Euclide: C’en est fait, je ne sors plus d’ici. Non, citoyen, vous n’en sortirez plus, et je me fonde sur la justice d’un peuple qui se fera toujours une loi de récompenser l’auteur d’un ouvrage où sont rappelés avec tant de séduction les beaux jours de la Grèce et les mœurs républicaines qui produisaient tant de grands hommes et de grandes choses. Je confie à vos soins la Bibliothèque nationale; je me flatte que vous accepterez ce dépôt honorable, et je me félicite de pouvoir vous l’offrir. En lisant pour la première fois le voyage d’Anacharsis, j’admirais cette production où le génie sait donner à l’érudition tant de charmes, mais j’étais loin de penser qu’un jour je serais l’organe dont un peuple équitable se servirait pour donner à son auteur un témoignage de son estime.»
Barthélemy, «battu presque sans relâche, par la tempête révolutionnaire, accablé sous le poids des ans et des infirmités» refusa ces offres. Il se contenta de reprendre la place qu’il avait occupée si longtemps et si dignement à la tête du département des Médailles et qui avait toujours suffi à son ambition.
Cependant le calme commençait à renaître. En 1795, la Convention chercha à rétablir l’ordre qui avait été profondément troublé à la Bibliothèque et le Comité de l’Instruction publique chargea Villar, député de la Mayenne, de préparer un projet de réorganisation. Le rapporteur disait, faisant allusion à la famille des Bignon: «La place de bibliothécaire devint le prix de l’intrigue et le gage de la faveur... Des droits honorifiques succédèrent à une surveillance active... On les réserva pour quelques familles privilégiées dont la Bibliothèque semblait être l’héritage...» et encore: «Le régime républicain ne souffre point de charge aristocratique.» La place de bibliothécaire fut donc supprimée; l’administration de la Bibliothèque fut confiée à un conservatoire composé de huit membres (deux conservateurs du département des Imprimés, trois des Manuscrits, deux des Médailles, un des Estampes), nommant dans son sein un directeur annuel. Le budget réduit par l’Assemblée constituante à 110,000 livres était insuffisant. En 1791, il avait été augmenté d’un crédit extraordinaire de 100,000 livres. Le décret du 25 vendémiaire an IV le porta à 192,000 livres. Enfin, dernier acte de réparation, il replaça dans leurs fonctions des hommes qui n’avaient jamais démérité. Capperonnier et Van Praet furent nommés conservateurs du département des imprimés; Langlès, La Porte du Theil, Legrand d’Aussy, conservateurs des manuscrits, le premier pour les fonds orientaux, le second pour les fonds grec et latin, le troisième pour les fonds modernes; Barthélemy[45] et Millin, conservateurs des médailles; Joly fils, conservateur des estampes. Dans sa première séance du 5 brumaire an IV, le conservatoire élut Barthélemy directeur, Van Praet trésorier et Millin secrétaire.
Le décret du 25 vendémiaire fut complété par le règlement du 25 fructidor an IV qui ouvrit la Bibliothèque au public tous les jours de 10 heures à 2 heures.
Ce décret de réorganisation qui, à vrai dire, n’était, dans la plupart de ses dispositions, que la consécration d’un état de choses existant depuis longtemps, a servi de base aux réformes ultérieures. Il en fut de même de la loi du 19 juillet 1793 qui, en proclamant le droit de propriété littéraire, établit le principe et les règles du dépôt légal.
«Tout citoyen qui mettra au jour un ouvrage, soit de littérature ou de gravure dans quelque genre que ce soit, sera obligé d’en déposer deux exemplaires à la Bibliothèque nationale ou au Cabinet des Estampes de la République, dont il recevra un reçu signé par le bibliothécaire, faute de quoi il ne pourra être admis en justice pour la poursuite des contrefacteurs.»
Ainsi, aux termes de cette loi, le dépôt à la Bibliothèque garantissait la propriété de l’auteur, mais il n’était pas obligatoire, et si l’auteur d’un ouvrage de luxe, par exemple, dont la contrefaçon est presqu’impossible, n’avait pas intérêt à déposer, rien dans la loi ne l’y obligeait.
Le décret impérial de 5 février 1810, les ordonnances des 21 et 24 octobre 1814 changèrent tout le système en faisant du dépôt non plus un moyen de garantie de propriété pour les auteurs, mais un instrument de police dans les mains du gouvernement. Pour obtenir ce résultat, c’est à l’imprimeur qu’on imposa l’obligation de déposer tout ouvrage sortant de ses presses, y compris les impressions lithographiques, les estampes et les planches gravées sans texte. Le nombre d’exemplaires à fournir a varié depuis lors; primitivement fixé à cinq, il a été réduit à deux pour les écrits imprimés et à trois pour les lithographies. Sur les deux exemplaires de texte imprimé déposés non plus à la Bibliothèque nationale, mais au ministère de l’Intérieur pour Paris, et dans les préfectures pour les départements, l’un revient à notre établissement, l’autre est remis au ministère de l’Instruction publique qui reçoit également un des trois exemplaires des lithographies.
En ce qui concerne la Bibliothèque, les inconvénients de la législation du dépôt, telle qu’elle vient d’être résumée, sont nombreux et appellent des réformes qui ont été demandées à différentes reprises. Que de fois, par exemple, le texte d’un même ouvrage, imprimé en deux ou trois parties, n’arrive à la Bibliothèque que par fragments difficiles et souvent même impossibles à rassembler! Que d’hésitations pour réunir au livre écrit les planches qui lui appartiennent et qui ont été déposées séparément! L’obligation de déposer incombant à l’imprimeur, les lithographies sont déposées en noir quand elles sont vendues coloriées, si bien que la Bibliothèque se trouve avoir, par exemple, l’exemplaire du dépôt du Tableau des pavillons maritimes des différentes nations de M. Legras ou de l’Histoire de la peinture sur verre, de M. F. de Lasteyrie, avec les planches en noir, c’est-à-dire qu’elle est obligée d’acquérir ce que le législateur a toujours eu l’intention de lui donner. En outre l’imprimeur ne se croit pas tenu de fournir un exemplaire en bon état. Quand le dépôt est fait d’épreuves maculées, bâtonnées ou déchirées, la Bibliothèque ne peut exiger davantage, elle fait appel à l’obligeance de l’imprimeur, mais ses demandes sont loin d’être toujours accueillies.
Le législation du dépôt légal demande donc à être modifiée et complétée. La question depuis longtemps étudiée semble avoir été résolue; le projet de la commission nommée en 1850[46] concilierait peut-être les intérêts de la Bibliothèque et les convenances administratives. En voici les principales dispositions:
1o Deux sortes de dépôt: l’un de police qui continuerait à être fait par les imprimeurs, graveurs, etc., au ministère de l’Intérieur, l’autre assimilé aux impôts ordinaires, serait effectué par les soins de l’éditeur à la Bibliothèque;
2o responsabilité de l’éditeur pour tout ouvrage imprimé;
3o Déclaration du nom de l’éditeur par l’imprimeur faisant le dépôt;
4o Obligation pour l’éditeur de fournir un exemplaire de la condition des meilleures qui sont dans le commerce.