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Le Cœur chemine

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VIII

Presque au lendemain de la reprise régulière du travail, à la Martaude, et une dizaine de jours avant cette élection législative qui enfiévrait le pays, Nicole Hardibert reçut une lettre qui l’étonna. La femme d’un ancien camarade de son mari, en relations peu suivies pourtant avec elle, lui annonçait sa visite.

Jeanine Chabrial, « la belle Mme Chabrial », comme on l’appelait dans les salons parlementaires, avait, pauvre institutrice, épousé un ingénieur, que, par son ambition, sa finesse, sa force de volonté, ses intrigues peut-être, elle venait de lancer dans la politique avec un mandat de député. Ce succès avait d’ailleurs été marqué par une tragique et obscure coïncidence. L’armateur Vauthier, qui, grâce à sa grande situation dans les Bouches-du-Rhône, avait mené et fait réussir la campagne électorale, était tombé, ou s’était jeté, sous un train en marche, à l’heure même où son candidat se voyait acclamé comme représentant de la région. Édouard exerçait précisément chez Vauthier sa carrière d’ingénieur, et c’est là qu’il avait connu, aimé et épousé Jeanine, gouvernante de Lucie, la fille unique de l’armateur.

Aucun rapport, d’ailleurs, ne fut établi, même par les plus malveillants, entre cette mort incompréhensible et la fortune politique d’Édouard Chabrial. Cette fortune s’accentua, rapide. Il est vrai que le nouveau député trouvait au pouvoir un ami très influent, le ministre des Relations Industrielles, M. de Prézarches, d’un républicanisme plutôt tiède, mais dont les attaches avec les partis réfractaires servaient momentanément un Cabinet temporiseur.

La camaraderie d’Édouard Chabrial avec Raoul Hardibert datait de l’École des Mines. Jamais, à aucun moment, elle n’était devenue de l’amitié. Mais une récente rencontre avait ressuscité les souvenirs et le tutoiement. Les jeunes femmes avaient lié connaissance, et maintenant Mme Chabrial manifestait l’intention de venir avec son mari, un jour qu’elle fixait, visiter la Martaude et ses maîtres.

— « Tu connais la réputation de cette femme-là ? » demanda Berthe, lorsque Nicole l’eut priée, ainsi que Raybois, de dîner avec ses hôtes.

— « Je sais qu’elle passe pour être très coquette. Et ce que j’ai vu de ses allures, de ses toilettes, de sa beauté provocante, confirme assez cette opinion.

— Coquette !… Le terme est indulgent. Mais sa coquetterie n’est qu’un moyen. C’est une créature de proie. Elle ne fait rien sans une raison secrète et un but intéressé. Si elle vient ici, c’est qu’elle veut tirer quelque chose de toi ou de ton mari, tu peux en être sûre.

— Et quoi donc ?

— Je n’en sais rien. Mais je te conseille de te méfier.

— Elle ne m’est pas sympathique, » hasarda Nicole, dont la bienveillance croyait, par cet aveu, concéder beaucoup aux préventions de sa cousine. — « Comment se fait-il, » demanda-t-elle à Berthe, « que, vivant en province, comme moi, profitant moins encore que moi des occasions d’aller dans le monde, à Paris ou ailleurs, tu en saches si long sur un tas de gens, et particulièrement sur leurs mauvais côtés ?

— La comédie de l’existence m’amuse, » répliqua Mme Raybois, « parce que je l’observe avec une lorgnette très claire. Toi, tu as devant les yeux un brouillard d’idéal, un flou de bonté, qui ouate et émousse les traits les plus aigus. Passe-moi le mot, tu n’es qu’une gobeuse. Si tu manques de curiosité, c’est que tu n’es pas perspicace. A quoi bon regarder pour ne pas voir ? Sans la vilenie si merveilleusement variée des acteurs, le spectacle paraîtrait bien monotone.

— Il y a autant de bien que de mal sur la terre, » affirma Nicole. « J’aime mieux n’apercevoir que ce qui est beau. »

Mais, le soir même, elle se sentit un peu démontée, quand, à son tour, Raoul lui dit :

— « Je ne m’étonnerais pas s’il y avait plus que nous ne pensons dans l’amabilité un peu intempestive des Chabrial. Pourquoi viennent-ils, en ce moment d’agitation électorale, dans un établissement comme le mien, qui occupe plusieurs centaines d’ouvriers, et qui doit sa prospérité à la clientèle de l’État ? Chabrial est persona grata auprès du Gouvernement. Et sa femme l’est plus encore, s’il faut croire ce qu’on raconte.

— Qu’est-ce qu’on raconte ?

— Que la belle Jeanine est au mieux avec Luc de Prézarches, le ministre des Relations Industrielles. »

L’appréhension vague et l’ennui certain qu’infligeait à Nicole la démarche annoncée par les Chabrial, avec les commentaires qu’on en fit autour d’elle, ne la préoccupèrent toutefois que superficiellement. Son âme tout entière appartenait à des émotions autrement intenses. Avant cette visite même, elle devait se rendre à Paris. Des visites l’y appelaient, sans compter les prières de Toquette, aussi peu faite pour l’internat qu’une hirondelle pour la cage, et dont la résignation et l’obéissance dépendaient des fréquentes apparitions de sa marraine. Une journée à Paris… Des heures, des minutes, dont la moindre portion suffirait, avec un mot à la poste, pour donner, pour recevoir l’ineffable impression goûtée sur les remparts de Bruges ou dans le sentier des magnolias. Échange de regards et de paroles, présence délicieuse, terreur et douceur des au-delà passionnés. Et combien, aujourd’hui, la tentation était plus forte ! Non seulement par le dévorant progrès du sentiment, mais par une forme plus insidieusement séductrice.

Un rendez-vous !… Chercher et choisir le lieu favorable : terrasse chargée d’ombrage, aux balustres blancs sous le soleil, salle fraîche de musée qu’ennoblissent des gestes de marbre, lointain parvis de petites églises désuètes… Écrire le mot d’appel, qui portera tant de joie… Attendre l’heure, craindre d’arriver trop tôt, puis palpiter de hâte, quand, à si grand’peine, on est parvenue à se mettre en retard. Sentir son cœur s’arrêter au dernier tournant de rue, devant le dernier mur, le dernier massif, qui dérobe encore la vision certaine… L’imagination de Nicole parcourut cent fois tous les détails de la ravissante et coupable entreprise. Ce n’était point les phases journalières et trop connues de son existence, que vivait l’ensorcelée d’amour. C’était l’action hasardeuse, non encore accomplie, et qui, elle se le jurait, ne s’accomplirait pas. Pourtant chaque nouvelle image, par une suggestion accrue, la rapprochait de la réalisation.

Elle essaya de combattre ce vertige par des tournées charitables dans les maisons d’ouvriers que bouleversait une maladie, un accident, une mort, ou, plus souvent, une naissance. Au seuil des demeures encombrées, bruyantes et malodorantes, quand elle sortait, sa chimère l’attendait, dans la ruelle ou sur la route, et repartait avec elle, plus loin, le long des haies poudreuses, dans le rayonnement de l’été, que tachaient de sombre les masses immobiles des arbres.

Elle s’en délivrait quelquefois dans la paix obscure de la petite église. Là, son effroi du sacrilège, qui porterait malheur à tout ce qu’elle voulait chérir innocemment, lui prêtait l’énergie momentanée de s’en abstraire. Elle priait. Mais sa foi, d’ailleurs affaiblie par l’esprit scientifique dont pesait sur elle l’influence, ne se réveillait pas consolidée dans ces méditations. Au contraire. Car Nicole, après avoir, très ardemment et sincèrement, sollicité le secours d’en haut, s’avérait que ce secours n’avait pas, pour la préserver de la faute, la force de certaines considérations toutes terrestres. Ce qui l’arrêtait sur une pente dont elle ne se cachait plus la rapidité, ce n’était pas, — non, elle avait beau y réfléchir, — ce n’était pas l’horreur de manquer aux commandements divins, de contrister les célestes vouloirs. Nulle intervention surnaturelle ne la portait irrésistiblement vers le devoir, après ses oraisons. A moins que la grâce efficiente ne prît la forme de cet obstacle mystérieux, dressé contre son impulsion amoureuse et les fins de cette impulsion, au fond d’elle-même, — amas formidable des hérédités, des traditions, de tout ce qui se tisse au cours des siècles dans les fibres humaines, pour ajouter ce que nous appelons une âme à leurs ressorts de chair, et pour perfectionner jusqu’aux plus délicats scrupules leurs primitifs réflexes, grossièrement ajustés à l’origine contre les seules atteintes matérielles.

C’était parmi ces raisons défensives que Nicole eût souhaité, mais vainement, de sentir un abri puissant et divin. Mais quoi ! la fierté de sa pudeur, l’horreur du mensonge, le remords soudain que suscitait une parole confiante de Raoul, l’attendrissement qui lui tordait brusquement le cœur devant le front soucieux de celui-ci à qui elle était si précieuse, tout cela lui offrait un appui plus réel que ses dévotes pratiques. Et, de le constater, ébranlait davantage les convictions où elle aurait voulu découvrir un miraculeux refuge.

Toutefois, d’où que vînt le secours en cette pauvre âme pantelante et bouleversée, il ne laissa pas d’être efficace. Mme Hardibert se rendit à Paris, alla prendre Toquette à sa pension pour parcourir les magasins avec elle, stationna chez sa couturière, les yeux fixés au tapis, dans la longue attente, avant l’essayage. (Et ce fut l’assaut intérieur le plus fiévreux de sa journée.) Puis elle revint à la gare, trop tôt d’une demi-heure pour son train, sans avoir vu Georget, sans l’avoir informé de sa présence, et même sans avoir passé dans sa rue, — la rue de La Tour-d’Auvergne, — tout à fait hors de son itinéraire, et où il lui aurait fallu se rendre exprès.

Maintenant, dans ce salon des premières, où elle se trouvait presque seule, et l’effort de sa résolution enfin détendu, Nicole s’étonnait d’être si triste. N’était-ce pas le moment de goûter quelque fruit de sa victoire ? Chose inconcevable, sa vaillance la laissait si misérable qu’elle n’aurait pas prévu un plus fâcheux état d’âme après une lâcheté. L’idée qu’elle s’éloignait du lieu de sa tentation la déchirait. Car, perdre cette tentation, c’était perdre tout ce qu’elle possédait de son amour même. Quand tout à l’heure, bien sagement, elle s’assiérait dans ce train qui l’emmènerait à Sézanne, ce serait la fin de la lutte, mais aussi la fin de l’espoir… Quel vide, mon Dieu !… Et pour combien de temps ? Comme les jours à venir lui semblaient arides ! Et voici que, soudain, le regard d’Ogier, le large azur grave, surgit plein de reproche — vision tellement aiguë que Nicole haleta, défaillante. Quelle offense pour lui, quel tort envers son cœur loyal, d’être ainsi venue à Paris sans le prévenir, sournoisement, comme dans la méfiance et le dédain !… Quoi ! ce jour s’était passé pour lui pareillement aux autres jours… Devant sa table de travail, dehors, tandis qu’il marchait peut-être non loin d’elle, rien ne l’avait averti qu’une joie merveilleuse était proche. Il se serait contenté de si peu ! Il en fût resté si follement reconnaissant ! N’était-ce pas une atroce injustice de l’en avoir privé ?…

Un intolérable regret, presque un remords… Voilà ce qui résultait du devoir accompli !

Nicole ne put accepter ce supplice. Elle ne put rester sur ce divan de velours vert, à patienter jusqu’à l’heure de son train, comme les personnes qui arrivaient maintenant et s’installaient sans hâte, réglant leur montre sur l’horloge du quai ou dépliant leurs journaux.

La jeune femme se leva, sortit, se rendit au bureau du télégraphe. Elle acheta un « petit bleu », et, sur la tablette noircie, avec une plume impossible, entre des voisins curieux, elle griffonna :

« Mon cher Georget,

« J’ai passé la journée à Paris. Je ne veux pas qu’un hasard vous l’apprenne. Ce qui est notre histoire ne doit pas nous être révélé par des indifférents. Et c’est bien un épisode de notre histoire, cette journée qui vous a toute appartenu, sans que pourtant je vous en accorde une minute, comme vous y aviez presque droit de par ma folle promesse. Vous allez m’en vouloir. Que vous dire ? Pourquoi est-ce que je vous écris ? Sinon parce que j’ai tant de chagrin ! Je vous demande d’avoir autant de raison et de courage que moi… Mais ne souffrez pas comme j’en souffre !… Adieu, Georget.

« Votre

« Nicole. »

Le petit facteur du télégraphe qui porta ce message, monta au troisième, sur l’avis du concierge que le destinataire était chez lui. Un monsieur en bras de chemise, gilet et pantalon de soirée, escarpins vernis, vint lui ouvrir. Ogier Sérénis n’avait qu’une femme de ménage, qu’il renvoyait l’après-midi, car il dînait toujours dehors. Il prit le « bleu », et, devinant plutôt qu’il ne reconnut l’écriture, rappela le gamin pour lui octroyer une pincée de sous.

Ensuite, il se précipita vers une fenêtre, où le crépuscule restait clair. Il déchira le pointillé et il lut. Quand il eut achevé, il recommença ligne à ligne, puis mot à mot, cherchant éperdument le parfum caché sous cette résille d’encre, que l’horrible plume du bureau de poste avait faite de mailles si enchevêtrées et si grêles.

Une âme charmante flottait sur ce pauvre petit carré de papier, tout tressaillant d’angoisse tendre. L’homme dont les longs doigts nerveux succédaient, en le touchant, aux fins doigts enfiévrés de tout à l’heure, n’était pas indigne d’accueillir cette âme, et pouvait en discerner la grâce. Si celle qui avait écrit ces phrases, tellement dépourvues d’un sens précis, mais tellement gonflées d’un suc indicible, avait pu constater l’hommage involontaire et fervent qu’elles suscitèrent, sans doute elle y eût trouvé l’adoucissement de la nostalgie sans nom rapportée de sa journée courageuse. Ogier, s’étant assis près de la croisée, le télégramme à la main, s’enfonça à de telles profondeurs d’émotion, qu’il en oublia l’heure, la clarté qui mourait au ciel, et le dîner où il devait se rendre.

Il ne sortit de sa rêverie passionnée que pour allumer sa lampe, et se jeter, un crayon à la main, sur une feuille blanche, qu’il couvrit de vers. La soirée s’écoulait, et il restait là, l’estomac creux, à demi-habillé, chiffonnant sous des crispations d’ongles le plastron mou, à petits plis, de sa belle chemise, qui fut bientôt un fouillis lamentable. De temps à autre, une strophe grondait entre ses lèvres. Il en développait tout haut le rythme, avec ces larges ondulations de psalmodie où le poète se berce comme sur une houle, dans un délire monotone, aussi différent que possible de la déclamation théâtrale, et qui stupéfierait un profane.

C’était à Nicole qu’il parlait, dans ces vers. Ainsi s’exhalait le frémissement déchaîné en lui par le billet à la fois transparent et énigmatique, qui s’était posé sur son cœur comme un tison d’amour. Justement, quand il l’avait reçu, il ployait sous une de ces lassitudes affadies que connaissent les artistes après un travail où ils ne furent pas « en train ». Son dégoût venait en grande partie du silence de solitude succédant à la communion exquise de Bruges et de la Martaude. Après son séjour là-bas, il était retombé de si haut, à la besogne quotidienne, dans son intérieur médiocre, il s’était senti si loin de la gloire, si loin de la fortune, si loin même de l’amour, que c’était comme s’il se fût cassé les ailes ambitieuses naguère trop promptes à le soulever.

Mais, dans sa veillée tardive, toutes les effrénées chimères le reprenaient, l’emportaient. Lorsque, ayant jeté ses dernières rimes, il se leva, les tempes martelées d’échos, la poitrine bondissante, se sentant poète et se sentant aimé, lorsqu’il prit sa lampe et parcourut son étroit domaine, il n’y aperçut plus rien de mesquin ou de vulgaire.

Son appartement se composait de trois pièces : l’une, son cabinet de travail, une autre, sorte de fumoir-salle à manger, où il couchait sur un divan, une troisième, son cabinet de toilette. Le tub, les haltères, le masque et les gants d’escrime, traînant là, témoignaient de l’entraînement corporel, que ce beau garçon n’aurait négligé pour rien au monde. Quand il devait perdre une heure, il la prenait plutôt sur la « copie » que sur l’hygiène, l’hydrothérapie ou le sport. A moins d’un coup de fièvre, comme ce soir, où le voilà, son extase un peu tombée, cherchant dans le bahut du fumoir s’il ne trouvera pas quelque reste ou quelque biscuit à grignoter, dédaignant de descendre à la brasserie voisine, où risquerait de s’évaporer son envoûtement délicieux.

Une réflexion l’affligea pourtant. Comment faire parvenir à celle qui l’avait inspirée l’hymne d’adoration et de flamme ? Impossible d’adresser à Mme Hardibert, par la voie officielle de la poste, autre chose que les billets insignifiants permis à M. Ogier Sérénis. Ce que Georget pouvait avoir à dire à Nicole exigeait autrement de mystère. Mais, de ce mystère, il n’avait pas été question entre son respect et la réserve de son amie. D’ailleurs, expédier les vers ne suffisait pas à un auteur bien moins poète qu’amoureux, chez qui la vanité littéraire le cédait à un sentiment plus dominateur, ce qui ne donne pas une médiocre mesure de ce sentiment. Revoir Nicole… Voilà de quel besoin ardent se tendit son âme quand la diversion des rimes ne l’obséda plus. Ah ! s’il connaissait la date du prochain voyage qu’elle ferait à Paris !… Une certitude le gagnait que, cette seconde fois, elle ne reprendrait pas le train sans lui avoir accordé un rendez-vous, si seulement il avait l’occasion de le solliciter. Cela semblait tellement fatal, que Mme Hardibert elle-même devait le prévoir, et que, pour cette raison, dans sa sincérité de défense, elle ne reviendrait pas de si tôt dans cet insidieux Paris, aux suggestions entraînantes, aux complicités captieuses.

Elle ne reviendrait pas. Ou elle ne reviendrait que bien plus tard, quand serait suffisamment conjurée la magie de Bruges, la magie du sentier des magnolias — et cette autre magie, le regret d’aujourd’hui même, qui avait dicté l’absurde et poignant « petit bleu ». Alors elle se serait reprise. Alors il serait trop tard.

« Puisqu’elle ne viendra pas, » se dit Ogier, « c’est moi qui irai vers elle. »

Mais encore une fois, comment ?… Impossible de se présenter de nouveau, sans aucun prétexte, à la Martaude. Une pareille imprudence, en éveillant les soupçons du mari, exposerait Nicole à des difficultés peut-être graves, et compromettrait des relations d’amitié déjà si précieuses à défaut d’un lien plus secret et plus tendre.

« Oui, » songea encore Sérénis, « si Hardibert est avisé de ma présence. Mais n’y aurait-il pas moyen ?… »

La phrase se suspendit dans le cerveau surexcité et romanesque, où la passion montait comme une liqueur de feu. C’était l’instant ou jamais de déraisonner. Le jeune homme était trop épris pour en manquer l’occasion. Un projet insensé lui apparut, d’abord pour le faire sourire en son extravagance, puis pour prendre peu à peu une apparence acceptable, et enfin pour s’insinuer dans son vouloir avec une ténacité d’idée fixe.

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