Les voix qui crient dans le désert : $b souvenirs d'Afrique
CHAPITRE XIV
ZOUG
16 mai 1912–18 juillet 1912.
Le camp de S. est pittoresque et de bon accueil. Ce qui m’a frappé en arrivant, c’est un désordre de petits abris en paille, de tentes basses bariolées et rapiécées où semblait grouiller une vie confuse. Lorsque je suis descendu de chameau, une petite fille, presque blanche et à moitié nue, m’a salué d’un joli sourire. Elle m’a montré la tente de S., qui n’est guère plus haute ni plus luxueuse que celles de ces soldats. J’ai circulé entre ces pauvres abris, évitant les cordes qui s’entrecroisaient presque au ras du sol. Cela ressemblait au grouillement d’une banlieue. En me penchant, j’apercevais sous la laine grossière des tentes, toute une vie domestique et paisible : des femmes, de petits enfants jouant sur les nattes de paille grossière, des écuelles de bois, d’humbles objets familiers. — Beaucoup de tirailleurs et de partisans sont mariés. Et au troupeau des femmes et des enfants, il faut joindre tous les petits « boys » qu’attire ici l’espoir de quelques grains de riz à manger.
Le camp est resserré sur le faîte d’une petite colline de sable, qui surplombe à peine l’immense mer des dunes basses, faiblement ondulées, noyées de lumière blanche. Je reconnais tous les points de repère de l’horizon : au sud, le dôme granitique de Ben Ameïra et celui, tout petit, d’Aïcha ; au sud-ouest, le piton d’Adekmar et le Gelb Azfar ; au nord, Khneïfissa ; enfin, à l’ouest, la longue et mince chaîne de Zoug, finement dentelée et qui semble un dessin à la sépia fait à même sur le ciel. Au milieu d’une large cassure de la chaîne, se dresse tout seul un cône noir, dont la base plonge dans le sable blanc. Il semble un de ces volcans éteints qui figurent sur les estampes du Japon.
C’est tout. A part ces quelques cailloux isolés, rien qui attire le regard ou le puisse amuser. Ni formes, ni couleurs. Du blanc, du gris sale. De la lumière sans couleur. Mais il y a le ciel, qui est ici le motif principal. Il est immense — hémisphère d’azur où l’on guette la course folle des nuages, qui n’amènent jamais de pluie. — « Sous la calotte des cieux », « sous la voûte du ciel » — ces expressions courantes prennent ici toute leur valeur.
Il faut vraiment que l’ascétisme réponde à certaines nécessités spirituelles, pour que nous arrivions à ne point trop nous déplaire dans un paysage apparemment si laid.
Mes domestiques ont monté ma tente près du « magasin », un amoncellement de caisses de riz, de biscuits, de tonnelets destinés à l’approvisionnement des deux cents hommes du groupe. Plus loin, sont les tentes des Maures…
Pendant la sieste, dans le grand silence méridien, j’entends tout à coup le vagissement d’un enfant et la voix de la mère qui le calme. Ce bruit semble en éveiller quelques autres. Deux tirailleurs échangent quelques mots rauques. On entend un appel : « Ali ! Ali ! ». Puis tout retombe dans le silence, plus lourd encore qu’auparavant. Mais ces quelques bruits humains m’ont remué le cœur. Après vingt jours de marche, dans les solitudes du Tiris et du Zemmoul, avec trois ou quatre compagnons, c’est un peu de vie qui m’accueille en cet îlot perdu. Sur ces quelques mètres carrés, il y a de l’amour, de la tendresse, du désir, de la haine. Il y a des pleurs et des baisers, et des rires. Et moi qui avais oublié tout cela, c’est presque une découverte que je fais.
Le nouveau résident de l’Adrar, commandant D. est arrivé avec M., qui vient prendre le commandement du peloton. Il est si gros qu’il ne peut monter à chameau, sans l’aide d’un tabouret et de plusieurs tirailleurs.
— Eh quoi ! Pas un arbre ! dit-il, en mettant pied à terre et en jetant un regard circulaire sur l’horizon.
S. est tellement habitué à ce paysage inclément, qu’il semble tout surpris de l’exclamation du commandant.
Zoug, malgré son aridité, est cependant un point important. Sur les cartes par renseignements, qu’a dressées il y a bien longtemps M. Coppolani, Zoug figurait déjà en grosses lettres. Ce dut être de tout temps un lieu de rassemblement des tribus. Quand le capitaine B. et S. y vinrent pour la première fois, au début de 1911, ils y trouvèrent réunies de nombreuses tentes Regueïbat et Yaggout. Il y a des fractions qui restent ici toute l’année, et l’on peut évaluer à plusieurs dizaines de mille, le nombre des chameaux qui broutent en permanence les herbes de Zoug.
Le puits, dont nous sommes à une dizaine de kilomètres, a un débit extrêmement abondant. J’en trouve l’eau très agréable au goût, mais le Dr M., qui est venu ici peu de temps après le départ du commandant, pour soigner une épidémie de béribéri, trouve l’eau très légèrement salée. J’ai été bien souvent me promener à ce puits. A quelque heure que ce fût, j’y ai toujours trouvé des troupeaux en train de boire, ce qui atteste le grand nombre des chameaux qui vivent dans la région, en même temps que le fort débit du puits.
Dans la plaine, on ne trouve guère que cette petite plante piquante dont les chameaux sont si friands, le hâd. Les méharas la mangent toute l’année. C’est une herbe qui n’a pas de saison. J’ai vu des petites pousses de hâd vert, sortir du sable après deux jours de vent d’est brûlant — et il est de fait que le vent d’est, si fréquent dans ces régions, favorise la venue du hâd.
Un puits de débit sûr et du hâd, il n’en faut pas davantage ici, pour faire du plus pauvre endroit une sorte d’oasis où les campements se réfugient.
Les journées sont monotones, inemployées. Pourtant, elles passent vite et il est des fois où l’on regrette leur brièveté. Le temps est devenu très chaud. Il ne faut plus guère songer à aller chasser. Alors, on reste sous la tente, presque tout le jour. Des Maures viennent, et l’on cause. Ou bien l’on s’épuise en rêveries, qui s’énervent de ne pas aboutir. Mais ne valent-elles pas mieux que les leçons plus précises que je recevais jadis ?
Il ne s’agit pas ici, dans cette vie si simple, au milieu de cette nature si simple, d’un « retour à la simplicité ». Ce n’est pas l’enseignement que comportent ces paysages. On voit souvent ces expressions : « Le retour à la simplicité », « la naïveté des premiers âges ».
Quelle bonne histoire ! Ne sont-ce pas nos écrivains d’aujourd’hui, avec leurs trois ou quatre pauvres idées, nos faux savants qui, par la négation, ont éludé les grands problèmes, nos maîtres d’école, nos artistes, ne sont-ce pas tous ces barbares qui sont les vrais naïfs et les vrais simples ? Il faudrait s’entendre et savoir lequel est le simple et le naïf, de M. Durckheim ou de saint Thomas.
Les Maures aussi sont des barbares, de naïfs barbares. Pourtant, lorsque l’on considère le point de vie intérieure où ils sont parvenus, on trouve qu’ils ont su mieux que nous se garder de l’inculture et de la grossièreté.
Pour moi, je n’estime pas que le pays de Zoug ramène à la simplicité. L’âme n’y reçoit de la nature aucun soutien. Au contraire, mille souffles religieux viennent s’y battre et, comme l’armature de la civilisation ne nous soutient plus, il ne faut pas songer à éluder le combat. Nous sommes seuls, abandonnés à nous-mêmes, à notre misère, désemparés dans le vent de la plaine, dans les vents qui soufflent des vingt pétales de la rose… la rose des vents. C’est un aigre breuvage que la solitude, et il soûle.
Nous sommes bien avertis qu’il faut retourner à quelque chose, nous ramasser au fond de nous-mêmes. Mais ce n’est pas de simplicité qu’il s’agit. Saint Paul, saint Augustin n’étaient pas des simples ; et rien n’est plus contraire à la tradition française que la foi du charbonnier. Une tentative de rénovation chrétienne, comme celle de Tolstoï, est éminemment contraire au génie français. Ce qui fait le fond de la tradition française, c’est une foi solide — celle de la religion catholique, apostolique et romaine — appuyée sur une large culture, ou parallèle à une large culture intellectuelle. Foi et humanisme. Il était naturel que les ennemis de l’une devinssent les ennemis de l’autre — les mêmes hommes — et nous avons vu cela.
Quand on considère cette haute mission de la race française, cette apparence d’élection qui domine toute son histoire, cette marque divine, et à quel point la France est réellement la Fille aînée de l’Église, il semble que l’on n’ait plus le droit de parler de simplicité. C’est rapetisser, c’est ramener à de trop humaines proportions le génie de la France.
Que les Maures tiennent leurs seules vertus d’une fidélité extraordinaire au génie propre de leur race, cela ne paraît pas douteux — ni que leur unique beauté vienne d’un attachement inébranlable à leur Dieu, dans la défaite, dans l’abaissement, jusque dans l’abandon évident que ce Dieu d’Islam a fait de sa race. Il y a, dans la ténacité des Maures à croire au triomphe final de leur prophète et de leurs livres, quelque chose de comparable, une beauté analogue à l’espérance, à l’admirable confiance des anciens prophètes d’Israël. Pourtant, ce n’est pas de la simplicité qu’il faut chercher parmi eux, j’entends de la simplicité d’esprit — mais la simplicité des mœurs n’est-elle pas en raison inverse de la simplicité de l’esprit ? Nous en sommes la preuve.
La rose des vents. Pendant tout le jour, nous sommes restés écrasés de chaleur. On aurait entendu voler une mouche. On était comme dans nos pays, lorsqu’on attend l’orage. Une brume claire, pénétrée de clarté diffuse, voilait le ciel. L’horizon était noyé de vapeurs. Nous nous épongions, le Dr M. et moi, épiant la moindre brise. Parfois, un léger souffle, semblant venir de très loin, faisait un petit tourbillon et s’en allait, comme un visiteur pressé… La nuit fut encore calme, mais le lendemain matin, d’assez bonne heure, le vent d’est attendu commença sa chevauchée furieuse.
Toute la journée, il s’est rué à l’assaut de nos tentes, nous emplissant les yeux de sable, brûlant comme l’air qui sort du four des boulangers.
On essaie bien de se calfeutrer, mais c’est en vain. Le sable filtre de tous les côtés, fuse en jets rapides par tous les interstices. Le camp baigne lui-même dans un nuage de sable. A dix pas, on ne voit rien. Résignés, nous laissons couler les heures lentes. Parfois une trombe de sable vient se coller plus furieusement sur la toile de la tente. Cela fait un peu le bruit des paquets de mer qui se plaquent sur les flancs d’un navire, les jours de tempête.
— Mon cher ami, ce n’est guère le temps de philosopher. Laisse là tes chimères, me dit le vent.
Mais ceux que j’admire, ce sont nos Maures. Ils sont là, la gandourah relevée par-dessus la tête, et dormant du sommeil des justes…
Ainsi, quand je dis que je préfère Zoug aux leçons des intellectuels, ce n’est pas un retour à la nature que je dis, à la naïveté, mais plutôt à l’intelligence, qui est, en un sens, si l’on veut, la plus grande des simplicités.
Depuis que je suis à Zoug, j’ai fait plus ample connaissance avec les Yaggout. Ce sont de curieuses gens que ces Yaggout. Les autres Maures les considèrent volontiers comme des « Koufars », et les retrancheraient assez facilement du monde musulman. Il entre beaucoup de jalousie dans ce sentiment, parce que les Yaggout, comme les Regueïbat, sont grands propriétaires de chameaux. Mais il est vrai que les Yaggout font figure à part dans la société maure. Ils sont en général d’un type très fin. Quelques-uns ont l’air de vrais sémites. Les femmes sont presque blanches, jolies et peu farouches. J’en ai rencontré une au puits de Zoug qui tirait l’eau du puits, au milieu des hommes de la tribu. Elle portait un pantalon et un boubou d’homme. Ce n’était pas une captive, et d’ailleurs, elle avait le type le plus fin et le plus aristocratique. Pendant un instant, j’ai vraiment pris plaisir à suivre des yeux le jeu de ses muscles souples et la suite harmonieuse de ses mouvements.
Les femmes maures sont généralement très indolentes, ne sortent pas de la tente, s’empâtent à ne pas bouger et à boire du lait. Voici, chez les Yaggout, une autre conception de la féminité, plus voisine de la nôtre.
Les Yaggout sont venus à nous très vite, et, semble-t-il, avec plus de sincérité que les Regueïbat. Bien que nous ne les connaissions guère que depuis un an, plusieurs sont déjà engagés au peloton où ils servent en qualité de bergers. Il y a parmi eux le propre neveu du chef, M’barek el Arbi.
Ce M’barek el Arbi est un vieillard intelligent et avisé. Il est certainement l’un des chefs de la région, sur lequel on puisse le plus compter. Il est le fils aîné d’Ahmed Billal qui vint assez jeune dans le Tiris et y mourut en 1911, et le petit-fils d’El Billal qui, lui, passa toute sa vie dans les régions du Sud Marocain et mourut à El Ksabi, vers 1850. Le frère d’El Billal, El Haïmer, mourut dans le Tafilalet. C’est tout ce que j’ai pu recueillir sur l’histoire des Yaggout. Que sont-ils ? D’où viennent-ils ? Il semble difficile de le dire. Pour moi, je verrais assez volontiers dans ce peuple, de purs Berbères. Le t final de leur nom, leurs mœurs, leur caractère peu religieux, leur type fin et blanc sembleraient l’attester.
Les Yaggout prétendent remonter à un ancêtre, Yaggouti, qui aurait eu trois fils : Ghahamna, Yassin et Hammad, pères des trois grandes fractions de ce peuple. Les Ghahamna vivent dans le Gharb, et je crois que nos troupes du Maroc ont déjà eu à s’occuper d’eux. Hammad aurait eu pour fils Seïd, ancêtre des Aït Seïd, fraction du chef actuel M’barek el Arbi — Taleb el Amzaoui, ancêtres des Aït Taleb et des Amzaoui ; Yassin aurait eu pour fils Labeidi, ancêtre des Leboïdat, Iborck, ancêtre des Aït Iborck, et Hammou, père des Aït Hammou. Ce sont là les grandes divisions actuelles des Yaggout. Si les Ghahamna sont cantonnés dans le Gharb, les Aït Yassin et les Aït Hammad sont partagés entre le sud du Maroc (Seguiel el Hamra Oued Noun) et le Tiris, mais ces différents pays ne forment pour eux qu’un seul et immense terrain de parcours.
J’avoue éprouver moins de sympathie pour les Regueïbat. Ce sont les plus grands propriétaires de chameaux des pays maures, et en même temps, les plus habiles éleveurs. En 1909, au moment de la conquête, ils reçurent d’assez sévères leçons à Tourine et à El Beïeddh. Malheureusement, on prit par la suite l’habitude de les considérer comme des gens redoutables, et, après les avoir vaincus, on parut les craindre. Nous allâmes même jusqu’à leur faire l’imprudente promesse, que jamais un Français n’entrerait dans leur campement. En 1910, mon camarade D., méhariste fervent, ayant voulu voir en amateur les troupeaux des Regueïbat, reçut des chefs de campement une fin de non-recevoir absolue. Ce qui n’empêcha pas qu’en 1911, on n’ébauchât le recensement de leurs chameaux, opération nécessaire, car ces chameaux forment la base de la remonte des méharistes. Nous mîmes à la tête des innombrables fractions Regueïbat de l’Adrar, un vieillard intelligent, bien qu’illettré, Mohammed Oued Khalil, qui jouit incontestablement d’une grosse autorité. Mohammed Oued Khalil nous a rendu des services. Il n’a pu pourtant empêcher les nombreux départs de tentes vers l’Oued Noun et la Seguiel, qui se produisirent en 1911 et 1912.
Les Regueïbat sont, comme les Yaggout, un peu méprisés des autres Maures. Mais ils n’ont ni la finesse, ni la « race » des Yaggout. Je les estime peu comme guerriers. Pourtant, dans leurs luttes incessantes contre les Ouled Bou Sba, ils ont eu de beaux succès. En 1910 notamment, Mohammed Oued Khalil, avec ses seules forces, a infligé une grosse défaite à un medjbour d’Ouled Bou Sba, descendu du nord pour se refaire en chameaux.
Ce qu’il faut admirer dans leur façon de faire la guerre, c’est leur service d’exploration à grande distance. On peut dire que les chefs Regueïbat ont en permanence des patrouilles nombreuses, qui battent l’estrade fort loin des campements, aux environs des points de passage forcés sur les routes venant du nord. Ce sont ces « choufs » qui ont sauvé Mohammed Oued Khalil, en 1910.
Mais je pense à une phrase du colonel Gouraud, écrite en novembre 1909 : « Il faudrait les amener à reprendre leur ancien métier de caravaniers et les utiliser alors pour les convois libres. »
Oui, ils ont plus l’air de caravaniers que de guerriers.
Mes partisans m’apportent souvent de petits silex taillés en forme de flèches, de haches de granit ou de quartzite. Je trouve que rien ne fait plus rêver que ces témoins de l’âge de pierre. On rencontre beaucoup de ces silex travaillés dans les environs des puits du Tiris et du Zemmoul, notamment à Bir Gueudouze. Ils attestent que le pays a été habité depuis une très haute antiquité et, sans doute aussi, que l’on y trouvait plus d’eau dans ce temps-là qu’aujourd’hui.
Le Greco de Maurice Barrès me ramène vers cette lointaine Espagne qui fut ma première station vers l’Islam. Et ne sommes-nous pas ici dans le pays des anciens maîtres de Tolède ? Bien déchus de leur splendeur d’autrefois, sans doute. Et pourtant, quand on voit les grands mystiques qui vivent encore sur cette terre si rude, aussi nue que la Castille, on ne peut s’empêcher de penser à la figure que faisait le Greco dans Tolède. Il me semble que si les Maures avaient tant soit peu le goût de la figuration humaine, ce serait là le peintre qu’ils aimeraient et comprendraient. J’ai rencontré, dans les gorges du Tagant, de vrais ascètes, qui auraient fait le bonheur du Greco, et qui avaient même les formes allongées et squelettiques chères au Tolédan. Et de fait, le Greco voyait, sinon ces ascètes-là, du moins leurs parents ou des gens qui les avaient touchés de près.
Ici, plus que partout ailleurs, grâce à la rudesse du pays, à la pauvreté inouïe des habitants, à l’absence de toute civilisation, et aussi sans doute, au primitif sang berbère, le caractère mystique, spirituel de la race, s’est conservé avec une pureté étonnante. Contrairement à ce qu’on voit en Algérie, le plus grand chef maure est vêtu comme le dernier de ses captifs. Dans son pays sans grâce, aux grandes lignes nues, le Maure est incapable de toute manifestation artistique. Et pourtant, ses Almoravides, conquérants du Moghreb et de l’Espagne, étaient, je crois bien, de véritables Maures. Mais Grenade a été faite par les princes régnants, les Omaïades d’Égypte, et non par eux.
Tout ce que l’on dit du Greco peut s’appliquer, à peu de chose près, à l’âme des Maures ou, à l’espagnole, des « Mores ».