Les voix qui crient dans le désert : $b souvenirs d'Afrique
AU LECTEUR
Le titre sous lequel nous publions cette confession angoissante figure, écrit de la main même de l’auteur, sur le manuscrit qu’il a laissé après sa mort, survenue, comme on sait, le 22 août 1914, à Saint-Vincent-Rossignol, en Belgique, où il est glorieusement tombé à l’ennemi.
Nul autre que lui n’aurait pu choisir un titre plus approprié au sujet[1]. Ces pages sont un long cri de détresse jusqu’au moment où le jeune Africain, le petit-fils d’Ernest Renan, s’apaise enfin dans la foi catholique. L’intérêt hors pair de cet ouvrage, c’est qu’il se concevait et s’exécutait au fur et à mesure qu’Ernest Psichari se convertissait. Une fois converti, pour plus de modestie, pour plus d’humilité, il se dissimula sous le nom impersonnel de Maxence dans son Voyage du Centurion, désormais classique. En réalité, il avait essayé, dans ce Voyage, de refondre les Voix qui crient dans le Désert. Mais, incapable de se répéter, il tira des richesses de son fond une œuvre toute différente et qui, d’ailleurs, resta inachevée, telle qu’elle fut publiée en 1915.
[1] On a aussitôt compris que le titre de ce livre a été inspiré à Ernest Psichari par le fameux verset d’Isaïe (LX, 3) : La Voix de Celui qui crie dans le Désert, verset repris ensuite par les quatre Évangélistes successivement.
L’œuvre, au contraire, que l’on va lire — et qui a eu l’honneur de paraître dans le Correspondant, du 25 novembre 1919 au 25 janvier 1920 — est le récit complet de la conversion d’Ernest Psichari. Comme nous l’avons marqué, les Voix qui crient dans le Désert sont une confession : le Centurion est un roman. C’est un roman plutôt contemplatif, tandis qu’ici l’action militaire, l’événement matériel, le voyage proprement dit se mêlent sans cesse à la contemplation. On a de la sorte tout un drame mouvementé, haut et poignant, où éclate un des plus beaux cris religieux qu’on ait pu recueillir d’un cœur humain.