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Chronique du crime et de l'innocence, tome 7/8: Recueil des événements les plus tragiques;...

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LES DEUX FILS PARRICIDES.

Pierre Godefroy, jardinier aux Mesnils, près de Montfort-l'Amaury, arrondissement de Rambouillet, était parvenu à l'âge de soixante-huit ans, et pourtant, sous le rapport des mœurs, sa conduite était fort irrégulière. Il fréquentait des femmes de mauvaise vie et découchait souvent. Il s'élevait à ce sujet entre lui, sa femme et ses enfans, des querelles très-vives, et l'instruction rapporte des propos qui font frémir.

Le samedi 24 septembre 1814, dans la soirée, par un beau clair de lune, Pierre Godefroy fut rencontré sur le chemin du bois de l'Épine; le lendemain, son cadavre fut trouvé dans le même bois. Une trace de sang, qui commençait sur la route et se prolongeait dans le bois, prouvait qu'il y avait été traîné après l'assassinat. Le malheureux vieillard avait été tué d'un coup de fusil, chargé de deux balles, qui lui avaient fracturé la poitrine; les meurtriers, craignant que leur victime n'échappât, avaient eu l'horrible précaution de l'achever en lui faisant au cou, au-dessous du menton, une très-large plaie. En déposant le cadavre sous les arbres, on avait cherché à couvrir la plaie avec le bâton de chêne qui servait, quelques instans auparavant, à assurer la marche chancelante du vieillard.

La voix publique ne tarda pas à désigner les deux fils Godefroy, comme auteurs du crime. Un des indices auxquels on attacha le plus d'importance fut la découverte, au domicile de la veuve Godefroy, d'un fusil de chasse non chargé, nouvellement tiré, pouvant recevoir des balles de calibre. La veuve déclara que son fils Julien s'en était servi, le vendredi, pour tuer un oiseau; elle montra en effet un oiseau mort qui était dans sa huche.

Ces charges et plusieurs autres ne parurent pas suffisantes à la chambre d'accusation de la Cour d'assises; par arrêt du mois de février 1815, elle ordonna la mise en liberté des deux fils Godefroy qui avaient été arrêtés. Cinq années s'écoulèrent sans qu'aucune lumière nouvelles vint dissiper les ténèbres qui couvraient cet exécrable attentat; mais en février 1820, diverses indiscrétions des personnes de la famille ou de quelques témoins, excitèrent la vigilance de la justice, et les fils de Godefroy furent remis en prison et en cause.

Cinquante-neuf témoins furent assignés, et confirmèrent toutes les charges. Les deux accusés, l'un Pierre-Martin, âgé de trente-trois ans, ancien militaire et père de six enfans; l'autre Julien, âgé de trente ans, se renfermèrent dans une dénégation complète. Leur défenseur repoussa surtout l'invraisemblance d'une accusation où il faudrait supposer que d'autres femmes de la famille, la mère, une sœur et une belle-sœur des accusés, auraient été, sinon complices, au moins confidentes. «On ne peut croire, ajoutait-t-il, que le crime de parricide ait été en quelque sorte traité en conseil de famille.»

Néanmoins, après une délibération d'une demi-heure, les jurés déclarèrent coupables de parricide les deux frères Godefroy, qui furent condamnés à avoir le poing coupé et la tête tranchée.

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