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Chronique du crime et de l'innocence, tome 7/8: Recueil des événements les plus tragiques;...

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PEYRACHE,
FAUX TÉMOIN;
RISPAL ET GALLAND,
SES VICTIMES.

«En élevant la main au ciel, dit un écrivain moderne, le témoin invoque sur sa tête la vengeance du Tout-Puissant; il porte contre soi l'imprécation la plus terrible; s'il conserve dans son cœur l'arrière-pensée de trahir la vérité promise, il engage son honneur, sa réputation, la paix de son âme, pour l'assurance de sa parole.

«Le faux témoignage est le plus grand des attentats; ses conséquences sont effrayantes. Il annonce une démoralisation absolue; il tend à détruire toute confiance parmi les hommes; il sape les fondemens de la sûreté publique; il anéantit la tranquillité des familles; il introduit le désordre le plus affreux, la confusion la plus universelle; il conduit à la dissolution de la société, et peut causer la perte et la ruine de tous ses membres.

«Le plus sage des rois de l'antiquité comparait le faux témoin et le parjure aux instrumens les plus meurtriers, aux animaux les plus perfides et les plus dangereux, aux fléaux les plus épouvantables dont le ciel, dans sa colère, puisse accabler les hommes. Le faux témoin et le parjure, disait-il, sont une massue, une épée, une flèche aiguë, un poignard caché, un poison plus dangereux que celui de l'aspic et des serpens les plus redoutés, contre lesquels il n'est point de remède.»

Le fait que nous allons rapporter va fournir les preuves de cette définition, et nous dispensera de toute autre réflexion.

Le sieur Jean Courbon, de Mazet près Yssengeaux (Haute-Loire), jouissait d'une honnête aisance et de la considération de tous ses voisins; on ne lui connaissait pas d'ennemis. Ses bonnes qualités n'étaient un peu tachées que par le défaut qu'il avait de s'adonner au au vin et d'en faire un fréquent abus.

Le 9 septembre 1817, il passa la journée et une partie de la soirée à boire dans divers cabarets du bourg de Dunière, canton de Montfaucon, avec les nommés Galland, Rispal et Tavernier, tous trois beaux-frères. Le lendemain, à cinq heures du matin, le cadavre de ce malheureux fut trouvé dans une fosse de deux pieds de profondeur, derrière une auberge un peu éloignée de celle où il avait laissé ses trois compagnons. La position du cadavre ressemblait assez à celle d'un homme qui ferait une culbute sur la tête; le poids du corps portait sur la nuque, la tête étant repliée sur la poitrine, ce que la nature du terrain semblait expliquer. Il offrait dans toutes ses parties une raideur extraordinaire, et conservait encore quelque chaleur. L'état de ses habits, de sa cravatte, l'absence de toute contusion, éloignaient l'idée d'une lutte ou d'un crime. Son argent, ses effets et les morceaux d'un billet qu'il avait payé la veille à Tavernier, furent trouvés dans ses poches.

Le sieur Thomas, médecin, qui fut appelé sur-le-champ, n'hésita pas à attribuer la mort de Courbon à une attaque d'apoplexie, résultat des excès de boisson auxquels il s'était livré la veille. La constitution physique de Courbon venait encore corroborer cette opinion: il avait les épaules larges, le cou court et la tête grosse; son embonpoint était extraordinaire; il pesait au moins deux cents livres; aussi, à chaque instant, pouvait-on craindre qu'une mort subite ne vînt l'enlever à sa famille et à ses nombreux amis. L'ouverture du cadavre ne fit également que confirmer l'idée qu'avait fait naître sa forte constitution, et fournir les preuves de son intempérance.

Cependant, malgré les procès-verbaux et rapports qui repoussaient tout soupçon de crime, vingt-quatre heures s'étaient à peine écoulées depuis l'inhumation de Courbon, qu'une clameur, d'abord sourde et timide, puis pleine d'assurance, articula hautement le mot d'assassinat, et désigna comme meurtriers Galland, Rispal et Tavernier. A défaut de faits positifs, de preuves de visu, on eut recours, suivant l'usage, aux conjectures, aux présomptions. Quoique le cadavre, d'après le procès-verbal du juge-de-paix, n'eût présenté aucune lésion, pas la moindre égratignure, quelques individus prétendirent qu'il y avait rupture des vertèbres cervicales, et qu'il existait des ecchymoses au cou et à la poitrine. Sans pouvoir en alléguer le motif, on répandit que les trois beaux-frères ci-dessus désignés avaient de la haine, de l'animosité contre Courbon. Galland était connu pour avoir une humeur querelleuse, emportée; mais il était constant aussi que Rispal était doux, honnête et de mœurs paisibles. Mais l'esprit de prévention ne tint aucun compte de toutes ces considérations, et bientôt la clameur publique éclata si violente, si exaspérée, que le juge-de-paix, qui d'abord avait rédigé son procès-verbal dans le même sens que le rapport du médecin, finit par ajouter quelque foi à la possibilité d'un assassinat.

Le procureur d'Yssengeaux fut prévenu des faits d'une manière officielle. Tavernier et Rispal furent arrêtés, le 3 octobre 1817; et Galland, leur beau-frère, ayant appris leur arrestation, et sachant que la gendarmerie s'était présentée chez lui, vint se constituer lui-même prisonnier, le lendemain 4 octobre. Cette démarche pouvait, ce semble, être considérée comme une présomption d'innocence. Bientôt après, les trois beaux-frères furent élargis par ordonnance du tribunal, sur le rapport du juge d'instruction. Mais leur mise en liberté, qui eut lieu le 8 octobre, loin de calmer les rumeurs, ne fit qu'aigrir certains esprits et envenimer les soupçons.

Alors le juge-de-paix redoubla d'activité et de vigilance pour parvenir à la découverte de la vérité. C'était à l'époque où l'horrible meurtre de Fualdès était le sujet de toutes les conversations dans les villes comme dans les campagnes. On crut trouver dans la mort de Courbon quelque ressemblance avec l'épouvantable catastrophe de Rodez. On cherchait à accumuler les conjectures pour en former un corps de preuves. Le bruit courut qu'une femme, nommée Anne Colombette, demeurant à Guignebaude, situé à environ une heure de chemin de Dunière, avait dit que Galland, en passant près de chez elle, lui avait annoncé la mort de Courbon, le 8 septembre 1817, au moment où l'on découvrait le cadavre derrière l'auberge. Deux tailleurs d'habits, Aulanier et Celsette dirent aussi qu'un nommé Lardon avait entendu cette conversation; et ce Lardon finit par en déposer. Mais ce qui semblait positif et entraînant était une autre conversation que le nommé Claude Peyrache prétendait avoir entendu tenir par les trois beaux-frères, le 8 octobre, jour de leur mise en liberté. Ce témoin rapportait avoir couché dans une auberge d'Yssengeaux, où il n'était séparé d'eux que par une simple cloison qui lui avait permis, disait-il, de les entendre causer confidentiellement. Voici cet entretien qui fut le fondement du procès et de la condamnation.

Suivant lui, l'un d'eux disait: «Nous avons tort,» et il le répétait souvent. Galland répliquait: «Tais-toi, baveux; tu nous feras mettre en prison.» Alors, parlant plus bas, un autre avait ajouté: «Si vous m'aviez cru, nous ne serions pas dans l'embarras où nous sommes; vous ne l'auriez pas tué: j'en suis fâché.—Point de regret, dit Galland, qui est mort est mort.—Nous avons été trop vite, observait un troisième: nous avons trop enfoncé le mouchoir; ce qui a fait enfler le cou, et ce qui a éveillé les soupçons.»

Il est à remarquer que ce Claude Peyrache, appelé devant le juge d'instruction le 26 août 1818, n'avait point parlé de ce fait, et que ce ne fut que le lendemain 27, qu'il alla le révéler au juge-de-paix de Montfaucon. Il fut depuis appelé, par délégation du président des assises, devant le juge d'instruction d'Yssengeaux, auquel il répéta la même déclaration qu'il avait faite au juge-de-paix. La chambre d'accusation, sur de tels élémens, mit en état de prévention Galland, Rispal et Tavernier, qui bientôt furent traduits aux assises de la Haute-Loire.

Peyrache rapporta cette conversation avec de nouveaux détails devant la cour, quoique les personnes de l'auberge assurassent ne l'avoir pas vu le jour indiqué, et qu'un témoin prétendît avoir couché dans le lit que Peyrache désignait comme celui d'où il avait entendu la conversation des trois beaux-frères. Pour prouver qu'il était venu ce jour-là à Yssengeaux, il produisit une quittance portant la date du 8 octobre, signée par un avoué d'Yssengeaux et reconnue par ce dernier. Nous prions nos lecteurs de ne pas perdre de vue cette circonstance qui deviendra très-importante dans la suite de ce récit.

Dans le cours des débats qui eurent lieu devant la cour d'assises, les défenseurs des accusés demandèrent l'arrestation de Peyrache et de Lardon, comme faux témoins, et qu'il fût procédé à la vérification des lieux. Mais la cour passa outre, refusant de statuer sur ces demandes. A la suite d'une discussion qui dura six jours, Galland et Rispal furent condamnés, le 9 mars 1819, aux travaux forcés à perpétuité, comme coupables de meurtre, et Tavernier à un an de prison, comme complice involontaire de l'homicide. L'arrêt fut exécuté; Galland et Rispal, flétris, furent transférés au bagne de Toulon.

Cependant les femmes de ces deux condamnés n'avaient pas renoncé à la plainte en faux témoignage; et sur la décision du garde-des-sceaux (M. de Serre), le tribunal d'Yssengeaux ordonna, le 20 décembre 1819, qu'il serait fait des expériences pour constater si la conversation d'Anne Colombette avec Galland avait pu être entendue par Lardon, et si Peyrache avait également bien pu entendre celle qu'il rapportait.

Ces vérifications furent faites avec beaucoup de soin et d'exactitude. De nouveaux témoins furent appelés; et le résultat fut la mise en prévention d'abord de Peyrache pour le fait qui le concernait seul, et ensuite de Lardon, avec Anne Colombette, Aulanier et Cellette, comme complices de l'autre fait de faux témoignage. Ces cinq témoins avaient été entendus aux assises du Puy-en-Velay.

La chambre d'accusation ne trouva pas de preuves suffisantes contre Lardon et ses adhérens; en conséquence ils furent renvoyés.

Mais il n'en fut pas de même de Peyrache. Comme les expériences établissaient qu'au lieu d'une légère cloison, ainsi que ce misérable l'avait avancé, il existait au contraire entre les deux chambres de l'auberge, une muraille de l'épaisseur de deux pieds; comme dès-lors il n'avait pu, de celle qu'il disait avoir occupée, entendre ce qui aurait été dit dans la chambre voisine; qu'en outre, il n'avait point reconnu ou avait mal désigné les lieux qu'il disait avoir parcourus pour sortir, la nuit, de sa chambre et de la cuisine de l'auberge; que d'ailleurs, et ce qui devenait le plus important pour justifier ou détruire les assertions de Peyrache, il paraissait certain qu'il n'était pas venu à Yssengeaux, le jour que les trois beaux-frères avaient couché à l'auberge, où il prétendait avoir aussi passé la nuit: la chambre de la cour royale prononça la mise en accusation de Claude Peyrache.

Sur la requête du procureur général en règlement de juges, la cour de cassation attribua la connaissance de cette affaire à la cour d'assises de Riom, et le prévenu comparut devant ce tribunal le 23 mai 1821.

Peyrache, qui deux ans auparavant, s'était trouvé sur le banc des témoins, attirait actuellement tous les regards sur le banc des accusés. Non loin de lui, mais sous le poids terrible d'une condamnation flétrissante, se trouvaient Galland et Rispal que l'on avait extraits du bagne pour assister à cette procédure qui les intéressait si vivement. A côté de ces deux condamnés étaient placées leurs épouses, modèles de patience et de sollicitude conjugale.

Auprès de MM. Tailhand père et Bayle aîné, avocats des plaignantes devenues parties civiles, on voyait Me Montellier, avoué au Puy, qui, lors de la mise en jugement de Galland et de Rispal, défenseur intrépide autant que généreux, fut leur soutien et leur consolation dans leur infortune, et qui, par sa persévérance dévouée et désintéressée, parvint à assurer le triomphe de l'innocence.

L'accusation de faux témoignage fut soutenue par M. Voysin de Gartempe, avocat-général, avec un talent très-remarquable. «S'il arrive, plus tard, dit ce magistrat, que l'innocence de ces deux infortunés soit reconnue, il sera temps alors que la voix du ministère public éclate et retentisse pour leur offrir des réparations tardives, mais nécessaires. Il faudra, comme le disait un grand magistrat (Servan), que la justice ait le courage qui convient le mieux à l'homme sujet à tant d'erreurs, celui de les reconnaître et de les réparer.»

Après l'exposé du ministère public, on procéda à l'audition des témoins; ceux dont les dépositions paraissaient devoir être d'une grande importance, étaient sans doute les personnes qui se trouvaient dans l'auberge où Peyrache disait avoir couché, la nuit du 8 octobre 1817 et où il prétendait avoir entendu la conversation par lui atribuée aux trois beaux-frères. Le sieur Perrot, propriétaire de l'auberge, et Rose Vidal, domestique de la même auberge, déclarèrent ne pas avoir vu l'accusé. Plusieurs faits avancés par Peyrache furent niés formellement par les témoins.

Peyrache, lors de l'instruction, avait désigné le lit dans lequel il disait avait couché; cependant le nommé Deschomet, témoin, déclara avoir occupé, dans la nuit indiquée, le lit désigné par l'accusé.

Celui-ci avait rapporté devant le juge d'instruction que la chambre dans laquelle il avait couché n'était séparée de celle où étaient les trois beaux-frères que par une cloison en planches; et il fut constaté et répété à l'audience qu'un mur de deux pieds les divisait et que ce mur était crépi des deux côtés. Dans son premier récit, Peyrache avait dit que c'était de son lit qu'il avait entendu la conversation des trois beaux-frères. Plus tard, il avait rétracté cette assertion et, avait dit s'être blotti à la porte de la chambre de Galland, Rispal et Tavernier, et que de là il avait entendu les propos révélés par lui. Cependant les deux experts, chargés de faire la vérification des lieux, rapportèrent à l'audience que, du lit désigné par Peyrache, il y avait impossibilité d'entendre ce qui se disait dans la chambre voisine; que de sa porte l'on pouvait bien entendre quelques mots détachés, mais qu'il était impossible de saisir une phrase entière.

Nous passons sur quelques particularités peu importantes, pour arriver à des faits décisifs. Peyrache, sommé de rapporter quelques circonstances de son séjour à Yssengeaux, le 8 octobre 1817, prétendit qu'il avait fait ce voyage pour traiter d'affaires avec M. Labatie, avoué au tribunal de cette ville; qu'il était arrivé à Yssengeaux, à l'approche de la nuit; qu'il s'était rendu chez M. Labatie, et était sorti avec cet avoué pour aller ailleurs; qu'après avoir terminé ses affaires, il s'était retiré, accompagné de M. Labatie, à l'auberge de Perrot. M. Labatie ne se rappela pas précisément plusieurs des particularités alléguées par Peyrache; mais il assura bien positivement qu'il avait vu cet accusé le jour même auquel il lui avait fourni une quittance par suite d'un compte qu'ils venaient de faire.

Cette quittance, produite jusqu'alors comme une preuve irréfragable de la présence de Peyrache à Yssengeaux, le 8 octobre 1817, fut reconnue par M. Labatie pour être la même qui avait été mise sous les yeux de la Cour d'assises du Puy, au mois de mars 1819.

Au même instant, Me Tailhand père, en parcourant le contexte de cette quittance, s'aperçut qu'elle était datée du 8 octobre mil-huit-cent-dix-huit, et non du 8 octobre mil-huit-cent-dix-sept. Cette circonstance, relative au millésime, et qui jusque-là avait échappé à tous les regards, fit une si vive sensation sur l'auditoire, que personne ne fut maître de l'émotion qu'elle devait nécessairement produire. Quelle preuve plus forte pouvait-on acquérir du faux témoignage de Peyrache et de l'innocence de Galland et de Rispal?

Cette impression profonde fut encore entretenue par les éloquentes plaidoieries des défenseurs et du ministère public, en faveur de l'innocence calomniée et opprimée. La vérité venait d'éclairer tous les esprits; la réponse du jury n'était plus incertaine. Après quelques minutes de délibération, les jurés déclarèrent à l'unanimité Peyrache coupable de faux témoignage, avec toutes les circonstances comprises dans l'acte d'accusation. En conséquence, le prévenu, sur les conclusions du ministère public, fut condamné aux travaux forcés à perpétuité.

Ce procès, dont les débats durèrent quatre jours, excita dans la ville de Riom le plus vif intérêt en faveur de Galland et de Rispal. Tous les assistans auraient voulu pouvoir sur-le-champ briser leurs fers.

Peyrache se pourvut en cassation contre l'arrêt qui le condamnait; mais la Cour suprême rejeta son pourvoi par arrêt du 18 juin. Cette décision donna lieu à la Cour de cassation de faire usage, pour la première fois peut-être, du pouvoir que lui attribue l'article 445 du Code d'instruction criminelle. En conséquence, et par nouvel arrêt du 9 août suivant, elle annula le premier arrêt rendu au Puy contre Rispal et Galland, et ordonna qu'il serait procédé contre ces derniers sur l'acte d'accusation subsistant, devant la Cour d'assises du département de la Loire, séant à Montbrison.

Le jugement qui devait résulter de cette nouvelle procédure fut prononcé le 5 décembre 1821. Sur la déclaration du jury de jugement de la Loire, portant que Rispal et Galland n'étaient pas coupables de l'homicide qui leur était imputé, M. Reyre, conseiller à la Cour royale de Lyon, président des assises, prononça, après huit jours de débats, la mise en liberté de ces deux intéressantes victimes d'un faux témoignage. Ce magistrat leur adressa les paroles suivantes:

«Vous fûtes victimes d'une erreur judiciaire dont la justice a à gémir profondément, et c'est par la justice elle-même qu'elle vient d'être réparée, autant qu'elle pouvait l'être.

«La société à qui vous fûtes si cruellement arrachés, va vous recueillir avec tout l'intérêt que peut être digne d'inspirer l'innocence trop long-temps méconnue. En rentrant dans son sein, abjurez, étouffez s'il se peut, par intérêt pour votre repos, les ressentimens que d'amers souvenirs pourraient nourrir ou éveiller dans votre cœur. Ne songez qu'à bénir le ciel de ce qu'il a appelé à votre secours des défenseurs si nobles, si généreux, et de ce qu'il a éclairé la justice des hommes. Bénissez-le aussi sans cesse de ce que votre sort rigoureux s'est trouvé uni à celui de deux femmes, vrais modèles de leur sexe, qui par leur tendresse pour vous, par leur courage, leur constance tout-à-fait héroïque, vous ont aidé si puissamment à sortir purs et sans tache du tombeau où vous étiez comme ensevelis..... Dans ce jour, va commencer pour vous, en quelque sorte, une nouvelle vie, et l'horrible épreuve que vous avez subie s'est trop prolongée pour que votre ruine n'en ait pas été la suite inévitable. Mais il vous est permis d'élever vos vœux, vos espérances vers d'augustes mains, qui ne laissent presque pas passer un seul jour sans sécher quelques larmes, sans répandre quelques bienfaits sur le malheur.

«Après tant de maux que vous avez soufferts, vous ne pouvez que mériter d'une manière toute spéciale, la protection du gouvernement, et ce ne sera pas en vain qu'il attirera sur vous, sur vos enfans, les regards paternels du meilleur des rois».

On ne pourrait qu'exprimer faiblement la vive sympathie, l'intérêt universel que l'infortune de Galland et de Rispal avait excités. Les juges, les jurés, le public s'empressèrent de le témoigner, en envoyant leur offrande au notaire qui avait ouvert une souscription à Montbrison pour ces malheureux. La femme de Galland était morte le 14 décembre à Montbrison, après dix-sept jours de maladie. Elle n'avait pu assister aux débats que le premier jour.

Le roi (Louis XVIII) voulant réparer, autant que possible, le tort que Rispal avait éprouvé par suite de cette erreur judiciaire, accorda à madame Rispal une pension de trois cents francs.

Nous nous faisons un vrai plaisir de signaler ici le zèle et le désintéressement des avocats qui embrassèrent la défense des deux infortunés beaux-frères. Me Montellier, leur infatigable défenseur, mérite surtout le tribut de nos éloges et la reconnaissance de l'humanité. Il ne négligea rien pour faire éclater l'innocence de ses cliens; démarches actives, conseils éclairés, consultations de médecins et avocats célèbres, tout fut mis en usage par lui pour parvenir à son noble but, et rien ne put rebuter sa persévérance généreuse. Aussi reçut-il la récompense de sa belle conduite; la libération de Rispal et de Galland était en grande partie son œuvre: il en a partagé l'honneur, et il y a joint cette intime et douce satisfaction, qui est le prix le plus précieux de toute bonne action.

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