L'Empire Japonais et sa vie économique
CHAPITRE X
I. Agriculture ; superficie en rizières. — II. Production totale en céréales. — III. Diverses espèces de riz. — IV. Les haricots, le maïs, la patate, les différents légumes. — V. Épices et condiments. — VI. Division de la terre. — VII. Soie et culture du mûrier. — VIII. Culture du thé. — IX. Chevaux et bétail. — X. Fruits. — XI. L’île d’Yezo (Hokkaido) et la colonisation.
I. — Dans l’antiquité, il n’existait au Japon, comme d’ailleurs dans tout pays, que deux classes : les agriculteurs et les soldats ; c’est là, du reste, la base de toute société humaine : se nourrir et se défendre. L’industrie et le commerce ne viennent qu’après.
Aujourd’hui encore le Japon peut être considéré surtout comme un pays agricole : 60 pour 100 de sa population vit de la terre.
Les terrains de production se divisent en deux sortes : les terrains secs, analogues à ceux des champs en Europe, qui sont les moins nombreux ; et les terrains humides servant exclusivement à la culture du riz. D’après la statistique la plus récente (1908) la superficie des rizières est de 2.898.792 chô et celle des autres champs de 1.813.913 chô. La production du riz et autres céréales sur toute la superficie arable de l’Empire se répartit ainsi :
Superficie cultivée en riz, orge, seigle et blé :
Divisions.  | 
Riz. (Chô).  | 
Orge. (Chô).  | 
Seigle. (Chô).  | 
Blé. (Chô).  | 
| Honshu | 2.285.453  | 
601.309  | 
325.643  | 
293.475  | 
| Shi Koku | 150.787  | 
5.978  | 
118.620  | 
21.866  | 
| Kiushu | 441.752  | 
50.474  | 
236.495  | 
118.548  | 
| Yezo | 19.800  | 
12.075  | 
19.927  | 
9.917  | 
Si l’on compare les superficies cultivées aujourd’hui à celles d’il y a dix ans, on ne les trouve pas sensiblement augmentées ; le Japon semble bien être arrivé à son maximum de culture comme riz ; tous les terrains qui ont pu être transformés en rizières l’ont été ; depuis trente ans, la superficie des champs de riz a presque doublé : de 1.611.130 chô en 1878 elle est montée à 2.898.792 chô en 1908. Le riz est, en effet, la base de la nourriture japonaise. Les autres céréales, qui en 1878 représentaient une superficie de 1.433.913 chô, ne représentent en 1908 que 400.000 chô de plus, soit 1.833.913 chô ; parce que ces céréales ne sont nullement indispensables et servent à différents usages autres que la nourriture.
II. — Voici quelle est la production totale du Japon en céréales ; c’est-à-dire en riz, orge, seigle et froment, le froment n’étant pas le blé que nous trouvons en Europe, mais une espèce de blé barbu à épi nettement carré et spécial au Japon.
Production totale pour tout le Japon :
| Riz | 46.302.530  |  kokus. | 
| Orge | 9.445.238  |  — | 
| Seigle | 6.957.932  |  — | 
| Blé | 3.962.265  |  — | 
III. — Il existe deux sortes de riz : le riz ordinaire appelé urushi et le riz gluant ou mochigome (riz à gâteaux) ; elles sont divisées elles-mêmes en une quantité de variétés, au moins deux cent cinquante au dire des Japonais, mais que nous ne saurions reconnaître. Le riz se cultive dans l’eau ; cependant on en plante une certaine espèce en montagne, mais en petite quantité, et, du reste cette espèce ne se voit guère que dans les pays où il n’y a vraiment pas moyen de faire pousser le riz ordinaire.
Ce dernier sert, ainsi que je l’ai déjà dit, à la nourriture quotidienne. Il est employé aussi pour faire de la levure de sake (alcool de riz) et du vinaigre ; réduit en farine il entre dans la fabrication de différentes pâtes alimentaires.
Le riz gluant est utilisé pour faire des gâteaux et une espèce de liqueur sucrée ; on l’utilise aussi dans la teinturerie comme empois.
L’orge sert à faire des sucreries appelées ame ou midzuame, des gâteaux en le grillant et le mélangeant avec du sucre.
Avec le froment japonais sont fabriquées une espèce de macaroni et de vermicelle, et une sorte de pâte appelée fu. On l’emploie aussi mélangé avec des haricots, pour la fabrication du shoyu et du miso, deux sortes de sauces ; on en fait également des gâteaux.
Le seigle trouve aussi son emploi comme le blé, et convient également à la nourriture des animaux.
En dehors de ces quatre céréales, le sol japonais produit également :
Haricots : 3.261.881 kokus ;
Adzuki : 804.485 ; (espèce de haricot, le phaseolus radiatus) ;
Millet : 1.829.027 ;
Iye : 205.422 (sorte de millet) ;
Kibi : 364.269 (sorte de millet) ;
Sarrazin : 1.119.108 ;
Colza : 1.018.644.
IV. — Le haricot ou mame dont il existe au Japon de nombreuses espèces, sert à des usages non moins nombreux : car on peut non seulement le manger cuit ou réduit en farine, mais encore l’employer pour la fabrication du shoyu, du miso et du tofu. Le shoyu et le miso sont deux espèces de sauces et le tofu une sorte de gâteau assez semblable comme forme à un fromage tout frais.
La peau, l’enveloppe, les feuilles et la tige des haricots entrent dans la nourriture des chevaux.
Les différentes espèces de millet servent à l’alimentation, principalement sous forme de gâteaux.
Le Japon produit encore :
| Pommes de terre | 117.969.598  |  kwamme ; | 
| Patates | 651.678.486  |  — | 
| Coton | 2.145.625  |  — | 
| Chanvre | 2.185.425  |  — | 
| Tabac | 10.877.910  |  — | 
| Indigo | 9.127.480  |  — | 
Le maïs ou tomorokoshi a été importé de Chine autrefois et les Japonais le mangent de deux manières ; s’il s’agit de l’épi, on le fait bouillir au naturel ; s’il s’agit de la farine, on en fait une espèce de soupe ou de bouillie. Quand le maïs est frais, on le mange aussi grillé, en faisant passer l’épi tout entier au-dessus du feu.
Comme légumes, le Japon a presque tous ceux d’Europe : oignon, ail, carotte, navet, concombre, melon, citrouille, épinard, oseille, etc… etc… En outre, il possède une quantité de légumes spéciaux et indigènes, ce qui porte le régime végétal à un point inconnu en Europe. Au Japon on peut varier ses plats de légumes à l’infini :
Le lotus, en général cultivé dans les étangs ou les terrains inondés ; sa racine (hasu no ne : racine de lotus) est fort bonne à manger et fournit de l’amidon ; ses fleurs sont fort admirées ; le lotus est la fleur sacrée du bouddhisme ;
Le daikon, espèce de navet énorme et comprenant de nombreuses variétés ; on le mange cuit ou salé ; on en fait une sorte de choucroute fort appréciée des Japonais, mais qui choque l’odorat des Européens ; l’imo ou racine bulbeuse qui comprend une foule de variétés dont les noms ne sont pas traduisibles en français parce que la plante n’existe pas chez nous ; tsuku imo, qui se consomme cuit et dont les graines peuvent se manger également ;
Naga imo ; on en fait une espèce de gruau que l’on mange avec une sauce spéciale, si l’on a soin de le râper et de le piler préalablement ;
Imo proprement dit, comprend sato imo, tono imo, yatsuga imo, yegu imo, etc. L’énumération en serait trop longue. Toutes ces variétés se mangent cuites. Au printemps, on recouvre de terre les tubercules de l’yegu imo pour les faire germer ; lorsque les petites pousses, qui portent le nom de no imo, apparaissent, on les mange ; il y a une autre variété dite hasu imo dont la tige seule peut être utilisée ;
Yuri, le lis, est employé au Japon tout comme les carottes et les navets ; le sara yuri pousse à l’état sauvage ; l’oni yuri réclame les soins de la culture ; ce dernier est supérieur comme goût, et on peut réduire son bulbe en fécule ;
Na, épinard, herbe, etc., on pourrait plutôt traduire par verdure ; car on appelle na au Japon toutes les feuilles vertes qui se mangent, et elles sont nombreuses ;
Mitsuba, espèce de plante d’eau (cryptotœnia canadensis) ;
Shiso, feuilles soit rouges, soit vertes, que l’on sale et que l’on mange après macération ;
Takenoko, jeunes tiges de bambou que l’on fait bouillir et que l’on assaisonne ensuite une fois qu’elles sont très tendres.
V. — Le Japonais aime beaucoup le condiment épicé ; il emploie fréquemment le gingembre (shoga), cru ou conservé. On fait croître les jeunes pousses dans des caves en recouvrant les racines avec de la terre et des détritus de végétaux.
Le wasabi ou raifort est également très apprécié ; le togarashi ou piment, le sansho (Xantoxylum piperitum) ; les graines de chanvre grillées, etc…
VI. — La superficie de la terre peut se décomposer comme suit :
Terres appartenant à la Couronne, au Gouvernement, etc., 21.394.805 cho.
Terres appartenant aux particuliers, 14.172.339 cho.
La population occupée à la terre peut se chiffrer par environ 5.600.000 familles, soit 64 pour 100 de la population totale de l’Empire ; parmi ses membres environ 20 pour 100 possèdent une éducation agricole complète ; 350.000 jeunes gens ayant passé par des écoles spéciales.
La terre est excessivement morcelée et la plus grande partie des champs de riz, par exemple, n’est que de 4 à 4 ares 50 de superficie, tandis que les champs proprement dits ne mesurent que 8 à 9 ares. Si l’on ajoute à cela le terrain qu’il faut sacrifier nécessairement autour des champs de riz afin d’élever des talus pour contenir l’eau, on voit que pour un propriétaire qui possède beaucoup de champs dispersés, le travail de culture est pénible et les pertes assez grandes. Aussi, depuis 1900, le Gouvernement a-t-il entrepris, de concert avec les intéressés, et en nommant des experts qualifiés, de réajuster la propriété et de la répartir d’une façon plus groupée, de manière à rendre les propriétés plus compactes. Les propriétaires n’ont qu’à y gagner ; aussi se prêtent-ils volontiers à ce mouvement, qui se dessinait plein de promesses, mais se trouve en suspens faute de fonds.
VII. — Le Japon produit de la soie en assez grande quantité ; voici les noms des districts qui en fournissent le plus :
| Ken de | Miye | 3.312.490  | 
yen. | 
—   | 
Gumma | 9.585.254  | 
—   | 
—   | 
Aichi | 8.358.883  | 
—   | 
—   | 
Yamanashi | 8.346.864  | 
—   | 
—   | 
Nagano | 34.989.371  | 
—   | 
—   | 
Fukushima | 6.188.107  | 
—   | 
—   | 
Saitama | 8.352.784  | 
—   | 
—   | 
Gifu | 6.155.458  | 
—   | 
—   | 
Yamagata | 4.885.739  | 
—   | 
Les mûriers occupent la superficie suivante :
| Honshu | 337.399  | 
cho. | 
| Shikoku | 8.218  | 
—   | 
| Kiushu | 16.839  | 
—   | 
| Yezo | 2.260  | 
—   | 
La culture de cet arbre réussit bien au Japon, et il atteint parfois la hauteur de vingt à trente pieds. Ses feuilles, cordiformes et dentelées, sont quelquefois découpées ; ses fruits mûrissent en été et ont une couleur violette ; on le plante en ligne comme les vignes dans le centre de la France, et on coupe les branches au lieu de récolter seulement les feuilles ; de sorte que tous les ans, au printemps, de jeunes branches sortent avec une nouvelle vigueur. Il existe au Japon deux sortes de mûriers : l’un qui fleurit en mars, l’autre, plus tardif, qui fleurit seulement en avril.
VIII. — La superficie des champs plantés en thé est :
| Honshu | 37.659  | 
chô. | 
| Shikoku | 3.498  | 
—   | 
| Kiushiu | 9.299  | 
—   | 
| Yezo | néant. | |
soit, en tout, 50.456 chô.
Les districts qui produisent le plus de thé sont :
| Ken d’Ibaraki | 454.437  | 
yen. | |
—   | 
Shidzuoka | 3.445.679  | 
—   | 
| Shi de Kioto | 739.152  | 
—   | |
| Ken de | Shiga | 374.932  | 
—   | 
—   | 
Miye | 726.211  | 
—   | 
—   | 
Nara | 376.993  | 
—   | 
—   | 
Kumamoto | 519.106  | 
—   | 
Je ne m’étends pas particulièrement sur la culture du thé au Japon, qui ne présente aucun intérêt pour l’Europe. Tout le thé que fournit le Japon à l’exportation est absorbé par les États-Unis qui s’en sont fait une spécialité ; et je doute qu’il soit jamais apprécié en Europe.
IX. — Le cheval, autrefois au Japon, était surtout destiné à porter les fardeaux des paysans à travers les sentiers dans la campagne, et à servir de monture aux guerriers. Le cheval japonais est un animal fort peu élégant, sans poitrail, efflanqué, très peu solide sur ses jambes de devant et d’une ressource médiocre pour les lourds fardeaux. Le Gouvernement Japonais a fait tous ses efforts pour améliorer la race, et instruit par les deux dernières guerres, il a institué une administration spéciale des haras sous la direction immédiate de la Maison impériale, avec un conseiller privé et un ancien ministre d’État à sa tête. Mais les circonstances particulières dans lesquelles se trouve le Japon s’opposent à un rapide développement de la race chevaline : en effet, l’absence de plaines étendues, la présence par tout le pays de champs de riz, l’inutilité presque absolue du cheval pour les cultivateurs et le public en général, font que l’élevage a toujours été plus ou moins négligé.
La nouvelle administration doit avoir constamment à sa disposition 1.500 étalons étrangers choisis, de façon à les distribuer dans les principaux centres d’élevage pour les accoupler avec des juments indigènes. Le programme est établi pour une durée de 28 ans à partir de 1906, et on estime la dépense à 30.000.000 de yen.
Les principaux centres d’élevage sont : au Nord l’île de Yezo ; les districts de Nambu, Sendai, Miharu et Akita ; au Sud, Kagoshima.
Le cheval de Nambu est le plus réputé du Japon ; il est fort, relativement large de poitrail et très endurant. Ceux de Hokkaido, Sendai, Miharu, Akita sont des variétés du Nambu ; ils sont dociles et résistants : le cheval de Kagoshima, au contraire, est petit, vif, vicieux et souvent intraitable.
Il y a longtemps déjà que le Gouvernement Japonais a essayé d’introduire des chevaux étrangers pour améliorer la race indigène ; mais jusqu’à présent il n’a pas réussi. De France, d’Angleterre, d’Amérique, de Hongrie, d’Arabie, d’Australie sont venus de beaux, de splendides spécimens ; au bout de deux ans au Japon ils étaient ou morts ou malades ; le climat humide et le manque de pâturages les tuent.
L’Empereur a cependant une écurie de chevaux australiens ; mais ces malheureuses bêtes ne sont que l’ombre de ce qu’elles étaient dans leur pays. Le cheval chinois lui-même, pourtant si fruste et si résistant, est bientôt, au Japon, pris de rhumatismes et rendu indisponible.
Un poulain de deux ans coûte aujourd’hui environ 60 yen s’il est indigène pur sang, et environ 150 yen s’il est croisé de sang étranger.
Les bêtes à cornes sont également très chétives ; autrefois on ne les employait que comme bêtes de somme ; aujourd’hui encore le paysan japonais se contente de s’en servir pour la culture ou le transport et il n’en élève pas pour la boucherie ; il s’ensuit que la viande fournie aux Européens dans les ports est de très mauvaise qualité. Le manque de bons pâturages empêchera toujours la formation de belles races de bœufs comme en Europe et en Amérique ; le lait est pauvre et rare, et le beurre qu’on a essayé de produire est détestable.
Les chèvres et les moutons n’existent pas ; on a essayé d’en introduire, mais ils ne réussissent que difficilement et seulement dans le Nord ; en général, au bout de peu de temps ils sont atteints de maladie et meurent vite. Il n’est pas rare d’en voir mourir subitement sans cause apparente. L’humidité du climat doit contribuer à empêcher leur élevage en grand.
Porcs et poulets existent en petites quantités ; le Japonais mange peu de porc et n’est pas non plus très friand de volaille.
X. — En fruits le Japon est très pauvre ; il n’a de bon que le biwa que nous avons appelé la nèfle du Japon, et qui pousse, transplantée, sur le littoral méridional de la France et en Algérie ; le kaki, fruit spécial à la Chine et au Japon, ressemblant à une tomate, et dont il y a quatre-vingt-six variétés ; le mikan, sorte de mandarine.
Les autres fruits existent, mais sont détestables ; la prune (sume) ne peut se manger crue ; elle est employée à faire des confitures ou bien une espèce de conserve salée que l’on mange le matin en se levant ; les fleurs du prunier, salées, servent à faire des infusions analogues à celles du thé.
Le pêcher (momo) porte d’assez beaux fruits qui ne sont pas mangeables sans être cuits. Les Japonais les conservent en les faisant bouillir dans du sucre.
L’abricot (ansu) est gardé séché ; cru, il est acide et désagréable.
Le brugnon (sumomo), la pomme (ringo), la poire (nashi) sont absolument inférieurs, n’ont que le goût d’eau, et sont insipides crus ; on les mange en compote avec du sucre.
Le cognassier (kwarin) très inférieur comme grosseur et comme espèce à celui d’Europe, se mange bouilli avec du miel et du gingembre.
En dehors du mikan (mandarine) qui est excellent, il existe au Japon un nombre considérable de variétés de citrons : le koji ; le kunembo ; le daïdaï ; le zabon ; le buntan ; le bushu kan ; le kinkan ; le yudzu. Tous ces citrons croissent généralement dans le Sud (île de Kiushu), seul, le yudzu supporte le froid.
Le jujubier (natsume), le noyer (kurumi), le châtaignier (kuri) existent également, mais les fruits en sont inférieurs.
La vigne sauvage (budô) existe en grande quantité, et fournit des fruits assez agréables au goût.
Le cerisier (sakura) ne vaut que par ses fleurs qui, au printemps, font la joie du Japon.
Depuis une vingtaine d’années on a essayé d’acclimater les cerises, les pommes, les poires, le raisin, les fraises d’Europe et d’Amérique. On a réussi assez bien pour les poires et les pommes ; on a obtenu également des cerises et des fraises ; mais les plants dégénèrent vite. Le climat des îles japonaises est beaucoup trop humide, et c’est évidemment ce qui s’oppose, dans le règne végétal, au développement normal des fruits d’Europe, et, dans le règne animal, à l’élevage du mouton et de la chèvre.
XI. — Hokkaidô (île de Yézo) très au Nord et loin de toute communication avec le Japon d’autrefois, est restée longtemps négligée ; elle servait de lieu d’exil, elle n’était guère peuplée que d’Ainos, et Hakodaté était le seul port, la seule station que les Japonais eussent dans l’île. Le climat, très froid, ne leur convenait d’ailleurs pas, et c’était, en outre, un voyage trop long pour s’y rendre. Depuis la restauration impériale, le Gouvernement a essayé de coloniser l’île de Yézo, appelée plus communément Hokkaidô ; il a d’abord institué un Bureau de la colonisation, le Kai taku shi, spécialement destiné à l’administration du pays.
En dehors du colon libre qui ne venait pas en grand nombre dans ces froides solitudes, le Gouvernement voulut imiter les Russes en Sibérie et créa des soldats-laboureurs auxquels il donnait la terre et qui restaient attachés au sol qu’ils devaient défendre. Mais toute cette organisation ne produisit rien de sérieux. On y renonça et, sans rattacher encore le Hokkaidô à l’administration générale de l’Empire, on créa un gouvernement à part, un chô, et on divisa l’île en ken ; puis on la rattacha au ministère de l’Intérieur.
Grâce aux mines de houille de Poronai, à la pêche du saumon, du hareng, de la baleine, grâce aussi à la natalité toujours plus grande de la nation japonaise, l’île finira probablement par se peupler forcément ; mais il est hors de doute, cependant, que les Japonais ne s’y plaisent pas et ne s’y expatrient pas volontiers.
L’État leur donne la terre aux conditions suivantes :
Terre pour culture 500 chô à 4 yen 50 le chô ;
Terre pour l’élevage 800 chô à 3 yen le chô ;
Forêt 800 chô à 1 yen 50 le chô ;
Terre donnée gratuitement 10 chô.
La durée au bout de laquelle la terre doit être en rapport est de :
5 ans pour la terre accordée gratuitement ;
8 ans pour 10 chô ;
10 ans pour 30 chô.
Pour l’exploitation des terrains forestiers ou pour l’extraction de la tourbe, la période est doublée. Le colon, qui a rempli les conditions exigées, a droit à une nouvelle acquisition aux mêmes prix et obligations.
Des fermes modèles ont été installées, principalement aux environs de Sapporo. L’une appartient à la Shoku yetsu shoku min kwaiska et elle est située à Noboro, (12 kilomètres de Sapporo). La ferme contient 251 familles ; en 1906 la compagnie a retiré un bénéfice net de 5.182 yen. Une autre appartient au marquis Maeda (ancien daïmio de Kaga) ; située près de Sapporo, elle est divisée en exploitation agricole et en élevage. Le capital employé est d’environ 80.000 yen et le bénéfice de 1906 a été de 5.797 yen.