L'Empire Japonais et sa vie économique
CHAPITRE VI
I. Le peuplement : sa densité ; l’expansion au dehors. — II. Quelques chiffres. — III. Répartition de la population. — IV. Villes au-dessus de 100.000 habitants. — V. Émigration au Hokkaido (île d’Yezo).
I. — La population du Japon augmente, tous les ans, d’une manière inconnue à l’Europe, même à l’Allemagne et à la Russie, dont, cependant, l’accroissement de population est déjà fort rapide. On a souvent prétendu que c’était cette augmentation continuelle qui obligeait les Japonais à chercher d’autres terres pour vivre, leur pays se trouvant surpeuplé. Je crois qu’il n’est pas très exact d’énoncer pareille idée d’une façon absolue. Les Japonais ont encore à peupler tout le Nord du Honshû et l’île de Yezo et, certainement, ces deux parties de l’Empire pourraient nourrir des milliers de familles ; ce qui chasse les Japonais de chez eux c’est moins le besoin de nouveaux territoires que leur esprit d’aventures. En effet, avant la fermeture complète du Japon par Iyeyasu et l’interdiction absolue de communiquer avec l’étranger, les jonques des Japonais parcouraient toutes les mers de Chine, et on les trouve, aux XIVe, XVe, XVIe siècles, un peu partout en Asie : en Corée, au Siam, en Annam, au Tonkin, où ils commercent, où ils deviennent ministres, généraux, et où, en somme, ils sont très appréciés. Le vieux sang malais, le sang des écumeurs de mer qui coule dans leurs veines, en fait à cette époque des navigateurs de première valeur. L’édit de Iyeyasu leur fermant la mer, leur fit oublier leurs ardeurs maritimes ; mais depuis que le pays s’est ouvert en grand, ils sont repartis sur les flots et sont redevenus ce qu’ils étaient, d’excellents marins et des aventuriers sans égaux. C’est ainsi qu’on les voit en Chine, en Amérique, aux Hawai, aux Philippines, en Mandchourie, en Corée, voire au Pérou et au Chili.
II. — Quelle que soit, d’ailleurs, la raison particulière qui les fait ainsi essaimer dans les mers d’Extrême-Orient et dans le Pacifique, il n’en est pas moins constant que le chiffre de la population japonaise va toujours en augmentant. De 35.768.584 en 1879, elle est passée en 1905 à 47.674.460 habitants, après avoir été en 1896 de 42.708.264 habitants.
Le tableau de la population totale de l’Empire, pour les dix dernières années (le recensement le plus récent étant de 1905, pris dans le dernier résumé statistique de l’Empire) (1908), donne les chiffres suivants :
ANNÉES  | 
POPULATION  | 
1896  | 
42.708.264  | 
1897  | 
43.228.863  | 
1898  | 
43.763.855  | 
1899  | 
44.260.642  | 
1900  | 
44.815.980  | 
1901  | 
45.437.032  | 
1902  | 
46.022.476  | 
1903  | 
46.732.876  | 
1904  | 
47.215.630  | 
1905  | 
47.674.460  | 
Cette population totale était ainsi répartie à la fin de décembre 1903 (dernier tableau paru) :
1888  | 
1893  | 
1898  | 
1903  | |
| Honshu central | 15.331.659  | 
16.031.432  | 
16.859.998  | 
17.988.546  | 
| — septentrional | 5.992.017  | 
6.316.774  | 
6.642.917  | 
7.075.571  | 
| Honshu occidental | 9.096.416  | 
9.374.468  | 
9.825.722  | 
10.396.425  | 
| Shikoku | 2.828.821  | 
2.907.280  | 
3.013.817  | 
3.167.707  | 
| Kiushu | 6.103.446  | 
7.379.262  | 
6.811.246  | 
7.260.910  | 
| Yezo | 254.805  | 
379.097  | 
610.155  | 
843.717  | 
En quinze ans, de 1888 à 1903 la population du Japon a augmenté de 7.175.642 habitants ; et de 1903 à 1905 de près d’un million (exactement 941.584 habitants).
III. — Elle est inégalement répartie dans tout l’Empire et les parties les plus peuplées du Japon sont celles qui composent le Honshu central, c’est-à-dire tout le centre de la plus grande île, que les Européens connaissent plus généralement sous le nom de Nihon ou Nippon, et que les Japonais appellent Honshu ou terre principale, Nippon et Nihon, chez eux voulant dire le Japon tout entier. La répartition de la population par Ken ou département, au 31 décembre 1903 (résumé statistique de l’Empire du Japon pour 1908) est ainsi établie :
Shi et Ken (Honshu central).  | 
Population.  | 
| Shi de Tokio | 1.668.368  | 
| Ken de Kanagawa | 866.276  | 
| — Saitama | 1.248.626  | 
| — Chiba | 1.329.362  | 
| — Ibaraki | 1.205.231  | 
| — Tochigi | 858.875  | 
| — Gumma | 850.081  | 
| — Nagano | 1.321.581  | 
| — Yamanashi | 537.938  | 
| — Shidzuoka | 1.294.917  | 
| — Aichi | 1.692.771  | 
| — Miye | 1.051.054  | 
| — Gifu | 1.046.520  | 
| — Shiga | 739.608  | 
| — Fukui | 655.714  | 
| — Ishikawa | 806.748  | 
| — Toyama | 814.876  | 
| Honshu septentrional : | |
| Ken de Niigata | 1.882.574  | 
| — Fukushima | 1.145.606  | 
| — Miyagi | 898.531  | 
| — Yamagata | 889.510  | 
| — Akita | 834.781  | 
| — Iwate | 761.281  | 
| — Awomori | 663.288  | 
| Honshu occidental : | |
| Shi de Kioto | 984.285  | 
| — d’Osaka | 1.432.932  | 
| Ken de Nara | 568.265  | 
| — Wakayama | 721.411  | 
| — Hiogo | 1.776.220  | 
| — Okayama | 1.181.204  | 
| — Hiroshima | 1.517.185  | 
| — Yamaguchi | 1.032.879  | 
| — Shimane | 742.844  | 
| — Tottori | 439.200  | 
| Shikoku : | |
| Ken de Tokushima | 729.951  | 
| — Kagawa | 730.947  | 
| — Ehime | 1.056.054  | 
| — Kôchi | 660.755  | 
| Kiushiu : | |
| Ken de Nagasaki | 878.667  | 
| — Saga | 666.158  | 
| — Fukuoka | 1.476.528  | 
| — Kumamoto | 1.212.187  | 
| — Oita | 873.659  | 
| — Miyazaki | 490.275  | 
| — Kagoshima | 1.194.228  | 
| — Okinawa | 468.208  | 
Par le tableau ci-dessus, il est facile de se rendre compte de la façon dont le Japon est peuplé ; depuis le recensement de 1903, la population s’est encore accrue nécessairement, mais aucune statistique officielle n’a paru à ce sujet ; toutefois on peut affirmer, sans se tromper, qu’à l’heure actuelle (1909), la population japonaise dépasse 50.000.000 d’habitants. (L’Annuaire économique pour 1908 donne exactement 49.232.822.)
Les départements (Ken) les plus peuplés sont, avec les Shi (cités) de Tokio et d’Osaka, ceux de Saitama, Chiba, Ibaraki, Gumma, Shidzuoka, Aichi, Miye, Gifu dans le Honshu central ; Niigata, Tokushima, Hiogo, Okayama, Hiroshima, Yamaguchi, dans le Honshu occidental ; Ehime, dans l’île de Shikoku ; Fukuoka, Kumamoto, Kagoshima, dans l’île de Kiushiu.
La population de Yezo, appelé plus généralement Hokkaido par les Japonais, est de 435.248 hommes et 408.469 femmes, soit un total de 843.717, compris dans le total du précédent tableau.
Comme densité nous trouvons :
- 190 habitants par kilomètre carré pour le Honshu central ;
 - 90 habitants par kilomètre carré pour le Honshu septentrional ;
 - 194 habitants par kilomètre carré pour le Honshu occidental ;
 - 174 pour Shikoku ;
 - 166 pour Kiushiu ;
 - 9 seulement pour l’île de Yezo.
 
Ce qui, en moyenne, donne 122 habitants par kilomètre carré ; on voit donc que, comparativement aux pays les plus peuplés d’Europe, la Belgique par exemple, c’est encore peu de chose, et que le Japon pourrait contenir une population plus considérable.
IV. — La population rurale est très dense, et bien que l’industrie attire, comme partout ailleurs, les jeunes gens vers les agglomérations urbaines, cependant on ne trouve guère actuellement qu’une dizaine de villes ayant une population de 100.000 âmes et au-dessus.
| Tokio | 1.818.655  | 
| Osaka | 995.945  | 
| Kioto | 380.568  | 
| Yokohama | 326.035  | 
| Nagoya | 288.639  | 
| Kobe | 285.002  | 
| Nagasaki | 153.293  | 
| Hiroshima | 121.196  | 
| Sendai | 100.231  | 
Toujours, à la date du 31 décembre 1903 ; donc tous ces chiffres doivent être majorés aujourd’hui.
V. — En 1907, l’immigration au Hokkaido donnait un chiffre de 66.793 individus dont il faut défalquer 10.092 qui ont abandonné l’île. La population indigène de cette partie de l’Empire, les Ainos, n’est plus que d’environ 18.000 individus, à peu près autant d’hommes que de femmes ; elle tend à disparaître complètement devant l’invasion japonaise qui contribue beaucoup à leur disparition progressive en leur livrant de mauvais alcool de riz.
A part les Ainos du Hokkaido, on peut dire qu’à l’heure présente la population du Japon est homogène. Elle ne forme qu’une même race d’hommes, parlant la même langue, ayant les mêmes habitudes, les mêmes mœurs. Évidemment l’isolement dans lequel le Japon s’est trouvé pendant plus de deux siècles, enfermé dans ses îles, alors que défense était faite sous peine de mort de quitter de vue les côtes, a contribué puissamment à mêler les divers éléments constitutifs et à ne faire qu’un seul peuple ; cependant là n’est pas l’unique raison : car nous voyons, en Europe, la Grande-Bretagne, dont les divers éléments, celtes, gallois et anglo-saxons, enfermés dans des îles aussi, ne se sont pourtant jamais fondus ensemble. La constitution politique et l’administration uniques pour tout le territoire, ont dû contribuer certainement à la réalisation de l’unité de race dans les îles du Soleil Levant.
La population étrangère fixée au Japon n’est pas très considérable, et elle est estimée à environ 19.000 individus. Les Chinois sont les plus nombreux, avec un total de 12.434 ; puis viennent les Anglais au nombre d’environ 2.000 et les Américains des États-Unis au nombre de 1.500. Les Allemands et les Français ne sont guère plus de 500 à 600. Quant aux autres pays, ils sont représentés par un nombre de personnes variant de 1 (Grec) à 90 (Italiens) et 200 (Russes).