L'Empire Japonais et sa vie économique
CHAPITRE XI
I. Pêcheries. — II. Les bateaux de pêche ; les prises. — III. Prime à la pêche en haute mer. — IV. La baleine. — V. Sel et salines. — VI. Forêts. — VII. Quelques-uns des bois les plus répandus du Japon. — VIII. La forêt de Kisogawa, domaine de la Couronne. — IX. Le camphrier. — X. Champignons.
I. — Les Japonais sont incontestablement nés pêcheurs : plus de trois millions d’entre eux vivent de l’industrie de la pêche. Cette dernière est caractérisée par une extrême diversité ; par suite de la situation du pays, chaud au Sud et très froid au Nord, on peut se livrer dans les mers qui le baignent à des pêches toutes différentes. Dans les mers du Hokkaidô, on pêche le hareng, la sardine, le saumon, la baleine ; dans le Sud, se trouvent le thon, la bonite, le maquereau, et, en général, le poisson qui se rencontre sur nos côtes ; quantité de langoustes et de crevettes. Mais le Japon, comme beaucoup d’autres pays, souffre d’une pêche trop peu réglementée et pratiquée sans méthode ; le poisson diminue et certaines espèces deviennent rares. La loi pour la protection du poisson de mer et de rivière, qui a été édictée il y a quelques années, est peu observée. La fécondation artificielle n’est guère appliquée que pour le saumon au Hokkaidô et pour l’huître à Hiroshima.
L’influence des deux courants marins, qui longent les côtes Est et Ouest du Japon, a naturellement une influence toute spéciale sur la vie marine du Pacifique et de la mer du Japon. Chacune des côtes, étant soumise à l’action plus ou moins grande d’un courant chaud venant du Sud, et d’un courant plus froid venant du Nord, la prédominance de l’un ou de l’autre affecte la température de la mer. Ainsi, le long de la côte Nord, à partir de Kinkasan (Honshu) la température moyenne est au-dessous de 15° centig. et le long de la côte Est du Hokkaidô et des Kouriles elle est au-dessous de 10° centig. à cause de la prédominance des courants froids. D’un autre côté, étant donné la présence des courants plus chauds le long de la côte Sud, depuis le groupe d’îles à l’extrémité de la pointe d’Idzu jusqu’à l’extrémité sud de Kiushu, la température moyenne est au-dessus de 20° centig., tandis que vers les îles Bonin et le long de la côte Est de Formose, elle est de + 23° centig. On comprend donc pourquoi, ainsi que nous l’avons dit plus haut, la diversité est si grande dans la faune aussi bien que dans la flore maritime du Japon.
Si l’on songe que la côte regardant le Pacifique et qui commence au Nord aux Kouriles pour finir au Sud à Formose, se trouve assise sur 29° de latitude, il est facile de se rendre compte que les deux extrémités du pays diffèrent absolument au point de vue de la production maritime. Par suite, tandis qu’au Nord on pêche le hareng, la sardine, le maquereau, la morue, dans le Sud on prend plutôt la dorade, le thon, la bonite, le requin, la sole, etc.
L’une des scènes les plus curieuses à contempler à Tokio, c’est le matin à quatre heures, le marché aux poissons à Nihon Bashi. Des quantités de bateaux sont entrées la nuit dans le canal qui les mène jusqu’au marché, et là ils ont déchargé toute leur pêche de la journée précédente. C’est un amas inouï de tous les genres, de toutes les sortes de poissons, depuis la sardine dédaignée (on la pêche en automne en grande quantité au large de la baie de Tokio) jusqu’au requin et à la pieuvre, en passant par des espèces de poissons inconnues à nos mers et présentant les formes les plus extraordinaires et les plus disgracieuses.
Les Japonais font une consommation prodigieuse de poisson et ils en tirent aussi des conserves ; la bonite, notamment, est desséchée et devient tellement dure qu’on la prendrait pour une pierre à repasser les couteaux ; c’est le katsuobushi, que toute bonne ménagère a chez elle et qu’elle râcle dans toutes les soupes et dans toutes les sauces.
Le requin, jeune, est fort apprécié ; la seiche et la pieuvre sont des mets de choix.
Quant au hareng on en fait surtout de l’engrais. Il est pêché principalement au Hokkaidô, à Aomori et à Akita. La saison de pêche va de mars à mai et la pêche a lieu surtout sur la côte Ouest. D’énormes quantités de harengs sont prises ainsi ; on n’en conserve qu’une très faible partie pour la nourriture (si petite qu’on n’en voit jamais sur le marché de Tokio) et on en fabrique une espèce d’huile et de l’engrais. Cet engrais de hareng est l’une des causes de la prospérité des pêcheries de l’île de Yézo ; mais depuis que l’on a importé de l’engrais de harengs de Sibérie et de l’engrais de sardines des côtes de Corée, il y a eu diminution des gains à Yézo. Aussi a-t-on commencé à Akita et à Aomori notamment à fumer et à saler le hareng pour l’exportation ; ces conserves sont envoyées en Chine et en Australie.
La sardine est aussi très abondante ; les Japonais la mangent fraîche : c’est le plat du pauvre. On en tire aussi de l’engrais ; on a essayé d’en faire des conserves à l’huile, mais les Japonais n’ont pas encore trouvé le moyen de les préparer d’une façon convenable.
La morue et le saumon sont pêchés aussi, en grande quantité, sur les côtes de l’île de Yezo ; on les vend séchés et salés, mais les Japonais les apprécient peu.
Le Japon est le pays des langoustes, des crevettes et des coquillages de toutes sortes. La mer en fournit tous les jours de telles quantités, sans se lasser, qu’elle semble inépuisable. Néanmoins, on commence à remarquer un fléchissement dans le rendement des langoustes, que les Européens, habitant le Japon, consomment en grande quantité et qu’ils ont mises à la mode.
II. — Il existait, en 1906 (dernier relevé statistique), 426.000 bateaux de pêche, presque tous de 30 shaku de long (90 mètres environ), 24.000 seulement dépassant cette mesure. Il a été pris cette année-là :
| Seiches et pieuvres | pour une valeur de | 2.902.436 |
yen. |
| Sardines | — |
4.861.311 |
— |
| Harengs | — |
5.531.136 |
— |
| Bonites | — |
5.303.302 |
— |
| Crevettes | — |
1.415.263 |
— |
| Maquereaux | — |
1.876.865 |
— |
| Thons | — |
1.541.679 |
— |
Espèce de poisson appelée :
| Queue jaune | pour une valeur de | 2.828.359 |
yen. |
| Dorade | — |
3.790.119 |
— |
De ces différents produits, ont été manufacturés :
| Crevettes | desséchées | pour une valeur de | 816.542 |
yen. |
| Seiches | — |
— |
2.219.150 |
— |
| Bonites | — |
— |
5.095.044 |
— |
| Sardines | — |
— |
3.324.872 |
— |
| Sardines pour engrais | — |
532.942 |
— | |
| Harengs pour nourriture | — |
888.036 |
— | |
— |
engrais | — |
4.643.100 |
— |
J’ai dit plus haut qu’on avait essayé au Japon différentes conserves de poisson, notamment de sardines et de saumons, mais elles sont très mal faites et il est impossible à un Européen de les manger ; le Japon manque de l’huile nécessaire à la préparation.
III. — Une prime à la navigation a été accordée par le Gouvernement en 1897 (loi révisée en 1905) pour les bateaux pratiquant la pêche en haute mer. Pour les bateaux construits au Japon elle attribue :
Par tonne brute d’acier ou de fer, 40 yen ;
Par tonne brute, mélange métal et bois, 35 yen ;
Par tonne brute bois, 30 yen.
Pour machine à vapeur :
Par cheval-vapeur, 10 yen.
Pour machine à pétrole :
Par cheval-vapeur, 20 yen.
Pour les bateaux construits à l’étranger et battant pavillon japonais :
Vapeur : 22 yen par tonne brute ;
Voilier : 18 yen.
Les bateaux désirant participer à la prime doivent avoir, pour la pêche en eau profonde : de 50 à 200 tonnes pour un vapeur se livrant lui-même à la pêche ; de 10 à 250 tonnes pour un voilier pêchant au filet, et de 30 à 250 tonnes pour un voilier pêchant avec ses canots. Pour la pêche à la bonite, le tonnage doit être de 10 à 30 tonnes pour un voilier pêchant par lui-même et de 50 à 200 tonnes pour un voilier pêchant au moyen de ses canots. Pour les bateaux servant de transport, le tonnage est de 80 à 350 tonnes pour un vapeur et de 15 à 150 pour un voilier.
La prime est garantie pour cinq ans ; elle est renouvelable après examen du bateau et de son matériel. L’équipage doit être pour les 4/5 composé de Japonais. Jusqu’à présent, la somme totale des primes allouées a été de 435.389 yen.
IV. — Il y a une quarantaine d’années, le Japon occupait une large place dans la pêche de la baleine et les mers du Japon voyaient chaque année arriver de nombreux baleiniers d’Europe et d’Amérique. Mais ces navigateurs firent tant et si bien qu’ils exterminèrent pour ainsi dire ce cétacé. Heureusement, lassés de n’en plus trouver suffisamment, ils quittèrent les côtes du Japon, et, comme les Japonais se livraient fort peu à ce genre de pêche, la baleine se mit à reparaître de telle façon qu’aujourd’hui, les eaux japonaises et coréennes fournissent un butin assez abondant.
Les endroits les plus renommés pour la pêche à la baleine sont : en été, la côte depuis Kinkazan jusqu’à l’extrémité de la baie de Tokio, ainsi que les côtes de Kishu, Tosa et Nagato (ces dernières en hiver).
De 1906 à 1908 il y a eu un nombre de plus en plus considérable de bateaux employés à cette pêche :
| Mars | 1906, |
vapeurs | 5, |
prises | 434 |
baleines. |
— |
1907, |
— |
10, |
— |
939 |
— |
— |
— |
voiliers | 1, |
— |
19 |
— |
— |
1908, |
vapeurs | 18, |
— |
806 |
— |
— |
— |
voiliers | 2, |
— |
22 |
— |
Pour 1908, sont seulement données les prises dans les eaux territoriales ; si l’on y ajoute les prises faites dans les eaux coréennes, le total est bien plus considérable. Il est, d’ailleurs, impossible de donner les résultats exacts et complets ; car beaucoup de baleiniers, ne recevant pas la prime, ne fournissent aucune indication sur les prises qu’ils ont faites.
Les chiffres ci-dessus, et ceux qui suivent, sont pris dans les statistiques japonaises, notamment dans le « Japan year book » et le « Résumé statistique de l’Empire ». On peut les considérer comme donnant un résultat assez exact, quoique j’aie relevé quelques chiffres contradictoires.
Valeur des prises sur les côtes de Corée :
| Total | (1906) | 2.015.165 |
yen. |
— |
(1907) | 2.225.521 |
— |
Résultats des pêcheries sur la côte de Sakhalin :
| Truites saumonées | pour une valeur de | 41.544 |
yen. |
| Harengs | — |
19.200 |
— |
| Saumons | — |
10.677 |
— |
| Divers | — |
11.900 |
— |
V. — A la pêche se rattache, dans un pays maritime comme le Japon, l’extraction du sel. Il existe, en effet, fort peu de sel de mines, et c’est la mer qui le fournit presque entièrement. Tantôt on l’extrait en faisant dessécher par le soleil des marais savamment étalés au bord de la mer ; tantôt par des procédés artificiels. Les côtes de la mer intérieure sont les plus productives ; toutefois on en produit un peu partout. Mais depuis l’annexion de Formose, c’est surtout dans cette dernière île que l’industrie saline a pris un grand développement. Jusqu’à la dernière guerre avec la Russie, le monopole du sel existait à Formose, mais la vente en était libre sur le territoire de l’Empire. Depuis la campagne de Mandchourie, le Gouvernement a établi ce monopole dans tout le Japon.
Production du sel :
Koku. |
Yen. | |
| Honshu | 2.741.796 |
5.632.480 |
| Shikoku | 1.603.865 |
2.692.160 |
| Kiushiu | 521.329 |
1.889.153 |
| Yezo | 116 |
407 |
Les principaux districts fournisseurs de sel sont : Hiogo, Okayama, Hiroshima, Yamaguchi, Tokushima, Kogawa, Oita.
VI. — Le Japon a, de tout temps, été un pays de forêts, et le bois y a servi à toute espèce de constructions et d’industries : les maisons d’abord sont en bois et, en général, tous les ustensiles de ménage et de culture. Il s’ensuit que la consommation en est considérable ; mais, plus avisé que son voisin de Chine, qui a laissé son pays se dénuder, au point que, dans certaines régions, on ne trouve pas un arbre, le Japonais a toujours replanté au fur et à mesure qu’il a coupé. C’est ce qui fait, qu’à l’heure actuelle, malgré le pillage des forêts au moment de la restauration, et l’abatage inconsidéré d’un grand nombre de bois, malgré aussi les inondations terribles qui dévastent quelquefois des parties entières de forêts, ces dernières occupent encore à peu près 59 pour 100 du territoire de l’Empire. On peut les diviser ainsi :
| Forêts de l’État | 12.020.218 |
chô. |
| Forêts de la Couronne | 2.109.099 |
— |
| Forêts des temples et des particuliers | 7.991.796 |
— |
De cet ensemble 420.096 chô, faisant partie du domaine de l’État et de la Couronne sont intangibles ; le reste, soit 7.991.796 chô pour les forêts des particuliers et des temples, et 13.709.221 chô pour les forêts de l’État et de la Couronne, est en exploitation.
Les districts Nord-Est du Honshu et du Hokkaido (Yezo) abondent en forêts. Les préfectures qui suivent ont au moins 500.000 chô de terrains forestiers : Iwate, Tokushima, Niigata, Yamagata, Gumma, Ehime, Yamaguchi ; les Ken de Nagano, Akita, Gifu, Aomori en possèdent plus de 1.000.000 de chô ; quant à Yezo, l’île entière renferme 12.250.095 chô de forêts.
Il est assez difficile d’avoir les chiffres exacts du rendement des forêts particulières ; car les propriétaires ne tiennent aucune espèce de comptes pour le travail accompli et les dépenses d’exploitation.
Pour les forêts de l’État, les relevés de 1906-1907 donnent :
| Recettes | 9.169.272 |
yen. |
| Dépenses | 3.796.862 |
— |
Le taux du bénéfice pourrait être encore plus fort, mais en beaucoup d’endroits les forêts de l’État sont presque inaccessibles ; et, d’un autre côté, l’administration dépense beaucoup pour faire des reboisements.
VII. — Le Japon est très riche en conifères de toutes sortes et possède des essences inconnues à l’Europe. Il n’est pas sans intérêt de donner la description des principales.
Sugi ou cryptomeria japonica, est un arbre vert qui atteint une hauteur variant entre 30 et 40 mètres. Le cœur est rouge ; le reste du bois est blanchâtre ; il est employé en architecture ; on en fait aussi des meubles, des boîtes.
Une des variétés de cet arbre, le yakusugi, vient de l’île de Yaku dans la province de Satsuma ; on le trouve aussi dans l’île de Sado. Son bois est très résineux et son grain très serré. Le kurobe sugi, qui pousse dans les provinces de Hida et de Shinano, est un très beau bois à grain sinueux. Le jiudai sugi, qui n’est autre que le sugi qui a séjourné longtemps sous terre, se trouve dans le lac de Hakone et ses environs. Les plus beaux spécimens de cryptoméria actuellement existants sont ceux qui se dressent des deux côtés de la route qui conduit d’Utsunomiya à Nikkô et qui ont été plantés il y a près de trois siècles. Ils sont merveilleux et font l’admiration du voyageur. Quelques beaux cryptoméria se trouvent également à Hakone, autour du lac.
Hinoki (chamœciparis obtusa) est aussi un arbre à feuilles persistantes ; son bois, dont le grain est très serré, dégage une odeur agréable ; il occupe la première place parmi les bois de construction ; le meilleur vient de Kiso, dans la province de Shinano.
Sawara (chamœciparis pisifera ou thuyopsis dolabrata) ressemble beaucoup au précédent ; et son bois est presque aussi bon que celui du hinoki ; on l’emploie également pour la construction des maisons et la fabrication des meubles.
Hiba, variété du précédent, sorte de Thuyopsis, ressemble au Hinoki, mais son bois est plus blanc ; on le trouve beaucoup à Nikko.
Akamatsu (pinus densiflora), arbre généralement tordu, à écorce rouge ; le bois est blanc, mais le grain en est grossier.
Kuromatsu (pinus massoniana) est plus grand que le précédent, mais son grain est analogue ; son écorce est noire ; comme il est également bon marché, et qu’il peut s’employer à différents usages, c’est celui que l’on consomme le plus au Japon.
Kaya (torreya nucifera), arbre à feuilles persistantes, qui devient très gros mais est peu élevé. Son bois est très recherché par les fabricants de meubles ; il vient des provinces de Mutsu, Kii, Mikawa, Yamato.
Tsuga (abies tsuga) est de tous les sapins celui qui fournit le plus beau bois, d’un grain très serré et très dur. Le meilleur vient de la province de Yamashiro.
Momi (abies firma) atteint ordinairement une hauteur de 20 à 30 mètres ; on le trouve dans presque toutes les provinces du Japon. La rapidité de sa croissance le rend précieux et il est employé à toutes sortes d’usages, constructions et meubles.
Icho (salisburghia adanthifolia). Cet arbre est à feuilles caduques ; tantôt mâle, tantôt femelle ; il atteint une hauteur de 20 à 30 mètres ; son bois est tendre, mais le grain en est cependant très serré ; il sert à la construction de certaines parties des maisons japonaises, et aussi à la fabrication des meubles. On le trouve partout au Japon, surtout près des temples ; il donne un fruit dont les Japonais mangent l’amande (gin nan) grillée ; crue elle est un poison.
Kurumi (juglans mandchurica), noyer de Mandchourie, produit un bois fort beau qui sert à l’ornementation des maisons et à faire des meubles de valeur. Comme l’arbre qui précède, celui-ci a dû être importé de Chine.
Sawa gurumi, fournit un bois blanc dont le grain est plus grossier que le précédent ; il est utilisé pour la menuiserie. L’écorce de cet arbre, connue sous le nom de Jukohi, est employée pour faire de petits objets qui sont un des produits renommés de Nikko.
Parmi les chênes nous trouvons :
Akagashi (quercus acuta), grain très serré et rougeâtre ; employé dans les îles Amakusa, d’où il provient, pour faire des rames.
Shirakashi (quercus glauca), grain très serré et blanc : sert à faire des manches d’outils, et aussi du charbon de bois. Originaire de Kiushu et Amakusa.
Shii (quercus cuspidata), bois plus tendre que le précédent ; son écorce sert pour la teinture.
Kunugi (quercus serrata), espèce de chêne dont les feuilles servent à la nourriture du bombyx yamamai ou ver à soie sauvage.
Kashiwa (quercus dentata), la coque de ses glands sert à faire de la teinture noire.
Kuri (castanea vulgaris) est, comme en Europe, un arbre à feuilles caduques qui atteint la même hauteur que dans nos pays ; son bois sert dans la construction des maisons et à la fabrication des meubles ; on le rencontre dans presque toutes les provinces.
Keyaki (planera japonica, planera acuminata, zelkowa Keyaki) est un arbre à feuilles caduques qui atteint une hauteur moyenne de 15 mètres ; il fournit un bois très beau et très dur et qui est fort recherché. On l’emploie dans la construction des maisons et pour la fabrication des meubles de valeur. On trouve certains de ces bois qui ont un grain annulaire et que l’on nomme joriu ; on s’en sert pour la sculpture et pour faire des panneaux d’ornement. Cet arbre croît à Kiushiu, à Nagasaki, dans le Honshu, à Hakone, à Kokura ; aux environs de Tokio, de Yokohama et de Yokosuka.
Enoki (celtis sinensis), arbre à feuilles caduques d’une hauteur de 20 mètres ; le grain en est grossier, mais il sert à la menuiserie.
Tsuge (buscus sempervirens) n’atteint jamais une grande hauteur ; son bois est excessivement dur et jaune ; le grain en est très serré ; il sert à faire des peignes de femmes et des planches d’impression ; on en fait également des dents artificielles. Il vient des îles de la province d’Idzu.
Kiri (paulownia imperialis) croît très rapidement et atteint une hauteur de 10 mètres en dix ans. Son bois est très léger et tendre ; le grain en est grossier ; il est très recherché par les menuisiers qui en font des guétas ou socques en bois pour hommes et femmes. Une variété de ce bois porte le nom de Shimagiri et provient de la province d’Idzu ; le grain du bois est meilleur et plus serré que celui du Kiri.
Awogiri (firmiana platanifolia), bois blanc, grain grossier ; employé en menuiserie ; provenance : Kiushiu.
Urushi (rhus vernicifera) donne un bois jaune très beau ; son grain est serré. On l’emploie pour la marqueterie et les travaux analogues ; on en fait aussi des navettes de tisserand et des flotteurs pour filets de pêche. Cet arbre pousse principalement dans le Nord ; c’est avec la sève qu’il donne que l’on compose le vernis à laque ; la sève est retirée au moyen d’incisions sur l’arbre, puis mise dans une grande cuvette en bois ; on la remue ensuite au soleil, au moyen d’une grande spatule, pour la débarrasser de son excédent d’eau, puis on la travaille.
Hagi (rhus succedanea) ressemble beaucoup au précédent ; son bois, également jaune, sert à faire des objets de petites dimensions, et ses fruits produisent de la cire ; il pousse dans les provinces du Sud.
Momiji (acer polymorphum ou palmatum), érable ; genre très commun au Japon où il y en a plus de cent variétés.
Kusunoki (cinamomum camphora), arbre à feuilles persistantes, d’où l’on tire le camphre. Sa hauteur atteint quelquefois 15 mètres ; son bois est très compact et très dur ; il ne s’altère pas au contact de l’eau et il est très recherché pour la construction des bateaux. On l’emploie beaucoup dans l’édification de certaines parties de la maison japonaise, et aussi pour la menuiserie. La racine présente quelquefois des dessins originaux dont on fait grand cas pour l’ornementation des appartements. Cet arbre croît surtout à Kiushu et à Shikoku ; mais on le trouve aussi dans le Honshu à Miyanoshita, Atami, Kanagawa et dans d’autres localités de la baie de Tokio.
Tsubaki (camelia japonica), le camélia ordinaire, il peuple les collines japonaises et il atteint parfois la taille de 10 mètres. Son bois est dur et il est employé en menuiserie ; ses graines servent à faire de l’huile dont les femmes s’enduisent copieusement les cheveux.
Sarusuberi (lagerstrœmia indica), arbre où le singe (saru) glisse (suberi) ; n’a pas d’écorce, d’où son nom ; ce bois est très dur et le grain en est très serré ; on l’emploie pour faire des manches d’outils ; il n’est pas indigène au Japon, mais a évidemment été introduit de l’Inde.
Take (bambusa), le Bambou, l’arbre le plus utile et le plus employé au Japon ; on peut dire qu’il sert à tout, absolument à tout. Il se divise en plusieurs variétés, répandues sur l’ensemble du pays. C’est l’arbre par excellence, et il pousse avec une telle vigueur et une telle rapidité qu’on n’en manque jamais.
VIII. — Il n’est pas sans intérêt de consacrer quelques lignes à la fameuse forêt du Kisogawa, dans la province d’Owari, qui est l’une des plus importantes propriétés de la Couronne. La forêt couvre 153.000 hectares dont les deux tiers appartiennent à la Couronne ; le cadastrage en fut terminé seulement en 1908, car une grande partie n’était que forêt vierge et les difficultés d’accès étaient innombrables. Ces forêts sont presque uniquement plantées de conifères, parmi lesquels domine le Hinoki. Tous les ans on exploite le bois d’une façon rationnelle, et les troncs sont lancés sur le Kisogawa dont le courant les emmène à Nagoya ; le ministère de la maison Impériale retire environ 350.000 yen de bénéfice net chaque année de cette exploitation. Les facilités de transport manquent et c’est pour cela que l’on n’obtient pas tout le rendement désirable ; mais la ligne de chemin de fer du « Grand Central » actuellement en construction, et qui doit traverser la forêt, changera la situation ; il paraîtrait que lorsque toutes les dépenses seront faites pour rendre l’exploitation vraiment productive, les recettes s’élèveraient à 2.000.000 de yen, ce qui laisserait un bénéfice net de 1.300.000 yen tous les ans à la Couronne.
IX. — Le camphrier est l’un des arbres qui méritent une description spéciale, son produit étant en usage dans le monde entier, et la fabrication de ce produit se faisant pour une grande partie au Japon et à Formose. Quand le monopole fut établi à Formose par le gouvernement Japonais, il pensait que le camphre de l’île conduirait le marché du monde. Tel ne fut pas le cas ; car alors le Japon d’abord, le Sud de la Chine ensuite se mirent à raffiner davantage ; aujourd’hui les camphriers du Japon ont à peu près disparu, et le gouvernement a étendu à tout le pays le système du monopole ; cela n’a pas remonté le cours, la Chine continuant à faire concurrence, et les Américains ayant trouvé un procédé pour fabriquer le camphre chimiquement. Le sol de Formose possède encore pense-t-on assez d’arbres pour fournir le camphre pendant quelques dizaines d’années, mais c’est tout. On a replanté de jeunes camphriers, mais comme il faut au moins soixante ans à un arbre pour fournir une récolte convenable, l’opération ne « paye pas ».
Les Japonais actuellement essayent un autre procédé chez eux : c’est la plantation de jeunes camphriers tous les ans et l’abatage des arbres dès qu’ils ont cinq ans ; l’extraction du camphre ne sera pas considérable sur chaque arbre, mais elle sera constante et pourra fournir un certain stock si les terrains plantés ont une superficie suffisante.
X. — Dans un pays aussi humide et aussi couvert de forêts les champignons poussent en grand nombre, et les Japonais en sont très friands.
Le Matsutaké (agaricus) vient, comme son nom l’indique, dans les forêts de pins (matsu) ; il se mange bouilli ou grillé ; il peut se conserver longtemps salé ou simplement séché. Ce champignon se montre dans toutes les parties du Japon, mais celui de Kioto est le plus estimé.
Le Hatsudake se rencontre dans les forêts ; il comprend deux espèces, l’une qui est brunâtre, l’autre verdâtre.
Le Kawatake pousse dans les parties des bois où la lumière ne peut pénétrer, on le conserve séché ; son odeur est très agréable et il a un goût exquis.
Le Kikurage est un champignon qui pousse sur différents arbres. Les meilleurs sont ceux que l’on trouve sur le mûrier (morus alba), sur le nire (ulmus campestris) ; on les conserve séchés.
Le Shorô se rencontre dans les terrains sablonneux où poussent des pins ; il ressemble à une truffe et il est très estimé pour son goût délicat.
L’Iwatake se trouve sur les rochers escarpés et les montagnes abruptes ; il est difficile de se le procurer ; on le conserve séché. C’est une espèce de lichen.
Telles sont les principales espèces, mais il y en a une grande quantité d’autres ; le Japon est par excellence le pays des champignons. Les indigènes cultivent une espèce dont ils font une grande consommation, le Shii take (agaricus campestris). Ils prennent un morceau de tronc d’un shii (quercus cuspidata) ou d’un autre arbre de la même famille ; ils y pratiquent des incisions, puis mouillent le bois et le laissent dans un endroit privé de lumière. Au bout d’un certain temps, on voit apparaître le champignon que l’on nomme suivant la saison Haruko (champignon de printemps), Natsuko (champignon d’été) et Akiko (champignon d’automne). Une fois séché on peut le conserver longtemps.