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L'Empire Japonais et sa vie économique

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CHAPITRE VIII

I. Poids et mesures. — II. Monnaies. — III. Postes. — IV. Télégraphes. — V. Situation postale, télégraphique et téléphonique au 31 décembre 1907. — VI. Instruction publique. — VII. Presse ; journaux et revues. — VIII. Cours et tribunaux.

I. — Avant d’examiner les questions qui ont un caractère économique et statistique, je crois qu’il est bon de fournir au lecteur quelques indications sur les poids et mesures et les monnaies en usage dans l’Empire du Soleil Levant. C’est pourquoi je donne ici le tableau comparatif des systèmes japonais, français et anglais :

Japonais.
Français.
Anglais.
Mesures de longueur
1 ri. 3.927 mètres. 2 miles 440.
1 chô. 109 — 5 chains 422.
1 ken. 1,81. 1 yard 88.
1 jô. 3,03. 3,01 —
1 shaku. 3 décimètres 03. 11 inches 93.
1 sun. 3 centimètres 03. 1 inch 19.
1 bu. 3 millimètres 03. 1 line 43.
1 ri carré. 15 kil. 423 m. carrés. 5 milles carrés.
Mesures de surface
1 cho carré. 99 ares 17 centiares. 2 acres.
1 tan. 9 — 91 — 0,24 acre.
1 tsubo. 3 mq. 30 cq. 3 yards carrés.
Mesures de capacité
1 koku. 1 hectol. 80 litres. 39 gallons 70.
1 to. 1 décal. 80 litres. 3 — 97.
1 sho. 1 litre 80 cl. 1 quart 58.
1 go. 0 litre 80 déc. 1 gill 27.
  pour les liquides.
4 bushels 96.
1 peck 98.
0 — 19.
0 — 019.
pour les grains.
Poids
1 kwan. 3 kilog. 75. 8,26 l. avoir du poids.
1 kin. 6 hectog. 900. 1,32 —
1 momme. 3 grammes 75. 2,11 drams.
  pour les liquides.
Ou bien :
10,04 livre troy.
1,60 —
2,41 pwts.

N.-B. — Je n’ai pas tenu compte des décimales extrêmes.

II. — Le Japon est un pays à étalon d’or. L’unité monétaire est le yen, qui vaut actuellement 2 fr. 55. (Change moyen ; il va quelquefois à 2 fr. 60 ou 2 fr. 65). On ne voit, d’ailleurs, jamais d’or dans le pays ; car l’or sert à payer l’étranger pour les intérêts de la dette et les achats du Gouvernement. On trouve également peu de yen d’argent, la monnaie courante est le papier en coupures de 1, 5, 10, 25, 50, 100, 1.000 yen et aussi de 50 sen et 20 sen, quoique, cependant, la monnaie divisionnaire en argent soit généralement abondante.

1 yen =
100
sen = 2 fr. 55.
1 sen =
10
rin  
1 rin =
10
mon

Le rin est encore en usage comme le centime chez nous, et il est frappé en cuivre ; quant au mon c’est une vieille monnaie chinoise (sapèque) qu’on n’emploie plus effectivement, mais qu’on trouve encore en usage dans le langage de certaines provinces.

Il existe des pièces de nickel de 5 sen.

III. — Le service postal se faisait, autrefois, par les postes françaises, anglaises et américaines établies à Yokohama et dans les autres ports ouverts. En 1871, un premier service postal fut organisé par le Gouvernement impérial entre les grandes villes de l’Empire ; et, six ans plus tard, en 1877, le Japon fit partie de l’Union postale universelle ; malgré cela, la France et l’Angleterre gardèrent encore leurs bureaux particuliers jusqu’en 1879, époque à laquelle elles y renoncèrent définitivement.

Actuellement, le service postal est fait, au Japon, comme dans tous les autres pays du globe, très bien fait même et avec minutie.

Taxes locales. — Lettres : 3 sen pour 4 momme ou fraction.

Cartes-lettres : 3 sen pour 4 momme ou fraction.

Cartes postales : 1 sen 1/2.

Journaux et magazines ; livres ; photographies ; papiers commerciaux ; peintures ; échantillons ; manuscrits ; cartes, etc…, 2 sen pour 30 momme ;

Graines et produits agricoles : 1 sen pour 30 momme ou fraction.

Il existe au Japon ce qu’on appelle distribution rapide, pour les articles recommandés et les articles avec valeur déclarée : cette distribution est faite moyennant le payement de 20 sen pour un article adressé dans un rayon de 20 ri du bureau-poste. Hors de cette distance de 20 ri, il est exigé un payement de 15 sen par ri ou fraction ; si l’article à délivrer est adressé à une personne vivant à bord d’un bateau, le payement du bateau est exigé en sus ;

Recommandation : 7 sen par article ;

Assurance de bijoux et matières d’or et d’argent, et pierres précieuses : 15 sen pour une valeur déclarée ne dépassant pas 10 yen ; au delà de 10 yen, 5 sen pour chaque 10 yen ou fraction en sus.

Colis postaux locaux. — Pour l’intérieur du Japon jusqu’à 1.600 momme seulement ; pour Formose et Karafuto (Sakhalin) 1.500 momme ; 36 et 54 sen respectivement.

Pour le Japon :

jusqu’à
200
momme
8
sen
— 
400
— 
12
— 
— 
600
— 
16
— 
— 
800
— 
20
— 
— 
1000
— 
24
— 
— 
1200
— 
28
— 
— 
1400
— 
32
— 
— 
1600
— 
36
— 

Pour Formose et Sakhalin :

jusqu’à
200
momme
30
sen
— 
400
— 
35
— 
— 
600
— 
40
— 
— 
800
— 
50
— 
— 
1200
— 
60
— 
— 
1500
— 
70
— 

Pour ces deux derniers pays on n’accepte que des colis recommandés ou de valeur déclarée.

Tous les règlements japonais sont applicables aux ports Japonais en Corée et en Chine.

Mandats-poste :

Pour 10 yen taxe
6
sen
— 
20
— 
— 
10
— 
— 
30
— 
— 
15
— 
— 
40
— 
— 
18
— 
— 
50
— 
— 
22
— 

Mandats télégraphiques :

Pour 10 yen taxe
30
sen
— 
20
— 
— 
35
— 
— 
30
— 
— 
40
— 
— 
40
— 
— 
45
— 
— 
50
— 
— 
50
— 

La somme maxima qui peut être expédiée dans les deux cas est 50 yen.

Pour l’étranger. — Lettres 10 sen pour 20 grammes ou fraction ; 6 sen pour chaque 20 grammes ou fraction en sus ;

Cartes postales : 4 sen ;

Imprimés : 2 sen par 50 grammes ;

Papiers commerciaux : 10 sen pour les 50 premiers grammes ; 2 sen pour chaque 50 grammes ou fraction en sus ;

Échantillons : 4 sen pour les 50 premiers grammes ; 2 sen pour chaque 50 grammes ou fraction en sus ;

Recommandation : 10 sen ;

Distribution spéciale : 12 sen pour un article ordinaire ; 20 sen pour un colis postal ;

Accusés de réception : 5 sen.

Les imprimés et papiers commerciaux doivent avoir :

Poids : 2 kilogs.

Dimension : 45 centimètres.

Les rouleaux peuvent avoir 75 centimètres de long et 10 centimètres de diamètre.

Les échantillons doivent avoir :

Poids : 350 grammes ;
Dimensions :
30
centimètres de long
 
20
— 
de large
20
— 
de profondeur.
Les rouleaux :
30
— 
de long
 
15
— 
de diamètre.

Les colis postaux sont pris pour tous les pays de l’Union postale avec un maximum de 1.333 momme et un taux variant de 1 yen 50 sen à 2 yen 50 sen.

La poste Japonaise accepte aussi des mandats-poste pour toute l’Europe, les États-Unis et les principales possessions européennes avec un maximum de 1.000 francs pour le Continent Européen ; 100 dollars pour les États-Unis et le Canada.

Taxe : 1 sen par 50 francs.

Le service postal est extrêmement bien fait au Japon et on n’y perd jamais une lettre ; si vous avez changé cinq ou six fois d’adresse, la lettre vous suivra exactement portant cinq ou six petites bandes de papier, où, chaque fois, le facteur a marqué votre changement de maison ; dans ce service l’administration méticuleuse triomphe, et il faut bien dire qu’aucune poste n’est aussi fidèle, pour la remise des correspondances, que la poste japonaise. Peut-être certaines correspondances cependant subissent-elles quelque retard dans la distribution, mais ceci n’appartient pas à notre sujet.

Certains objets sont interdits au Japon et ne sont pas admis en transport postal :

L’opium et tout ce qui sert à fumer l’opium ; la morphine et les dérivés de l’opium sont absolument interdits. Ne sont pas admis au transport postal : les imprimés ou envois de toute nature ayant un caractère immoral ; les matières d’or, d’argent, les pierres précieuses, bijoux et autres objets précieux ; les cartes postales en paquet.

IV. — Le fil télégraphique pénètre actuellement partout au Japon et l’étranger, qui voyage dans le pays, ne se trouve isolé nulle part ; on peut se servir des principales langues européennes, mais, cependant — et comme on peut s’y attendre — c’est l’anglais qui est le plus généralement en usage.

Taxes locales. — Pour un télégramme en japonais (Kana ou alphabétique) :

20 sen pour les 15 premières lettres et 5 sen pour chaque 5 lettres ou fraction en sus (pour les télégrammes expédiés dans la même ville, la taxe est réduite à 10 sen et 3 sen respectivement).

Pour les télégrammes en lettres européennes : 25 sen pour les premiers cinq mots avec un minimum de taxe de 25 sen ; et 5 sen pour chaque mot en sus (dans la même ville, la taxe est réduite à 15 sen et 3 sen respectivement).

La longueur d’un mot est fixée à 15 caractères ; s’il y en a 16, cela compte comme deux mots.

Les groupes de chiffres comptent 5 pour un mot.

Dans le langage des codes 10 caractères valent 1 mot.

Un télégramme urgent paye trois fois la taxe.

Taxes internationales :

  Yen. Sen.
Amoy
0
78
Annam
2
10
Canton
1
04
Ceylan
2
06
Chefou
0
96
Chen Kiang
0
96
Hang chow
0
96
Hankow
0
96
Niou tchouang
0
96
Ning po
0
96
Péking
0
96
Soutcheou
0
96
Wouhou
0
96
Siam
2
04
Shanghaï
0
48
Indes
2
02
Corée
0
30
Europe
2
42
Russie
1
40

États-Unis de 1 yen 60 sen à 2 yen 80 sen suivant les villes ;

Pour l’Amérique du Sud les tarifs sont plus élevés et varient entre 5 yen 10 pour la République Argentine et 5 yen 90 pour le Pérou.

V. — Quelques chiffres feront comprendre la situation où se trouve actuellement le Japon au point de vue postal, télégraphique et téléphonique :

Il existait dans le Honshu, au 31 décembre 1907, 4.698 bureaux de poste ; à Shikoku 391 ; à Kiushu 989 ; à Yezo 345, soit en tout 6.423 bureaux d’où dépendent 54.698 boîtes postales publiques et privées ; 676 bureaux de télégraphe ; 4 bureaux téléphoniques ordinaires et 159 bureaux téléphoniques automatiques.

Pendant l’année fiscale 1906-1907, il a été expédié :

289.018.836
lettres ;
677.189.063
cartes postales ;
175.566.958
journaux et brochures ;
14.914.868
livres ;
8.235.025
documents, épreuves, etc. ;
4.863.018
échantillons et semences ;
61.344.088
objets en franchise ;
15.115.872
colis postaux.

Pendant la même période 1906-1907, il a été délivré 13.704.148 mandats locaux, et 12.911 mandats internationaux ; il a été expédié 23.498.234 télégrammes intérieurs et 644.434 télégrammes internationaux.

Le téléphone possède environ 37.000 abonnés. C’est ce dernier service qui est le moins développé ; mais quand on considère l’état, pour ainsi dire embryonnaire, du téléphone en France, on ne saurait critiquer le Japon de son retard en ce genre de correspondance.

VI. — Il est de bon ton, dans le monde qui se pique de connaissances étendues, et qui, en général, d’ailleurs, sait peu de choses, de raconter que le Japon ne connaît pas d’illettrés ; c’est le même public, du reste, qui, après 1870, disait que le maître d’école prussien nous avait battus ! Ces derniers temps la presse a vanté les instituteurs japonais, leurs méthodes, etc. Eh bien, il faut en rabattre de toutes ces idées surfaites, sorties, on ne sait comment, de cerveaux peu ou mal renseignés. Il existait, au recensement de 1908, en chiffres ronds, 55.000 conscrits sachant à peine lire et écrire et 30.000 ne sachant ni lire ni écrire. Et c’est le Japon central, la partie centrale ou Honshu, qui en fournit la plus grande partie. Voilà la vérité. Il ne s’ensuit pas que le Japon néglige l’instruction publique, loin de là ; il est bien évident qu’il y a quinze ans, la proportion des illettrés était bien plus considérable qu’elle ne l’est actuellement, et le gouvernement du Mikado a fait largement le nécessaire pour arriver à donner l’instruction primaire à tous les Japonais. Aujourd’hui chaque village a son école.

Au point de vue instruction supérieure, le Japon possède deux Universités, l’une à Tokio, l’autre à Kioto. On y enseigne, comme dans toute Université européenne, les lettres, les sciences et les arts. Ce sont des Européens qui, les premiers, ont instruit les Japonais dans les diverses branches de la science humaine : les Allemands dans la médecine ; les Français dans le droit civil et criminel ; les Allemands dans le droit commercial ; les Anglais et les Américains dans les sciences mathématiques, physiques, etc.

Aujourd’hui tout l’enseignement est passé dans les mains des indigènes ; il y a bien encore quelques Européens çà et là, mais c’est surtout comme conseillers en cas de difficultés.

Écoles normales supérieures, à Tokio, à Hiroshima ; écoles de commerce à Tokio, Kobé, Nagasaki ; écoles des arts et métiers à Kioto, Osaka, Nagoya et Kumamoto ; école des langues étrangères à Tokio, employant douze professeurs étrangers ; école des beaux-arts à Tokio ; école d’aveugles et de sourds-muets à Tokio ; et enfin des écoles supérieures appelées kôtogakkô et correspondant à nos lycées.

Toutes ces écoles sont entretenues par l’État ; mais, en dehors de lui, il existe bon nombre d’écoles privées ou sont enseignés : le droit, la politique, l’administration. L’enseignement est libre sous l’inspection du gouvernement. C’est ainsi que trois écoles françaises, dirigées par les frères Marianites, sont en pleine prospérité : à Tokio, ils ont 1.500 élèves, à Yokohama et à Nagasaki, 500 ; les Japonais apprécient beaucoup leur zèle, et les hauts personnages ne craignent pas d’envoyer leurs fils chez eux. Les Jésuites doivent même installer prochainement à Tokio une université avec l’autorisation du gouvernement mikadonal.

La femme japonaise, appartenant au milieu aristocratique ou de riche bourgeoisie, commence à faire concurrence au sexe fort dans les écoles et à profiter largement des établissements scientifiques et artistiques mis à sa disposition.

De nombreux musées, jardins botaniques, écoles d’apiculture, etc., viennent compléter l’instruction théorique. Un très beau musée commercial, notamment, a été installé à Tokio et à Osaka. Des sociétés multiples se sont fondées : société de géographie, société des antiquités japonaises, société des industries maritimes, société d’agriculture, etc. ; il serait trop long de les énumérer toutes, qu’il suffise de dire que les sociétés sont aussi nombreuses au Japon qu’en Europe, peut-être davantage. Les Japonais forment des sociétés à propos de tout et de rien.

VII. — La presse n’est pas précisément libre au Japon, et des règlements féroces la maintiennent dans le droit chemin, le chemin de l’approbation du pouvoir ; cependant quelques audacieux critiquent quand même les gouvernants, et en somme, se tirent encore d’affaire en dégageant de leurs critiques la personne de l’Empereur et la famille impériale pour dauber sur les ministres et leurs associés. Il existe aussi une presse socialiste, mais dans l’ombre, et elle attend son heure.

A Tokio, il y a plus de cent journaux et revues, quotidiens, hebdomadaires ou mensuels. A Osaka il en est de même. Dans la province, chaque préfecture a son journal, et, généralement, une partie est imprimée en caractères faciles et courants (hirakana) pour ceux qui ne possèdent pas les caractères chinois.

VIII. — Les cours et tribunaux qui connaissent des crimes et délits sont ainsi répartis : une cour de cassation, 7 cours d’appel, 49 tribunaux de première instance, 310 tribunaux de la justice de paix. La justice commence à être assez bien organisée dans tout l’Empire : le Japon a tenu à honneur de se conformer aux coutumes et usages d’Europe.

Il y a encore beaucoup à faire pour avoir un personnel de magistrats réellement compétents, mais c’est une question de temps.

Le fort du Japonais c’est la police ; méfiant et soupçonneux par atavisme et par éducation il est policier par nature ; aussi est-il étonnant dans le métier de détective. D’ailleurs, si l’on songe qu’il y a, au Japon, un agent de police pour 1.247 habitants, on comprendra pourquoi la police est mieux faite à Tokio qu’à Paris et pourquoi il est plus sûr de se promener à minuit à Riôgoku bashi que sur le pont de la Concorde. On compte dans tout l’Empire : 731 stations principales ou bureaux de police ; 737 succursales des bureaux de police ; 2.746 postes urbains de police ; 12.558 postes ruraux de police ; 2.337 inspecteurs et commissaires de police ; 38.581 agents de police.

Malgré cela il y a eu 985 maisons dévalisées avec effraction ; et 232.854 maisons dévalisées sans effraction ; par contre les vols sur les personnes ne sont que de 28.000 environ pour la même année.

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