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L'Empire Japonais et sa vie économique

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CHAPITRE XX

I. La Corée autrefois et aujourd’hui. L’établissement du protectorat japonais. — II. Le résident général et les attributions. — III. La réforme financière ; l’impôt ; les banques. — IV. Les Japonais en Corée ; sociétés agricoles et industrielles ; élevage et culture. — V. L’industrie coréenne ; son avenir. — VI. Commerce, importation et exportation pour 1908.

I. — Le royaume de Corée est, aujourd’hui, une véritable dépendance du Japon, bien qu’il ait conservé jusqu’à présent son roi et sa cour. Le Gouvernement du Mikado y exerce son autorité par l’intermédiaire d’un résident général représentant le Protectorat.

La Corée est une grande péninsule qui s’avance en forme de cap dans la mer orientale (Tong hai), entre la Chine et le Japon. La mer du Japon la baigne à l’Orient ; le golfe du Leao Tong la sépare des provinces du Pe tche li et du Chan Tong du côté de l’occident. Au Nord, elle confine aux pays mandchoux ; au Midi elle a pour limite la grande mer ; enfin le fleuve Yalu, au Nord-Ouest, la sépare du Leao Tong. Elle a été autrefois habitée par différents peuples, et elle était divisée en plusieurs petits royaumes ; les trois principaux étaient ceux de Kaoli (Kôrai), Sin lo (Shinra), et Pe tsi (Hakusai), si souvent mentionnés dans l’histoire japonaise.

Au IIIe siècle av. J.-C, l’impératrice japonaise Zingu (Zingu Kôgô) envahit les trois royaumes et les soumit à un tribut, lequel était ponctuellement envoyé tous les ans du port de Fusan à la cour du Mikado, puis à celle de Shôgun. Mais la Chine considérait les royaumes coréens comme une de ses dépendances ; en 1392 elle intervint, comme elle le faisait toujours quand il y avait des révolutions intérieures, et elle plaça sur le trône de la Corée, devenue alors un pays centralisé, la dynastie de Han ; les relations avec le Japon s’affaiblirent et même finirent par cesser complètement au milieu du XVe siècle.

Cependant les Japonais, se rappelant les hauts faits de leur impératrice douze siècles auparavant, songeaient toujours à envahir la péninsule, et ce fut le fameux Hideyoshi (Taikosama) qui, en 1592, entreprit une nouvelle expédition. Pendant six ans, le malheureux pays de Corée fut livré au meurtre et au pillage ; les Japonais s’étaient avancés très loin vers le Nord, et ils occupaient toutes les places fortes. Enfin la Chine s’émut ; elle n’avait pas encore alors perdu l’esprit militaire et guerrier ; elle accourut au secours des Coréens, refoula les Japonais vers le Sud et les rejeta à la mer en 1598.

Les relations du Japon et de la Corée se trouvèrent de nouveau interrompues.

Elles reprirent, par intermittences, jusqu’au moment où, en 1868, une ambassade japonaise vint informer le régent du royaume de Corée (le Tai wen Kun) de la restauration impériale et de la révolution qui venait de s’accomplir au Japon. L’ambassade fut reçue froidement. En 1872 M. Hanabusa, en 1874 M. Moriyama furent envoyés à Séoul pour essayer de renouer des pourparlers ; mais ils n’y réussirent pas.

Où la diplomatie et la persuasion échouèrent, la force, comme toujours, réussit. En effet, un petit bateau de guerre japonais, le Uniô Kwan, fut attaqué en face de la grande île de Kang hoa ; les Japonais demandèrent réparation et s’adressèrent à la Chine. Cette dernière, occupée ailleurs, de même qu’elle avait désavoué les Formosans en 1874, désavoua la Corée en 1875, et déclara qu’elle n’était pour rien dans ses affaires. Les Japonais, ainsi mis à l’aise, conclurent avec le roi de Corée un traité qui déclara tout d’abord la Corée pays indépendant à l’égal du Japon. Les ports de Tchemulpo, Fusan, Gensan étaient ouverts au commerce japonais ; la capitale, Séoul, recevait un résident japonais, et aussitôt les sujets du Mikado s’établirent en nombre considérable dans les pays qui s’offraient à leur activité.

En 1882, tout à coup, arrive au Japon la nouvelle que M. Hanabusa, le ministre résident, a été chassé de Séoul, la légation japonaise attaquée, quelques agents tués et que toute la colonie s’est réfugiée à Tchemulpo. Nouvelle intervention japonaise, mais aussi nouvelle intervention chinoise ; les deux pays finissent par s’entendre ; et le Japon s’arrange avec la Corée, en signant un traité commercial très avantageux pour lui, et en stipulant une forte indemnité.

De 1884 à 1894, la cour de Corée fut en révolution permanente. La reine, le Tai wen Kun, le roi, et un certain Kim ok Kiun, révolutionnaire et novateur, occupent la scène. Kim ok Kiun soulève des bandes de combattants, les Tong hak, qui parcourent le pays et le mettent à feu et à sang. La Chine et le Japon envoient des troupes ; il y a conflit et en 1894, au mois d’août, le Japon déclare la guerre à la Chine.

La Chine battue reconnaît l’indépendance de la Corée et retire toutes ses troupes, laissant le pays sous l’influence absolue du Japon.

Mais la Russie entre en ligne : négociations russo-japonaises qui n’aboutissent pas ; guerre, traité de Portsmouth sont des événements que je n’ai pas besoin de rappeler ici. Le Japon est arrivé au but qu’il poursuivait, il est maître en Corée.

II. — Par une convention conclue en août 1904, la Corée s’est engagée à faire des réformes dans son administration ; puis en 1905 une autre convention régla, d’une façon effective, le protectorat japonais en établissant la Résidence générale, les résidences des provinces et en nommant le prince Ito[19] Résident général du Japon en Corée.

[19] Il vient d’être assassiné à Kharbin, sur territoire russe, par un Coréen.

Le Résident général relève directement de l’Empereur du Japon ; en ce qui concerne les affaires extérieures, il communique directement avec le ministre des Affaires Étrangères et le Président du Conseil qui soumettent des vues à l’Empereur. Les consulats étrangers en Corée reçoivent l’exéquatur du Gouvernement japonais.

C’est le Résident général qui propose les réformes à exécuter, les travaux à entreprendre, enfin c’est lui qui tient en main tous les fils de l’administration coréenne. Des résidents japonais sont établis dans toutes les capitales des provinces.

III. — La première chose à faire était de mettre de l’ordre dans les finances de ce pays à peu près ruiné, ou tout au moins dans un état de désordre financier complet. La diminution des produits de toutes sortes, l’absence de budget fixe, les impôts très lourds et prélevés avec une maladresse et une violence excessives, avaient appauvri la nation coréenne. A la suite d’une convention conclue en 1907, des agents japonais furent nommés à des postes officiels dans l’administration coréenne afin de travailler, de concert avec les fonctionnaires coréens, à la bonne administration des finances. Un budget régulier fut établi pour la première fois en 1905 ; il donna comme recettes une somme de 7.480.287 yen, et comme dépenses celle de 9.556.836 yen. Le dernier budget, celui de 1909-1910, prévoit 21.434.723 yen de recettes contre 22.268.255 yen de dépenses.

Le système d’impôts, pratiqué en Corée depuis plusieurs siècles, est très imparfait ; à défaut d’une base sérieuse de recouvrement des taxes, le Gouvernement se trouvait dans l’impossibilité de percevoir la totalité du montant prévu, et d’autre part, les fonctionnaires, individuellement chargés de la perception de l’impôt, avaient constamment recours aux extorsions les plus injustes ; non seulement ils se laissaient corrompre, mais ils levaient à leur profit des taxes supplémentaires illégales. Dans de telles conditions, la population ne pouvait que s’appauvrir. Il était donc indispensable de commencer immédiatement la réforme sur ce point, d’établir avec justice un nouveau système de perception des impôts, et de placer les finances de l’État sur des bases tout à fait solides.

Les résultats donnés par le recouvrement des impôts pendant le dernier exercice se répartissent ainsi :

Impôt foncier
5.628.575
yen.
 — sur les maisons
357.884
— 
 — sur les produits marins
7.584
— 
 — sur le sel
8.958
— 
 — sur les mines
34.601
— 
Droits de douanes
3.179.838
— 
Droits de tonnage
91.951
— 
Taxe des bateaux
6.649
— 
 — des boucheries
28.074
— 
 — des prêteurs sur gages
503
— 
 — du ginseng
621
— 
Arriéré des impôts du précédent exercice
163.166
— 
Autres impôts
13.183
— 
 
————
 
Total.
9.521.587
yen.

Le système monétaire coréen est devenu, en tous points, semblable au système japonais, et la réforme, faite avec beaucoup d’à propos, sans supprimer brusquement toute monnaie coréenne, a excellemment réussi. Autrefois, et jusqu’à ces dernières années, il n’existait pas de banques à proprement parler ; la réforme des finances a, naturellement, nécessité l’établissement d’organes financiers régulièrement constitués.

Les règlements pour l’organisation et le contrôle des banques, furent promulgués en 1906, et une banque coréenne fut installée à cette époque. Actuellement trois banques coréennes fonctionnent : Kanjô Ginkô, Ten itchi Ginkô, Kan itchi Ginkô, avec leur siège à Seoul et des succursales à Su Won, Ton Maku, Ma Po, Nam Tai Mun ; d’autres banques, destinées à aider l’agriculture et l’industrie, ont été établies dans plusieurs villes : à Seoul, Chung Chu, Kai jyou, Kong Chu, Kan Gyon, Chung Jyu, Kai Syong, Syang Chu, Shin Chu, Masampo, Yong Pyen, Chinampo, Hai Chu, Poku Chon, Sari Nan, Nam Noa, Choi Chu Do, Pol Kyo Po, Yong Sam Po, Ham Heung, Ryong-Song, Hoi Ryong, Chong Jin.

En outre, trois banques japonaises : la Dai itchi Ginkô, dont le bureau central est à Tokio, la Dai Ju hachi Ginkô, à Nagasaki, et la Dai go ju hachi Ginkô à Osaka, sont également établies en Corée.

IV. — Les Japonais n’avaient pas attendu le protectorat de leur pays sur la Corée pour s’installer dans le Sud de la péninsule, autour de Fusan. Dès le premier traité, en 1876, une émigration japonaise assez considérable s’était dirigée vers ce port et de fait, Fusan ressemblait étrangement au bout de quelques années à une ville japonaise. Aujourd’hui, beaucoup des sujets du Mikado ont entrepris le fermage et l’élevage en grand dans les provinces de Kyung San et Chulla ; au lieu de se contenter des petits jardins maraîchers qui leur suffisaient autrefois, les colons japonais se sont mis à acquérir de vastes domaines, même assez loin dans l’intérieur du pays.

En dehors de la ferme, et de la culture, l’industrie de la soie réussit fort bien en Corée. Le climat y est sec et la pluie n’y est pas trop abondante. Le seul danger, ce sont les vers parasites qui sont terribles, au point de causer une perte considérable (au Japon cette perte n’est quelquefois pas moindre de quinze millions de yen par an). Cependant, malgré les inconvénients, et malgré aussi l’inhabileté des éleveurs coréens, le cocon paye bien ; à plus forte raison payera-t-il davantage quand les sériciculteurs japonais auront introduit les méthodes rationnelles ; déjà une association de dames japonaises et coréennes a établi un centre d’élevage à Seoul et réussit fort bien.

La culture expérimentale du coton, qui a été tentée en 1905 par quelques Japonais éminents, dont plusieurs membres du Gouvernement et de la Chambre des représentants, a donné, au bout de trois années, des résultats fort satisfaisants. Des expériences ont été faites à Mokpo, Chi Nam Po, Yong Sam Po, Laju, Konju et Kun San ; deux variétés ont été plantées, le coton indigène et le coton américain ; le premier a donné des produits supérieurs. On estime actuellement la superficie plantée en coton à 120.000 hectares, et on croit que, lorsque tout le terrain susceptible de recevoir du coton sera mis en valeur, on arrivera pour la Corée à un rendement de 100.000.000 de livres japonaises (Kin = 600 grammes). En supposant la consommation individuelle de deux livres par tête, le total pour 14.000.000 de Coréens serait de 30.000.000 de livres en moyenne, laissant un stock de 70.000.000 de livres à exporter.

Les mines, sauf les mines d’or alluvionnaires du Nord de la péninsule, ne sont pas encore exploitées rationnellement ; quant aux pêcheries elles sont entièrement aux mains des Japonais.

Une Compagnie s’est formée en 1908 dans le but d’exploiter les richesses de la Corée ; elle est au capital de 10.000.000 de yen, divisés en 200.000 obligations de 50 yen ; le Gouvernement coréen en a pris 60.000 en considération de la cession faite par lui d’une certaine superficie de terrain et le reste a été souscrit par les Japonais. La Compagnie doit aider les colons japonais aussi bien que les Coréens eux-mêmes ; son privilège est valable pour cent ans, renouvelable avec l’assentiment des deux Gouvernements japonais et coréen.

V. — Les industries indigènes sont tout à fait primitives, et les quelques industries de luxe qui florissaient autrefois sont depuis longtemps dans le plus profond déclin. Cependant on peut encore trouver quelques productions dignes d’être remarquées ; ainsi les papiers, les peaux et les cuirs, le tabac, le vin de riz. Les Coréens sont très adroits et leurs nattes sont du bon faiseur ; tout ce qui se tresse est habilement fait en Corée. D’après les recherches qui ont été poursuivies pour savoir quelles sortes d’industries réussiraient en Corée, il a été admis généralement que les cuirs, le papier, la peausserie, les nattes, les produits chimiques iodés pouvaient avoir un grand avenir. Les nattes, notamment celles des provinces de Hwanghai et de Kyongki, sont très appréciées et elles ont une réputation bien établie. On avait pensé aussi à encourager l’élevage du bétail dans le Nord de la péninsule, en vue d’y créer une industrie de conserves de viande de bœuf ; mais il est permis de douter que cette industrie, si toutefois elle s’installe jamais en Corée, fasse une concurrence sérieuse au compressed, cooked, corned beef de Chicago !

Les côtes de Corée fournissent constamment une abondante récolte de varech et autres plantes marines, et il est hors de doute que l’on peut en extraire une quantité de produits iodés.

Quant aux minéraux, l’or, le cuivre, le charbon, le graphite y seraient abondants. Les dépôts les plus importants de houille se trouvent sur les rives du fleuve Tadong Kang (en chinois Ta Tong Kiang) ; les veines seraient très fournies et auraient une épaisseur de 8 à 10 mètres suivant les endroits ; on estime le rendement possible à des dizaines de millions de tonnes ; la qualité du charbon serait celle de Karatsu (Kiushiu).

L’or donne environ une production annuelle de 4.000.000 de yen ; le cuivre est également extrait en quantité considérable.

VI. — Pour les cinq dernières années, le commerce de la Corée donne les chiffres suivants :

EXPORTATION
1904
7.530.715
yen.
1905
6.916.571
— 
1906
8.902.387
— 
1907
17.002.234
— 
1908
14.113.310
— 
IMPORTATION
1904
26.805.380
yen.
1905
31.959.582
— 
1906
29.721.579
— 
1907
41.436.653
— 
1908
41.025.523
— 

Les pays qui ont le plus de relations commerciales avec la Corée sont : naturellement le Japon en première ligne, puis la Chine. Le Japon arrive, en 1908, avec un total d’exportation de 10.963.363 yen et un chiffre d’importation de 21.040.465 yen. La Chine vient ensuite, exportant pour 2.247.458 yen et important pour 4.882.246 yen. Les États-Unis et l’Angleterre se placent ensuite avec cinq et six millions d’importations, le chiffre de leurs exportations étant insignifiant, 5.716 yen pour l’Angleterre, 45.106 yen pour les États-Unis.

L’Allemagne réalise en Corée pour environ 400.000 yen d’affaires ; quant à la France elle n’y fait rien.

La Corée ne peut que gagner à se trouver sous le protectorat du Japon ; la méthode et la patience des Japonais arriveront certainement à organiser et développer cet état qui était jusqu’à présent dans une situation profondément chaotique. Il est d’ailleurs certain que les pays qui se sont trouvés, par la force des armes, annexés à l’Empire du Soleil Levant, vont prendre leur part de sa civilisation, et participer à son progrès industriel et commercial. Le Gouvernement et le peuple japonais ont montré ce que peuvent la ténacité dans le travail et l’intelligence dans l’organisation. Formose, la Corée, Karafuto, le Kwang Tong chinois vont donc se développer et grandir sous l’égide de leurs conquérants ; la population japonaise a déjà émigré en nombre considérable dans ces pays, et, grâce à l’activité et à l’énergie de ces nouveaux colons, des terres qui, jusqu’ici, étaient restées incultes et pour ainsi dire abandonnées, vont se trouver entraînées dans l’orbite de la civilisation générale : le Japon est de taille à mener à bien cette œuvre.

Principaux termes géographiques.

  • Yama = Montagne.
  • San =  Id.
  • Take ou Dake = Sommet.
  • Saki = Cap.
  • Toge = Col.
  • Kawa ou Gawa = Rivière, fleuve.
  • Hara = Plaine.
  • Ura = Baie.
  • Nada = Bassin, gouffre.
  • Seo = Détroit.
  • Umi = Mer.
  • Shima ou Jima = Ile.

Principales mesures de longueur.

  • 1 ri = 3.927 mètres.
  • 1 cho = 109 —
  • 1 ken = 1 m. 81.
  • 1 = 3 m. 30.
  • 1 shaku = 3 décim. 03.
  • 1 sun = 3 centim. 03.
  • 1 bu = 3 millim. 03.

Transcription des lettres japonaises et leur lecture en caractères romains.

  • a = a en français.
  • e = é —
  • i = i —
  • o = o —
  • u = ou —
  • y = y —
  • b = b —
  • d = d —
  • f = f —
  • g toujours dur : gi = gui.
  • h très aspirée.
  • j = dj en français.
  • k = k —
  • m = m —
  • n = n en français.
  • p = p —
  • r roulé.
  • s = s en français, mais toujours dur.
  • t = t en français.
  • w = w en anglais.
  • z = z en français.
  • sh = ch —
  • ch = tch —
  • an nasal comme en français,
  • on —
  • en (ein) —
  • in = inn.
L’EXPANSION JAPONAISE.
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