Pas perdus
L’AGENT CONSCIENCIEUX
Au tampon arrière d’un tram électrique, un enfant de six ans s’est cramponné et l’obus jaune avec cette araignée au derrière, file en foudre le long de la rue Réaumur. Au carrefour, l’enfant se laisse agilement tomber, traverse la voie : un autre tram arrive en sens inverse ; son chasse-pierre happe l’enfant, l’engloutit, et le tram, bloqué, s’arrête net. Des pompiers bientôt accourent, soulèvent et leurs crics, l’avant du tram et le petit corps est dégagé. La tête fendue du crâne à la joue, avait éclaté ainsi qu’un fruit mûr : une flaque de sang et de cervelle traîne le long du rail ; les petites paupières étaient closes, le visage paisible ; l’innocent n’avait pas eu le temps de souffrir (du moins je pense). La tête en deux morceaux, s’ouvrait, se refermait : boîte vide, couvercle. Une civière emporta le tout. Mais avant de permettre au tram de repartir, l’administratif sergent de ville recueillit dans un journal ce qu’il avait pu ramasser de cervelle.