La nouvelle Cythère
XIX
Le service postal. — Un coup d’œil sur l’Océanie. — La Nouvelle-Zélande. — Les États-Unis d’Océanie. — Anglais, Allemands et Américains. — Une grande colonie française.
C’est une question vitale que celle du service postal. Le jour où l’on aurait mis Tahiti à quatre semaines du Havre, la colonie serait sauvée. Que faudrait-il pour en arriver là ? Un bon mouvement de la Métropole, une subvention suffisante pour donner l’envie à une compagnie de transports maritimes de tenter l’aventure, un peu de confiance parmi les membres du Conseil local. Les combinaisons abondent sur le papier. Tel tient pour la voie actuelle : Papeete, San-Francisco, New-York, le Havre ; tel pour la voie d’Australie : Papeete, Auckland, Sydney, Marseille ; tel pour la voie de Panama : Papeete, Panama, Colon, New-York ou les Antilles, le Havre ou Saint-Nazaire ; quelques-uns sont d’avis qu’il y aurait un intérêt majeur à relier Tahiti à la Nouvelle-Calédonie, Papeete à Nouméa ; il en est enfin qui sont partisans de la voie d’Amérique mais avec une escale à Honolulu.
Chaque conception s’étaie sur de bonnes raisons, même celle d’une ligne de Marseille, Sydney, Nouméa, Papeete, San-Francisco. Depuis plusieurs années le service postal a été confié à une association de maisons étrangères et se fait au moyen de navires à voiles. Une subvention de soixante-quinze mille francs est allouée aux concessionnaires. On s’est avisé que le principal obstacle à la création d’un service à vapeur c’était l’existence même de ce service à voiles. On l’a voulu supprimer et la colonie s’est trouvée sans relations régulières avec l’Europe. Une digression est nécessaire ici, digression dont l’Océanie tout entière fera les frais.
La Nouvelle-Zélande s’est mise sur les rangs pour nouer des relations avec Tahiti. On sait comment ce magnifique pays est devenu une colonie anglaise. Un navire français avait été envoyé pour en prendre possession. Une indiscrétion commise à Sidney par un officier de vaisseau, dans une soirée officielle, permit à un navire anglais de partir plus tôt et de nous devancer. Or, sur cette terre que nous avons laissée échapper, croissent à merveille les plantes d’Europe, s’élèvent les bestiaux, etc., et la nécessité s’impose pour ceux qui nous ont supplantés de chercher des débouchés à ces produits. Déjà, chaque mois, un vapeur apportait à Papeete des marchandises et des nouvelles fausses. Un plus grand bateau, un paquebot, fait maintenant ce service. Le « Richmond » est aménagé comme un transatlantique, avec cabines de première et de seconde classe, salons, piano, glacière. Évidemment la Nouvelle-Zélande veut conquérir Tahiti ; elle en est moins éloignée que San-Francisco et se flatte de remplacer l’Amérique pour la farine, le biscuit, la viande et le poisson conservés, le savon, les pommes de terre, les oignons, le fromage, voire pour les objets manufacturés qui lui arrivent des usines anglaises sans passer par les douanes américaines.
Le service postal pourrait, en attendant mieux, se faire par le « Richmond ». Les lettres de Tahiti, dirigées sur Auckland par ce vapeur et de là sur San-Francisco par la grande ligne australienne, parviendraient plus rapidement dans ce dernier port qu’elles ne le font actuellement avec les navires à voiles. Un inconvénient sérieux de ce système vient de ce que l’ambitieuse colonie anglaise ne fait point partie de l’Union postale. Mais il est possible de diriger la correspondance sur Toutouillah, un point des Samoa, où elle serait transbordée sur le vapeur qui va de Sydney à San-Francisco en touchant à Auckland, à Toutouillah, et à Honolulu.
Tahiti n’est pas le seul objectif de la Nouvelle-Zélande : elle considère également les îles Tonga ou des Amis et les îles Samoa ou des Navigateurs comme des débouchés réservés à ses produits. Dans ces archipels, les indigènes n’ont encore adopté le genre de vie des Européens que dans une faible mesure ; il y a donc beaucoup à faire.
Les choses iraient toutes seules si l’industrie et le commerce anglais ne rencontraient sur leur chemin l’industrie et le commerce américains et allemands. Les États-Unis d’Amérique ont déjà fait des îles Sandwich une colonie yankee, s’entend une colonie au sens propre du mot, une dépendance au point de vue économique plutôt qu’au point de vue politique de l’Union. Un traité de commerce a suffi pour cela, avec une ligne de bateaux à vapeur, une émigration habile d’hommes, business men, et de capitaux. Cette méthode coloniale est incontestablement la moins onéreuse de toutes. L’appétit vient en mangeant et le Yankee est gros mangeur. Il a, lui aussi, jeté son dévolu sur les Tonga et les Samoa pour les mêmes raisons que son rival anglais apparemment. Il a eu de plus une idée de génie : il a inventé les États-Unis d’Océanie. Sous son inspiration, le roi Kalakaua a proposé aux différents archipels où ne flotte encore aucun pavillon européen de former une fédération politique. L’autorité des souverains plus ou moins nominaux de ces îles n’aurait point été mise en question. Ils seraient restés les maîtres chez eux ; ils auraient trouvé dans le lien fédéral une garantie de leur pouvoir intérieur. Par ce moyen, ils auraient évité de tomber sous le joug des puissances européennes qui les guettent comme une proie facile à saisir. La prospérité très réelle des îles Sandwich était le gage qu’il n’y aurait rien d’aventureux à s’unir à elles.
Cette combinaison a été mise au jour au moment même où les États-Unis négociaient avec l’Allemagne pour établir un modus vivendi aux Samoa. Le roi Maliétoa a donné son adhésion mais aussitôt son rival Matasésé a reçu du commandant de l’Adler, le navire de guerre allemand, un pavillon blanc rayé de noir avec une croix de Malte blanche sur fond rouge en yacht. Puis, les Allemands se sont établis pour tout de bon, ont bombardé des villages et déporté Maliétoa. Il est néanmoins intéressant de publier une pièce diplomatique où les hommes d’État maoris, stylés par les Américains, affirmaient leurs vues politiques. Voici l’acte signé par l’infortuné Maliétoa :
En vertu des pouvoirs qui me sont conférés et reconnus comme Roi des îles Samoa par mon peuple et par les trois grandes puissances d’Amérique, d’Angleterre et d’Allemagne, — d’accord avec mon gouvernement et avec le consentement des « Taimua » et « Faipule » représentant les pouvoirs législatifs de mon Royaume ;
Nous offrons librement et acceptons volontairement d’entrer dans une confédération politique avec Sa Majesté Kalakaua, Roi des îles Sandwich, et donnons ce gage solennel que nous nous conformerons à toutes les mesures qui pourraient être prises par le Roi Kalakaua, et qui seront agréées mutuellement pour le bien de la confédération politique et pour qu’elle soit maintenue dans le présent et dans l’avenir.
Fait et signé de notre main et scellé de notre sceau, le 17 février 1887.
Maliétoa.
Roi des Samoa.
Voici l’acte signé par Kalakaua qui, de son côté, se débat à cette heure avec son peuple en révolution :
Kalakaua, par la grâce de Dieu, Roi des îles Sandwich, à tous présents et à venir, Salut !
Attendu que le 17 février dernier, Sa Majesté Maliétoa, Roi des îles Samoa, s’est liée par un traité pour former une confédération politique avec mon Royaume, et vu que le dit traité a été en même temps approuvé par les Taimua et Faipule des Samoa et accepté en notre nom par notre ministre plénipotentiaire, l’honorable John E. Bush, actuellement accrédité ;
Ayant lu et pris en considération le dit traité ;
Nous, par ces présentes, approuvons, acceptons, confirmons et ratifions le dit traité pour nous-mêmes, nos héritiers et nos successeurs ;
Nous acceptons les obligations que S. M. Maliétoa a prises envers les puissances étrangères et pour celles d’entre elles avec lesquelles il n’en aurait pas contractées ;
Nous engageons et promettons sur notre parole royale d’entrer dans une confédération politique avec Sa Majesté le Roi Maliétoa et de nous conformer aux mesures qui seront agréées entre nous pour la formation de la dite confédération.
Pour les plus grands témoignages et validité de la présente convention, nous l’avons scellée de notre grand sceau et l’avons signée de notre propre main.
Donné en notre palais de Tolani, ce jour 27 mars de l’an de grâce 1887 et le quatorzième de notre règne.
Kalakaua.
Du côté des Tonga les choses n’ont point marché aussi bien. Là, règne un vieillard de quatre-vingt-dix ans, le roi Georges, un roi à peu près constitutionnel, s’il vous plaît, dont le Premier, un ex-missionnaire anglais, exerce en réalité le pouvoir absolu avec les titres de Ministre des Affaires étrangères, Ministre des Terres, Ministre de l’Éducation et Auditeur général. L’idée de la fédération ne sourit guère plus au roi Georges qu’au missionnaire homme d’État dont il n’est que l’instrument. Il paraît que la gestion de Baker laissait quelque peu à désirer, car le parlement tongien a ouvert une enquête sur ses actes. Tout ayant été trouvé en ordre, le Premier a repris ses titres et ses fonctions et c’est lui qui a suggéré au roi Georges de revendiquer, en sa qualité de Nestor des Rois de l’Océanie, le premier rang dans la fédération projetée ou sinon de décliner les ouvertures de Kalakaua. Depuis la révolution a éclaté aux Sandwich, les Allemands se sont établis pour tout de bon aux Samoa, et il n’est plus guère question de cette invention américaine.
Quoi qu’il en soit de l’avenir réservé aux États-Unis d’Océanie, on saisit bien sur le fait la concurrence politique et commerciale des Anglais, des Américains et des Allemands. Les îles Fidji, colonie de la couronne, sont une carte de plus dans le jeu britannique. Par contre, les missionnaires catholiques disséminés dans les archipels y servent l’influence française mais sans rien faire, hélas ! qui puisse ouvertement contribuer au développement de notre commerce. La question reste donc posée entre les États-Unis, l’Angleterre et l’Allemagne…
Considérons pourtant la carte. La Nouvelle-Calédonie, les îles Wallis, l’archipel de Cook, les îles de la Société, les Marquises, les Tuamotu, les Gambier, Tubuai, Raivavae et Rapa, ne pourraient-ils pas constituer à l’avenir une seule et même colonie, l’Océanie française, dont les intérêts se confondraient sans se contrarier ? Et le premier élément du problème du service postal n’est-il pas la constitution de cette fédération, de ces États-Unis français de l’Océanie ! Une subvention de deux cent mille francs suffirait pour relier Tahiti à Nouméa. La Nouvelle-Calédonie donnerait cinquante mille francs, Tahiti autant, et la Métropole ferait le reste. Puis viendrait le jour attendu où, le canal de Panama creusé, une ligne plus directe relierait les deux colonies à la Mère-Patrie. Cette éventualité est prévue dans le nouveau cahier des charges de la Compagnie des Messageries maritimes. On y voit, en effet, figurer une clause aux termes de laquelle cette compagnie est tenue de subir la concurrence de toute ligne que le gouvernement français viendrait à créer sur l’Australie ou la Nouvelle-Calédonie par une autre voie que celle de Suez. Comme il ne peut s’agir du cap Horn ou du cap de Bonne-Espérance, il faut voir là un jalon posé pour la ligne de Saint-Nazaire, Panama, Tahiti, Nouméa, Sidney.
L’idée de grouper sous une autorité unique et fédérale en quelque sorte toutes les possessions françaises en Océanie ne m’appartient pas en propre. Je suis bien tenté d’y souscrire, pour ma part. Il me semble que tout le monde y gagnerait, Tahiti qui ne serait plus négligé, la Calédonie dont les produits auraient des débouchés, la France qui verrait son prestige colonial s’accroître de la constitution d’un domaine plus étendu et plus dense. Qui sait ? On pourrait peut-être réaliser quelques économies par ce moyen.
L’essentiel, on ne saurait trop y insister, est de mettre Tahiti en communication régulière et rapide avec la France.
Voici une note où l’état de la question est exposé avec une clarté relative :
LE SERVICE POSTAL FRANÇAIS EN OCÉANIE
On reconnaît de tous les côtés qu’il importe au développement agricole et commercial des Établissements français de l’Océanie orientale d’assurer d’une façon normale et régulière leurs communications postales avec la métropole. Le Département de la Marine et des Colonies n’a cessé de se préoccuper de cette question dans la persuasion où l’on est que, du jour où elle sera en relations relativement directes et rapides avec la France, la situation économique si précaire de la colonie en sera sensiblement modifiée.
Les voies actuelles.
Actuellement on se rend à Tahiti par deux voies.
1o En passant par l’Amérique. (Quarante-cinq jours).
Cette ligne emploie :
| (a) Les paquebots de la Cie Transatlantique du Havre à New-York | 9 jours. |
| (b) Le chemin de fer du Pacifique de New-York à San-Francisco | 6 jours. |
| (c) Une goëlette subventionnée de San-Francisco à Papeete en passant par Taio-hae (Nuka-Hiva), en moyenne | 30 jours. |
Remarque. Cette goëlette est subventionnée au moyen des fonds mis à la disposition du Service local par le Département (Chapitre XV. Service commun des Colonies).
Par lettre en date du 12 mai 1882, le Ministre informe le Gouverneur qu’une somme de 80.000 fr. est attribuée à la Colonie en vue de subventionner un service maritime à vapeur. L’un des navires de la station locale ayant été supprimé, cette subvention intervient comme une compensation.
2o En passant par l’Australie et la Nouvelle Calédonie. (Soixante-trois jours.)
Cette ligne emploie :
| (a) Les paquebots des Messageries maritimes de Marseille à Nouméa | 48 jours. |
| (b) L’aviso-transport de l’État, de Nouméa à Papeete, environ | 15 jours. |
On ne peut parler que pour mémoire du service des transports de l’État, exclusivement affectés aux troupes et dont les voyages intermittents ne sont d’aucune utilité à la colonisation. La nécessité de recourir à un bâtiment de la flotte nationale met une entrave réelle à l’introduction des colons car ce n’est qu’à titre exceptionnel et dans des conditions peu favorables que les immigrants peuvent être pris à bord d’un navire de guerre.
Le service subventionné.
On a vu sur quels fonds est prélevée la subvention allouée aux goëlettes qui font le service entre San-Francisco et Papeete. Ce service se fait dans les conditions suivantes :
Un départ par mois de San-Francisco, le 1er du mois, et de Papeete du 12 au 15 du mois.
La subvention annuelle est de 75.000 fr., payables en 12 termes mensuels. L’adjudication faite en 1884 a eu pour résultat de confier ce service pour trois ans à trois maisons étrangères :
La maison Turner and Chapman, propriétaire du Tahiti (Américains).
La maison Crawford, propriétaire du Tropic Bird (Américains).
La maison Darsie, propriétaire du City of Papeete (Anglais).
Le contrat expirait le 30 juin 1887. Dans sa session de janvier, le Conseil général a considéré que les raisons qui dans le principe avaient motivé l’allocation d’une subvention à une ligne sur San-Francisco avaient perdu de leur force. Les concessionnaires du service étant contraints par les nécessités de leur commerce de faire ces voyages mensuels, il paraissait possible d’obtenir qu’ils continuassent à se charger du courrier, sinon gratuitement, du moins avec une subvention beaucoup moindre. L’administration n’a pas plus adhéré à cette doctrine qu’elle ne l’a combattue. Elle s’est bornée à faire des réserves en ce qui regarde le trouble que son application pouvait apporter dans la transmission de la correspondance officielle. Elle a été invitée à s’entendre avec tout armateur qui soit à San-Francisco soit à Papeete, consentirait à prendre la poste à raison de 2.500 francs par voyage, aller et retour, si le navire était à voile, et de 3.000 francs s’il était à vapeur. L’administration avait pour devoir de se conformer aux vues de l’assemblée : elle a fait annoncer, en Europe, en Amérique et en Océanie, une adjudication qui a donné lieu à un procès-verbal de carence. Cependant on a obtenu, en négociant à Papeete, le transport de deux courriers aux conditions nouvelles. Informé des préoccupations de l’administration, le Département a, par dépêche, donné l’ordre de « maintenir le service actuel ». Sur la foi de cette dépêche, ultérieurement confirmée, le Consul de France à San-Francisco et le Gouverneur de la Colonie ont traité avec les anciens adjudicataires et le service s’est continué aux mêmes conditions, avec cette différence qu’il n’a pas été pris d’engagement à long terme.
Le Conseil général s’est fondé sur la légitime intervention du Département pour éliminer du budget local et la recette de 80.000 francs figurant au titre des subventions et la dépense du service postal international inscrite pour 75.000 francs, laissant ainsi à l’Administration l’entière responsabilité d’assurer les relations postales de la Colonie avec la Métropole.
La question du transport du courrier dans les conditions les meilleures et les moins onéreuses est donc toujours posée.
LES SOLUTIONS
Plusieurs solutions sont en présence.
A
Ligne de la Nouvelle-Calédonie.
Il y a un triple intérêt, moral, commercial et politique, à relier le plus étroitement possible les colonies françaises de l’Océanie entre elles. L’Administration locale et le Conseil général sont d’accord sur ce point et des ouvertures catégoriques ont dû être faites à Nouméa. La Calédonie pourrait approvisionner Tahiti de viande vivante ou conservée. En outre, un courant d’émigration s’établirait le jour où le transport des colons serait assuré par une voie à peu près directe. On a eu l’occasion d’entretenir de cette question M. de J., inspecteur des Messageries maritimes, et M. P., membre du Conseil privé, armateur et commissionnaire à Nouméa. M. P. est déjà concessionnaire d’un service subventionné en Nouvelle-Calédonie. Il est disposé à tenter de créer le service entre Papeete et Nouméa si les deux colonies et la Mère-Patrie veulent s’entendre pour contribuer à le subventionner. A titre de document, il faut mentionner ici cette opinion, en faveur au Conseil général de Tahiti, que la création du service dont il s’agit dispenserait l’État de l’entretien onéreux d’un aviso-transport et que l’économie réalisée de ce chef pourrait être en partie affectée au relèvement de la subvention postale. On peut rappeler, à ce sujet, le précédent de 1882.
Quant à M. de J., il ne croit pas que les Messageries maritimes puissent jamais entreprendre ce service et ne paraît pas autrement préoccupé de la perspective de voir une Compagnie rivale accaparer le trafic par l’isthme de Panama dont le percement est encore une question d’avenir. A plus forte raison écarte-t-il l’hypothèse chère à certains commerçants de Tahiti d’un prolongement de la ligne des Messageries jusqu’à San-Francisco avec escale à Tahiti.
B
Ligne de la Nouvelle-Zélande.
Depuis deux ans, une maison d’Auckland (Donald et Edenborough) entretient un vapeur, primitivement le Janet Nicoll, aujourd’hui le Richmond, qui apporte à Papeete les légumes, les conserves, les bœufs, les chevaux et divers objets manufacturés de provenance néo-zélandaise ou anglaise. L’objectif de cette maison, autrefois subventionnée par le gouvernement d’Auckland, est de supplanter les maisons américaines, anglaises ou allemandes dans l’approvisionnement de Tahiti et de ses dépendances. Elle a un comptoir à Papeete et un autre à Raiatea (Iles sous le Vent).
Des pourparlers engagés il résulte que moyennant une subvention de 3.000 francs par voyage, aller et retour, le Richmond, toucherait non pas tous les mois mais tous les 32 jours à Papeete. Ce délai serait nécessité par les escales des Tonga et des Samoa, sans parler de Rorotonga (Archipel Cook). D’Auckland on irait retrouver à Sidney le paquebot des Messageries maritimes. D’autre part, la maison Donald et Edenborough, ayant un comptoir à Sidney, accepte en principe de se charger du transport des colis postaux à destination de Tahiti. Sur la proposition de l’Administration, le Conseil général a exonéré de tous droits de port et de quai le Richmond qui, dans le cours de l’année 1886, a exporté de Tahiti pour plus de 100.000 francs de produits naturels, oranges, coprah, etc.
C
Ligne d’Honolulu–San-Francisco.
Il est vraisemblable qu’à moins d’une subvention élevée on ne pourra pas de longtemps établir un service à vapeur de San-Francisco à Papeete. Cette ligne, il est utile de le dire, a les préférences du commerce d’importation à Tahiti qui se pourvoit en Amérique de denrées et de marchandises de second ordre. Il serait moins difficile peut-être de créer une ligne de Papeete à Honolulu (Archipel Sandwich). Cette idée a été suggérée indirectement à M. Spreckels, l’armateur bien connu de San-Francisco, qui est à la tête de la ligne de San-Francisco à Sidney et de plusieurs autres. De Papeete à Honolulu, la durée du voyage est de huit jours ; il faut compter huit autres jours d’Honolulu à San-Francisco. Or, présentement, la durée moyenne du voyage de Papeete à San-Francisco est de trente jours. On gagnerait donc deux semaines avec un service qui pourrait fonctionner sur des bases moins coûteuses que celles d’un service direct sur San-Francisco. Ce port est en relation hebdomadaire avec Honolulu.
D
Ligne de Panama.
Le Gouverneur de la Colonie a vivement préconisé à plusieurs reprises la ligne de Panama. Le service serait fait de Saint-Nazaire à Colon par les paquebots de la Compagnie transatlantique. Provisoirement, jusqu’au percement définitif de l’isthme, les passagers et les marchandises seraient transbordés par le chemin de fer de Colon à Panama, et une ligne subventionnée de Panama à Papeete assurerait dès à présent à la Colonie le bénéfice de la nouvelle voie. Le Conseil général a émis en ce sens un vœu un peu vague dans sa forme, vœu auquel il a donné pour corollaire l’invitation adressée au Département de prémunir Tahiti contre l’invasion de la fièvre jaune au moyen de l’établissement d’un lazaret et des mesures sanitaires accessoires.