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La nouvelle Cythère

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V

A Papenoo. — Archéologie polynésienne. — Les croyances d’autrefois. — Les revenants. — Un peu de poésie. — Refrains guerriers.

Je reviens de Papenoo, l’un des districts les plus intéressants de l’île. J’y ai vu Monseigneur Tepano Jaussen, évêque d’Axieri, ancien vicaire apostolique de Tahiti. Tepano, dans le pays on dit Tepano tout court, célèbre la messe dans une très-modeste église, une case ordinaire, en bois. Il se console de n’avoir pas réussi à extirper l’hérésie en élevant des bœufs, en récoltant des noix de coco et en s’adonnant à d’importants travaux historiques et archéologiques. Il croit avoir trouvé la solution du grand problème de l’origine des Maoris, la race à laquelle appartiennent les Tahitiens et tous les Polynésiens en général.

Tepano est très fier de sa découverte. Il m’a montré des cahiers couverts de notes et, non sans quelque réticence, m’a donné à entendre que c’est dans l’une des Célèbes qu’il faut chercher les traces du premier groupe indien d’où sont nés les Polynésiens. C’est de là qu’ils auraient essaimé dans le Pacifique, abordant successivement à toutes les îles éparses de l’Océanie. Je ne suis pas grand clerc en ces matières. Tout en écoutant Tepano, je le regardais attentivement et je finissais par trouver à ce moine paysan, à ce bénédictin agriculteur, une physionomie à part, avec sa grande barbe grise, sa soutane tout usée et ses obstinations de vieillard et d’érudit qui se convainc lui-même en essayant de convaincre les autres.

En ce moment, Tepano déchiffre un document précieux, des tablettes gravées, des tablettes de bois de rose trouvées dans l’île de Pâques. Or, ce qui manque le plus pour étudier l’histoire des Maoris, ce sont les documents écrits. On ne peut évidemment donner le nom d’écriture aux signes assez rares gravés sur les idoles ou sur quelques pierres. Il en est autrement des tablettes de Tepano ; ce sont proprement non des pages mais des lignes d’écriture, et les signes sont bien des caractères qui se répètent et dont le sens lui est connu. Ces caractères ont quelque chose d’hiéroglyphique, mais il s’en faut qu’ils aient la pureté, la beauté des caractères égyptiens. Il est difficile d’en donner une idée sans le secours de la gravure. Malgré leur naïveté grossière, ces caractères n’en constituent pas moins une écriture idéographique imitant, selon la définition de Champollion, plus ou moins exactement les objets existants dans la nature. Voici un poisson à n’en pas douter, deux poissons, trois poissons, une scolopendre, une ligne, un hameçon et un poisson au bout, une volaille ou un oiseau quelconque ; et peut-être doit-on voir dans un dernier dessin un bonhomme, un peu déjeté il est vrai, et où il faut de la bonne volonté pour reconnaître les belles proportions du roi de la création.

Le vénérable évêque d’Axiéri a des rivaux et des émules en grand nombre ; il en a dans la magistrature, dans l’armée, dans la flotte, dans la gendarmerie, dans l’administration. On a beaucoup écrit sur le passé de la Nouvelle Cythère quoiqu’on n’en sût rien ou peu de chose, mais le moyen de résister à la tentation de dépeindre cette terre tant vantée et de raconter son histoire, les coutumes et les traditions de ses habitants ! C’est à qui rassemblera le plus de documents, compulsera le plus d’ouvrages, se livrera aux enquêtes les plus minutieuses, aux observations les plus patientes. De tous ces chercheurs, le plus intéressant est à coup sûr Tepano qui correspond en latin, comme les moines du moyen âge, avec les vicaires apostoliques des îles plus ou moins lointaines, leur fait part de ses découvertes, leur soumet ses hypothèses et leur demande des avis. Patience, quelque temps encore et nous saurons ce que signifient les caractères des tablettes de l’île de Pâques où, dès à présent, le vieil évêque devine des épitaphes, et dont il a fait l’objet d’un mémoire adressé à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.

Les Tahitiens ont un passé ; ils ne sont pas nés d’hier. Leurs institutions politiques basées sur le régime électif, la suprême dignité de leur allure, de leurs poses, leur politesse native, sont des signes que ce passé ne fut pas sans grandeur. Mais en fait de monuments de ce passé, il n’y a guère que les marae. Le marae est une espèce de tertre où s’élevait jadis un autel fait de fragments de roches et de coraux. Il est situé au bord de la mer et planté d’arbres, principalement de bois de fer. Le marae était à la fois un lieu religieux et un sanctuaire patriotique. Chaque famille de roi ou de chef avait le sien. On y accomplissait les sacrifices et l’on s’y préparait à la guerre. Près de Papeete, dans le district d’Arue, se voit le marae de la famille de Pomaré.

Il faut convenir que la disposition des lieux se prêtait au mystère et que la célébration des rites dans le bosquet sacré ne devait pas être dépourvue d’une certaine poésie toute primitive. En s’aidant des vagues souvenirs des vieillards et des observations recueillies par M. de Bovis, on peut sans trop de peine reconstituer ces scènes intéressantes. Le matin du jour fixé pour le sacrifice, les Tahitiens affluent aux abords du marae. Ils apportent des vivres, des noix de coco, des cochons, des régimes de feï, banane sauvage, des huru, fruit de l’arbre à pain. Les prêtres les haranguent, ils leur répondent. Chacun d’eux est muni de son tiï, de son idole, dont la dimension est proportionnée à sa situation sociale. Cette idole, c’est un morceau de bois, une bûche plus ou moins sculptée, enveloppée d’une gaîne tressée avec le pandanus.

Devant l’autel est placé un amas de feuilles de bananier dont personne n’approche. Ces feuilles de bananier recouvrent le cadavre de la victime choisie pour le sacrifice. La veille, le grand-prêtre a envoyé au roi une petite pierre noire, et cette pierre adroitement lancée a frappé à la tempe un homme qui paressait devant sa case tout en plaisantant avec sa vahiné. L’homme est tombé, tué sur le coup. Son corps a été apporté dans un panier fait de feuilles de cocotier.

Les prières ont commencé, entremêlées de litanies et de discours où tout se confond, la louange des dieux Taaroa, Oro, Tane Raa, etc. et la généalogie des rois ou des chefs. Tandis que le prêtre découvre l’idole du marae, les fidèles sortent leur idole particulière de sa gaîne ; les chants sacrés se font entendre, et les litanies sont reprises par un acolyte dont la fonction est de crier, d’aboyer cette liturgie retentissante. Le grand-prêtre s’est baissé vers la victime étendue au pied de l’autel. Il se relève et tend au roi, d’un geste inspiré, l’œil du mort qu’il vient d’arracher de l’orbite. Le roi fait le simulacre d’avaler cet œil. Les prières continuent. Le cadavre est découpé et ses entrailles sont examinées attentivement. La guerre est prochaine. Est-ce la victoire ou la défaite qu’annoncent les indices recueillis par le sacrificateur ? Le crieur se tait tandis que le grand-prêtre prononce un discours destiné à surexciter les courages. Le dieu est satisfait ; il agrée le sacrifice. Le chœur recommence. Après un dernier discours, les petites idoles sont enveloppées, et la grande idole disparaît aux yeux du peuple qui donne pour épilogue à la cérémonie religieuse un festin copieux, un amuramaa, et des danses.

Ce qui ajoute à l’impression produite par ces souvenirs vivants encore dans la mémoire des vieillards, c’est l’aspect de cette belle et riche nature, ce ciel, cette mer, ces monts, ce soleil radieux. Quel spectacle imposant que celui de cette foule d’hommes et de femmes demi-nus et recueillis participant à ces étranges cérémonies ! Un dernier trait. Aux abords du marae, aux branches les plus élevées des arbres de bois de fer, étaient suspendus les cadavres des guerriers fameux qui pourrissaient ou se desséchaient là-haut, bercés par la brise qui vient de l’océan ou de la montagne.

Qui peut dire ce qu’il reste des anciennes croyances sous les nouvelles ? Le Tahitien le plus pieux, chrétien fervent et membre du conseil de sa paroisse, croit encore aux mauvais esprits, aux tupapau. Un missionnaire me raconte le fait suivant : Il a donné l’ordre, un jour, à un homme de défricher une partie de son enclos. Le travail est achevé ; pourtant, sur un petit espace, la brousse est intacte. Interrogé, l’homme répond que cet endroit est fréquenté par les tupapau, et il cite des exemples de gens qui ont été frappés pour avoir touché aux arbres et aux pierres du sol. Ainsi, un habitant du district ayant coupé une branche a été, peu de temps après, atteint du ovi, sorte de lèpre, et s’en est allé mourir à Raiatea. Un autre, pour avoir brisé une pierre, a subi le même sort. Ces explications font sourire le missionnaire. Elles lui expliquent pourquoi, seuls, les cocotiers qui se dressent là ne sont pas dépouillés de leurs fruits par les indigènes peu scrupuleux. La superstition lui tient lieu de garde-champêtre.

Mieux que cela ! Un Européen avise, pour prendre son repas, un endroit ombragé suffisamment. Des Tahitiens s’approchent et lui conseillent de se retirer. Le lieu où il se trouve est un ancien marae. Y déjeuner serait s’exposer à la colère des mauvais esprits. Sceptique, l’Européen sourit, se met à faire sa cuisine, et mange du meilleur appétit. A huit jours de là, il sent les premières démangeaisons de l’ovi. Il en est mort. Ce fait venu si à propos pour confirmer les indigènes dans leur croyance aux tupapau, m’a été certifié par un ancien lieutenant de vaisseau qui a pris sa retraite à Tahiti.

Si ce n’est pas assez de ces histoires de revenants, je puis en conter d’autres. Un tupapau veillait jalousement sur les corps de deux braves qui séchaient au soleil dans la montagne. Sollicité par des étrangers, un Tahitien alla un jour couper les têtes des cadavres et vint les livrer pour cinq francs à l’arsenal maritime. Le tupapau tira une vengeance éclatante de ce sacrilège. Le même soir, il assaillit le malheureux indigène coupable de violation de sépulture, le roua de coups, et le contraignit à reporter les têtes où il les avait prises.

En y regardant de près, on se rend compte que le tupapau se confond, dans l’esprit de l’indigène, avec le rêve, avec le cauchemar plutôt. La nuit, quand on dort, le tupapau survient sans bruit et vous serre à la gorge. On ne peut ni crier ni se défendre. Tantôt il prend la forme d’un chat, tantôt celle d’un cheval, tantôt celle d’un bœuf. Il ne court point ; il vole. Jamais ses pieds ne touchent la terre. Il est impalpable et fuyant.

Il y a de petits tupapau et le grand tupapau. Sur la route de Punauuia, à dix kilomètres de Papeete, en plein jour, un tupapau arrêta une voiture qui se brisa. Les Tahitiens ont depuis peur de passer le soir sur cette route. Ce tupapau audacieux était vêtu comme un officier d’infanterie de marine. On suppose qu’il est l’ombre d’un commandant tué dans la guerre de 1844.

Quelle version choisir parmi toutes celles où se perd l’imagination enfantine de l’indigène ? Les tupapau sont surtout les morts dont les âmes ne vont point au ciel, de petits diables ; si les uns vous prennent à la gorge, d’autres vous rouent de coups de bâton. N’essayez pas de démontrer au Tahitien que ce sont là des fables, des récits faits pour abuser son imagination. Il vous répond : « Est-ce que vous autres papâa, vous n’avez pas vos tupapau ? » Cette réplique m’a fait baisser la tête. Il ne faut pas aller bien loin dans nos campagnes pour retrouver ces légendes, ces histoires des âmes des défunts qui reviennent dans la nuit troubler le sommeil des vivants.

Il y a aussi la croyance aux esprits des ancêtres qui logent dans le ventre des requins. Un jour de fête nationale, Mano, la cheffesse de Tautira, était venue à Papeete, pleine de santé, suivie de son district et de son himéné, et elle avait pris part aux repas et aux réjouissances d’usage. Trois jours après, on l’aperçoit, devant une case voisine du palais de la reine, assise, accroupie plutôt, dans une pose triste. Pourquoi n’est-elle pas retournée dans son district ? On l’avait vue partir cependant, la fête terminée, en compagnie des siens. Voici ce qui s’est passé. Quand la baleinière où se trouvait Mano est arrivée devant la passe de Pueu, le requin qui porte les esprits de ses ancêtres l’a arrêtée. Tous les efforts pour aller plus avant ont été vains. Elle sait ce que cela veut dire. Elle est revenue à Papeete et elle attend paisiblement la mort. Naturellement, les interlocuteurs de Mano essayent de la détromper. Elle secoue la tête. Ses ancêtres l’appellent, elle va bientôt les rejoindre…

Eh bien ?… La cheffesse de Tautira est morte le lendemain subitement.

La superstition ne s’attachait pas seulement aux esprits, aux revenants. La personne du roi et de la reine était sacrée. Toucher à un objet dont ils se servaient, c’était commettre un outrage et s’exposer à être frappé du ovi. Plus d’un l’a expérimenté à ses dépens. Le nom même du roi était entouré de respect à ce point que les syllabes dont il était formé étaient éliminées de la langue. Ainsi Pomaré veut dire « Qui tousse la nuit ». Po, nuit ; maré, toux. Po est devenu rui et maré hota.

On ignore, à l’heure qu’il est, si toutes ces chimères hantent encore les cerveaux tahitiens. Interrogés à cet égard, les missionnaires protestants ou catholiques semblent embarrassés. Plus d’un fidèle parmi les plus assidus au temple songe avec terreur, la nuit, aux esprits dont il se sent entouré.

Mon domestique tahitien est un brave garçon, très laid mais si doux qu’un sourire voile incessamment sa laideur. C’est un bon protestant. Un soir de grand vent, une sonnette retentit dans la maison ; Pihapiti refuse d’aller voir ce qui a pu causer ce bruit. Il a peur des tupapau.

Les Tahitiens sont courageux pourtant, la superstition mise de côté. Nous l’avons éprouvé quand ils ont défendu leur pays contre l’occupation. Ils se sont montrés irréductibles, et, sans un mouvement tournant prestement exécuté, on eût eu beaucoup de peine à en venir à bout. Chevaleresques avec cela, s’étonnant, s’indignant qu’on ne les avertît pas chaque fois que l’on recommençait les hostilités, et accueillant courtoisement, entre deux escarmouches, l’ennemi à qui ils offraient l’hospitalité pour un peu plus.

Dans un combat, nous nous étions avancés en nous découvrant jusqu’au pied d’une redoute construite par les tahitiens. Ceux-ci, armés de mauvais fusils mais en nombre, font une décharge et, sans plus attendre, se précipitent sur nous. La plupart se font tuer mais l’avantage leur reste un moment. Un guerrier d’une stature magnifique et dont les membres nus luisaient au soleil, blesse un soldat d’infanterie de marine qui tombe au pied d’un cocotier. Pendant que ce guerrier se dispose à courir à d’autres adversaires, un de ses compagnons se penche sur le blessé pour l’achever, comme les indigènes avaient coutume de faire. « Je prends cet homme ! Cet homme est à moi ! » s’écrie le guerrier. Désormais, toucher au blessé, ç’aurait été s’attaquer à celui dont il était le prisonnier. Le combat fini, le guerrier charge le malheureux sur ses robustes épaules et court à la plage. « Haere mai ! Venez ! » crie-t-il. Un canot se détache du Phaéton. Après avoir remis le soldat français aux marins, le Tahitien s’éloigne, non sans avoir salué avec un geste magnifique : « Ia ora na ! »

« Ia ora na ! » On traduit communément cette formule par : « Salut à vous ! » Littéralement, Ia ora na veut dire : « Que tu vives là en bonne santé ! » Un autre trait. Dans un combat suivant, un aspirant était parvenu le sabre aux dents, les pistolets au poing, à tourner la redoute tahitienne. Il tombe frappé d’une balle au front. Le guerrier prend sa dernière natte, en fait un linceul, et ensevelit l’aspirant à côté de son enfant, non sans lui donner une pensée de pieux regret.

On remarqua au cours de la guerre que les Tahitiens frappaient de préférence à la tête. La raison en est qu’à leurs yeux la tête est sacrée ; que, pour abattre un ennemi, il faut l’atteindre dans ce qu’il a de plus noble. Aujourd’hui encore, l’indigène n’aime pas qu’on lui touche la tête. C’est l’offenser que de se permettre une familiarité de cette sorte. Il lui semble qu’on l’abaisse, qu’on le plonge dans les ténèbres, si par malheur on lui passe la main dans les cheveux.

Le courage militaire aime la poésie. La guerre a inspiré plus d’un « barde » tahitien. Voici un chant, une rapsodie plutôt, qui se disait sur un ton de mélopée et qui est loin d’être sans beauté :

Le Guerrier blessé.

Le guerrier blessé est étendu sur la plage de Faaa, près de Papeete.

Il attend la mort et il chante :

« Vent de Hauïti qui souffles de la montagne, tu m’as souvent caressé dans d’autres moments alors que j’étais joyeux et plein de force ; aujourd’hui je goûte ta douceur qui accroît ma tristesse.

» Vent de Hauïti, pourquoi n’as-tu pas des bras pour me soutenir et me porter où tu avais l’habitude de me voir ? Tu ne me trouveras plus peut-être au milieu des miens.

» Vent de Hauïti, remplace-moi quand je ne serai plus là ; souffle doucement et sèche les larmes de mes parents désolés.

» Et toi, montagne qui m’as connu dans mon enfance, qui m’as vu grandir, tu sais aussi que j’étais un homme de la montagne, car je t’ai défendue avec courage.

» Petite rivière où je me suis si souvent assis et rafraîchi, après mes courses dans la montagne, tu as été douce et bonne pour moi. Je me sens mourir et je pense que je ne te verrai plus…

» Ia ora na ! »

Je livre ce morceau aux critiques littéraires qui ont pour habitude d’analyser la poésie, les pauvres ! N’est-il pas vrai qu’il y a là quelque chose de primitif, d’antique, de grand, et j’ajoute, pour parler la langue du jour, quelque chose de vécu ?

Il ne faudrait pas croire que le Tahitien, citoyen français comme vous et moi mais non soumis aux obligations de la loi militaire, ait perdu toute vertu guerrière ! En dépit d’une déchéance dont il n’est pas tout à fait l’auteur responsable, l’indigène serait encore un bon soldat ; on en a fait l’épreuve quand il s’est agi d’aller réprimer les velléités insurrectionnelles des Marquises. Les volontaires se présentèrent en foule à Papeete, on les arma, mais ils n’eurent pas un coup de fusil à tirer et s’en affligèrent. Aujourd’hui, si un péril de guerre se montrait, on les verrait accourir pour défendre la France, leur patrie.

La poésie non plus n’est pas morte. Voici une petite pièce composée par mon ami Poroï, membre du conseil privé de la Colonie, un personnage, s’il vous plaît !

TE MIHI FENUA !
(Le Regret du Pays natal.)

Aue atura te aroha
Oh ! l’amour
Ite fenua ote Aia
Pour le pays de son héritage !
Aue hoi oe ete Fana
Oh ! toi, Te Fana !
Ua taa oe i muri tau tua
Tu es loin derrière mon dos ;
Iu mua i tau aro Taiarapu
Devant ma face est Taiarapu
Amuri avai te hio eaa i tai
Si je regarde en mer depuis Muriavi
Ua farara te matai
Le vent a soufflé
Na tai mai ote maoae
De la mer, l’alizé !
Tera ata tia tai ra
Cette nue qui se dresse au-dessus de l’Océan,
Ote Maoae te aratai
C’est le vent du sud-est qui l’amène.
Tui ee atu itau aroha
Porte (l’expression de) mon amour
I tau moua ra ; Hauiti
A ma montagne de Hauiti ;
Onte Fana Ahurai
De te Fana à Ahurai,
Tavararo te mateianaa
Dans le district de Tavararo
Te otue Outuaramea
Au promontoire d’Outuaramea,
Te rapa itai Tiaine
A la pale de Tiaine vers la mer.
Ua tufaa te na i Vairaharaha
Le partage de la pluie est à Vairaharaha ;
Pu hai hau mai te matai
Le vent souffle doucement
Haumaru ote fenua nei
Le rafraîchissement de la terre.
Eo mai hoi te oto ia oe
Le regret de Toi (Te Fana) me pénètre
Na tae hoi te manao
Et pourtant ma pensée est venue
Ima ia oe e Mataiea
Sur toi, ô Mataiea !
Eriro atoa hoi ia oe
Car sur toi seront aussi
Tau manao e tau aroha
Ma pensée et mon amour.

Une traduction littérale ne fait peut-être pas suffisamment apparaître le souffle poétique qui anime ce morceau d’un bout à l’autre, mais on en découvre le sens sans trop de peine. Ce ne sont pas des vers de décadents.

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