La retraite ardente : $b roman
X
Elle y arriva avant midi.
Elle n’avait, depuis trente-six heures, bu que de l’eau et mangé que deux petits pains fourrés de jambon : et, malgré que son appétit ne fût guère exigeant à l’ordinaire, elle avait faim. En quittant la gare, ce fut cependant une église qui l’attira d’abord. Si différente, par l’apparence, de celles de son pays qu’elle hésita d’abord à la reconnaître pour une église : petit palais de marbre noir et blanc, mais sanctifié par la croix. Elle y entra ; elle pria, puis elle s’assit, et la fatigue, l’étourdissement du voyage furent plus forts que la faim. A peine eut-elle cessé de prier à genoux pour méditer assise, elle s’endormit.
Ici se plaça, dans sa vie, un incident qui eût troublé bien des mystiques. Madeleine ne reprit connaissance qu’environ deux heures plus tard. Elle porta d’instinct sa main droite à son front et constata qu’elle avait sa coiffe blanche. Or, elle était sûre d’être entrée dans l’église avec son petit châle noir enveloppant ses cheveux blonds. Elle ne fut pas troublée par ce changement. Elle acceptait l’hypothèse qu’il s’était accompli par l’opération de ses protections célestes, mais elle admettait fort bien qu’elle-même eût ôté son châle noir et remis sa coiffe sans en avoir conscience, quand elle était entrée dans l’église : elle était alors si lasse qu’elle ne se rappelait plus nettement ses gestes. De toute façon, le fait qu’elle se retrouvait coiffée comme au couvent était pour elle un signe qu’elle devait demeurer telle, et qu’il fallait garder cet uniforme de converse pour franchir les obstacles. Elle en éprouva un soulagement, car, toute la matinée, elle s’était demandé si elle ne devrait pas, avant toute démarche, aller chez un marchand de vêtements d’occasion et s’habiller comme toutes les femmes.
Elle remercia Dieu, par une dernière et fervente prière, de l’avoir tirée de ce doute. Puis, de nouveau tourmentée par la faim, elle quitta l’église et chercha dans la ville un endroit où se restaurer.
De son enfance paysanne et aussi de sa vie de converse, elle avait gardé une habitude pratique des choses et des gens qui, jointe désormais à la certitude d’une protection invisible planant sur elle et la guidant, lui ôtait toute timidité. Rien ne l’étonnait, rien ne la désarçonnait : sa lenteur apparente était simplement l’effet d’une attention minutieuse et d’une prudence toujours en éveil. Ce fut ainsi qu’après avoir inspecté la rue qui lui parut la principale de la ville elle se décida, négligeant bien entendu les grands hôtels et les cafés brillants, pour une trattoria modeste, assez propre, pas trop — dont le nom était inscrit en français sur l’enseigne : Restaurant franco-suisse. Chambres.
Sur les six tables, dans la salle, quatre étaient occupées par des convives qui, presque tous, achevaient leur repas ; il était deux heures après-midi. Madeleine s’assit à l’une des tables vides. Un garçon à l’habit taché et au plastron froissé se précipita vers elle et dit :
— Siouplet ?
A tout hasard, elle répondit dans sa langue :
— Je voudrais manger. Avez-vous de la soupe et un peu de viande avec des pommes de terre ?
Le garçon comprit parfaitement :
— Minestrone et chevreau rôti, patates, répliqua-t-il d’un singulier accent où se composaient le germanique et l’italien… Cela convient ?
— Oui.
— Siouplet !
Et sur cette exclamation mystérieuse, jetée cette fois sur un ton affirmatif et péremptoire, il s’élança vers la cuisine.
Madeleine déjeuna de bon appétit. Elle mélangea même à l’eau qu’elle buvait le vin d’un petit carafon rouge qu’on avait posé sur sa table sans qu’elle le demandât. Aux autres tables, on parlait l’italien, qu’elle ignorait, et l’allemand, qu’elle entendait un peu, comme presque tous ceux de son pays. Deux hommes causaient en français à la table la plus éloignée, trop éloignée pour qu’elle perçût leurs paroles. Elle mangeait doucement, en réfléchissant. Elle percevait en elle une sorte de stagnation : non pas qu’elle fût moins décidée, mais elle ne sentait plus sur son bras cette main invisible qui la conduisait depuis son départ. Elle ne s’en alarmait pas. Elle attendait.
« N’est-ce pas, ma chère sainte patronne, je n’ai rien fait de mal pendant mon voyage ? Alors, je saurai tout à l’heure où je dois aller. »
Et lentement, mâchant les bouchées consciencieusement, elle achevait son repas.
— Madame désire du café ?
Plus tard, elle mit au compte des puissances invisibles qui la guidaient l’inspiration d’avoir répondu :
— Oui.
Car, si elle n’avait pas pris de café (ce qui n’était certes pas dans ses intentions en entrant), elle aurait quitté le restaurant presque tout de suite. Et ce fut au moins cinq minutes après que les deux Français se levèrent, payèrent, et qu’elle entendit au passage l’un d’eux dire à l’autre :
— Tu as vu dans le journal que le prince Paul…
La suite de la phrase fut perdue pour elle. Mais, aussitôt, avec sa décision coutumière, elle se leva et alla, sur la table des Français, prendre un journal qui traînait.
C’était une double feuille de petite dimension, la gazette de la station. Elle était rédigée en allemand et en italien, avec quelques annonces en anglais. Madeleine parcourut soigneusement la partie allemande. Il n’y était pas question du prince Paul. Elle s’appliqua à lire la partie italienne dont quelques bribes lui furent intelligibles : certainement, le nom du prince n’y figurait pas non plus. Et cependant elle était sûre, absolument sûre qu’elle tenait en main le fil conducteur de sa démarche. Il était là, quelque part, dans ces lignes noires, difficiles à lire… Ses yeux recommencèrent le pèlerinage ardu du texte italien. Tout d’un coup, elle fut éclairée intérieurement en lisant ceci :
Noi abbiamo notizie migliori del nostro illustrissimo ospite. La ferita accidentale, che s’è fatto cosi disgraziamente non s’è ancora chiusa e ne soffre ancora. Ma il signor Dottor Burcart che le cura non ha piu nessuna inquietudine. L’illustre ammalato non lasciera il suo appartamento al Palace Hotel se non prima d’esser completamente guarito.
Elle ne comprit ni notizie, ni ospite, ni bien d’autres mots encore. Mais elle comprit qu’il s’agissait d’un malade illustre, qu’on ne nommait pas, sans doute par discrétion (pareillement au couvent de la Quarantaine, la princesse royale avait fait récemment un séjour incognito), que son état n’inspirait plus d’inquiétude, et qu’il habitait le Palace-Hôtel. Une ardente joie la pénétra.
— Oh ! ma chère sainte patronne, que je vous remercie !… Voyons, que dois-je faire ?… Je vais demander une chambre ici pour me mettre propre et, si je peux, pour laver ma coiffe qu’on me laissera bien repasser à la cuisine.
Une foule de choses qui semblent impraticables ou compliquées aux privilégiés de la vie sont accessibles et réalisables pour les petits et les humbles. Quand Madeleine quitta le restaurant franco-suisse, non seulement elle était lavée, brossée, avec une coiffe étincelante sur ses cheveux clairs, mais elle était l’amie de la patronne du restaurant, une veuve qui faisait la cuisine et qui lui avait prêté volontiers sa planche à repasser, son amidon, son fer et son feu — de la fille de celle-ci qui l’aidait — et du garçon polyglotte qui, dans la circonstance, avait servi d’interprète bénévole. Au cours de l’entretien un peu décousu qu’elle avait eu avec eux, tout en repassant sa coiffe, elle avait appris, sans le demander et sans paraître s’y intéresser beaucoup, que le prince Paul achevait en effet sa guérison au Palace-Hôtel ; qu’il s’y faisait appeler M. Lazare ; qu’il avait avec lui un certain comte Osterrek et une infirmière anglaise, sans compter un valet de chambre et une femme de chambre que l’hôtel mettait à sa disposition exclusive ; qu’il ne s’était pas blessé lui-même, et qu’on savait très bien le nom de la puttana qui l’avait frappé d’un coup de stylet ; qu’il avait tenu à la faire échapper avant même de faire soigner sa blessure ; et que par conséquent ce prince, « qui était un grand polisson avec les femmes », était tout de même une sorte de héros.
Avant de se rendre au Palace-Hôtel, ce qu’elle entendait faire aujourd’hui même, Madeleine retourna prier et méditer dans la petite église noire et blanche. Ce fut, pour elle, une de ces oraisons presque passives où les âmes mystiques se laissent pénétrer par le vouloir céleste comme une arène de sable fin par la pluie. Telle dut être sainte Jeanne d’Arc durant la veillée de Chinon, quand on allait l’introduire auprès du roi. Paysanne aussi, la petite converse n’avait personne, elle, pour la conduire et lui faciliter l’accès auprès de celui qu’elle voulait atteindre. C’était beaucoup de présomption, elle le sentait, que de prétendre à être introduite dans la chambre d’un royal malade, gardé par une infirmière et par une sorte de chambellan, surtout après l’aventure scandaleuse telle que les gens du restaurant la lui avaient racontée. Elle se redit la parole de l’apôtre Paul : « Je ne puis rien par moi-même, mais je puis tout en Celui qui me conforte… » Elle resta en prières tant qu’elle sentit remuer dans les profondeurs de sa sensibilité un peu de peur, un peu d’hésitation, le vague désir de remettre, d’attendre les circonstances. Toutes ces velléités, elle en était sûre, étaient des suggestions du Malin ; on les désarme par la prière. Quand elle se leva et quitta l’église, elle était vraiment un automate intelligent, qu’une volonté étrangère à elle, acceptée par elle, conduisait.
Elle ne pénétra pas tout de go dans le vestibule du palais de craie ; elle en considéra l’entrée de l’extérieur ; elle observa les allées et venues des voyageurs.
Évidemment, au regard des possibilités humaines, il semblait plus facile d’entrer là-dedans vêtue en dame qu’en converse. Les femmes de chambre, bien que fort élégantes, se reconnaissaient parmi les dames. Il aurait fallu être costumée en femme de chambre élégante. Madeleine vit sa petite silhouette noire au chef blanc reflétée dans l’une des immenses vitres du hall. C’était une gageure que de s’habiller ainsi pour pénétrer là. Mais par cette évidence même, elle sentit sa résolution fortifiée et monta les marches du perron.
Le tournoiement de la porte à ailettes la jeta dans le hall au moment où le portier galonné surveillait l’embarquement en automobile d’une famille anglaise. Ce hall était fabriqué sur le modèle ordinaire. Une sorte de tribune d’acajou, face à l’entrée, était présidée par un jeune homme blond, coiffé à l’argentine et vêtu avec une élégance allemande d’une redingote noire. Des scribes, hommes et femmes, le flanquaient à droite et à gauche. Assis sur des fauteuils et des rocking-chairs, des touristes élégants fumaient, lisaient, prenaient du café ou du thé. Un pan de mur, à côté du téléphone, semblait réservé aux petits bagages des voyageurs. Un chauffeur en tenue, à demi endormi sur sa chaise, gardait un lot de précieuses valises. Madeleine alla s’asseoir modestement sur une autre chaise, non loin de lui. Personne d’abord ne parut faire attention à elle, même le portier, dont ses yeux rencontrèrent à plusieurs reprises le regard affairé et distrait. Puis elle remarqua, parmi les voyageurs assis en face d’elle, une dame d’un certain âge, élégante et encore jolie, et une jeune personne d’une vingtaine d’années qui paraissait sa fille. Ces deux dames, évidemment, s’intéressaient à sa présence et parlaient d’elle. Elle ne bougea pas. Tout d’un coup, la jeune fille se leva et lui dit en français, mais avec un fort accent britannique :
— Oh ! excusez-moi… Est-ce que vous n’êtes pas une religieuse de Bruges ? Une béguine ?
— Non, mademoiselle, répliqua Madeleine. Je suis chez les Dames de la Sainte-Quarantaine, encore assez loin de Bruges.
— Oh ! C’est que j’ai visité un certain béguinage de Bruges, avec ma mère, et votre bonnet est tellement pareil…
— Pas tout à fait, mademoiselle, je crois. Le nôtre n’a même pas d’ailettes.
— Oh ! réellement… Je vois. Vous m’excuserez ! C’est que nous avons aimé terriblement ces béguinages et tout le pays autour… Au revoir…
Madeleine la retint.
— Mademoiselle… Moi aussi, je voudrais vous demander quelque chose. Vous habitez l’hôtel ?
— Certainement.
— Voudriez-vous dire au monsieur du bureau que je désire lui parler… Je suis si dépaysée ici que je n’ose pas. Et j’ai quelque chose d’important à lui dire.
La jeune Anglaise éclata de rire.
— Oh ! Le monsieur du bureau n’est pas bien effrayant. Je vais lui dire… Attendez.
Elle courut légèrement à la tribune d’acajou. Le jeune élégant Allemand l’écouta avec déférence, puis, ayant regardé dans la direction de Madeleine, il quitta sa tribune, vint à elle, d’un air d’amabilité un peu contrainte et avec cet accent indéfinissable, international, qu’infligent à toutes les langues les portiers d’hôtel et les personnes royales :
— Que désirez-vous, ma Sœur ? dit-il.
Ils étaient en ce moment isolés tous deux dans le coin aux valises, près du téléphone.
— Monsieur, dit Madeleine, je voudrais voir M. Lazare.
Et comme le monsieur blond avait un léger sursaut.
— Oui. Le prince. Je lui apporte des nouvelles de Mme la comtesse d’Armatt, enfin… de… la princesse. J’étais auprès d’elle avant-hier, et je suis venue ici directement.
Pour soupçonneux que fût, par profession, son interlocuteur, il n’y avait pas moyen de douter de la sincérité de cette petite personne aux yeux gris.
Il pensa : « Seulement, c’est peut-être une folle. »
— Mais, ma Sœur, lui dit-il… Son Altesse, c’est-à-dire M. Lazare, est souffrant et ne reçoit personne. La consigne est formelle. Tout ce que je puis faire, c’est de remettre à son secrétaire, M. le comte Osterrek, la lettre de Mme la comtesse.
— Je n’ai pas dit que j’apportais une lettre de Mme la comtesse, corrigea Madeleine. J’ai dit que je venais donner de ses nouvelles.
Il lissa de sa main droite ses cheveux blonds, d’un air soucieux.
— Ach ! murmura-t-il, que c’est embarrassant !… que c’est embêtant !… Tenez, reprit-il, voulez-vous venir avec moi. Je vais prévenir le comte Osterrek. Il décidera ce qu’il lui plaira.
L’ascenseur ; une brève montée en compagnie du monsieur blond ; débarquement au deuxième étage. Appel du sommelier et conciliabule en allemand, à voix basse. Le sommelier conduit Madeleine dans un petit salon, et lui dit :
— Prenez place, ma Sœur, et veuillez attendre.
Il laisse Madeleine seule et referme la porte. Mais Madeleine entend bien qu’il ne bouge pas du corridor, en faction devant la porte.
L’attente est longue. Quel bonheur ! On a le temps de se recueillir et de remercier la chère patronne :
« Ce n’est pas moi qui ai parlé, c’est vous, sainte Madeleine. J’en ai trouvé des choses !… Et comme l’Évangile a raison de dire : « Ne vous préoccupez pas de ce que vous aurez à répondre. L’esprit répondra pour vous ! Oh ! n’importe qui peut venir, je n’ai pas peur. »
La porte s’ouvre, et un homme d’environ quarante ans, à figure bilieuse et fine, un peu chauve, vraiment élégant, celui-là, dans son complet gris beige, entre, referme la porte, va droit à Madeleine qui soutient le regard de ses petits yeux marron. Il parle avec une sèche politesse :
— C’est vous, ma Sœur, qui venez de la part de Mme la comtesse d’Armatt ?
— Je n’ai pas dit, répète tranquillement Madeleine, que je venais de sa part. Mais j’étais auprès d’elle avant-hier, et elle sait que je suis partie pour venir ici.
— Et où avez-vous laissé Mme la comtesse ?
Madeleine réfléchit un instant :
— Je le dirai au mari de Mme la comtesse.
Au tour d’Osterrek de méditer, tout en étudiant attentivement Madeleine.
— Ma Sœur, reprend-il, Son Altesse est malade, vous le savez sans doute. Un accident, une blessure… Vous comprendrez qu’il ne peut pas recevoir… (il allait dire « n’importe qui », mais il sentit confusément que l’expression n’était pas juste) recevoir… quelqu’un d’absolument inconnu, malgré son caractère… respectable. Je suis le secrétaire et l’ami de Son Altesse. Vous pouvez me parler comme à elle-même. Sinon… excusez-moi… mais nous devrons en rester là… et… peut-être mon devoir sera-t-il de vous faire interroger par qui de droit.
Comme on est fort contre les hommes, quand c’est hors des hommes qu’on prend sa force et son point d’appui ! Madeleine ne baisse pas les yeux et répond sans émotion :
— Ce que j’ai à dire, je ne le dirai qu’à Son Altesse. J’attendrai de la voir, voilà tout.
— Mais enfin, mademoiselle, s’écrie Osterrek, un peu énervé, mettez-vous à ma place. Je ne vous connais pas. Vous me dites que vous étiez avant-hier auprès de la comtesse… mais qu’elle ne vous a point mandatée… Et vous vous étonnez que je ne vous conduise pas auprès de mon maître ?
— Non, monsieur, je ne m’étonne pas.
— Je vous assure, insista Osterrek, que je n’y mets aucune mauvaise volonté.
C’est bien vrai, et voilà maintenant le fait paradoxal : ce n’est plus Madeleine qui a l’air de chercher à prolonger l’entretien, c’est Osterrek. C’est lui qui semble être passé « demandeur », comme on dit au Palais. Madeleine ne parle plus. Elle attend.
— Écoutez-moi, mademoiselle, reprend Osterrek… Vous avez l’air intelligente. Si réellement vous désirez voir Son Altesse pour une communication intéressante, il ne faut pas rendre la chose impossible… N’avez-vous pas sur vous quelque chose qui vous accrédite… de la part de la comtesse… une carte… une lettre… n’importe quoi ?
Jusqu’à l’instant où Osterrek prononce ces derniers mots, Madeleine n’a vraiment envisagé aucun moyen de s’accréditer auprès du prince : elle a buté sa volonté et sa patience, sans plus. Mais les derniers mots du comte lui suggèrent une idée, d’ailleurs empreinte de cette divine sottise que l’Évangile met au-dessus de la sapience humaine et, de plus, assez dangereuse. Elle ouvre son sac de moleskine noire et retire de sa profondeur un objet entouré de papier de soie. Elle le tend à Osterrek.
— Prenez garde, monsieur, c’est fragile.
Osterrek déplie le papier de soie.
— La comtesse d’Armatt, que je servais, me l’a donné.
C’est le bracelet-montre que Stéphanie a détaché de son poignet, quelques jours après son arrivée à la Quarantaine. Remis par Madeleine entre les mains d’un policier, il eût suffi probablement à la faire arrêter. Mais Osterrek a une bien autre finesse qu’un vulgaire policier, et justement cette témérité le convainc et le décide.
— Vous me permettez, dit-il, de montrer ceci au prince ?
— Bien sûr, monsieur… Je ne le considère pas comme à moi. Mme la comtesse me l’a donné pour les pauvres.
— Alors, prenez patience encore quelques instants. Je vais rendre compte à Son Altesse… Vous m’attendez ici ?
— Tout le temps qu’il vous plaira, monsieur.