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Mémoires de Céleste Mogador, Volume 3

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XXXVI
MA VOITURE.

Tout cela m'avait aidée à passer un mois. Le souvenir de Robert m'apparaissait bien souvent; je me cachais pour pleurer.

Richard vint me voir, il était tout pâle.

—Qu'avez-vous donc, mon ami?

—Il n'est venu personne aujourd'hui?

—Non, pourquoi?

—Voyons, me dit-il, en me regardant comme un fou, ne mentez pas; n'est-ce pas que vous l'avez vu?

—Ah çà, de qui me parlez-vous?

—De qui? mais de votre Robert que j'ai vu ce matin; il est à Paris; ne faites donc pas l'ignorante, vous le savez bien.

Je ne pus répondre, mes jambes fléchirent; ce fut moi, j'en suis sûre, qui devins pâle comme la mort; Richard me prit le bras et me dit en me serrant avec colère: Vous voyez bien que vous l'aimez toujours; vous êtes tremblante.

—Je ne vous ai jamais dit que je ne l'aimais plus. Je vous ai dit que je n'irais plus chez lui.

—Et moi, je vous dis que demain vous me sacrifierez, si c'est son bon plaisir; je suis le plus malheureux des hommes!

Il se laissa tomber sur une chaise, et fondit en larmes!

Je n'eus pas le courage de lui dire un mot de consolation, car je souffrais autant que lui. L'éloignement et l'isolement dans lesquels Robert vivait étaient ma force; mais l'idée de le savoir à Paris, peut-être avec une autre femme, me torturait. Je n'entendais que ma peine et le pauvre Richard était oublié.

—Voyons, lui dis-je, n'allez-vous pas faire l'enfant, et m'ôter mon peu de courage. Je ne le verrai plus, vous savez que je ne ferai jamais un pas à sa rencontre; il m'a déjà oubliée, pourquoi m'avoir dit que vous l'aviez vu; j'aurais ignoré sa présence.

—Je vous l'ai dit, Céleste, parce qu'il venait de ce côté, j'ai cru qu'il sortait de chez vous; je crois qu'il est revenu sur ses pas et qu'il m'a vu entrer ici.

Oh! l'égoïsme des grandes passions! Comme la nature est cruelle, comme le cœur est sans pitié pour les souffrances des autres, quand il saigne de ses propres blessures!

Richard, cet homme si bon, si dévoué, je le regardais avec fureur. J'aurais voulu le voir loin de moi. Au bout de quelques instants, il ne me fut plus possible de supporter cette torture. J'avais absolument besoin d'être seule.

—Tenez, Richard, allez chez vous, j'irai vous voir demain.

—Vous me renvoyez.

—Non, mon ami, je vous prie de me laisser seule, je suis souffrante.

Il se répandit contre moi en reproches, hélas! trop justes. Mais je n'étais pas disposée à les entendre.

Sa résistance me fatigua. J'ordonnai ce que je venais de demander. Il parut désolé, je n'y pris pas garde; j'étais aussi malheureuse que lui.

Robert était à Paris et n'avait pas cherché à me voir! Je ne lui avais même pas laissé un souvenir d'amitié; pourquoi? Que lui avais-je fait? J'eus vingt fois l'idée de prendre mon chapeau et d'aller courir les rues jusqu'à ce que le hasard me fît le rencontrer.

Ma bonne, qui montait, m'apporta une lettre; elle était de Robert, et contenait ces mots

«Je viens passer quelques jours à Paris: si vos occupations de théâtre ne vous retiennent pas trop, venez me serrer la main, je demeure rue Royale, et vous offre à dîner; si vous ne pouvez accepter, venez toujours cinq minutes, j'ai à vous parler.»

Je pris un petit fiacre et me rendis chez lui. C'était peut-être bien une faiblesse, mais la passion peut-elle inspirer autre chose?

Son appartement était à l'entre-sol, je vis sa figure derrière un rideau, il m'attendait.

—Comment, me dit-il, en venant au-devant de moi, une femme si élégante que vous sort en fiacre; votre amant n'est pas généreux; je vous avais pourtant bien lancée.

Je le regardais étonnée.

—Si c'est pour me dire cela que vous m'avez écrit, c'était inutile. Si peu qu'on me donne, je ne vous demande rien.

Je me dirigeai du côté de la porte. Il me rappela et me dit:

—Bon, vous avez le caractère mal fait à présent. Pardonnez-moi et faisons la paix. Je vous aime assez pour ne pas perdre de vue ce qui vous intéresse, je sais que vous êtes rentrée au théâtre; c'est un piédestal: vous devez avoir du succès comme femme; les hommes sont assez bêtes pour se monter la tête en regardant toutes ces baladines; enfin, si cela vous convient, tout est pour le mieux; je comprends maintenant pourquoi vous étiez si pressée de me quitter. Faites-vous de brillantes affaires? Oh! ne vous fâchez pas, vous pouvez me dire cela en ami; je veux vous aider; une fille comme vous ne peut sortir à pied, la police pourrait l'arrêter; je vais vous faire cadeau d'une voiture.

Il marcha sur moi. Ses yeux étaient ardents, ses lèvres blanches, il me faisait peur; je reculai de quelques pas, je le croyais fou.

Il reprit.

—Vous voyez bien que j'avais quelque chose à vous dire; j'ai à vous dire que vous ne m'inspirez plus que du dégoût. Quel moyen aviez-vous donc employé pour me fasciner? C'était de la magie, n'est-ce pas? Un honnête homme ne peut aimer une créature comme vous; j'étais fou quand je vous ai menée dans le château de mes pères. Pour vous, je me suis perdu dans la considération du monde. Que m'avez-vous donné en échange? un corps flétri, une âme vile, vous avez été ingrate, ignoble; vous n'avez pas respecté un seul jour le souvenir d'un homme qui avait tant fait pour vous.—Voilà ce que je voulais vous dire, vous pouvez aller le répéter à M. Richard qui vous attend sans doute en bas.

Il démasqua la porte pour me laisser passer.

Le sang m'était monté à la tête et m'avait aveuglée. Je faillis tomber à la renverse. Revenue à moi, je sentis mon cœur et mes artères battre violemment. La colère m'enveloppa, je devins une furie.

Je m'avançai à mon tour sur lui.—Ah! vous m'avez fait venir pour m'injurier; et de quel droit, s'il vous plaît? Du droit qu'a un lâche de faire une mauvaise action, du droit qu'on prend d'accuser les autres de ses torts pour s'excuser à ses propres yeux. Vous ai-je rien demandé? Ai-je cherché à vous détourner d'une bonne résolution? Vous ai-je entraîné à toutes ces folles dépenses? Me suis-je plainte de vos caprices? Vous devriez avoir honte du reproche que vous venez de me faire. Car je ne vous l'ai pas caché, je suis fille inscrite; il eût été beau à vous de m'aider à sortir de cette position avant de me conduire chez vous; si je ne vous avais pas confié cet affreux secret sur moi-même, vous me feriez aujourd'hui verser des larmes de sang; mais je vous regarde en face et je n'ai aucun reproche à me faire; vous m'avez prise, quittée, puis reprise et quittée; vous ne vouliez plus de moi, un autre m'a aimée. C'est un grand crime, n'est-ce pas? Comment! vous me jetez à la porte et un autre se permet de me ramasser! Si on pouvait noyer les femmes avec lesquelles on a vécu, cela serait plus commode, n'est-il pas vrai, monsieur le comte? Que voulez-vous? la justice est mal faite.

J'eus un rire nerveux qui me fit atrocement mal; je sortis en courant, j'étouffais. Dans la voiture je fondis en larmes. Je courus chez Richard lui raconter tout ce qui venait de se passer.

Il me plaignit et me reprocha doucement d'y être allée.

Je rentrai chez moi dévorée par la fièvre; c'en était trop. Robert me fit demander, il regrettait sans doute le mal qu'il m'avait fait, car il me connaissait. Il avait dû comprendre tout le désespoir que j'avais au cœur. Je refusai de le voir; il arriva derrière son domestique. Il ferma la porte du salon et vint s'asseoir près de moi; je me levai, j'allai ouvrir mon armoire; je pris dedans tous les bijoux qu'il m'avait donnés et je lui dis:—Une seule chose peut vous amener ici, monsieur, c'est le désir de ravoir ce que vous m'avez donné: je vous le rends, mais comme je ne veux pas qu'en sortant vous portiez ces bijoux à une autre, je les brise. Et levant l'écrin au-dessus de ma tête, je le lançai de toutes mes forces dans la chambre.

La boîte s'ouvrit, les diamants, les émeraudes et les perles roulèrent de tous côtés.

—Vous êtes folle! me dit-il en poussant la boîte du pied.

—Eh bien, oui, je suis folle de rage, je vous hais; je me vengerai de vous sur le monde entier, si je le peux. Allons, je n'ai plus rien à vous, sortez; mais sortez donc; vous voyez bien que je ne veux pas pleurer.

Je venais heureusement de gagner un fauteuil. Je me sentis défaillir, j'avais des colères affreuses, dangereuses même, car je perdais la raison. Quand la réaction arrivait, je fondais en larmes: puis j'étais malade plusieurs jours.

Robert sonna, me fit donner un verre d'eau et me dit:

—Ma présence ne devrait pas vous irriter, Céleste; j'ai eu tort et je venais vous demander pardon. Que voulez-vous? hier en arrivant j'accourais pour vous voir; car je n'avais fait ce voyage que pour me rapprocher de vous, j'ai rencontré M. Richard. Il venait ici, cela me fit perdre la tête; quand je vous ai reçue, j'étais encore sous cette influence.

Il voulut me prendre la main, je la retirai. Exaltée par la colère, je criais:

—Mon Dieu! faites-moi donc mourir! Oh! je me tuerai pour me délivrer de vous, Robert, et d'un monde qui me fait payer bien cher ma déchéance. Maudit soit le jour où j'ai fait le premier pas sur cette route qu'on vous montre, dans l'ombre, couverte de fleurs et d'illusions! Éclairez-la donc, mon Dieu! Faites donc voir l'abîme au bout! montrez les serpents qui vous suivent et qui vous fascinent pour avoir votre jeunesse par lambeaux. Allez-vous-en, laissez-moi, je suis maudite.

Robert se mit à genoux et chercha, par de bonnes paroles, à calmer l'espèce de délire dans lequel j'étais tombée. Quand je revins à moi, j'avais un peu oublié; ses yeux étaient pleins de larmes; il me disait:

—Pardonne-moi; je te jure de ne jamais recommencer.

—Je peux vous pardonner, Robert, mais je ne vous promets pas d'oublier.

Je passai toute la journée du lendemain dans mon lit; il ne me quitta point.

Je reçus une lettre de Richard:

«Je vous ai attendue toute la journée. Vous ne savez donc pas ce que c'est que d'attendre quand on aime comme je vous aime? Plutôt que de vous perdre tout à fait, je me résigne à tout; mais je veux vous voir, ne fût-ce que cinq minutes. Céleste, je vous ai aimée parce que j'ai cru que vous aviez bon cœur; ayez pitié de moi. Si je ne vous voyais pas demain, je ferais un malheur. Je sais bien que vous ne m'aimez pas comme lui, mais j'ai droit à votre amitié. Vous ne pouvez me réduire au désespoir, moi qui donnerais ma vie pour vous épargner une larme. Je veux croire que vous n'êtes pas libre de vos actions, pour avoir le courage d'attendre jusqu'à demain.

»RICHARD.»

Il avait raison, et sa prière était si douce qu'il m'eût été impossible de la repousser. Pourtant j'avais horreur de mentir, de tromper; c'est peut-être le seul privilége de la triste vie que je menais, de pouvoir dire la vérité, si dure qu'elle soit. Les détours que je dus employer me firent hésiter, et je dis à Robert: «Mon ami, je vais au théâtre, où je suis attendue.»

Il était, depuis cette scène, d'une tendresse et d'une douceur dont on ne peut se faire idée.

—Va, me dit-il, je t'attends ici.

Arrivée sur le boulevard, je me retournai pour regarder ma fenêtre. Il y était et me suivit des yeux aussi longtemps qu'il put m'apercevoir.

Quand j'arrivai chez Richard, il avait une grande boîte près de lui; il avait écrit plusieurs lettres, il écrivait encore.

—Ah! c'est vous! me dit-il en se levant, si pâle qu'il me fit de la peine; je vous remercie d'être venue. Ce qui m'était le plus douloureux, c'était de mourir sans vous revoir.

—Mourir! lui dis-je en lui prenant les mains pour le faire asseoir près de moi; mourir! vous, si jeune, si beau, qui devriez être si heureux! Voulez-vous bien ne jamais prononcer ce mot-là.

—Pourquoi pas, me dit-il, quand c'est le seul moyen de retrouver le repos perdu? Voyez, j'ai passé la nuit à écrire.

Il me montra les lettres que j'avais déjà vues, puis il ouvrit la boîte, prit un des pistolets qui se trouvaient dedans, et me faisant voir qu'il était chargé, il me dit:

—Je n'ai peur que d'une chose, c'est de me manquer.

Les plus douces natures sont celles qui éprouvent les plus violentes douleurs. Je ne doutai pas un instant qu'il ne me dît vrai, et que sa résolution ne fût prise.

Je courus près de lui.

—Remettez ce pistolet à sa place, Richard, vous me faites peur.

—Vous avez tort, Céleste, la mort! c'est le bonheur pour moi. Je vous aime comme un insensé, ce n'est pas de l'amour, mais du délire. Vous ne pouvez pas m'aimer; vous voyez bien qu'il faut que je meure. Qui donc me regrettera? mon père a été empoisonné à Maurice, j'avais douze ans. Ma mère est morte, j'en avais quinze. Personne ne me donnera une larme.

J'ai voulu vous mettre à l'abri du besoin.

Je vous laisse tout ce que j'ai; quand vous serez malheureuse, pensez à moi, on ne vous aimera jamais comme je vous aime.

En me disant tout cela, il tournait son pistolet dans ses mains; j'entendis un bruit, il venait de l'armer. Je me jetai sur lui et j'essayai de lui arracher son pistolet. Dans cette lutte, il y eut une seconde où le canon se trouva tourné du côté de ma figure.

—Lâchez-moi, disait-il, prenez garde à vous.

—Non, répondis-je en redoublant d'efforts, tuez-moi si vous voulez, la perte ne sera pas grande; mais, je vous en conjure, ne vous faites pas de mal.

Il fit un mouvement pour se dégager, le coup partit de côté et en l'air; la balle venait de briser mon portrait.

On accourait dans la pièce voisine, il me fit signe de ne rien dire; je m'appuyai à un meuble; son domestique entra tout effrayé!

—Ah! pardon, monsieur, de vous déranger, mais cette détonation...

—Ce n'est rien, dit Richard, je jouais avec mon pistolet, la détente est si douce que le coup est parti malgré moi.

Quand il fut sorti, Richard regarda mon portrait. La balle avait déchiré le front. Puis se retournant de mon côté, il me dit:

—Voyons, puisque vous ne voulez pas que je me tue, qu'est-ce que vous pouvez pour me faire supporter la vie?

—Je peux vous jurer, Richard, que je suis votre amie la plus dévouée. Si je vous avais rencontré plus tôt, comme je vous aurais aimé! Mais, que voulez-vous? on suit sa destinée, on ne la fait pas! Patientez un peu. Tout cela changera d'ici à quelques jours; peut-être pourrons-nous partir ensemble? Nous ferons un grand voyage, si vous le voulez; mais ne me désespérez pas, je viendrai vous voir.

—Vous me le jurez, Céleste?

—Oui, soyez raisonnable.

—Je vous le promets; quand reviendrez-vous?

—Après-demain.

Je rentrai chez moi tout émue de cette scène. Robert me regardait les yeux, il cherchait à lire dans mon âme...

Quelques jours se passèrent ainsi; Robert me connaissait trop bien pour ne pas s'apercevoir du changement qui s'opérait en moi; certes je l'aimais plus que tout au monde, mais je ne pouvais briser le cœur de Richard qui me menaçait sans cesse des plus folles extravagances. Cette position m'était pénible et me rendait triste, froide; Robert souffrait; je n'osais lui tendre la main. Une ombre se plaçait entre lui et moi.

Il me dit un matin:

—Je pars ce soir, vous devez être heureuse; votre liberté vous est si chère! Je voulais vous faire un cadeau avant de m'en aller, il n'est pas prêt; vous le recevrez sans doute demain.

—Mais, mon ami, je n'ai besoin de rien; vous avez eu tort de faire une dépense, quelle qu'elle soit.

—Si, ma chère enfant, votre théâtre est loin, il vous faut une voiture; je veux que vous soyez élégante, heureuse; moi, je suis un triste compagnon; vous serez plus gaie quand je ne serai pas là, je veux vous laisser jouir de la vie.

Cette situation double me pesait tellement, que pour la première fois j'accueillis la nouvelle de son départ sans regrets. Et puis, il faut bien encore une fois que je dise tout, au premier mot de voiture, mon imagination, toujours ardente pour les choses nouvelles, s'était enflammée. Robert partit le soir. Je passai la journée du lendemain à regarder par la fenêtre. A quatre heures, je vis un délicieux petit coupé s'arrêter à ma porte, un homme sauta du siége, tenant un papier à la main. Je descendis comme une flèche. L'on me demandait; cette voiture était bien pour moi. Elle était attelée d'un joli cheval bai. Le harnais était marqué à mon chiffre. Sur le panneau de la portière, une petite jarretière entourait mes initiales avec cette devise: Forget me not. Le coupé était peint en gros bleu: l'intérieur garni en soie de même couleur. J'en fis dix fois le tour, je montai dedans d'un côté, je descendais de l'autre, je touchais les garnitures d'ivoire, j'ouvrais et fermais les glaces, je regardais les passants d'un air triomphant. Dans ma pensée je leur disais: «Hein! qu'en dites-vous?» Ma joie s'arrêta court devant une réflexion: je ne pouvais monter tout cela dans ma chambre, où allais-je le mettre?

Tout avait été prévu. Robert avait loué écurie et remise rue Rougemont. Le cocher, habillé à l'anglaise, avait reçu l'ordre d'arriver à quatre heures, heure de la promenade. Je montai vite chez moi m'habiller. Dans mon trouble, je mis une robe verte, un châle rouge, un chapeau jaune; je devais avoir l'air d'un perroquet. Les deux heures que dure la promenade au bois me parurent bien courtes; tout le monde poussait des oh! et des ah! en me voyant. J'étais enchantée. Si ceux qui me regardaient ont compris le mouvement de mes lèvres, je leur disais: «Elle est à moi, ce n'est pas une voiture de louage.»

Ayant épuisé tous les regards des promeneurs, je rentrai chez moi. Arrivée au coin du boulevard de la Madeleine, j'aperçus Richard. Oh! misérable frivolité de la femme enchantée de son nouveau hochet! mon premier mouvement fut un mouvement d'orgueil.

J'étais ravie qu'il m'eût vue. Je le saluai et l'appelai d'un signe.

Mais ma voiture ne parut pas lui faire autant de plaisir qu'à moi. Il s'éloigna d'un air maussade.

Rentrée à la maison, je m'habillai d'une façon moins voyante, et me résignai à aller, à pied, faire une visite à Richard.

Au lieu de me complimenter sur la beauté de mon équipage, il me dit froidement:—Combien vous a-t-on fait de rentes pour entretenir ce train de maison?

Je me grattai le front sans répondre; il avait raison, c'était une lourde charge. Mais comme je voulais être heureuse, sans inquiétude, je fis la grimace en lui disant:—Je pars demain pour Giscars: je vais voir ma petite filleule.

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