Mémoires touchant la vie et les écrits de Marie de Rabutin-Chantal, (1/6)
CHAPITRE XIV.
1649-1650.
Réflexions sur l'effet des dissensions civiles.—Bussy ne se détermine que par son seul intérêt.—Arrestation des princes.—Effets produits par cette mesure.—Récit des circonstances qui l'ont amenée.—Rôle que joue Gondi au milieu de ces événements.—Bussy offre de vendre sa charge à Guitaut, qui s'y refuse.—Bussy ne se déclare pour aucun parti.—Il se marie.—Il continue à suivre le parti de Condé.—Il enlève en Berry le régiment du comte de Saint-Aignan.—Bussy est toujours amoureux de madame de Sévigné.—Il charge Launay-Liais de lui remettre une lettre.—Lettre de Bussy à madame de Sévigné.—Vanité de Launay-Liais.—Tavannes lui adresse un mot humiliant.—Launay-Liais avait toute la confiance de Bussy.—Bussy, par son secours, se rend en Bourgogne, et échappe aux ennemis au moyen d'un déguisement.—Réflexions sur les travestissements pendant toute la durée de la Fronde.
Les dissensions civiles, en se prolongeant, ne manquent jamais de montrer le triste spectacle des torts de tous les partis; ceux même qui y étaient entrés avec les penchants et les illusions de la vertu, honteux des souillures qu'ils ont contractées dans la lutte, finissent presque toujours par se renfermer dans le cercle étroit des intérêts individuels, et achèvent de se dégrader, en ne reconnaissant plus pour seul mobile de leurs actions qu'un lâche égoïsme. Alors tout amour du bien public s'éteint; les cœurs deviennent insensibles à toute généreuse sympathie; l'âme se flétrit, tout ce qu'elle avait de divin disparaît; semblable à ces aromates qui, après avoir répandu au loin l'odeur et l'éclat de leur ardent brasier, ont perdu par la combustion jusqu'à la faculté de s'enflammer, et ne forment plus qu'une cendre vile, sans chaleur, sans lumière et sans parfum.
Bussy n'était pas même au rang de ceux dont le patriotisme avait besoin d'être détrompé par l'inutilité de ses efforts: jamais il ne s'était laissé guider par d'autre motif que par son ambition, sa cupidité et les autres passions qui le dominaient. Quoique mécontent du prince de Condé, il n'avait pas hésité à suivre son parti, parce que c'était en même temps celui de la cour, dont il attendait des grâces. Lorsque la paix fut faite, il se disposait à quitter le prince et à s'attacher à Mazarin, qui était devenu la source des faveurs, tandis que Condé perdait tous les jours de son crédit. Bussy avait consenti, dans ce but, à vendre à Guitaut sa charge de capitaine de chevau-légers; Condé le pressait de conclure. Le 18 janvier 1650 Bussy était allé rendre ses devoirs au prince, qui lui demanda si son affaire avec Guitaut était terminée, ajoutant que l'argent de ce dernier était tout prêt. C'était le prince qui le lui prêtait. Bussy promit de terminer cette affaire sans perdre de temps; et en effet telle était son intention [273]. Mais le soir même il apprit que le prince de Condé, le prince de Conti, son frère et le duc de Longueville, avaient été arrêtés au Palais-Royal, au sortir du conseil, et conduits à Vincennes comme prisonniers d'État [274].
Cet événement inattendu, qui frappa de stupeur la cour, Paris, la France entière, paraîtrait inexplicable, si les Mémoires des principaux acteurs qui occupaient alors la scène politique, et qui pour cette seule année forment plusieurs volumes, ne nous avaient fait connaître jusque dans les plus petits détails les luttes secrètes des partis, la complication des intérêts individuels, la multiplicité des intrigues, qui rendirent un tel acte de l'autorité non-seulement possible, mais nécessaire. Autrement, on ne pourrait comprendre comment la reine et son ministre purent arbitrairement et injustement faire arrêter et conduire en prison le vainqueur de Rocroi et de Lens, le héros qui avait deux fois sauvé la France et la capitale des armes de l'Espagne, le prince du sang qui avait soutenu l'autorité du roi contre les Parisiens révoltés, le plus éminent des pairs de France; et cela sans qu'il eût conspiré contre l'État, sans qu'il pût être accusé d'aucun délit. On ne pourrait même deviner pourquoi toute la cour avait à se féliciter d'une si violente et si injuste rigueur; pourquoi le parlement, dont Condé avait maintenu l'autorité contre les séditieuses émeutes de la Fronde, ne songea pas à réclamer contre une telle atteinte portée aux lois du royaume, aux conventions protectrices de la liberté individuelle faites entre lui et le gouvernement; pourquoi, enfin, le peuple de Paris fit des feux de joie en apprenant la captivité de ce même prince dont il fêta depuis le retour par d'autres feux de joie, et des acclamations non moins unanimes et non moins bruyantes [275].
Notre sujet exige que les lecteurs connaissent l'enchaînement des scènes politiques qui amenèrent de si étranges résultats.
L'accommodement fait l'année précédente était plutôt une trêve entre les partis qu'une paix solide. Le parlement avait conservé le droit de s'assembler et de délibérer sur les affaires d'État, ce que la cour avait voulu empêcher; et Mazarin resta ministre, quoique le parlement, le peuple, les princes mêmes eussent désiré qu'il cessât de l'être. Ce qui prolonge l'infortune des États, c'est que rarement parmi les hommes qui se montrent les plus actifs et les plus habiles au renversement d'un gouvernement, il s'en trouve qui soient capables de le conduire; et quand ils existent, le sort s'arrange presque toujours de manière à ce que les circonstances les empêchent de se placer au premier rang. C'était à Gaston, oncle du roi, lieutenant général du royaume, qu'appartenait, de concert avec la régente, la principale direction des affaires; mais Gaston se reconnaissait lui-même trop faible et trop incapable pour prétendre à se charger d'un tel fardeau. Il ne voulait rien décider, et se trouvait offensé quand on décidait sans lui. Jaloux de l'influence de Mazarin, plus jaloux encore de celle de Condé, aucun des deux ne pouvait prétendre à gouverner avec lui; et cependant Gaston était assez puissant pour avoir un parti et empêcher qu'on ne pût gouverner sans lui: propre à s'opposer à tout, inhabile à rien exécuter. Lors même qu'Anne d'Autriche eût consenti à éloigner son ministre, à vaincre sa répugnance pour la Fronde et les frondeurs, elle n'aurait pu former un gouvernement avec les chefs de ce parti. Le duc de Beaufort, son chef nominal, était sans instruction et sans esprit. Gondi, son véritable chef, homme éloquent, spirituel, hardi, habile dans la conduite des affaires, dans l'art de se faire des partisans, brave, généreux, loyal même quand il suivait les mouvements de son âme et ses inclinations naturelles, était sans foi, sans scrupule, sans retenue, sans prévoyance, quand il s'abandonnait à ses passions, qui le poussaient sans cesse à un libertinage excessif et hors de raison. Un tel homme n'eût pu remplacer celui qui s'était depuis longtemps formé aux affaires de France sous un maître tel que Richelieu; qui, profondément dissimulé, était inaccessible à tout sentiment qui aurait pu déranger les calculs de son ambition. D'ailleurs, ainsi que Mazarin, Gondi eût eu contre lui les princes, et n'eût pu résister à leurs nombreux partisans. Gondi avait, par l'ascendant de ses talents, une grande influence dans le parlement de Paris; mais on s'y défiait de lui, et cette compagnie, dans sa composition hétérogène, offrait plutôt des moyens à l'opposition que des forces au gouvernement. Condé, à qui l'État devait sa gloire et le roi sa sûreté, était donc le seul sur lequel Anne d'Autriche aurait pu s'appuyer; mais ce jeune héros était sans capacité pour les affaires. Il n'aurait donc pu remplir le vide qu'eût laissé la retraite de Mazarin. Condé, dont l'orgueil était encore exalté par les flatteries des jeunes seigneurs qui formaient sa cour, et qu'on appelait les petits maîtres, n'usait de l'influence que sa position lui donnait que pour arracher de Mazarin les places et les grâces dont il pouvait disposer: lui et ses adhérents se montraient insatiables. Ainsi, Condé se rendait redoutable et odieux à Mazarin, et se faisait détester du peuple comme soutien de Mazarin, en même temps qu'il choquait, par son arrogance, le parlement, déjà indisposé contre lui à cause de son avidité et de son ambition [276].
Tel était l'état des choses, lorsque des circonstances singulières, qui accompagnèrent le meurtre d'un des domestiques de Condé, firent croire à ce prince que les chefs de la Fronde avaient conspiré contre lui pour l'assassiner. Il crut, par ce crime, avoir trouvé une occasion d'anéantir cette faction dans la personne de ses chefs, et il intenta un procès en parlement contre les auteurs de ce meurtre. La voix publique en indiquait particulièrement deux, Beaufort et Gondi; et Condé, par son accusation, espérait les forcer à quitter Paris, où ils trouvaient dans le peuple leur principal moyen d'influence. Mais en attaquant ainsi, et pour ainsi dire corps à corps, les deux hommes les plus populaires, Condé ne ménageait pas davantage le premier ministre. Il se conduisait avec lui avec tant de hauteur et d'arrogance, que la jeune noblesse qui entourait ce prince, lorsqu'elle voulait le flatter, appelait Mazarin son esclave [277]. Un gentil-homme nommé Jarzé, attaché à Condé, s'imagina follement que la reine régente avait du goût pour lui; et il osa lui faire parvenir une déclaration d'amour. La reine, en présence de toute la cour, le tança en termes très-durs sur sa ridicule fatuité, et lui défendit de jamais paraître devant elle. Le prince de Condé se prétendit blessé de l'affront fait à Jarzé; et dès le lendemain il alla voir le premier ministre, et exigea insolemment que Jarzé fût reçu le soir même chez la reine. Anne d'Autriche se soumit, mais ne put supporter une telle humiliation sans chercher à s'en venger. Dans le cœur d'une femme, tout ressentiment cède à celui de l'orgueil irrité. Un billet écrit au coadjuteur, de la main même d'Anne d'Autriche, amena près d'elle ce singulier archevêque, ce tribun si redouté. Des négociations avaient précédé cette entrevue. Les conditions de l'accord furent facilement stipulées. Gondi, avec une inexprimable adresse et un bonheur extraordinaire, se joua au milieu des intrigues qui en furent la suite. Il parvint à se rendre le confident de Gaston; il le fit renoncer à son favori l'abbé de la Rivière; il l'engagea dans la coalition qui venait de s'opérer entre la cour et la Fronde, et il obtint son assentiment pour l'arrestation des trois princes. Tout réussit: la reine régente, au moment du conseil, donna l'ordre fatal, puis se renferma dans son oratoire. Elle fit mettre à ses côtés l'enfant-roi, afin qu'il priât Dieu de concert avec elle pour obtenir l'heureux achèvement d'un acte tyrannique, qui devait produire dans le royaume de nouveaux malheurs et rallumer le feu des guerres civiles [278].
Aussitôt que Bussy connut l'arrestation du prince de Condé, il alla trouver Guitaut, et lui proposa de signer le traité, sur lequel ils étaient tombés d'accord; mais Guitaut s'y refusa, disant que l'argent dont il avait besoin devait être fourni par le prince, dont la captivité empêchait l'exécution de la promesse qu'il avait faite. Alors Bussy n'osa se déclarer pour la cour, comme il en avait le projet, parce que Condé l'aurait privé, et à bon droit, du prix de sa charge de capitaine-lieutenant des chevau-légers. Toutefois, il ne s'empressa pas de prendre parti pour un prince dont il croyait avoir à se plaindre. Il s'abstint d'aller au Palais-Royal; mais il ne rejoignit pas les autres officiers du prince de Condé, qui s'étaient renfermés dans Stenay et dans Bellegarde. Pour pouvoir garder une sorte de neutralité et tarder à se déclarer, il profita des soins et des préparatifs qu'exigeait son mariage projeté avec Louise de Rouville, cousine issue de germain de Marguerite de Lorraine, seconde femme de Gaston, duc d'Orléans. La mère de Bussy et son oncle le grand prieur de France le pressaient de conclure cette union, dans l'espoir de voir continuer le nom des Rabutins, dont Bussy était le seul rejeton mâle. Ce mariage se fit au mois de mai [279]. Dès lors, quoique le parlementent eût enregistré sans opposition la déclaration royale qui faisait connaître les motifs de l'arrestation des princes, quoique la Normandie et la Bourgogne se fussent soumises à la cour, cependant une partie de la Guienne, la ville et le parlement de Bordeaux, avaient levé l'étendard de la révolte et s'étaient déclarés pour Condé. Turenne et la duchesse de Longueville avaient, pour soutenir la cause des princes captifs, rassemblé des troupes à Stenay. Un fort parti s'était formé pour eux dans le parlement de Paris et dans toute la France. Toute la noblesse était à juste titre révoltée d'un acte aussi inique d'oppression envers un prince du sang, et envers un guerrier qui avait rendu de si grands services à l'État. Bussy, sans se priver du droit qu'il avait au remboursement de sa charge, ne pouvait hésiter plus longtemps à prendre le parti de Condé; il se déclara donc pour lui. Clémence de Maillé, femme du prince, qui dans cette crise déploya un courage et une force de caractère dont personne, et son époux moins que tout autre, ne l'aurait crue capable, s'était échappée de Chantilly, et s'était renfermée dès le 14 avril dans Montrond [280]. Ce château, qui depuis l'année 1621 appartenait à la maison de Condé, était alors bien fortifié, et dominait la petite ville de Saint-Amand dans le Bourbonnais. La princesse quitta Montrond pour se rendre à Bordeaux, où elle arriva le 15 juin [281]. Les ducs de Bouillon et de La Rochefoucauld, aidés du parlement et du peuple, se disposaient à y soutenir un siége contre l'armée royale; et la princesse, qui s'y était renfermée avec eux, envoya un exprès à Paris, pour donner l'ordre aux comtes de Bussy, de Tavannes et de Chastelux de se rendre à Montrond. Elle écrivit en particulier à Bussy pour l'engager, lorsqu'il serait dans le pays, à faire tous ses efforts, à user de l'influence que lui donnait sa qualité de lieutenant de roi de Nivernais, pour se rendre maître de la Charité-sur-Loire [282]. Bussy obéit; et, après avoir reçu à Montrond ses commissions, il ouvrit la campagne en Berry par l'enlèvement d'une partie du régiment d'infanterie du comte de Saint-Aignan.
Cependant ni la guerre ni le mariage conclu avec Louise de Rouville ne purent triompher de la passion que Bussy avait conçue pour sa cousine et le distraire de ses projets sur elle. Il l'avait laissée à Paris, toujours fidèle au parti de Gondi ou de la Fronde, et par conséquent actuellement dans celui de la cour et de Mazarin, réuni à celui de la Fronde, ou ayant fait avec ce parti un pacte momentané contre l'ennemi commun. Ainsi madame de Sévigné se trouvait contraire au parti des princes, dans lequel Bussy était engagé. Le sort semblait s'attacher à placer le cousin et la cousine, qui toujours désiraient se réunir, dans des camps opposés et ennemis. Launay-Liais, ce gentil-homme breton dont nous avons parlé [283], que madame de Sévigné avait recommandé à Bussy, et qu'il avait pris à son service, désira se rendre à Paris. Bussy le lui permit, et saisit cette occasion, que peut-être lui-même avait fait naître, pour envoyer à sa cousine la lettre suivante, datée de Montrond le 2 juillet [284]:
LETTRE DE BUSSY A MADAME DE SÉVIGNÉ.
«Au camp de Montrond, ce 2 juillet 1650.
«Je me suis enfin déclaré pour M. le Prince, ma belle cousine; ce n'a pas été sans de grandes répugnances, car je sers contre mon roi un prince qui ne m'aime pas. Il est vrai que l'état où il est me fait pitié; je le servirai donc pendant sa prison comme s'il m'aimait; et s'il en sort jamais, je lui remettrai sa lieutenance, et je le quitterai aussitôt pour rentrer dans mon devoir.
«Que dites-vous de ces sentiments-là, madame? Mandez-moi, je vous prie, si vous ne les trouvez pas grands et nobles. Au reste, écrivons-nous souvent, le cardinal n'en saura rien; et s'il venait à le découvrir et à vous faire donner une lettre de cachet, il est beau à une femme de vingt ans d'être mêlée dans les affaires d'État. La célèbre madame de Chevreuse n'a pas commencé de meilleure heure. Pour moi, je vous l'avoue, ma belle cousine, j'aimerais assez à vous faire faire un crime, de quelque nature qu'il fût. Quand je songe que nous étions déjà l'année passée dans des partis différents, et que nous y sommes encore aujourd'hui, quoique nous en ayons changé, je crois que nous jouons aux barres. Cependant votre parti est toujours le meilleur; car vous ne sortez point de Paris, et moi je vais de Paris à Montrond, et j'ai peur qu'à la fin je n'aille de Montrond au diable.
«Pour nouvelles, je vous dirai que je viens de défaire le régiment de Saint-Aignan; si le mestre de camp y avait été en personne, je n'en aurais pas eu si bon marché.
«Le sieur de Launay-Liais vous dira la vie que nous faisons; c'est un garçon qui a du mérite, et que par cette considération je servirai volontiers; mais la plus forte sera parce que vous l'aimez, et que je croirai vous faire plaisir. Adieu, ma belle cousine.»
Launay-Liais avait accompagné Bussy lorsqu'il partit de Paris en poste avec Tavannes, Chastelux et Chavagnac, et quelques autres officiers de Condé, pour se rendre à Montrond. Bussy et ses compagnons avaient tous pris, pour leur sûreté, des noms supposés. Launay-Liais voulut les imiter, et semblait éprouver de la difficulté à choisir un nom pour lui; Tavannes, qui trouva sa vanité ridicule, lui dit: «Prenez le nom que j'ai adopté, et je m'appellerai Launay-Liais; plus certain de me cacher avec ce nom mieux que qui que ce soit dans la compagnie.» Bussy, qui rapporte dans ses Mémoires [285] ce trait humiliant pour ce pauvre gentil-homme, eut beaucoup à se louer de ses services et de sa fidélité. Quand Bussy fut obligé de se rendre à Paris, et d'y demeurer déguisé, afin de conférer avec le duc de Nemours sur les moyens de servir la cause des princes, il avoue que Launay-Liais était le seul en qui il pût avoir une confiance entière. Deux mois plus tard, Bussy fut forcé de se déguiser encore pour se rendre en Bourgogne; la mort de sa mère l'obligeait à participer de sa personne à l'arrangement de ses affaires. Ce fut encore Launay-Liais qu'il employa pour achever heureusement ce voyage difficile, et dangereux pour lui dans les circonstances où il se trouvait. Bussy fit jouer à Launay-Liais le rôle du maître, et le faisait marcher en avant; tandis que lui, affublé d'une perruque noire, avec un emplâtre sur l'œil, et de tout point méconnaissable, suivait à cheval comme domestique, et portait la valise [286]. Jamais l'on ne vit un plus grand nombre de déguisements et de travestissements, même de la part des plus hauts personnages, que pendant les quatre années que dura la Fronde. Les aventures qui les rendaient nécessaires, ou auxquelles ils donnaient lieu, surpassaient tout ce que les auteurs des comédies espagnoles, alors à la mode, avaient imaginé de plus étrange, de plus inattendu et de plus romanesque.