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Sous le fouet : $b mœurs d'Outre-Rhin

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Paris, 28 juin 1914.

Ma petite Françoise,

En même temps que, par les journaux, j’apprends l’assassinat de Sérajevo, ta lettre reçue ce matin m’informe du prochain mariage de ton auguste « patronne ». J’imagine que cette suppression de l’héritier d’Autriche va jeter un froid sur votre cortège nuptial. Moi, ça me donne ce que je n’ai jamais eu : des pensées politiques !…

Sans être sorcier, je suis enclin à croire qu’il va y avoir, d’ici peu, en Europe, un fameux coup de torchon et je t’avoue, ma petite Françoise, que j’aimerais mieux, lorsque la bombe éclatera, te savoir sous l’aile de la Révérende Corbier que dans ce royaume archiducal.

Si tu étais seule, je te dirais : « Viens. Considère désormais ma maison comme tienne. » Mais je ne m’entendrais jamais avec une sœur dont l’affabilité, à mon égard, est comparable à la courtoisie du gendarme envers un vagabond maupiteux. Elle me déteste. Je ne puis la souffrir. Et il y a quarante-neuf ans que cela dure !…

Ma santé est fort mauvaise. Je ne me rétablis pas. Urémique, je devrais suivre un régime très sévère, mais ma gourmandise me l’interdit. Et elle a raison ! j’aime mieux claquer que de me priver de certaines joies.

Je suis content de t’avoir connue, ô Françoise-les-Bas-Bleus ! et je t’avoue que si la sale blague de mourir m’arrivait demain, cela m’ennuierait de n’avoir pas revu ta jolie figure de Muse frémissante.

De quel mystérieux atavisme tenons-nous, tous deux, un goût si vif pour les lettres ?

Les de Targes d’une part, les Falède de l’autre, ne se sont, que je sache, jamais soucié d’autre chose que de faire la guerre ou l’amour. Alors ?…

Je te baise les mains en te demandant de croire en la tendresse de

Jacques Provence.

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