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Le mal d'aimer

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IV

De sa fenêtre, France regardait sa sœur Colette qui escaladait adroitement les hauteurs du mail des Asseline ; puis, par les soins empressés de Paul, se voyait installée en place d’honneur, où, vêtue de rose, elle apparaissait comme une exquise aurore, très parisienne. Et France, admirative, en artiste, de la beauté de sa sœur, pensa que les Asseline pouvaient s’estimer fiers d’emmener une aussi jolie femme au Grand Prix de Deauville… Opinion qui était, d’ailleurs, celle de Colette elle-même, et pareillement de Mme Danestal, partie en landau avec Mme Asseline, devenue presque aimable.

Elle, France, s’était dispensée de cette promenade saupoudrée de poussière, ayant, depuis le commencement de la grande semaine, goûté bien plus qu’elle ne l’eût souhaité aux distractions d’ordre hippique offertes aux amateurs. Elle avait décliné l’invitation des Asseline, ravie d’une pleine après-midi d’intimité avec Marguerite, à qui elle avait promis la lecture du poème auquel, passionnément, elle travaillait depuis son arrivée à Villers.

Le mail avait disparu dans la foule des équipages de toute sorte qui filaient vers Trouville par la route sans ombre, allongée en bordure, derrière les dunes basses de la côte. France, une seconde, demeura à considérer l’horizon tourmenté d’un ciel lourd d’orage et la mer haletante, d’un vert glauque, que des nuages marbraient de nappes sombres… Puis, l’esprit traversé par l’idée que Marguerite, peut-être, avait besoin d’elle pour garder le remuant petit Bob, vite elle s’arracha à un spectacle dont elle n’était jamais lasse pour aller trouver sa sœur.

Une exclamation de plaisir salua son entrée dans le minuscule salon où Marguerite s’était réfugiée pour fuir l’étouffante atmosphère du jardin.

— Oh ! France, déjà ! Que tu es gentille de me sacrifier ainsi ton après-midi entière !

En guise de réponse, France embrassa sa sœur avec tant de tendresse que la jeune femme put être éclairée sur la valeur du sacrifice qu’elle lui faisait…

— Tu es seule, Marguerite ? André est déjà parti pour Trouville ?

— Non, pas encore. Il devrait être en route ; mais, après le déjeuner, je me suis trouvée un peu fatiguée et il n’a pas voulu me quitter.

— Et maintenant, chérie, tu es mieux ?

— Oui ; le temps orageux m’avait énervée. Les futures mamans, dans mon état, sont exposées à ces petites misères. Ce n’est rien !

France n’insista pas, sachant combien Marguerite redoutait qu’on prît garde à sa santé ; mais son regard anxieux s’attacha une seconde sur le visage altéré de sa sœur. La crainte l’effleurait que son beau-frère, par quelque parole malencontreuse, n’eût, une fois de plus, attristé Marguerite, trop aimante pour ne pas sentir le moindre froissement. Il entrait justement, très souriant, lui, habillé avec un soin raffiné, dont il était coutumier, la jumelle de courses en sautoir. Il se découvrit à la vue de la jeune fille ; et, courtoisement, baisa la main qu’elle lui tendait.

— Comment, France, vous êtes ici ? Pas aux courses ?

— Non, je n’aime ni la cohue ni la poussière. Et Marguerite, toujours hospitalière, veut bien me recueillir !

— Mais c’est une vraie joie pour elle de vous avoir !… Ainsi, je n’ai plus de scrupules à la laisser. Vous allez mieux, n’est-ce pas, Marguerite ? Votre mal de tête s’est dissipé ?

— Il se dissipera sûrement…

André ne répondit pas. Attentif, il passait dans sa boutonnière un merveilleux œillet qu’il venait d’enlever dans le vase de cristal placé près de la jeune femme. Il y eut un silence qui laissa entendre dans le jardin la petite voix de Bob entrecoupée de larmes.

— Qu’a-t-il donc ? fit Mme d’Humières tout de suite debout.

— Je vais voir, Marguerite ; ne t’agite pas, dit aussitôt France, qui avait l’intuition que sa sœur désirait être seule pour recevoir l’adieu de son mari.

Elle passa dans le jardinet, où Bob trépignait devant la chute d’un pâté de sable. Elle le calma ; mais discrète elle demeura près de lui, l’aidant à la construction d’une nouvelle pyramide. Par la fenêtre large ouverte, lui arrivaient cependant les paroles que sa sœur disait d’une voix assourdie :

— André, vous serez raisonnable cette fois, vous ne jouerez pas ?

— Mais non, mais non !… Je ne jouerai pas ; je serai sage comme les pauvres mioches qu’on mène dans les beaux magasins avec la seule permission de regarder, sans toucher à rien.

— André, promets-moi sérieusement, je t’en prie !… Sans quoi, toute la journée encore, je serai tourmentée !

— Et tu te rendras malade bien inutilement ; car je ne puis jamais oublier tout à fait que le jeu est un plaisir interdit aux pauvres diables comme moi ! Sois donc en paix, ma chère Minerve.

Elle insistait :

— Tu me promets que tu ne te laisseras pas entraîner quand tu verras jouer Paul Asseline et les autres ?

— J’aurai l’héroïsme d’un saint et je résisterai. Je me contenterai, pour toute distraction, de contempler les belles toilettes féminines, celles dont j’aimerais à vous voir habillée, petite Cendrillon, qui poussez vraiment un peu loin l’amour de la simplicité. Ah ! Marguerite, quand serez-vous coquette !

France entendit la voix un peu lasse de sa sœur répondre :

— En mon état, je n’ai vraiment que faire de l’être !

— Mais, au contraire, ma chère, vous devriez lutter pour triompher des malices de la nature. C’est là, justement, le grand art de la femme ! Je vous garantis que Colette le pratiquera.

— C’est qu’elle en aura les moyens, le loisir, la force et le goût ! Tout cela me manque, à moi, en ce moment !

— Ce qui est bien dommage pour vous et pour moi ! répliqua-t-il, un peu sèchement. Quand vous voudrez bien être plus élégante, j’en serai ravi !

France tressaillit, indignée. Ah ! comme elle eût voulu répondre à son beau-frère. Mais Marguerite, elle, disait simplement avec un peu d’ironie triste :

— Je serai élégante, du moins, j’essaierai de l’être, quand je ne me préparerai plus à être une maman et quand nous serons riches !

— Alors, ce n’est pas de sitôt !… Et vous seriez charitable de ne pas me le rappeler. Allons, ne parlons plus de tout cela !… Au revoir, Margot. Tâchez de ne pas vous ennuyer. Heureusement, vous avez France, aujourd’hui ; je vous laisse donc sans remords…

A l’accent d’André, France devina que son baiser d’adieu avait dû être bien léger. Il sortit de la maison et se trouva devant la jeune fille, agenouillée dans l’herbe auprès de Bob. Il lui lança un amical :

— Au revoir, France, je vous confie votre sœur.

Et il passa, après une petite caresse à Bob, qui avait couru vers lui en trottinant. France, encore un instant, joua avec l’enfant ; puis, le voyant de nouveau occupé à fourrager sur la pelouse, elle revint vers le salon dans la crainte que sa sœur n’eût besoin d’elle. Mme d’Humières n’avait pas dû bouger depuis que son mari l’avait quittée. Immobile sur la chaise longue, les mains tombées sur ses genoux, elle regardait loin devant elle, avec des yeux qui ne voyaient pas, dans l’infini de ce ciel d’orage, lourdement gris ; et, très lentes, de grosses larmes glissaient entre les paupières à demi closes.

Une angoisse éperdue bouleversa France qui s’était arrêtée sur le seuil de la pièce, n’osant aller vers la jeune femme dans la crainte d’être indiscrète. Mais Marguerite sentit tout de suite sa présence et, se redressant, tourna la tête pour cacher son visage… Déjà France était près d’elle, agenouillée à côté de la chaise longue, et ardemment, tout bas, comme une enfant, elle lui murmurait :

— Oh ! Marguerite, ma chère aimée, ne sois pas triste !

Elle n’osait rien ajouter, arrêtée par la crainte délicate de prononcer un mot qui pût être pénible à sa sœur.

Les doigts de Marguerite effleurèrent ses cheveux d’un geste tendre, tandis qu’elle disait, la voix assourdie :

— Ma petite chérie, ne t’agite pas pour moi ! Je suis nerveuse en ce moment, parce que je ne suis pas très bien portante. N’y prends pas plus garde que je ne le fais moi-même. Et surtout, ne t’imagine pas des folies à mon sujet.

— Je ne m’imagine rien, Marguerite, fit lentement la jeune fille.

Elle ne continua pas ; mais son regard achevait ce que sa bouche n’articulait pas, et le pâle visage de Marguerite se rosa une seconde ; elle sentait bien qu’elle ne pouvait tromper l’intuition du cœur aimant de France. Ses yeux graves arrêtés sur ceux de sa jeune sœur, elle dit doucement :

— France, crois-moi, on peut être heureuse encore, très heureuse, même quand on l’est autrement qu’on l’avait souhaité…

— Oh ! pourquoi l’est-on « autrement » ?

— Sans doute parce que, quand on est très jeune, on rêve des bonheurs si grands qu’ils sont irréalisables.

— Marguerite, penses-tu donc qu’ils le sont tous et toujours ?

Mme d’Humières eut un sourire mélancolique.

— Je pense que, du moins, il n’est pas donné à beaucoup de créatures de les posséder. Je pense que si l’on veut pouvoir se dire heureux, il faut très peu demander à la vie, se contenter des miettes de bonheur dont elle nous fait parfois la charité, n’avoir pas d’espoirs ambitieux, pour n’être pas déçu…

France avait écouté sa sœur avec une attention passionnée. Toute sa jeunesse se révoltait devant l’austère destinée évoquée par les paroles de la jeune femme.

— Et tu trouves qu’ainsi l’on est heureux ? Il faut être toi, ma dévouée grande sœur, pour avoir une pareille sagesse ! Jamais, moi, je ne me contenterais d’un aussi misérable bonheur ! Je suis prête à donner… ah ! beaucoup ! mais je veux recevoir autant que je donnerai… être aimée autant que j’aimerai !… Sinon, je préfère mille fois rester seule et libre toute ma vie.

Marguerite la regarda, les yeux pleins de pitié tendre. D’un geste maternel, elle posa sa main sur le front de la jeune fille restée tout près d’elle.

— France, tu parles comme une enfant. La vie n’est pas un roman… Tu le sais bien, pourtant…

— Mais chacun peut y avoir son roman, un roman très cher qui, seul, fait qu’elle vaille la peine d’être vécue…

Les mains de Marguerite se joignirent d’un geste inconscient ; et une contraction donna une seconde, à ses lèvres, une intense expression d’amertume :

— Moi aussi, France, quand j’avais ton âge, j’ai rêvé tout ce que tu rêves… et j’ai cru que je le trouverais… La réalité m’a appris que c’était là une illusion de petite fille et elle m’en a sagement guérie, pour mon bien… Seulement, ces guérisons-là s’achètent si durement que je voudrais, chérie, te préserver d’en avoir besoin !… Prends garde de vivre trop dans le rêve !

— Non, Marguerite, je ne vis pas dans le rêve, puisque je comprends parfaitement que je souhaite l’impossible, à peu près. Mais je suis comme celles qui ont eu, tellement belle, une vision, qu’elles ne peuvent plus l’oublier et se contenter d’une mesquine réalité !… Si je ne puis être aimée comme je veux l’être… eh bien ! je ne me marierai pas… Et je serai peut-être bien plus heureuse ainsi !

Mme d’Humières eut un geste de la main, comme pour arrêter la jeune fille. Entre elles tomba un silence, lourd de leurs pensées dont nul bruit extérieur ne les distrayait. Car, au dehors, c’était le grand calme des après-midi de dimanche, animé seulement par le murmure lointain de la mer, par de sourds grondements d’orage dans le ciel plombé. A peine, par instant, montait un éclat de voix, de quelque jardin tout proche.

France, d’un geste machinal, tourmentait les pages d’une Revue, les yeux tournés vers les eaux assombries qui frémissaient sous d’invisibles souffles. Mais elle rejeta le volume, car Marguerite reprenait lentement, comme si elle précisait une pensée gardée confuse en elle jusqu’alors :

— Ce n’est pas une destinée pour la femme de demeurer seule. Elle a besoin d’un compagnon et d’un enfant…

— D’un compagnon… oui, si ce compagnon doit être un protecteur, un soutien, un ami très tendre et très dévoué, comme il désire que la femme soit pour lui dévouée et tendre… Combien y en a-t-il ainsi ?

— France, France, tu parles de ce que tu ignores ! Tu es trop jeune, mon enfant chérie, pour bien juger les hommes… Tu ne les connais pas encore assez !

La voix de France s’éleva presque amère.

— Oh ! si, Marguerite, je les connais déjà bien… Dans le monde où nous vivons, on a très vite une vieille âme, trempée par l’expérience. Ne le regrette pas trop pour ta petite France, ma chérie… Mieux vaut être renseignée tout de suite ! Ainsi l’on s’évite peut-être de grosses désillusions, surtout de celles qui bouleversent quelquefois toute une vie…

France s’arrêta pensive, et sa sœur n’essaya pas de lui répondre, si mélancolique qu’il lui semblât d’entendre ainsi parler une enfant.

Elle voulait connaître toute sa pensée pour trouver les mots qu’il faudrait lui dire. D’ailleurs, France reprenait :

— Tu as protesté tout à l’heure, Marguerite, quand je t’ai dit que, sans doute, je ne me marierai jamais. Moi, j’ai tellement l’idée que ce sera, fatalement, ma destinée, qu’à l’avance je l’accepte et sans peine…

— Tu en es sûre, pourquoi ?

— Parce que je sais très bien dans quelle situation fausse se trouvent les filles sans fortune comme moi quand elles vivent dans un milieu tel que le nôtre… Qui m’épouserait ?… Les garçons riches recherchent les héritières… Les autres, les travailleurs, qui, eux, accepteraient peut-être bien une femme pauvre, sont effarouchés de notre élégance et ne devinent pas qu’elle est, très souvent, l’œuvre de notre adresse ; qu’elle ne nous empêche en rien d’être d’aimantes, fidèles, raisonnables petites femmes… Alors, que pouvons-nous devenir ?… Je ne me résignerai jamais, moi, à me marier comme veut le faire Colette ; et je ne suis pas bonne et généreuse comme toi, Marguerite… Jamais, non plus, je n’aurai la vertu d’être satisfaite dans une existence pétrie de calculs incessants, de préoccupations de ménagère, en gardant pour moi seule la plus lourde part des ennuis, des responsabilités, des devoirs… Ce qui me paraît une odieuse injustice !

Un sourire très doux glissa sur les lèvres de la jeune femme.

— Tu dis cela, France, parce que tu n’aimes pas. Autrement, tu saurais que c’est une vraie joie de se dévouer au repos de quelqu’un qui vous est cher… Et cela semble si naturel et si facile !

— Cela surtout le paraît à ceux qui en profitent ; tellement même, qu’ils ne songent guère à en être reconnaissants… Encore une chose qui me révolte, peut-être plus que bien d’autres injustices !

Les mots étaient échappés à France, tant ils étaient le cri de tout son cœur, tant elle était sincère toujours avec sa sœur. Elle les regretta quand elle vit devenir presque sévère le visage de la jeune femme dont les doigts avaient instinctivement saisi son anneau de mariage.

— C’est en pensant à André, n’est-ce pas, que tu viens de parler… Tu es dure pour lui… Pourquoi ?…

— Parce que, ma grande sœur chérie, il me semble qu’il ne te rend pas heureuse autant que tu le mérites…

— Je suis heureuse…

— Heureuse par lui ?… Comme tu l’avais rêvé, attendu, espéré quand tu es devenue sa femme ?… Oh ! Marguerite, si je pouvais le croire…

Ardemment, avec une infinie tendresse, les yeux de France interrogeaient ceux de sa sœur.

— Je suis heureuse différemment peut-être, fit Mme d’Humières d’une voix basse qui tremblait un peu ; mais je suis heureuse entre mon mari et mon enfant, mon beau petit Bob… France, ma chérie, crois-moi, je te parle en toute sincérité… Depuis notre arrivée ici, j’ai senti bien des fois que tu jugeais mal cette jeunesse morale d’André qui le rend si avide de distractions, de mouvement, même des plaisirs mondains dont il est sevré d’ordinaire… Mais c’est, justement, parce que je le vois jeune ainsi, que je ne veux à aucun prix lui apparaître comme une entrave maussade…

— Oui ; et lui trouve parfait que tu le gâtes déplorablement !

Une ombre de gaîté effleura, cette fois, le visage de Mme d’Humières.

— Je le gâte en quoi ?

— En tout !… Tu le traites comme s’il était le frère aîné de Bob ; un grand enfant auquel il faut tout passer et qui n’a, lui, d’autre souci à avoir que son propre plaisir, sans s’inquiéter que tu en jouisses ou non, que…

France ne continua pas. D’un geste faible, sa sœur l’arrêtait.

— Je te le répète, France, il est jeune ! Les années le transformeront assez vite !…

— Mais, toi aussi, tu es jeune… et tu uses ta jeunesse à garder pour toi seule la part des soucis.

Mme d’Humières eut un mouvement d’épaules.

— Qu’est-ce que cela fait… Il partage mes préoccupations quand il les connaît… Seulement, autant qu’il dépend de moi, j’évite de les lui faire connaître… Ici, surtout, je souhaite le laisser jouir de tout ce dont il se trouvera de nouveau sevré dans le petit pays perdu qui va être encore notre résidence. La pensée qu’il est content suffit pour que je le sois, moi aussi… Puisque Dieu m’a armée de courage et de patience, je puis bien attendre que l’avenir me donne, comme j’en ai la ferme confiance, André tel que je le souhaite… Vois-tu, ma petite France, — retiens-le pour plus tard, — nous autres femmes, nous, devons beaucoup pardonner, être patientes infiniment et ne jamais désespérer de connaître, un jour, le parfait unisson avec celui qui nous est cher par-dessus tout…

France répéta, pensive :

— Le parfait unisson…

— Oui, le vrai !… Non pas celui qu’on croit posséder aux premiers jours du mariage quand on vit dans une ivresse qui ne dure pas… qui ne peut pas durer…

— Oh ! pourquoi, Marguerite ?

— Parce que les jours qui passent en guérissent !… Bienheureux, les époux qui en guérissent en même temps…

France ne répondit pas. Elle sentait bien que sa sœur venait, peut-être involontairement, de penser tout haut. Pour le cœur aimant de la jeune femme, il avait dû y avoir des froissements, des révoltes que ses lèvres n’avoueraient jamais, dont elle avait triomphé, à un prix qu’elle seule savait, peut-être avec l’espoir que l’avenir et son influence feraient, de son mari, l’homme qu’elle avait cru rencontrer au temps de ses fiançailles… Et France, une seconde, la contempla avec une sorte de respect tendre, où il y avait une estime très haute. Puis, d’un élan, elle se pencha, et ses lèvres baisèrent la main de la jeune femme.

— Marguerite, ma chère aimée, tu as bien raison d’espérer dans l’avenir !… Il est impossible qu’un cœur comme le tien n’obtienne pas tout le bonheur qu’il mérite !

— Que Dieu t’entende ! murmura Mme d’Humières avec une ferveur grave… Et puis, maintenant…

Et elle changea de ton soudain…

— … Maintenant parlons de choses moins austères… Ma pauvre petite France, je t’ai attristée avec toutes mes réflexions décourageantes !… Pour que nous les oubliions, veux-tu me lire ton poème, comme tu me l’as promis ?… Seulement j’aimerais bien l’entendre avec la musique dont tu l’accompagnes. Allons trouver ton piano…

— Oui, si l’orage le permet. Regarde, Marguerite, voici la pluie…

De larges gouttes s’abattaient, en effet, sur le jardin poudreux ; et, dans le vestibule, on entendait la petite voix de Bob qui protestait parce que sa bonne le rentrait précipitamment.

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