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Les cinquante et ung arretz d'amours

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¶ Le .ix. arrest.

Par devant le marquis des fleurs et violettes d'amours c'est assis ung aultre procés d'ung amoureux demandeur d'une part & une jeune amye deffenderesse d'aultre part sur ledit amoureulx disoyt que tous les plus grans biens qui sont en amours/ c'est entretenir les cueurs l'ung de l'autre en perfaicte aliance et union d'amytié et que toutes et quanteffois que ung amant ou une dame est vaquant ou que elle s'entremect de complaire a plusieurs c'est signe que son cueur n'estoyt point entier en loyaulté et que l'on ne se doibt pas trop fier/ or se pressuppose disoit que ceste dame cy avoyt faict plusieurs promesses. Et entre les aultres que jamais elle n'auroit aultre que luy tant qu'il seroit vivant/ et luy pareillement a elle si en avoyent faict serment l'ung a l'autre sy grant et solempnel que faire peust en tel cas/ et ainsi se avoyent promys qu'ilz ne feroient chose a leur pouoir par quoy nul d'entre eulx y peust prendre ne avoit desplaisir/ mais ce nonobstant ladicte dame puis nagueres de temps en ça s'entremettoit d'entretenir plusieurs aultres gallans par parolles et tresbelles cheres deffendues en tel cas. Et oultre plus pendoit tous les jours en sa sainture et en sa quenouille boucquetz nouveaulx et fleurs estranges sans ce que ledit amant les luy ayt donnees dont il a ung peu de mal en sa teste/ car aulcunesfoys quant il est dedans son lict et s'esveille sur ce point il mect bien trois heures a soy endormir Et pource concluoit que sa dicte dame fust contraincte et condampnee a ne plus porter boucquetz ne fleurs en quelque maniere que c'est synon qu'il les luy donne ou qu'il en soit d'accord/ et aussy qu'elle ne face chiere a aultruy sinon a luy seul et ainsi qu'elle avoit promis et offert de sa part s'elle prenoit plaisir en fleurs/ et boucquetz de luy en faire bailler et avoir tous les jours tant qu'elle vouldra affin qu'elle n'eust occasion de prendre aillieurs De la part de ceste dame deffenderesse fut deffendu au contraire et dysoit que quelque promesse que feissent dames doibvent entendre civilement c'est assavoir la ou sera leur plaisir & ne donne encore jamais si grant auctorité qu'ilz n'en retiennent tousjours aulcune chose devers elles & qu'elles ne soient sur leurs piedz pour user de leurs voulentés et plaisirs car elles sont dames Disoit de rechief avecques ce que ledict amant a tort de se plaindre de ce qu'elle porte boucquetz et viollettes & qu'elle tient langaige a trop de gens Car supposé qu'elle luy ait promis de l'aimer bien & loiaument elle n'est pas pourtant liee ne obligee qu'elle puisse parler a aultre que a luy et prendre desdictes viollettes et boucquetz s'il ne luy en donne ung. Aussi le contract qui seroyt fait autrement ne se pourroyt soubtenyr car l'en scet que dames ne peuent renoncer aux biens qui leur peuent venyr et ont don et previleges de nature de rire & faire bonne chiere a tous affin que nulz ne puissent dire qu'elles soient mal gracieuses. Et appert bien que ledict amant est bien jeune simple et mal conseillé de intenter procés et fayre debat pour cecy. Car de tant qu'il auroyt vers elle plusieurs/ requerans et serviteurs et qu'elle l'avanceroit et aymeroit encore mieulx par dessus les aultres de tant auroit il plus de bien et en seroyt plus honnouré. Mais il entend mal son cas car il seroit content qu'on l'alast acoller devant tout le monde et qu'elle ne parlast a aultres que a luy affin qu'on die qu'il eust le bruyt qui n'est pas la maniere. Au regard des boucquetz et fleurs il a tort de s'en plaindre/ car elle a en sa maison des violettes et marjolaynes ou elle les prent. Et pose qu'on les luy donnast si n'y peust il avoir interest/ car l'imposition ne luy en est deue/ et si n'est chose ou l'en se doit gueres arrester veu que la fleur et odeur s'en passe de legier. Et quant a l'offre qu'il luy fait de l'en fournir respondit qu'elle n'en avoit cure/ et ne voulloyt point nullement du monde qu'il ait occasion de les luy reprocher si concluoit par ces moyens affin d'absolution et de despens. Sur quoy ledit demandeur disoyt au contraire que telz boucquetz perles et menues choses sont cause aulcuneffoys de esmouvoir les cueurs et faire bailler les bontés a aultres qui point ne s'en doubtent. Finablement partyes ouyes furent appointees en droit & par sentence s'y absolut ceste deffenderesse de impetrations et demandes de ce demandeur en luy permetant s'elle vouloit en tant que mestier estoit de parler rire salluer et porter boucquetz toutes et quanteffoys qu'il luy plairoyt et bon luy sembleroit. Et condampner ledit amant en ses despens dont il sentit grevé et appella en la court de ceans ou le procés a esté receu pour juger. Sy a la court veu ledit procés a grant & meure deliberation et que faisoyt a veoir en ceste matiere. Et tout veu/ dit qu'il a esté bien jugié et mal appellé et l'amendera l'apellant en le condampnant es despens de la cause d'appel la tauxation reservee par devers elle.

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