← Retour

Les cinquante et ung arretz d'amours

16px
100%

¶ Le .xxviii. arrest.

Ceans c'est complaint une femme de une sienne voisine/ disant que elle luy tient les plus rudes termes du monde car incontinent qu'elle voit ung homme qui vient parler a elle toute la journee elle ne cessera de quaqueter mal es voisines en gectant des petites pierres par une fenestre qu'elle a respondant sus la rue dessus les gens qui estoyent a son huys pour les en faire aller. Et puis quant on n'en tient compte ou que l'en ne s'en bouge/ elle s'en vient plainement a ladicte fenestre tousjours/ et dire dieu vous gard comme pour dire/ je vous voy bien et proferant plusieurs aultres parolles mal sonnant/ & encores plus elle non contente de toutes ses choses ycy tressouvent elle murmure & se elle a quelque robbe ou chapperon nouveau ceste femme deffenderesse va publier incontinent que elle sçait bien qui luy a donné & que tel l'a payé qu'on ne cuyderoit pas en luy faisant plusieurs autres oultrages et desplaisirs. Et pour ce requeroit icelle demanderesse qu'il fust deffendu a sa voysine de ne parler contre elle sur paine de luy parcer la langue et que sa fenestre par ou elle vient escouter les gens fust abatue & demandoit despens De la partie de ceste deffenderesse fut deffendu au contraire et disoit qu'elle avoit tousjours vescu paisiblement/ et n'eut jamais noise en la rue si non depuis que ladicte demanderesse y estoit venue demourer qui n'estoit contente des biens qu'elle a/ mais veult entreprendre sus les aultres et si luy semble pour deux/ ou troys robbes qu'elle a qu'on la doibt appeller ma dame et qu'elle doit supediter tout le monde. Or ne le vouldroit point ycelle deffenderesse la despryser/ mais aussi ne la souffriroit jamais a son pouoir entreprendre sus elle. Combien qu'elle y a bien tasché par plusieurs foys. Et est vray que par faulx rapors elle luy a soutrait ung des meilleurs chalans qu'elle eust pourquoy s'elle en est courroucee contre elle/ l'en ne s'en doit esmerveiller et s'elle a parlé contre elle aussi a la damoyselle/ et dit d'elle des maulx infinis dont elle laissera la vengeance a dieu qui sçait tout. Et quant est de sa fenestre elle est sienne & en sa maison. Parquoy elle y peult estre a toute heure ne ne la pourroyt on empescher qu'elle n'y viengne quant bon luy semblera. Au regard des chapperons/ et des robbes nouvelles disoit qu'elle n'a pas dit encores tout ce qui en est/ & que quant il fauldroyt nommer ceulx qui les ont donnees/ voirement elle les nommera bien parquoy de se plaindre d'elle & avoit la demanderesse moult grant tort Et au surplus concluoit affin de absolution et de despens. A quoy ladicte demanderesse respondit disant qu'il vauldroit beaucoup myeulx estre logé aux champs que emprés une femme envieuse/ car elle ne se peult taire tant est courroucee du bien d'aultruy & si en est le service d'amours empesché par ce que plusieurs entreprinses se pourroient faire qui en son rompus et advient moult voulentiers que par telles malles bouches l'honneur est sans cause tolu. et donne l'en charge a ceulx qui n'en peuent mais/ et semble que veu que on ne luy dit mot et aussi qu'on n'entreprent rien sur elle qu'elle deust bien estre contente Mais elle aymeroit mieulx mouryr qu'elle ne parlast ou dist mal d'ung chascun & ne vit d'autre chose oultre ladicte demanderesse que sadicte voisine a bien grant tort et luy venoyt de ung faulx couraige de venir escouter les parens et amys/ et de gecter des pierres pour les faire departir Disoit aussi pareillement que en sa vie ne fist ung rapport maulvais de ladicte deffenderesse ainçoys luy vouldroit a son pouoir garder son honneur comme le sien. Et s'elle avoit aussy bonne voullenté et desir comme elle certainement il ne fauldroit point plaidoier. Surquoy ycelle deffenderesse disoit au contraire que sa partie adverse n'est q'une flatteresse et baveresse/ et que avant qu'elle y venist chascun estoit bien d'accort et sans murmure/ mays maintenant l'on n'oyt que debat et noyse pour et a l'occasion d'elle. Finablement parties ouies elles ont esté appointees en droict et a mectre devers la court et au conseil. Si a la court veu et visité ledict procés/ et tout ce qu'il failloyt veoir en ceste matiere et tout veu et consideré : dict que la fenestre par ou ladicte deffenderesse vient escouter les gens et getter les pierres sera seellee et muree comme une chose condampnee. Et au surplus deffent la court a chascune des parties qu'elles ne parlent l'une a l'encontre de l'autre en quelque façon ne maniere que ce soyt sinon en tout bien et en tout honneur sur peine de la hart et de confisquation de corps et de biens.

Chargement de la publicité...