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Les cinquante et ung arretz d'amours

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¶ Le .xlv. arrest.

En la court de ceans c'est complainct et dolu ung gentil compaignon amoureulx de une jeune dame et maistresse/ disant que ja pieça pour l'amour d'elle il entreprint de jouster et mettre son corps a l'adventure affin qu'elle congneust qu'il l'aymoit merveilleusement par dessus toutes autres. Et a ceste cause feist faire harnois et habillemens qu'il devisa a sa plaisance/ et ou il feist mettre la livree de sadicte dame et avec ce eut chevaulx lance et housse de mesmes et luy estoit bien advis qu'il portoit la devise de sadicte dame que son cheval ne luy pouoit perir ne estre en danger ainçois que a l'ayde d'elle de la bonne querelle qu'il pretendoit il viendroit au dessus de son entreprise & en ceste intencion se disposa de jouster et se trouver sur les rencz bien en point comme il est acoustumé de faire en tel cas/ mais quant vint au departir qu'il cuydoit trouver sadicte dame pour avoir sa benediction elle faignit d'estre malade en se faisant excuser & dire qu'elle ne pouoit parler a luy ne luy bailler cueur ne courage de gaigner tellement que ceste journee il ne feist pas ce qu'il voulut & ne peult avoir honneur comme il eust eu sans difficulté ce ne eust esté les reffus de sa dame/ & dont par ce moyen elle estoit tenue le recompenser/ et pource requeroit a l'encontre d'elle qu'elle fust condampnee a le desdommager de la perte qu'il avoit faicte & de ses interestz qui estoyent bien grans/ au moins qu'il declairé qu'elle avoit esté cause de son mal par le moyen dudit reffus en la condampnant a le recompenser ainsi que la court l'adviseroit. de la partie de ladicte deffenderesse si fut deffendu au contraire & disoit qu'en sa vie ne luy conseilla de jouster ne n'en fut consentant ne par elle ne pouoit estre plus advancé ne diminué car son conseil ou aide ne lui pouoit de rien proffiter/ disoit avec ce que sa benediction ou sa parolle ne luy pouoit guieres aider en tel cas/ mais il suffisoit au demandeur de prendre son excusation sur cela qui n'estoit pas suffisant attendu qu'il pouoit bien ymaginer qu'elle eust esté aussi joyeuse de son bien comme lui mesmes. et quant est du reffus de luy ayder et bailler couraige jamais ne luy reffusa mais alors que il vouloit parler a elle estoit mal disposee tellement qu'elle ne peult venir parler a luy. et disoit que quant elle sceut qu'il devoit jouster elle pria alors pour lui affin qu'il eust l'honneur parquoy il devoit souffire Et par ses moyens concluoit affin d'absolution surquoy ledit amant demandeur pour ses replicques disoit que se elle eust seulement dit a dieu/ ou quelque autre mot son cheval fust allé plus joyeusement & n'eust trouvé homme qui luy eust peu resister. Et ainsi en estoit tenu tout du long. Finablement parties ouyes elles ont esté apointees en droit veu et consideré la court condampné ladicte deffenderesse a habiller vestir et armer ledit amoureux demandeur la premiere foys que il vouldra jouster & a conduire son cheval par la bryde tout du long des lices ung tour seullement et aprés cela fait sera tenue bailler sa lance en disant a dieu mon amy ayez bon cueur & ne vous soulciez de rien car on priera pour vous

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